Star Wars sans Dark Vador : le rôle des médias vu par le GIEC

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GIEC MEDIAS VIGNETTE
©Crédit Photographie : Bon Pote / Valentine Michel
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Quel rôle le GIEC a-t-il donné aux médias dans son dernier rapport ?

Le GIEC fait la synthèse de la littérature scientifique à travers 3 groupes. Le premier rapport traite de la compréhension physique du système climatique et du changement climatique, le second porte sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité des sociétés humaines et des écosystèmes, tandis que le dernier aborde les solutions globales à mettre en œuvre pour atténuer le changement climatique et ses effets. Vous pouvez retrouver une synthèse de chaque groupe dans le parcours ‘GIEC’ sur le site Bon Pote.

Il existe un résumé pour les décideurs, validé et signé par tous les pays, un résumé technique et un rapport complet pour chaque volet. La place des médias est dans le 3e groupe, celui sur l’atténuation, soit les solutions au changement climatique.

Que dit exactement le dernier rapport du GIEC sur les médias ?

Dans le résumé pour les décideurs, le résumé le plus lu par les journalistes et décideurs politiques, les médias ne sont mentionnés qu’une seule fois, au milieu d’autres acteurs : “une gouvernance climatique efficace et équitable repose sur l’engagement des acteurs de la société civile, des acteurs politiques, des entreprises, des jeunes, des travailleurs, des médias, des peuples autochtones et des communautés locales (confiance moyenne)“.

C’est plutôt maigre, voire très maigre, quand on sait à quel point les médias façonnent l’opinion publique.

Dans le résumé technique d’une centaine de pages, on trouve cette fois plusieurs références aux médias, avec à la fois une analyse historique, quantitative mais aussi qualitative :

  • “Un large groupe d’acteurs influence l’évolution de la gouvernance climatique au fil du temps, notamment diverses organisations civiques, comprenant à la fois des groupes favorables et défavorables à l’action climatique. La transmission précise des données scientifiques sur le climat a été considérablement compromise par les contre-mouvements climatiques, tant dans les médias traditionnels que dans les nouveaux médias/réseaux sociaux, en raison de la désinformation. (TS.6.2)”
  • Les médias façonnent le discours public sur l’atténuation du changement climatique. Cela peut contribuer à renforcer le soutien du public en faveur d’une accélération des mesures d’atténuation, mais peut également être utilisé pour entraver la décarbonisation.”

On retrouve également d’autres extraits dans le rapport complet de 3 000 pages, et plus particulièrement dans le chapitre 13 intitulé “Politiques et institutions nationales et infranationales” :

” De manière générale, la représentation médiatique de la science du climat s’est améliorée et est devenue plus précise au fil du temps. À certaines occasions, la propagation d’informations scientifiquement trompeuses par des contre-mouvements organisés a alimenté la polarisation, avec des implications négatives pour la politique climatique. {chap.13.4}

Le GIEC précise également que “les images de la culture populaire, les fictions scientifiques et les films sur les catastrophes écologiques peuvent transmettre de manière dramatique et émotionnelle les dangers du changement climatique (Bulfin 2017)“. Cela peut aussi passer par l’humour et des médias de divertissement (Brewer and McKnight 2015; Skurka et al. 2018; Boykoff and Osnes 2019). Le film Don’t Look up sorti quelques mois avant le 3e rapport en est un parfait exemple.

Du manque d’information à la désinformation

S’il est plutôt facile de s’informer sur le changement climatique et ses conséquences dans la plupart des pays occidentaux, ce n’est pas le cas partout. Des défis “communs à la couverture médiatique du changement climatique existent partout dans le monde”, rappelle le GIEC. Et particulièrement dans les pays en développement, en raison de moyens plus faibles, du manque de formation des journalistes sur les sujets climatiques complexes et du manque d’accès à des ressources et des images claires, mises à jour et compréhensibles liées au climat dans les salles de rédaction.

Ainsi, le journaliste ougandais Patrick Luganda a déclaré : « Ceux qui sont les plus exposés aux effets du changement climatique sont généralement ceux qui ont le moins accès à l’information à ce sujet dans les médias », indiquant que la disponibilité et la capacité d’information sont une manifestation de l’injustice climatique mondiale.

La désinformation peu évoquée

Dans le rapport de 3 000 pages, il n’y a que 6 petites occurrences pour les mots en anglais “misinformation” et 6 “disinformation”. Le GIEC rappelle tout de même que les professionnels des médias ont parfois invoqué la norme consistant à représenter les deux côtés d’une controverse, au risque de donner une place disproportionnée au scepticisme à l’égard du changement climatique anthropique.

En effet, il ne viendrait pas à l’idée les médias aujourd’hui d’inviter un astrophysicien et un platiste pour savoir si la Terre est ronde. Pourquoi le faire pour l’origine humaine du changement climatique ? Lire à ce propos notre article “Platistes et climatosceptiques, même combat ?” Avec Eric Lagadec.

D’après le GIEC, et c’est un point rassurant, il existe un consensus croissant parmi les journalistes concernant la compréhension scientifique du changement climatique. Il est vrai que mis à part dans des journaux conservateurs comme le Figaro ou des personnalités d’extrême droite, nier le changement climatique d’origine anthropique est devenu très rare dans le paysage médiatique français. Les méthodes ont évolué et sont plutôt de l’ordre des discours de l’inaction.

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“Vested interests”

L’une des notions clefs évoqué par le GIEC et à la base de la désinformation est ce qu’ils appellent les “vested interests”, traduit en français les “intérêts personnels”. Ici, ce sont bien les personnes qui ont intérêt au business as usual qui sont bel et bien concernés.

Si le chapitre 13 parle des “vested interests of the fossil fuel industry” (intérêts personnels de l’industrie des énergies fossiles), c’est dans le chapitre 5, celui sur la demande, où le rapport met les points sur les i, en rappelant le rôle délétère de la publicité et en citant notamment les travaux d’Oreskes sur les marchands de doute :

Un grand nombre d’acteurs ont tenté de faire échouer les mesures d’atténuation du changement climatique par des stratégies de lobbying ciblées et des stratégies médiatiques trompeuses (Oreskes et Conway 2011). Un certain nombre d’entreprises impliquées dans les chaînes d’approvisionnement en amont et en aval des sociétés de combustibles fossiles constituent la majorité des organisations opposées à l’action climatique (Dunlap et McCright 2015 ; Brulle 2019 ; Cory et al. 2021).

Les stratégies publicitaires et de développement de marque des entreprises tentent également de détourner la responsabilité des entreprises vers les individus et/ou de s’approprier les sentiments de préoccupation pour le climat dans le développement de leur propre marque ; l’atténuation du changement climatique est présentée de manière unique à travers le choix des produits et la consommation, en évitant la notion de sphère d’action politique collective (Doyle 2011 ; Doyle et al. 2019).

La redirection de la responsabilité est un grand classique de l’inaction climatique et l’un des 12 discours de l’inaction. Si c’est vrai à l’échelle mondiale, les gouvernements Macron successifs en ont fait une spécialité. Lorsque le GIEC évoque “l’action politique collective”, le Haut Conseil pour le Climat a rappelé dans son rapport annuel 2025 que le gouvernement français n’était pas à la hauteur et qu’il mettait par conséquent les Français en danger.

Aller plus loin

Les médias ont un rôle central dans la compréhension par le public du changement climatique, de ses causes et de ses conséquences. C’est un fait établi, un consensus scientifique qui amène donc à une responsabilité particulière, qu’elle soit historique ou actuelle, de l’état actuel de la lutte contre le changement climatique.

Et cette responsabilité est immense lorsque l’on fait le constat du niveau des médias aujourd’hui, et notamment des médias mainstream, sur le changement climatique et les solutions. En France, il n’a jamais été aussi mauvais.

Le constat est simple : la politique actuelle du gouvernement met les Français en danger, les canicules de l’été 2025 ont à minima fait 1 000 morts, les émissions territoriales françaises repartent à la hausse en 2025 alors qu’elles devraient baisser de plus de 5% par an. Pourtant, aucun journaliste n’a interrogé le gouvernement sur son bilan, ses ratés et les solutions qu’il allait mettre en place. Gabriel Attal, Michel Barnier, François Bayrou, Sébastien Lecornu : aucun n’a été interrogé.

Concernant le GIEC, il serait bienvenue pour le 7e rapport à venir d’avoir une synthèse sur les personnes qui financent les campagnes de désinformation, et de les nommer directement. Ces informations sont disponibles dans des dizaines de papiers scientifiques, rapports d’ONG et médias indépendants. Cela peut donc faire l’objet d’une synthèse, avec les noms des acteurs, les méthodes et les montants dépensés pour éviter que les entreprises d’énergies fossiles et l’éco-système qui en profite continuent d’avoir de belles années devant eux sans jamais être réellement inquiétés. Ne pas les évoquer plus clairement, ce serait comme regarder Star Wars sans Dark Vador (Robert Brulle).

Le changement climatique va rendre une partie de la planète inhabitable si nous ne changeons pas de système et les citoyens ont le droit de savoir qui sabote leur avenir.

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3 Responses

  1. “Le constat est simple : la politique actuelle du gouvernement met les Français en danger, les canicules de l’été 2025 ont à minima fait 1 000 morts, les émissions territoriales françaises repartent à la hausse en 2025 alors qu’elles devraient baisser de plus de 5% par an.”

    La seconde moitié de la phrase n’est pas clair et suppose que les émissions en France augmente (émissions positives quoi) alors que c’est faux, nous constatons bien une baisse des émissions, mais cette baisse a ralenti. Je sais que vous tenez bien à votre ton moralisateur, mais il serait bien de ne pas mentir 😉

  2. “Pourquoi le faire pour l’origine humaine du changement climatique ?”: c’est le GIEC qui dit ça ou vous ? Si c’est le GIEC c’est de l’information, si c’est vous c’est de la désinformation. Le réchauffement climatique est d’origine astrophysique (Terre – Soleil – etc…) ET amplifié ET accéléré par l’activité humaine. Donc, c’est de la désinformation de dire que cette origine n’est pas double et est ciblée. Je ne suis absolument pas climatosceptique puisque je ressens physiquement les effets du réchauffement climatique, et qu’il faut lutter contre lui, mais j’aimerais avant tout dans les médias une information complète et non pas de la désinformation incomplète. Vous faites partie aussi des médias, donc ne tombez pas dans le travers que vous condamnez.

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Auteur
Thomas Wagner
Prendra sa retraite quand le réchauffement climatique sera de l’histoire ancienne

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  1. “Le constat est simple : la politique actuelle du gouvernement met les Français en danger, les canicules de l’été 2025 ont à minima fait 1 000 morts, les émissions territoriales françaises repartent à la hausse en 2025 alors qu’elles devraient baisser de plus de 5% par an.”

    La seconde moitié de la phrase n’est pas clair et suppose que les émissions en France augmente (émissions positives quoi) alors que c’est faux, nous constatons bien une baisse des émissions, mais cette baisse a ralenti. Je sais que vous tenez bien à votre ton moralisateur, mais il serait bien de ne pas mentir 😉

  2. “Pourquoi le faire pour l’origine humaine du changement climatique ?”: c’est le GIEC qui dit ça ou vous ? Si c’est le GIEC c’est de l’information, si c’est vous c’est de la désinformation. Le réchauffement climatique est d’origine astrophysique (Terre – Soleil – etc…) ET amplifié ET accéléré par l’activité humaine. Donc, c’est de la désinformation de dire que cette origine n’est pas double et est ciblée. Je ne suis absolument pas climatosceptique puisque je ressens physiquement les effets du réchauffement climatique, et qu’il faut lutter contre lui, mais j’aimerais avant tout dans les médias une information complète et non pas de la désinformation incomplète. Vous faites partie aussi des médias, donc ne tombez pas dans le travers que vous condamnez.

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