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Analyse : les nazis étaient-ils écolos ?

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« Le führer, ami des animaux », 1931. Source : Bibliothèque d’État de Bavière.
©Crédit Photographie : « Le führer, ami des animaux », 1931. Source : Bibliothèque d’État de Bavière.
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Les nazis auraient été les premiers défenseurs de l’environnement. Depuis la parution du livre de Luc Ferry, Le nouvel ordre écologique, en 1992, cet argument est régulièrement avancé pour discréditer l’écologie politique. Par exemple, le philosophe médiatique Pascal Bruckner, qui craint que le souci de la nature débouche sur un nouveau totalitarisme, a affirmé le 12 février 2022 sur le plateau de CNews que « le premier grand écologiste, ça a été Adolf Hitler ».

En faisant preuve d’un minimum d’honnêteté, on voit bien qu’il s’agit d’un sophisme : la reductio ad hitlerum. On associe tout un mouvement à ce que l’histoire a sans doute produit de pire pour salir ce mouvement. En l’espèce, le but de la manœuvre est de rendre suspecte une pensée qui remet en cause le statu quo économique et politique, celui du capitalisme, dont Pascal Bruckner est depuis longtemps un défenseur.

Mais dans d’autres cas, l’objectif est plus sombre : légitimer une écologie d’extrême droite, en montrant que la conscience environnementale n’est pas une particularité de la gauche. C’est ce que fait l’influenceur politique Julien Rochedy dans une vidéo publiée sur Youtube le 8 novembre 2023 et qui comptabilise à l’heure actuelle près de 150 000 vues. Il y répète les contrevérités de Luc Ferry, mais aussi celles de l’économiste Philippe Simonnot (qu’il présente à tort comme un historien), pour servir une propagande ouvertement écofasciste.

Quoi qu’il en soit, l’idée selon laquelle le nazisme serait lié à l’écologie politique ne repose pas sur des éléments probants. 

La nature selon les nazis

Certes, les nazis emploient le terme de « nature », mais le sens qu’ils donnent à ce mot est très éloigné de l’écologie politique. Alors que celle-ci pense la nature comme un ensemble d’écosystèmes avec lesquels les sociétés humaines doivent composer, quitte à s’autolimiter, les nazis y voient tout autre chose. L’historien Johann Chapoutot, l’un des spécialistes les plus reconnus du nazisme, rappelle les différents sens que l’on donnait au mot « nature » sous le IIIe Reich.

Le premier sens est un sens raciste. La nature, c’est d’abord la nature humaine, déterminée par la biologie. D’une part, les « aryens », les membres de la « race nordique » ou « germanique », auraient le sang pur ; d’autre part, les Slaves, les Latins et surtout les Tziganes et les Juifs auraient le sang impur. Le sang serait ainsi à la base d’une hiérarchie des « races humaines », des « races » engagées dans une lutte pour la vie, pour l’espace, pour les ressources.

Arrestation de Juifs dans la ville de Baden-Baden, à l’issue du massacre antisémite de la « nuit de cristal » (9 et 10 novembre 1938). Ce massacre a fait une centaine de morts. Environ 30 000 personnes ont ensuite été déportées dans les camps. Source : Archives fédérales d’Allemagne.

Cette lutte sans merci serait elle-même dictée par les « lois naturelles ». Ici, on peut discerner un deuxième sens au mot de nature dans l’idéologie nazie : les lois qui s’imposent nécessairement aux êtres et aux choses. Dans le monde humain et animal, la loi qui commande tout est celle du plus fort, inspirée par le darwinisme social : il faut manger ou être mangé, dominer ou se soumettre.

Hitler lui-même a parfaitement résumé cette vision du monde. Dans Mein Kampf, il soutient que la politique doit consister seulement en l’application de cette pseudo-loi, laquelle serait aussi implacable que la gravitation universelle :

« dans un monde où les planètes et les soleils suivent des trajectoires circulaires, où des lunes tournent autour des planètes, où la force règne, partout et seule, en maîtresse de la faiblesse qu’elle contraint à la servir docilement, ou qu’elle brise, l’homme ne peut pas relever de lois spéciales. »

Troisièmement, les nazis entendent par « nature » la ruralité. Dans l’Encyclopédie Brockhaus de 1938, l’une des plus importante encyclopédie en langue allemande, le mot « natur » désigne « la campagne, composée de forêts et de champs ». C’est une nature « anthropisée », sous l’influence et la maîtrise des humains. Cette définition est l’expression d’un courant ruraliste, qui au sein du nazisme fait l’éloge des paysages traditionnels allemands et qui voit d’un mauvais œil le monde urbain, qui serait une source de décadence morale. 

Le paysage rural typique de l’Allemagne. Caspar David Friedrich, Prairies près de Greifswald, 1821-1822, huile sur toile, Kunsthalle de Hambourg. Source : The York Project (2002).

L’un des principaux représentants du ruralisme nazi est Richard Walther Darré, ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture de 1933 à 1942. La figure de Darré est associée à un slogan qui a fait florès : « le sang et le sol » (Blut und Boden). Le sol en question est la terre des ancêtres, cultivée par des générations d’Allemands. Comme le dit Darré, dans un ouvrage de propagande intitulé justement Le sang et le sol : « le sang du peuple germanique jaillit de ses fermes ».

C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’idée avancée dans la propagande que l’Allemand serait «proche de la nature ». Cette expression signifie qu’il est proche de la terre cultivée par ses ancêtres et « fécondée » par leur sang. Dans cette conception, la « nature » est une forme de la culture germanique : elle est indissociablement liée au heimat, à la « terre natale ». On lui accorde de la valeur pour des raisons nationalistes et racistes, et non pour des raisons écologiques.

Richard Walther Darré  prononce un discours devant la devise Blut und Boden en 1937. Source : Archives fédérales d’Allemagne.

Les nazis, amis des animaux ?

On pourrait rétorquer que les nazis ont tout de même établi une législation pour protéger la faune : la loi sur l’abattage des animaux, du 21 avril 1933 ; la loi fondamentale de protection des animaux du 24 novembre 1933 ; et celle entravant la chasse du 19 juillet 1934.

Mais à y regarder de plus près, il n’en est rien. La loi du 21 avril 1933 est essentiellement une loi antisémite. Son but est d’interdire l’abattage rituel pratiqué par les Juifs. Celle du 24 novembre 1933, qui condamne les mauvais traitements infligés aux bêtes, ne doit rien à Hitler ni au IIIe Reich. Élisabeth Hardouin-Fugier, historienne spécialiste des rapports entre les animaux et les sociétés humaines, souligne que ce texte résulte d’un avant-projet datant de 1927, lui-même se situant « au bout d’un très long processus, marqué par maints congrès internationaux dès la fin du XIXe siècle. » Si cette loi a été adoptée en 1933 par les nazis, c’est pour faire mine de satisfaire une clientèle attachée aux droits des animaux, et les associer officiellement au régime. C’est une mesure de « mise au pas » (Gleichschaltung), visant à faire taire toute opposition au régime.

Dans les faits, les nazis n’ont aucune peine à réifier et à exploiter les animaux. Goering a beau annoncer, le 5 septembre 1933, l’interdiction de la vivisection, ce n’est qu’une « opération publicitaire», pour reprendre l’expression d’Élisabeth Hardouin-Fugier. Ce type d’expérimentation continue d’être pratiqué sous le IIIe Reich, et de plus en plus d’animaux sont utilisés comme cobayes pour tester leur résistance au gaz de combat ou aux armes biologiques. Le fait est que la loi du 24 novembre 1934 précise dès sa première section qu’il est légal de faire souffrir des animaux si cela est utile pour les humains. Par ailleurs, il est obligatoire d’utiliser des animaux comme cobayes avant toute expérimentation sur l’homme ou la femme. Les humains n’ont pas été sacrifiés au profit des bêtes. Contrairement à ce que déclarent Luc Ferry et consorts, les nazis sont tout aussi spécistes que racistes.

Hermann Goering, “ministre des Forêts”

Concernant la chasse, celle-ci n’a pas été abolie. Hermann Goering, ministre des Forêts (entre autres fonctions), se fait appeler « le Grand Veneur du Reich ». Pour lui, la chasse est essentielle à l’esprit germanique, ; c’est une manifestation de l’inévitable lutte pour la vie. C’est pourquoi il écarte de son ministère les partisans d’une réelle protection de la faune, et confie l’élaboration de la loi à un certain Scherping, lui-même chasseur et fondateur de l’Union de la chasse, qui compte 80 000 adhérents en 1930. Là encore, la chasse est vue comme utile, car elle reproduit la pseudo loi naturelle du plus fort.

Ouverture de l’exposition internationale de chasse 1937 dans les halls d’exposition de Kaiserdamm à Berlin. Après l’ouverture, Hermann Goering fait le tour de l’exposition et admire les « trophées » : des têtes et des bois de cerfs. Source : Archives fédérales d’Allemagne.

À cela, il faut ajouter que, pendant la Seconde Guerre mondiale, 80 % du transport de l’armée est assuré par des chevaux, véritables bêtes de somme. Des chiens de guerre sont aussi massivement envoyés à la mort pendant le conflit. Cette politique est cohérente avec l’un des fondements de l’idéologie nazie : l’exploitation de tout élément, êtres et choses, pouvant renforcer la « race aryenne ».

Une hiérarchie raciale animale

Enfin, la protection des animaux s’arrête là où commence le racisme, et dans l’univers mental nazi, le racisme est partout. Quand les nazis proclament leur amour des animaux, ils sont aussi sélectifs que lorsqu’ils proclament leur amour de l’humanité. Dans le documentaire propagandiste Toute vie est combat (Alles leben ist Kampf), le cerf est présenté comme l’animal noble par excellence, puissant et combatif (ce qui ne le préserve pas de la chasse), tandis que le caniche toiletté serait une aberration du point de vue de la sélection naturelle. 

Image du film de propagande Toute vie est combat : le cerf et l’homme « supérieurs » prêts pour la lutte vitale.

En effet, les animaux n’échappent pas à la hiérarchie raciale nazie. Johann Chapoutot nous apprend qu’au sommet de cette hiérarchie , se trouve les Aryens et les « animaux de proie », en bas les êtres humains et non-humains « dégénérés ». Les Juifs sont en dehors de cette hiérarchie, « ni proprement humain ni vraiment animaux, ils ressortissent au bactériologique plus qu’au droit commun biologique. » Ils contamineraient même leurs animaux domestiques.

Selon l’écrivain Victor Kemplerer, qui a vécu en tant que Juif sous le IIIe Reich, ceux-ci sont « perdus pour l’espèce ». L’écrivain précise : « on nous a d’ailleurs enlevé, puis tués nos animaux domestiques, chats, chiens et mêmes canaris : loin d’être des cas isolés, des turpitudes sporadiques, il s’agissait d’une intervention officielle et systématique et c’est une des cruautés dont aucun procès de Nuremberg ne rend compte… »

Les chats sont spécifiquement visés par les nazis. Victor Kemplerer  témoigne du fait qu’il ne pouvait plus verser à la SPA une cotisation pour eux. Ces félins, perçus comme des êtres asociaux et venant de l’est, sont associés aux Juifs, persécutant inévitablement les douces et innocentes souris allemandes. Dans la législation nazie, il est parfaitement légal de tuer les chats se trouvant dans une zone de chasse et à plus de 200 mètres d’une maison habitée. « Les Allemands aiment les chiens », et non les chats, « juifs parmi les animaux », dit l’écrivain Will Vesper, chantre du nazisme et de son dictateur. Néanmoins, la loi autorise aussi l’exécution des chiens si, dans la zone de chasse, ils ne sont pas sous le contrôle de leur maître. On l’a vu avec le cas des caniches, l’amour des nazis pour les chiens est bien relatif…

On peut spéculer longtemps sur le végétarisme d’Adolf Hitler (tardif et vraisemblablement partiel et motivé par des raisons de santé), sur l’amour que ce dernier porte à sa chienne Blondie, sur des déclarations « animalistes » de tel ou tel dirigeant nazi, la réalité des faits est implacable : les nazis ne sont pas les amis des animaux.

Les nazis, protecteurs de l’environnement ?

Qu’en est-il de la protection de l’environnement ? Une loi pour la protection de la nature a été édictée le 26 juin 1935, mais comme pour les lois citées précédemment, les nazis n’en sont pas vraiment les auteurs, car cette mesure provient également d’un avant-projet de 1927. Officiellement, la loi du Reich pour la protection de la nature préserve les forêts. Les arbres occupent effectivement une place importante dans l’imaginaire nazi. Pour ne prendre qu’un exemple, en 1936, le film de propagande Forêt éternelle, peuple éternel (Ewiger wald, ewiges volk) représente des soldats romains entrant sur les terres germaniques : rapidement, ils sont encerclés par des arbres, qui s’abattent sur eux pour les mettre en déroute.

Le combat est engagé entre Germains et Romains : image du film de propagande Forêt éternelle, peuple éternel.

Est-ce une preuve que les nazis sont amoureux de leurs forêts ? D’après Johann Chapoutot, les nazis aiment les forêts allemandes non pour leur valeur écologique, mais parce qu’elles symbolisent la « race ». L’historien cite à cet égard un article paru en 1939 dans un magazine destiné aux officiers de la SS (SchutzStaffel, « Escadron de sécurité ») : « L’observation de la nature nous enseigne que la feuille n’existe que par la branche où elle pousse ; que la branche reçoit sa vie du tronc et que ce dernier dépend des racines, qui reçoivent leur force du sol.»

L’arbre, à son tour, n’est qu’un membre de la forêt. » Comme la feuille, l’individu ne serait que la partie d’un tout qui le transcende totalement : la « race » ; et comme la forêt, la race est une communauté enracinée, au sens littéral du terme, elle a des racines. Si les nazis semblent défendre la forêt, c’est parce qu’à travers elle, ils défendent la communauté du sang, la hiérarchie raciale et autres horreurs…

Le national-socialisme, une idéologie productiviste, capitaliste et industrielle

Mais surtout, les nazis n’ont protégé l’environnement qu’en théorie. Aucun fonctionnaire n’a été nommé pour assurer cette protection. De fait, c’est peu de dire que le respect de la loi de 1935 n’est pas une priorité pour les autorités nazies. N’oublions pas que le national-socialisme est une idéologie productiviste, capitaliste et industrielle. Le ruralisme d’un Darré (qui, répétons-le, n’est pas écologiste mais raciste) n’est qu’un courant minoritaire. En fait, la plupart des nazis n’ont aucun problème avec le développement des villes, de l’industrie et de la technologie. En témoigne la volonté hitlérienne de bâtir une nouvelle capitale pour remplacer Berlin : Welthauptstadt Germania (« capitale mondiale Germania»), une ville censée dépasser en taille et en prestige Londres et Paris (le projet a été lancé en 1937 mais a dû être abandonné six ans plus tard à cause de la guerre.)

Maquette de Welthaupstadt Germania, datant de 1939 : nous sommes loin des paysages champêtres exaltés par les ruralistes. Sources : Archives fédérales d’Allemagne.

Hitler lui-même décrit « l’homme nordique » (et surtout l’Allemand) comme étant le « Prométhée de l’humanité », en référence au titan qui a donné le feu aux humains et qui classiquement symbolise la puissance technicienne. « L’homme nordique », écrit Johann Chapoutot, « est toujours présenté comme un être de travail, de création, de performance. » En tant que tel, il doit dominer la nature sauvage et lui donner sa forme.

Le programme « prométhéen » du nazisme

De fait, c’est un programme « prométhéen », technicien et industriel, que les nazis appliquent. Dès octobre 1936, le Plan de quatre ans est mis en œuvre, dans l’objectif d’accélérer le réarmement et d’assurer l’autarcie économique du pays (c’est-à-dire son indépendance complète, notamment en ce qui concerne les énergies fossiles : pétrole, gaz et charbon).

Dessin de l’artiste de Dusseldorf Troendle de la Liliputhbahn (le train de Liliputh). En 1937, ce train était utilisé dans le cadre de l’exposition du Reich « Peuple productif », un événement à la gloire de l’industrie allemande, symbolisée ici par la cheminée fumante du véhicule. Source

Pour ce faire, les forêts sont surexploitées. Le « Grand Veneur » Hermann Goering, principal responsable du Plan de quatre ans, ordonne d’augmenter de 150 % la production de bois pour l’année 1937. Il exige aussi d’accroître considérablement la production agricole, avec la mise en culture de 2 millions d’hectares supplémentaires, en utilisant des engrais de synthèse et des pesticides. Face à de telles demandes, le ministre de l’Agriculture Darré acquiesce sans difficulté : son ruralisme n’est pas vert, mais brun ; il est parfaitement compatible avec le productivisme capitaliste.

Des nazis ont bel et bien défendu la biodynamie, cette pratique agricole pseudo-scientifique, sans intrants de synthèse et fondée sur des rythmes astronomiques. Darré lui-même ou Rudolf Hess, adjoint d’Adolf Hitler, y étaient favorables. Cependant, d’après Peter Staudenmaier, pourtant l’un des rares historiens à prendre au sérieux ce qu’il appelle « l’aile verte » du parti nazi, l’intérêt de certains nationaux-socialistes pour la biodynamie est toujours guidé par le productivisme. Les agriculteurs biodynamiques sont pleinement engagés dans la « bataille pour la production », grand programme du ministère de l’Agriculture du Reich (et donc de Darré) à partir de novembre 1934. Au demeurant, ces agriculteurs ne sont qu’environ 2 000, sur plusieurs centaines de milliers d’autres travaillant la terre à l’aide de la chimie et de l’industrie modernes.

On pourrait énumérer pendant longtemps tous les projets écocidaires que les nazis ont développés, des autoroutes à l’industrie militaire en passant par le tourisme de masse. Développons ce dernier point, méconnu du grand public. Pour accroître l’efficacité des travailleurs, l’association Kraft durch Freude » (« Force par la Joie ») fait construire d’immenses centres de vacances. Sur l’île de Rügen, située dans la mer du Nord, est bâti le complexe de Prora : la côte est bétonnée pour accueillir 2 000 touristes, au mépris des équilibres naturels du territoire. Le projet est inachevé, mais son impact écologique est irréversible.

Le complexe de Prora en 1937 (en rouge sur la carte, l’île de Rügen).
Source : Archives fédérales d’Allemagne.

Bien sûr, les plus graves atteintes à l’environnement ont lieu pendant la guerre : des bunkers sont construits sur des milliers de kilomètres de littoraux ; des centaines de milliers de mètres carrés sont creusés dans les montagnes pour que travailleurs réduits en esclavages puissent y fabriquer des armes (travailleurs qui vont périr par dizaines de milliers) ; enfin, face aux Soviétiques, la politique de la terre brûlée a été poussée à son paroxysme. 

Soldats allemands pratiquant la politique de la terre brûlée sur le front soviétique, août 1944. Source : Archives fédérales d’Allemagne.

Le 19 mars 1945, alors que la guerre est perdue, Hitler impose un décret portant la destruction du territoire du Reich : rien, absolument rien, ne devait subsister.

Conclusion : le nazisme, aussi écocidaire que génocidaire

A la lumière de ces faits, il est totalement absurde de voir un lien entre nazisme et écologie. Pour citer à nouveau Johann Chapoutot :  « la nature a un statut similaire à celui des populations que les nazis ne font pas mystère d’utiliser et d’user (Slaves, détenus des camps) pour leurs fins : par l’utilisation, par l’usage et par l’usure, il s’agit, dans les deux cas, d’exploiter un fonds pour l’épuiser, de le consommer pour le consumer et le détruire après en avoir extrait toute l’énergie et toutes les ressources possibles.»

Cela ne signifie évidemment pas que l’écologie d’extrême droite, voire fasciste, n’est qu’une illusion. Néanmoins, le nazisme historique, tel qu’il a existé entre 1933 et 1945 n’est pas moins anti-écologiste qu’anti-humaniste, pas moins écocidaire que génocidaire.

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3 Responses

  1. Merci, voilà qui m’aidera à argumenter.
    Toutefois, en tant que végétarienne, c’est évidemment cet argument qu’on me sert régulièrement, et malheureusement je ne parviens pas à lire votre article-source à ce sujet
    Encore merci pour ce travail

    1. Chère Gaëlle,
      Je vous remercie pour votre intérêt. Concernant l’article-source, le voici :

      On ne sait pas très bien pourquoi Hitler, à 41 ans, a renoncé à l’alimentation carnée.
      Quel malheureux végétarien, végétalien, végan, n’a pas été accablé par cette marque d’humour douteux ? Hitler aussi en était ! Cette assimilation à Hitler, universellement disqualifiante, vaut aussi pour les écologistes, car il est bien connu que les Bruns étaient de grands Verts. La question de l’écologie est désormais réglée : les nazis ont considéré la nature comme un fonds d’énergie et de matière à exploiter jusqu’à son terme – tout comme les humains, du reste. Pour les végétariens, la partie est plus rude. Certes, ils peuvent toujours rétorquer que le fait d’aimer se baigner, d’apprécier le ciel bleu ou le vin blanc n’est pas un crime, même s’il est partagé par un criminel contre l’humanité. Cependant, le végétarisme est un marqueur anthropologique tel, une telle philosophie de vie, qu’il interroge plus profondément que le goût pour le chocolat ou l’affection pour les chiens – attestés dans le cas de Hitler. Pour les plus intelligents des antivégétariens, l’argument aboutit à ceci : vous aimez les animaux, car vous détestez les hommes, comme Hitler, qui ne mangeait pas de viande et adorait son berger allemand.

      Mais Adolf Hitler était-il réellement végétarien ? C’est à 41 ans qu’il a pris ses distances avec l’alimentation carnée, au tournant de 1930. Les causes en sont obscures, car il ne s’est jamais exprimé sur le sujet. Son tournant diététique coïncide chronologiquement avec la mort, par suicide, de sa nièce Angela Raubal, avec qui il vivait et qu’il persécutait, en lui interdisant sorties et relations. Hitler était en outre incommodé par des inflammations du côlon et une aérophagie persistante que, en grand hypocondriaque, il attribuait volontiers à un cancer. Le changement d’alimentation lui serait apparu comme la cure idoine.

      Le végétarisme de Hitler alla croissant, même s’il n’était ni orthodoxe ni exclusif. S’il privilégiait légumes et céréales, comme ses menus l’attestent, il ne dédaignait pas les quelques spécialités du sud de l’Allemagne dont il raffolait : petits merles, saucisses bavaroises, et Knödeln (boulettes) de foie. On a vu végétarien plus intransigeant. Par ailleurs, il tolérait les carnivores à sa table : les cuisinières et cuisiniers du Führer, que ce soit au siège du parti, à Munich, dans sa résidence de l’Obersalzberg ou, à partir de 1933, à la chancellerie, prévoyaient toujours deux menus, dont l’un était exempt de viande et de poisson (mais pas d’oeuf ni de lait).

      Obsessions darwinistes

      Hitler a sans doute hérité sa manie diététique du grand mouvement culturel de « réforme de la vie » qu’a connu l’Allemagne au tournant du XXe siècle : contre une vie moderne aliénante, il fallait retrouver le chemin de la nature et de la santé, notamment, pour certains, par le végétarisme.

      Mais ce sont surtout les obsessions darwinistes et racistes de Hitler qui prévalent. Sa secrétaire Christa Schroeder, dans ses Mémoires, rapporte ses considérations sur la force des herbivores et la faiblesse des carnivores : un éléphant ou un cheval sont des animaux puissants, tandis que le chien, qui ne se nourrit que de viande, est épuisé après un bref effort. Ergo, mangeons de l’herbe !

      Pendant la guerre, il raidit son propos et accable ses hôtes par des descriptions d’abattage ou de chairs putréfiées, ce qui leur coupe généralement l’appétit. Il ne peut s’empêcher de théoriser : les légions romaines, selon lui, tiraient leur force de leur alimentation (céréales, légumes frais et fruits). Il faudrait y songer pour la Wehrmacht, dit-il à table, le 25 avril 1942. Goebbels note dans son Journal que le Führer songe à une réforme de l’alimentation après la guerre : il faudra attendre la victoire finale, car on ne peut pas tout changer en même temps.

      Le ministre de la Propagande exploite sans hésiter ce trait de caractère : Hitler est dépeint par ses services en ascète, qui ne boit pas, ne fume pas, mène une vie frugale, sans viande, et n’a pas de famille, car il est voué au service exclusif de l’Allemagne et de sa gloire. Le Führer aime les enfants et les animaux. Les Juifs, quant à eux, par leur pratique de l’abattage rituel, sont des monstres sans nom. Dès 1931, le NSDAP avait publié, avec une préface de Hitler, un petit livre contre « la maltraitance animale, la torture des animaux et l’abattage rituel », dont les propos se retrouvent dans les séquences les plus insoutenables du film antisémite de 1940 Der Ewige Jude. Les nazis, qu’on se le dise, aiment tout ce qui est naturel, même les mouches, dit Himmler – mais de préférence ce qui est fort et dominateur. Tout ce qui est hors nature est voué à la disparition.

      Celle de Hitler a lieu, par suicide, le 30 avril 1945. Son dernier repas, au fond du bunker, lui aura été préparé par une de ses cuisinières diététiques : des spaghettis végétariens.

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Auteur
Samy Bounoua

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3 Responses

  1. Merci, voilà qui m’aidera à argumenter.
    Toutefois, en tant que végétarienne, c’est évidemment cet argument qu’on me sert régulièrement, et malheureusement je ne parviens pas à lire votre article-source à ce sujet
    Encore merci pour ce travail

    1. Chère Gaëlle,
      Je vous remercie pour votre intérêt. Concernant l’article-source, le voici :

      On ne sait pas très bien pourquoi Hitler, à 41 ans, a renoncé à l’alimentation carnée.
      Quel malheureux végétarien, végétalien, végan, n’a pas été accablé par cette marque d’humour douteux ? Hitler aussi en était ! Cette assimilation à Hitler, universellement disqualifiante, vaut aussi pour les écologistes, car il est bien connu que les Bruns étaient de grands Verts. La question de l’écologie est désormais réglée : les nazis ont considéré la nature comme un fonds d’énergie et de matière à exploiter jusqu’à son terme – tout comme les humains, du reste. Pour les végétariens, la partie est plus rude. Certes, ils peuvent toujours rétorquer que le fait d’aimer se baigner, d’apprécier le ciel bleu ou le vin blanc n’est pas un crime, même s’il est partagé par un criminel contre l’humanité. Cependant, le végétarisme est un marqueur anthropologique tel, une telle philosophie de vie, qu’il interroge plus profondément que le goût pour le chocolat ou l’affection pour les chiens – attestés dans le cas de Hitler. Pour les plus intelligents des antivégétariens, l’argument aboutit à ceci : vous aimez les animaux, car vous détestez les hommes, comme Hitler, qui ne mangeait pas de viande et adorait son berger allemand.

      Mais Adolf Hitler était-il réellement végétarien ? C’est à 41 ans qu’il a pris ses distances avec l’alimentation carnée, au tournant de 1930. Les causes en sont obscures, car il ne s’est jamais exprimé sur le sujet. Son tournant diététique coïncide chronologiquement avec la mort, par suicide, de sa nièce Angela Raubal, avec qui il vivait et qu’il persécutait, en lui interdisant sorties et relations. Hitler était en outre incommodé par des inflammations du côlon et une aérophagie persistante que, en grand hypocondriaque, il attribuait volontiers à un cancer. Le changement d’alimentation lui serait apparu comme la cure idoine.

      Le végétarisme de Hitler alla croissant, même s’il n’était ni orthodoxe ni exclusif. S’il privilégiait légumes et céréales, comme ses menus l’attestent, il ne dédaignait pas les quelques spécialités du sud de l’Allemagne dont il raffolait : petits merles, saucisses bavaroises, et Knödeln (boulettes) de foie. On a vu végétarien plus intransigeant. Par ailleurs, il tolérait les carnivores à sa table : les cuisinières et cuisiniers du Führer, que ce soit au siège du parti, à Munich, dans sa résidence de l’Obersalzberg ou, à partir de 1933, à la chancellerie, prévoyaient toujours deux menus, dont l’un était exempt de viande et de poisson (mais pas d’oeuf ni de lait).

      Obsessions darwinistes

      Hitler a sans doute hérité sa manie diététique du grand mouvement culturel de « réforme de la vie » qu’a connu l’Allemagne au tournant du XXe siècle : contre une vie moderne aliénante, il fallait retrouver le chemin de la nature et de la santé, notamment, pour certains, par le végétarisme.

      Mais ce sont surtout les obsessions darwinistes et racistes de Hitler qui prévalent. Sa secrétaire Christa Schroeder, dans ses Mémoires, rapporte ses considérations sur la force des herbivores et la faiblesse des carnivores : un éléphant ou un cheval sont des animaux puissants, tandis que le chien, qui ne se nourrit que de viande, est épuisé après un bref effort. Ergo, mangeons de l’herbe !

      Pendant la guerre, il raidit son propos et accable ses hôtes par des descriptions d’abattage ou de chairs putréfiées, ce qui leur coupe généralement l’appétit. Il ne peut s’empêcher de théoriser : les légions romaines, selon lui, tiraient leur force de leur alimentation (céréales, légumes frais et fruits). Il faudrait y songer pour la Wehrmacht, dit-il à table, le 25 avril 1942. Goebbels note dans son Journal que le Führer songe à une réforme de l’alimentation après la guerre : il faudra attendre la victoire finale, car on ne peut pas tout changer en même temps.

      Le ministre de la Propagande exploite sans hésiter ce trait de caractère : Hitler est dépeint par ses services en ascète, qui ne boit pas, ne fume pas, mène une vie frugale, sans viande, et n’a pas de famille, car il est voué au service exclusif de l’Allemagne et de sa gloire. Le Führer aime les enfants et les animaux. Les Juifs, quant à eux, par leur pratique de l’abattage rituel, sont des monstres sans nom. Dès 1931, le NSDAP avait publié, avec une préface de Hitler, un petit livre contre « la maltraitance animale, la torture des animaux et l’abattage rituel », dont les propos se retrouvent dans les séquences les plus insoutenables du film antisémite de 1940 Der Ewige Jude. Les nazis, qu’on se le dise, aiment tout ce qui est naturel, même les mouches, dit Himmler – mais de préférence ce qui est fort et dominateur. Tout ce qui est hors nature est voué à la disparition.

      Celle de Hitler a lieu, par suicide, le 30 avril 1945. Son dernier repas, au fond du bunker, lui aura été préparé par une de ses cuisinières diététiques : des spaghettis végétariens.

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