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2024 fut une année de statu quo et donc de retard pour l’action climatique. Si nous souhaitons qu’il en soit autrement en 2025, plusieurs points d’attention seront à surveiller afin de faire le bilan au 31 décembre prochain.
1/ Ambitions climatiques françaises et atteinte des objectifs
Une année où vous ne prenez pas de mesures pour lutter contre le changement climatique est une année de perdue. C’est comme cela que nous pourrions définir l’année 2024, où le gouvernement Macron a pris beaucoup de retard sur ses engagements.
Le Haut Conseil pour le Climat avait interpellé le Gouvernement deux mois avant la dissolution de l’Assemblée nationale, et c’est depuis le statu quo sur plusieurs sujets clefs à suivre en 2025 :
- La 3e Stratégie nationale bas carbone (SNBC3) est en retard et toujours en consultation.
- Le 3e Plan national d’adaptation au changement climatique : son application concrète, notamment via le budget, après avoir été publié avec des mois de retard en 2024 et sans engagements clairs et chiffrés.
- La 3e Programmation pluriannuelle de l’énergie n’est pas adoptée et toujours en consultation.
Compte tenu de l’importance et des conséquences du réchauffement climatique, il est injustifiable que le Gouvernement ait un retard si important sur ces sujets. Si vous faites vraiment du réchauffement climatique une priorité – “ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas” – vous allouez les moyens nécessaires et ne publiez pas des documents indispensables avec deux années de retard.
Une baisse des émissions en France ?
La baisse des émissions territoriales fut de plus de 5% en 2023, notamment grâce à des éléments conjoncturels favorables. En revanche, si les émissions de CO2 de la France baissent sur les trois premiers trimestres 2024, les émissions baissent deux fois moins que ce qu’il faudrait… sans compter nos forêts qui meurent et qui n’absorberont pas les émissions comme prévu.
Le Haut Conseil pour le Climat rappelait dans son rapport annuel 2024 que la France ne respectait pas ses objectifs climatiques. Le chercheur Yann Robiou du Pont rappelait pour Bon Pote que le Gouvernement ignorait la science pour ses objectifs climatiques.
Cela devra changer en 2025, ainsi que la façon dont les médias mainstream ont relayé la communication du Gouvernement sans rappeler le plus important : la France ne respecte pas ses objectifs climatiques.
2/ Puits de carbone terrestres : nos forêts au plus mal
C’est le sujet passé sous les radars en 2024 et qui doit absolument être mis en lumière en 2025. Si nous n’allons pas respecter nos objectifs climatiques, c’est surtout parce que nos puits de carbone se sont effondrés en France sur la dernière décennie et absorbent moitié moins de carbone.
L’explication donnée par CITEPA est très claire et devrait être rappelée systématiquement lorsqu’un membre du Gouvernement se vante d’une baisse historique des émissions. Nos puits de carbone sont aussi en “baisse historique” :
“Estimé à environ -45 Mt CO2 en moyenne dans les années 2000, ce puits s’est considérablement réduit pour atteindre environ -20 Mt CO2 dans les années récentes, notamment en raison de l’effet couplé de sécheresses à répétition depuis 2015, de maladies affectant le taux de mortalité des arbres, et d’une hausse des récoltes de bois. Cette diminution du puits implique un effort encore plus conséquent sur les autres secteurs afin de parvenir à la neutralité carbone.“
Pour en savoir plus sur le sujet, vous pouvez également lire notre article sur les puits de carbone en France.
Notons que l’inquiétude pour les puits de carbone terrestres ne se limite pas à la France mais est une inquiétude mondiale, comme l’a révélé l’étude sortie lors de l’été 2024 sur un possible effondrement mondial des puits de carbone terrestres.
3/ Biodiversité ?
S’il y a bien un sujet qui mériterait beaucoup plus de lumière, des médias comme du Gouvernement, c’est la biodiversité. Le climat et la biodiversité sont indissociables, nous rappellent le GIEC et l’IPBES, et les deux sont des limites planétaires déjà dépassées.
C’est Agnès Pannier-Runacher, nommée ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche le 23 décembre 2024 qui aura la lourde tâche de faire exister le sujet, mais aussi et surtout d’apporter des solutions concrètes pour enrayer son effondrement.
Malheureusement, les solutions apportées par les gouvernements français successifs sont très loin de pouvoir arrêter cet effondrement.
D’abord la Stratégie Nationale pour la Biodiversité 2030 (SNB 2030), non contraignante. Elle “ne s’appuie sur aucune base légale existante et le gouvernement n’a pas la volonté de s’en doter d’une”, avait indiqué le cabinet de Sarah el Hairy, alors ministre de la Biodiversité.
Agnès Pannier-Runacher avait également fait une communication importante sur les “crédits biodiversité”. Alors que les crédits carbone s’avèrent très majoritairement être une arnaque, on compte désormais sur les entreprises volontaristes pour acheter ces crédits biodiversité. Difficile de ne pas voir à des kilomètres des stratégies de greenwashing ou de pseudo “compensation biodiversité”, comme s’il était possible de tuer d’un côté et faire renaître de l’autre.
Point positif, la loi sur la restauration de la nature adoptée en juin 2024 et qui sera un sujet clef à suivre. Les enjeux sont de taille, notamment la restauration de 20 % des terres et des mers de l’UE d’ici à 2030, et de tous les écosystèmes dégradés d’ici à 2050.
Mais pour ralentir et arrêter l’effondrement de la biodiversité, d’abord faudrait-il arrêter de construire des projets qui participent à cet effondrement…
4/ L’A69 (et autres projets fossiles)
Si Emmanuel Macron avait promis en 2019 de ne financer aucun projet d’infrastructure qui augmenterait les émissions de CO2, c’est bien tout le contraire que nous observons depuis 5 ans. Le projet qui illustre probablement le plus cette politique mortifère est le projet d’autoroute A69.
Alors que tous les arguments “pro autoroute A69” ont été réfutés un par un et que le projet va coûter plus cher à l’Etat et aux collectivités que ce qui était prévu initialement, c’est aujourd’hui à la Justice qu’il revient de dire si ce projet doit continuer ou non.
Si ce projet est si important, c’est parce qu’il est un exemple parfait de projet d’un ancien temps. Une aberration tant sociale qu’écologique qui existe uniquement parce que des intérêts privés souhaitent le voir aller au bout.
C’est aussi l’occasion de montrer que le Gouvernement est prêt à mentir, ne pas tenir ses promesses et surtout ne pas tenir compte des travaux scientifiques, allant jusqu’à gazer les scientifiques venus faire des conférences lors de rassemblements autorisés et pacifiques.
A suivre également : le sujet des méga-bassines, dont les quatre réserves de Sainte-Soline déclarées illégales en l’absence de dérogation « espèces protégées ».
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5/ Les financements publics pour la transition écologique (budget, hausses et coupes)
Si le budget a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois, il est également attendu à plus d’un titre sur les sujets environnementaux.
Cela avait commencé en février 2024, lorsque nous avions appris que le Gouvernement avait annoncé vouloir faire 10 milliards d’économies. La plus grosse coupe était pour la catégorie “Écologie, développement et mobilités durables”, avec plus de 2 milliards d’économies.
A la suite de la dissolution et alors que le Gouvernement était démissionnaire, Gabriel Attal avait demandé au ministère de l’Ecologie une baisse massive du fonds vert de 60%, soit passer de 2,5 milliards à 1 milliard, dont au moins 500 millions en moins pour l’électrification des véhicules. Rappelons que les émissions des transports représentent 34% en France et que ne pas soutenir l’électrification des véhicules est la mort assurée du respect de nos objectifs climatiques.
Enfin, le gouvernement Barnier proposait un arrêt pur et simple du soutien de l’Etat via la suppression des crédits du Plan Vélo hérités du gouvernement d’Élisabeth Borne. Une annulation absurde selon l’expert Guillaume Martin qui avait expliqué pourquoi dans cet article.
Le budget est donc attendu de pied ferme pour savoir sur quel pied danser. C’est également déterminant pour de nombreuses associations et agences d’Etat qui dépendent directement de ce budget et dont l’efficacité, voire la survie, dépend.
6/ Procès et criminalisation des activistes
Plusieurs décisions de justice importantes sont attendues en 2025. Pour les raisons évoquées plus haut dans cet article, l’A69 est le projet qui pourrait parfaitement résumer la situation actuelle. Avec un Gouvernement qui refuse de prendre en compte les travaux scientifiques sur le climat et les alertes sur la biodiversité, il ne reste plus que les tribunaux pour espérer arrêter ce projet néfaste pour l’environnement.
En effet, le Tribunal administratif de Toulouse avait demandé en décembre 2024 la réouverture de l’instruction et reporté sa décision de plusieurs mois pour l’autoroute A69. Tout cela dans “l’intérêt d’une bonne justice“.
Plusieurs affaires concernent également des entreprises, à l’instar de la banque BNP Paribas assignée en justice pour sa contribution au changement climatique. Rappelons qu’aucune entreprise du CAC40 n’a de plan concret où ses activités seraient alignées avec l’Accord de Paris.
Enfin, les années 2023 et 2024 auront été marquées par une criminalisation grandissante des activistes climat. Difficile de croire que cela puisse s’améliorer en 2025, avec Gérald Darmanin comme ministre de la Justice qui compare les activistes à des écoterroristes, et Bruno Retailleau comme ministre de l’Intérieur. Dans un rapport paru en décembre 2024, le chercheur Oscar Berglund expliquait en quoi cela était un problème démocratique :
La criminalisation et la répression des manifestations en faveur du climat et de l’environnement posent problème pour au moins deux raisons principales. Premièrement, la politique de l’État se concentre sur la punition de la dissidence contre l’inaction en matière de changement climatique et environnemental, au lieu de prendre des mesures adéquates sur ces questions. En criminalisant et en réprimant les militants du climat et de l’environnement, les États les dépolitisent. Deuxièmement, il s’agit de mesures autoritaires qui ne sont pas compatibles avec les idéaux de sociétés civiles dynamiques dans les démocraties libérales.
7/ Les questions des journalistes aux politiques
Depuis des années, le Gouvernement Macron bénéficie d’une tranquillité sans faille pour répéter ses éléments de langage sur l’écologie dans la presse sans être vraiment interrogé sur le fond.
Avez-vous une seule fois entendu un ou une journaliste dire à un membre du Gouvernement que la France ne respectait pas ses objectifs climatiques ? Avez-vous entendu une seule fois un membre du Gouvernement être interrogé sur les moyens structurels mis en œuvre qui permettront de respecter nos engagements ?
Ce n’est jamais arrivé. C’est pourtant clairement écrit dans le dernier rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat, passé encore une fois à la trappe médiatique, entre dissolution et élections législatives. Pourtant, les sujets ne manquent pas, et tout est à disposition pour s’informer sur les sujets, comme ces 20 questions proposées pour le nouveau Gouvernement.
Exiger plus ne s’arrête pas au Gouvernement. Tous les partis devraient avoir un programme clair pour lutter contre le changement climatique, avec des mesures phares, chiffrées et sourcées.
Cela veut aussi dire combattre le climatoscepticisme, à l’instar du directeur des rédactions du groupe Nice Matin Denis Carreaux qui trouve normal d’interviewer un climatosceptique au nom du pluralisme. Dès le 3 janvier, il nous rappelle que les climatosceptiques sont encore bien présents en France et que rien n’est acquis.
Nous avons commencé l’année 2025 comme nous avons fini 2024 : les membres du Gouvernement ne sont pas interrogés sur le changement climatique et la biodiversité, sur les moyens mis en œuvre pour protéger les Français et améliorer leur quotidien. Nous ne pouvons passer une année de plus sans réponses.
Pour aller plus loin
Si la liste de sujets ci-dessus est non exhaustive, vous noterez qu’elle ne concerne que la France… Cela ne veut pas dire que ce qu’il se passe ailleurs dans le monde ne mérite pas d’attention. Déforestation et point de bascule en Amazonie, inquiétudes en Arctique et Antarctique, arrivée de Donald Trump et possible sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris, COP30…
Rendez-vous en fin d’année pour faire le bilan !
One Response
Bonjour,
Merci pour cet article clair qui permet de faire le point.
Je note juste une faute de frappe dans le 1er paragraphe du point 5 :
“Si le budget a fait couler beaucoup d’encore (encre) ces derniers mois, il est également attendu à plus d’un titre sur les sujets environnementaux.”
Je vous transmets tout de même mes meilleurs voeux 2025 avec de nombreux articles tous plus intéressants les uns que les autres.