Non, les Français ne sont pas climatosceptiques

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Les Francais climatosceptiques vignette Bon Pote
©Crédit Photographie : Montage Bon Pote | Valentine Michel
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Loin d’être climatosceptiques, 9 Français sur 10 constatent que le dérèglement climatique est en route et 35% pensent même qu’il est déjà trop tard, un sentiment qui progresse fortement (+5 pts en 3 ans)

C’est le résultat d’un sondage Odaxa-IFI publié en septembre 2025. Enfin une bonne nouvelle, assez rare pour la partager et la discuter. Ce résultat dit surtout le contraire de ce qu’avait publié le gouvernement en fin d’année 2024 “les Français sont de plus en plus climatosceptiques selon l’Ademe“, où selon les résultats, nous aurions pu conclure qu’il y avait entre 25 et 40% de climatosceptiques en France.

Comment analyser les chiffres derrière ces sondages et est-il vraiment possible de connaître le pourcentage exact de climatosceptiques en France ?

Les Français ne sont pas climatosceptiques (enfin, très peu)

Tout d’abord, il faut définir c’est qu’est un(e) “climatosceptique”. Un climatosceptique est une personne qui remet en cause le changement climatique d’origine anthropique, c’est-à-dire d’origine humaine. Selon elle ou lui, c’est ‘un réchauffement naturel‘, le climat a toujours changé, cela fait partie d’un cycle, et l’Homme n’est pas (ou peu) responsable de ce réchauffement.

Parmi les climatosceptiques, il existe une catégorie qu’on appelle le dénialisme, qui nit tout simplement l’existence du changement climatique, qu’il soit d’origine humaine ou non.

L’un des sondages les plus importants depuis maintenant 26 ans est celui de l’ADEME et Opinionway. Une référence avec 200 pages de réponses sur les Français et les représentations sociales du changement climatique. Ils et elles sont interrogés sur l’importance accordée au réchauffement climatique, la perception du discours scientifique, les conséquences du réchauffement climatique, l’adaptation et les solutions.

C’est notamment dans ce sondage où l’on constate qu’un tiers des Français pensent que les scientifiques ne sont pas tous d’accord sur le fait que l’augmentation de l’effet de serre entrainerait un réchauffement de l’atmosphère de la Terre, ou que le changement naturel ne serait pas d’origine humaine.

La perception du discours scientifique sur le réchauffement climatique – Source : sondage ADEME 2025

Ils sont également 28% à penser que les scientifiques exagèrent les risques. C’est bien sûr faux, mais c’est un discours qui est répété par certains éditorialistes et politiques conservateurs.

NB : cet article n’est pas là pour rappeler les faits scientifiques ou comment fonctionne le GIEC . Si vous avez un doute sur le GIEC ou sur l’origine humaine du changement climatique, des articles spécifiques sur chaque question sont disponibles sur le site Bon Pote, en accès libre.

Connaître la part exacte des climatosceptiques varie.. selon les questions

Si l’évolution d’un même sondage sur le temps long peut-être intéressant à étudier, la méthodologie et les questions posées des sondages rendent très difficile l’objectif de connaître la part exacte des climatosceptiques en France.

Ce sont également les conclusions de l’enquête de Parlons Climat sur la quantification du phénomène. Voici les 4 points clefs retenus :

  • Il est difficile de quantifier précisément le nombre de climatosceptiques en France tant les effets de questions, de panels et de temporalité jouent à plein, et diffèrent selon les enquêtes.
  • On retiendra qu’environ un tiers des Français, une part importante donc, émettent des doutes quant à l’origine anthropique du changement climatique.
  • Les modalités de réponse incluent ces dernières années dans les sondages permettent de nuancer le doute, entre un scepticisme “mou” ( = “je n’ai pas d’avis”) et un scepticisme “dur” ( = nous ne vivons pas de changement climatique”).
  • Les dénialistes, ces individus qui nient l’existence du changement climatique, représentent une part marginale des climatosceptiques (exception faite des enquêtes réalisées par IPSOS).

Un portrait type du climatosceptique ?

Notons également qu’un portrait type du climatosceptique est très difficile à réaliser. Toutes les catégories d’âge sont concernées : c’est bien l’ensemble de la société française, sans exception.

En revanche, et comme le souligne l’étude de Parlons Climat, on note davantage de climatosceptiques au sein des milieux populaires et chez les personnes de plus de 65 ans. Les individus de droite et d’extrême-droite sont également en moyenne plus enclins à remettre en cause le consensus scientifique.

Cela ne surprendra pas grand monde, dans la mesure où les partis politiques de droite et d’extrême-droite entretiennent des discours climatosceptiques depuis des années en France, à l’instar du député d’extrême-droite Thomas Ménagé qui avait déclaré que le GIEC avait “parfois tendance à exagérer” :

Cela ne surprendra pas grand monde, dans la mesure où les partis politiques de droite et d'extrême-droite entretiennent des discours climatosceptiques depuis des années en France, à l'instar du député d'extrême-droite Thomas Ménagé qui avait déclaré que le GIEC avait "parfois tendance à exagérer" :
Source : Radio France, 21/08/2023
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Les Français sont-ils conscients des dangers du réchauffement climatique ?

La réponse à cette question est très largement OUI, mais encore une fois, les nuances et perceptions dépendent grandement des questions.

Pour le sondage Odoxa- ICI, seulement 8% des Français indiquent qu’ils ne croient pas à un dérèglement climatique lié aux activités humaines et 4% que l’impact du dérèglement climatique restera acceptable et supportable. C’est ici quasi unanime, l’immense majorité d’entre eux sont bien conscients des dangers actuels et à venir du réchauffement climatique. Les canicules, les sécheresses et les pénuries d’eau arrivent par ailleurs en tête de ces menaces :

D’autres points de ce sondage sont particulièrement éclairants. 28% des Français déclarent qu’ils pourraient déménager pour habiter dans une commune moins exposée aux risques climatiques et 12% pourraient même changer de région (ces derniers se dirigeraient en tout premier lieu vers la Bretagne).

Alors que la mairie est la collectivité à laquelle ils font le plus confiance dans ce domaine, 77% des Français estiment que leur maire ne met pas assez d’actions en place pour lutter contre le dérèglement climatique. Parmi eux, si 33% considèrent que c’est parce qu’il manque de moyens, ils sont 44% à penser que c’est parce que ce n’est pas une priorité de son action

Enfin, les trois priorités pour les maires sont renforcer la végétalisation de l’espace urbain (67%), limiter les constructions et la bétonisation (64%) et éduquer les habitants à de bonnes pratiques écologiques (56%). Cela confirme nos 10 propositions pour la mobilité et les espaces publics sur Bon Pote. Les nombreux retours d’expérience montrent que réduire la place de la voiture individuelle, donner des alternatives et végétaliser les villes est non seulement possible mais aussi très largement plébiscités par les citoyens et citoyennes !

Un tiers des Français pensent “qu’on s’adaptera sans trop de mal”

Dans le sondage référence de l’Ademe – Opinionway, la perception des conséquences futures du changement climatique diffère légèrement. Interrogés sur les conséquences futures du changement climatique d’ici une cinquantaine d’années, on peut y lire que 30% des Français pensent qu’il y aura des modifications de climat mais qu’on s’y adaptera sans trop de mal.

Au même titre que de croire que le réchauffement climatique n’est pas d’origine humaine, il est grave de penser que les Français pourront s’y adapter sans “trop de mal”. Non seulement les Humains ne se sont jamais adaptés sans de graves conséquences, mais il existe des limites dures à l’adaptation qui seront dépassées bien avant que le réchauffement mondial atteigne +2°C. Au rythme actuel, cela signifie avant 2040 en France.

Si vous avez un doute sur cette adaptation “sans trop de mal”, lisez cet article co-écrit avec Magali Reghezza.

Le réel danger : les climato-rassuristes

Si le climatoscepticisme pur et dur a quelque peu disparu des discours politiques et des grandes entreprises en France, dû moins pour l’instant, c’est pour laisser place à un autre danger : les discours de l’inaction.

Ces discours reconnaissent le changement climatique d’origine anthropique, mais auront soit tendance à minimiser les conséquences, soit vous diront qu’il est trop tard ou que l’innovation technologique permettra de régler le problème.

Les discours effondristes, qui pensent qu’il est trop tard pour agir, sont courants et sont mise en évidence dans les différents sondages. Dans le sondage Odoxa – ICI, 35% des Français pensent qu’il est déjà trop tard et qu’on ne peut plus éviter un dérèglement climatique de grande ampleur. Il faut donc le dire et le répéter : il est déjà trop tard pour éviter certaines conséquences, mais il ne sera jamais trop tard pour agir et éviter le pire.

35% des Français pensent qu'il est déjà trop tard et qu'on ne peut plus éviter un dérèglement climatique de grande ampleur.

Si le discours effondriste est boudé par la plupart des politiques, d’autres sont en revanche particulièrement prisés, comme le whataboutisme. Dernier exemple en date, Monique Barbut, la nouvelle ministre de la transition écologique, qui remplace le fameux “la France c’est que 1% des émissions de CO2” en reprenant la même rhétorique à l’échelle européenne :

"L'Europe pèsera 4% des émissions de CO2, cela changera quoi au changement climatique ? RIEN"Bravo à la nouvelle ministre de la Transition Ecologique Monique Barbut et ce joli whataboutisme, un classique de l'inaction. Si vous attendiez encore quelque chose de ce gouvernement, c'est réglé.

Bon Pote (@bonpote.com) 2025-11-18T09:52:50.203Z

La redirection de la responsabilité est également un grand classique, avec la mise en avant d’éco gestes, sans jamais agir concrètement pour des changements structurels. Un chiffre marquant : bien qu’ils soient très motivés pour s’engager personnellement, les Français privilégient encore des écogestes déjà répandus ou dont l’impact reste limité comme consommer uniquement des fruits et légumes de saison (68%) ou limiter sa consommation d’eau (68%).

Un chiffre terrible qui souligne le manque de connaissances des ordres de grandeur par les Français. Un seul conseil : simuler son empreinte carbone, voir où sont les principaux leviers, tout en gardant en tête que c’est aux entreprises, collectivités locales et à l’Etat de mettre en place des changements structurels pour faciliter les changements de mode de vie des Français.

Face au climatosceptiques : changer de stratégie ?

Affirmer que les “Français sont climatosceptiques” est donc un raccourci qui ne saurait représenter de manière factuelle le rapport des Français au changement climatique. La part des climatosceptiques purs et durs est faible, et le vrai danger actuel est plutôt représenté à travers les discours qui minimisent les conséquences du changement climatique ou qui mettent en avant de fausses solutions.

L’étude Parlons Climat évoque également un point qui mérite d’être discuté et qui ne manquera pas d’alimenter les débats. Selon cette étude, le prédicteur le plus fort du climatoscepticisme est le rejet du sujet environnement et des mouvements écologistes. Des figures de l’écologie ont mis ce point en avant en remettant en cause, peut-être à juste titre, les discours et méthodes actuels des partis et mouvements écologistes.

Mais ce serait oublier l’immense responsabilité du système politico-médiatique français qui dénigre de façon systématique toute remise en question du système actuel, du manque de soutien aux scientifiques et des acteurs qui dépensent des millions chaque année pour bloquer tout changement de système. Le climatoscepticisme est un fond de commerce rentable et rejeter la faute sur les “mouvements écologistes” serait mettre de côté des intérêts politiques et financiers qui entretiennent le doute depuis des décennies.

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Auteur
Thomas Wagner
Prendra sa retraite quand le réchauffement climatique sera de l’histoire ancienne

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