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Depuis quelques mois, les actions des activistes climat divisent et selon certaines personnes, ce type d’activisme pourrait même être contre-productif.
En effet, jeter de la soupe sur une vitre protégeant un tableau de Van Gogh ou s’assoir sur la route pour bloquer le Tour de France n’est pas du goût de tout le monde. Des dizaines de milliers de personnes ont donc expliqué sur les réseaux et sur les plateaux TV que c’était contre-productif. Ce qui est absolument formidable, c’est que les chercheurs et chercheuses sur l’activisme qui étudient ces actions depuis des décennies n’arrivent eux pas à savoir si c’est efficace ou contre-productif.
Mesurez-vous la chance que nous avons d’avoir tant de personnes omniscientes et qui ont la capacité de voir le futur ? Pour les autres, celles et ceux qui ne savent pas lire dans une boule de cristal, cet article revient sur ce que nous savons sur la radicalisation de certaines actions, et comment nous devrions les interpréter.
Quelles sont les formes d’activisme qui font l’actualité ?
Les formes d’activisme ont évolué ces derniers mois. Si nous avions l’habitude des marches pour le climat ou des AG perturbées par des activistes, il semble que de nouvelles méthodes aient pris le pas, du moins médiatiquement. Vous avez probablement entendu parler d’un évènement sportif interrompu par Dernière Rénovation, des personnes qui dégonflent les pneus des SUV ou encore des deux activistes qui ont jeté de la soupe sur une vitre protégeant un tableau de Van Gogh.
Que les formes d’activisme évoluent n’a rien d’étonnant. Dana Fisher, autrice du groupe 3 du GIEC et chercheuse sur l’activisme, précise “que nous assistons à la poursuite de l’inquiétude des jeunes face à la crise climatique… parce que la politique institutionnelle ne fonctionne pas. On peut dire exactement la même chose des premières vagues du mouvement pour les droits civiques, où l’on obtient quelques concessions mais où l’on n’a pas encore obtenu de changements systémiques“.
Un traitement médiatique à géométrie variable
Ce sont très majoritairement des évènements très médiatiques ou des lieux symboliques qui sont choisis, à l’instar de la Banque d’Angleterre repeinte en orange. Ce n’est pas un hasard : avec peu de moyens et peu de préparation requise, cela permet de toucher une très forte audience. Les marches climat avec des dizaines de milliers de personnes ne font quasiment aucune audience. En revanche, bloquer une route ou occuper un bâtiment s’avère beaucoup plus efficace si l’on souhaite avoir l’intérêt des médias.
Ce fut le cas avec la vidéo de la soupe jetée “sur” un Van Gogh, avec des millions de vues dès la publication et une couverture internationale immédiate. La couverture n’est en revanche pas du tout la même lorsque des scientifiques manifestent, s’allongent sur des routes ou se collent les mains à des voitures pour alerter sur le changement climatique. En effet, nous sommes très loin d’avoir des milliers de réactions lorsque ces scientifiques participent à ce type d’actions non-violentes.
Cette fois-ci, pas d’expert(e) médiatique pour expliquer que ces actions sont contre-productives.
Quel est le but de cet activisme plus radical ?
Les raisons pour lesquelles activistes et scientifiques s’engagent sont multiples et variées. Cela peut aller de la sensibilisation, à générer de l’attention sur un sujet particulier, pousser à l’action des personnes indécises ou encore ouvrir la voie à d’autres types d’actions plus ou moins radicales.
Contrairement à ce qui peut être déclaré dans certains médias, ce ne sont pas des actions irréfléchies. Si ces actions sont menées, c’est parce que ces activistes et scientifiques savent qu’un rapport de plus expliquant le réchauffement climatique ou l’effondrement de la biodiversité ne changera rien. Les décideurs ne veulent tout simplement pas entendre.
Réduire ces personnes à “ils veulent faire des likes sur Tiktok” n’a aucun sens. Je ne suis pas sûr que cela amuse beaucoup Julia Steinberger, autrice du dernier rapport du GIEC, de s’allonger sur la route, de finir en garde à vue, de risquer un procès, et de subir des insultes et menaces quotidiennes.
Même chose pour ces jeunes activistes. Pensez-vous qu’ils prennent du plaisir à se faire insulter quotidiennement ? Probablement que non. Mais c’est un prix à payer pour faire exister la lutte climatique dans les médias et qu’on continue à en parler.
Même si les actions radicales remportent moins l’adhésion du grand public, la couverture médiatique est tellement plus importante que l’impact finit par être quoi qu’il arrive plus important. Mais quel impact, et dans quel but?
Le flanc radical (radical flank effect)
C’est probablement ce qui peut paraître le plus contre-intuitif au premier abord, mais les récentes actions les plus radicales des activistes n’ont pas pour but de changer l’opinion publique. Le but recherché est celui de tout flanc radical depuis des décennies : accroître le soutien aux actions perçues comme plus modérées. Cette stratégie a été testée et approuvée par plusieurs mouvements sociaux (pas uniquement climat) et est très bien documentée dans le livre instructif d’Andreas Malm, Comment saboter un pipeline.
Contrairement au flanc radical, les actions plus modérées peuvent cette fois-ci influencer positivement l’opinion publique, bénéficier d’un soutien financier plus important ou tout simplement pousser des personnes qui hésitaient à s’engager, à franchir le pas. Si vous lisez les commentaires sous les dernières actions, vous trouverez systématiquement plusieurs commentaires du type “n’importe quoi de jeter de la soupe sur l’art, allez plutôt manifester devant Total, là okay ! Mais pas dans un musée merde !“. Si certains ont commenté sous le coup de l’émotion, il est fort probable que ces actions trouvent désormais plus de sympathie si elles visent les criminels climatiques.
Selon Dana Fisher, le flanc radical joue un rôle important dans l’efficacité du mouvement climat. En effet, “ce type d’actions ne vise pas à changer les cœurs et les esprits, mais à mobiliser des personnes qui sont déjà acquises à la cause“. Plusieurs études comme Simpson et al. (2022), Shuman et al. (2022) ou encore Budgen (2020) estiment que le type d’actions (telles que pratiquées par Dernière Rénovation ou Just Stop Oil) ont plus d’impact que les marches pour le climat. C’est ce que rappelle Rob Willer dans le dilemme de l’activiste : une manifestation classique, ne dérangeant personne, ne vous donnera jamais une couverture médiatique internationale et n’aura que très peu de chance de dépasser la bulle écolo.
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Activisme, fenêtre d’Overton et Benny Hill
Si ce flanc radical remporte un certain succès, son but sous-jacent est également le déplacement de la fenêtre d’Overton. La fenêtre d’Overton est une allégorie qui situe l’ensemble des idées, opinions ou pratiques considérées comme plus ou moins acceptables dans l’opinion publique d’une société.
Si certaines actions paraissent extrêmes ou trop radicales les premières fois, non seulement l’habitude peut les rendre moins “violentes” aux yeux du grand public, mais rendre moins violentes les actions qui auparavant ne remportaient pas forcément l’adhésion d’une majorité de la population.
En revanche, l’effet du flanc radical ne fonctionne que lorsque le public peut faire la distinction entre le flanc radical et le flanc modéré. Cela ne devrait pas être trop compliqué à faire ces derniers temps, si vous prêtez attention aux différentes actions. Dernière en date, ces activistes qui ont souhaité empêcher des jets privés de décoller a par exemple remporté un très large succès et fait rire sur les réseaux sociaux…
Impossible de dire si c’est contre-productif
Répondons désormais à la question centrale : ces actions sont-elles contre-productives ? Pour cela, il faut se plonger dans la littérature scientifique sur le sujet. Cela va probablement ne pas plaire à tout le monde, mais la seule chose que vous pouvez alors en conclure, c’est qu’il est impossible de prétendre savoir à ce stade si ces actions sont contre-productives. Celles et ceux qui prétendent le contraire donnent juste leur opinion, et ce n’est pas basé sur des preuves empiriques.
Lorsque le GIEC a demandé à Dana Fisher de résumer les recherches visant à évaluer l’impact de l’activisme climatique sur les tendances des émissions de gaz à effet de serre, la sociologue a conclu qu’il n’y avait pas grand-chose à résumer. Quelques mois après la sortie du 3e volet du dernier rapport du GIEC (chap.13), nous en sommes exactement au même point. Il existe de nombreuses ressources qui mesurent les mouvements climat, mais très peu qui en mesurent les impacts.
De plus, les études indiquent ce que nous avons observé dans le passé, à un endroit et contexte précis, mais elles ne peuvent prédire l’effet d’une action spécifique. Elles peuvent au mieux montrer les tendances. Mais il est extrêmement difficile de savoir ce qui déclenchera le passage à l’action d’une personne. En revanche, ces actions radicales ne font pas changer d’avis les personnes déjà engagées pour la cause. “Personne n’est engagé(e) dans la lutte contre le changement climatique et va soudainement arrêter parce qu’il y a des activistes agaçants. Les gens ne fonctionnent pas comme ça, même s’ils le prétendent“, déclare Oscar Berglund, chercheur sur l’activisme et la désobéissance civile.
NB : comme d’autres chercheurs, Dana Fisher appelle à plus de financements pour comprendre les différents mouvements et leurs stratégies pour lutter contre le changement climatique. L’ensemble des fonds de recherche consacrés aux sciences sociales de l’atténuation des émissions est ridicule (0.12% entre 1990 et 2018) comparé aux autres financements.
Comment pourrait-on savoir si ces formes d’activisme sont productives ?
Pour juger de l’efficacité des actions et savoir si elles sont productives/efficaces – et donc provoquent un changement de mentalité ou des actions qui vont lutter contre le changement climatique – il faut prêter une attention particulière à la méthodologie. Quel est le sujet abordé ? Mobilisation ? Activisme ? Action violente ? Désobéissance civile ? Une étude sur les mouvements sociaux est-elle valable pour l’activisme climat ? Et puis, comment le savoir ? Via des entretiens ? Avec quel niveau de connaissances sur l’urgence climatique des interviewé(e)s ?
Il faudra tout d’abord prendre en compte la temporalité de l’action : quel sentiment avant, pendant, et après les actions. Ensuite, prendre en compte la localisation. L’efficacité va alors dépendre de l’environnement culturel. Avec une population très au fait du changement climatique et de ses conséquences, vous n’aurez pas le même effet qu’avec une population où 90% des habitants pensent que le réchauffement climatique actuel fait juste partie d’un cycle solaire (c’est faux).
Ensuite, lorsque vous lisez une étude sur le sujet, non seulement il faut prêter attention au fait que ce soit un travail revu par les pairs ou non, mais surtout, garder à l’esprit qu’un travail valable en 2018 n’est potentiellement plus valable en 2022. Le sentiment d’urgence climatique évolue, et même si elle est légère, la prise de conscience a augmenté depuis 2018.
Time is running out
Enfin, qui est la cible d’une action ? Cherchez-vous à convaincre l’opinion publique (qui reste à définir) ? D’autres activistes, comme avec le flanc radical ? Des décideurs politiques ? Et si vous obtenez une majorité de la population qui soutient votre action, est-ce que ce sera suffisant pour que les décideurs agissent et changent de modèle économique ou les lois ?
Pour conclure, vous ne pourrez savoir si une action est productive ou contre-productive qu’au bout d’un certain temps. Selon Dana Fisher, l’intérêt d’une action comme celle du jet de soupe est l’attention et la communication, non seulement à travers l’acte lui-même mais aussi à travers ce qui suit. Et tout cela n’est pas déterminé par l’action elle-même. Je ne sais pas si nous devrions attendre les travaux d’historiens qui jugeront en 2050 si ces actions étaient contre-productives.
Traitement médiatique et écoterrorisme
S’il y a bien une chose qui a une influence fondamentale sur l’opinion, c’est l’information. Nous savons déjà que le traitement du changement climatique est très insuffisant quantitativement, mais aussi qualitativement. Lorsque ces actions sont évoquées sur les plateaux TV, c’est quasiment systématiquement pour parler de la forme et jamais du fond.
Le fond, c’est le besoin urgent de changer de système économique. De changer tous les secteurs. Notre façon de manger, de nous déplacer, de nous chauffer. C’est ce que rappelle le GIEC dans son dernier rapport. Il faut “des changements fondamentaux dans le fonctionnement de la société, notamment des changements dans les valeurs sous-jacentes, les visions du monde, les idéologies, les structures sociales, les systèmes politiques et économiques, et les relations de pouvoir“.
Si les chaines d’information en continu, journalistes, éditorialistes et politiques rappelaient constamment ce message, il est évident que ces actions ne seraient pas perçues de la même manière. Avant de faire un sondage, présentez le fond, l’inaction des gouvernements, les mensonges des entreprises comme Total, puis faites le sondage.
Désobéissance civile et violence
La violence est au cœur des discussions depuis quelques semaines. Le mot a été répété en boucle, jusqu’à ce que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin parle d’écoterrorisme, terme repris ensuite par la majorité présidentielle et en tendances Twitter pendant plusieurs jours.
Le choix du mot et son contexte est particulièrement intéressant. Nous ne l’entendons jamais lorsque les entreprises fossiles, soutenues par les Etats, exploitent de nouveaux puits de pétrole et de gaz, ce qui nous fera sortir de l’Accord de Paris et condamne une partie de l’humanité. Ceci n’est pas violent. Mais une activiste qui jette de la soupe sur une vitre, c’est violent, un acte terroriste.
L’année 2022 est un théâtre parfait pour illustrer le traitement médiatique des actions dites ‘radicales’ des activistes climat. Une activiste qui interrompt Roland-Garros : terroriste de la pensée, “petite conne bobo”, “une folle”. Des milliers de morts de la canicule cet été en France, un gouvernement français condamné pour inaction climatique et qui n’a toujours pas fait une seule réforme structurelle, ce n’est pas violent. Le gouvernement Macron piétine la Convention Citoyenne pour le Climat, les rapports du GIEC, les recommandations du HCC, méprise les scientifiques et parle de couper le wifi pour lutter contre la crise énergétique et climatique : ce n’est pas violent.
Voilà ce qu’est la majorité du traitement médiatique aujourd’hui : les activistes qui demandent à ce que les scientifiques soient entendus sont violents, mais l’inaction climatique qui tue est non violente. Partout, des scientifiques sont détenus en prison pour une action non-violente, celles et ceux qui maintiennent un système mortifère en place et n’engagent aucun changement structurel sont au pouvoir.
Le droit actuel protège et permet des activités mortifères et ne permet pas par conséquent de rester dans l’Accord de Paris. Le droit actuel condamne à mort une partie de l’humanité. Doit-on considérer le droit actuel comme juste, ou la désobéissance civile devient-elle une légitime défense ? Lors d’un discours à la COP27, Emmanuel Macron semble donner une indication :
Le mot de la fin
Depuis quelques mois, les actions plus radicales font parler d’elles et alimentent les débats, dépassant très largement la bulle écolo des personnes déjà convaincues par l’urgence climatique.
Si la question est de savoir si ces actions sont contre-productives, la réponse est “personne ne peut le dire”. Il faudra du temps, des études, et la réponse dépendra très largement de la méthode, du contexte social et temporel. En d’autres termes, toute personne prétendant que ces actions sont contre-productives en octobre 2022 ne fait que donner son opinion, et il est fort probable qu’elle ne connaisse rien à l’activisme.
Il ne faut se faire aucune illusion. Que vous soyez pour ou contre, les actions dites radicales ne s’arrêteront pas tant qu’aucun changement de système ne sera enclenché. Le système changera, ou se défendra comme il peut, en augmentant la répression sur les activistes et scientifiques qui participent à des actions non-violentes. Il est également certain que les formes d’activisme évolueront et doivent évoluer, si leurs actions souhaitent éviter un effet de lassitude. Jeter de la soupe sur un tableau a eu un écho international la première fois, il est probable que la même action n’ait plus jamais la même couverture médiatique.
Mais si la forme cristallise une majorité des débats, recentrons-nous sur le fond. Une société où des scientifiques sont prêts à s’enchainer pour être écoutés plutôt que de travailler tranquillement est une société malade. Cela devrait nous interpeller et inquiéter beaucoup plus qu’un jet de soupe sur une vitre. Si vous êtes plus énervé(e) par un activiste qui jette de la peinture sur une vitre ou qui s’allonge sur la route que par les multinationales d’énergies fossiles qui condamnent notre avenir, c’est probablement que vous n’avez pas compris le problème.
Pour aller plus loin
- Radical climate protests linked to increases in public support for moderate organizations
- Climate activism and its effects
- AnthroShift in a warming world
- Anarchy, war, or revolt? Radical perspectives for climate protection, insurgency and civil disobedience in a low-carbon era
- Do protests influence environmental attitudes? Evidence from Extinction Rebellion
- Moderate Versus Radical NGOs
25 Responses
Il y a activisme et activisme. Empêcher un jet de décoller ou empêcher le déroulement d’une compétition de tennis, pourquoi pas si cela contribue à développer une conscience des dérives du capitalisme ? Mais porter atteinte à une œuvre d’art, même modeste, c’est non.
Ni les arguments emberlificotés que vous développez, ni la confusion entretenue par le terme “activisme” sur les différentes formes de protestation, ni la rengaine “on ne peut pas mesurer les effets contre productifs” ne changent la donne. Tous les tyrans du monde, depuis que l’Histoire a pu le documenter, se sont attaqués à l’art et aux manifestations de l’esprit, à la culture et à la science. S’attaquer à la Joconde relève de la même posture : je méprise ce que d’autres admirent et je le détruis (heureusement, il y a des blindages pour protéger les objets les plus chargés de projections mentales, pourquoi la Joconde ou les Tournesols ?). Et j’impose une violence symbolique (avant de passer à des arguments plus contondants ?).
Désolée, j’aime mieux quand Bon Pote s’attaque à des questions scientifiques ou techniques qui ont le mérite de remplacer une info défaillante. Sur l’activisme, la tasse déborde sans rien faire avancer.
Quand les tyrans s’attaque à l’art ils la détruisent. Les activistes n’ont rien détruit puisque les œuvres étaient protégées. Il s’agit “d’attaques” symboliques, contrairement à ce que font les tyrans.
Face à une personnalité toxique avec moi (La relation est toxique mais pas elle forcément…), je lui tourne le dos et je l’ignore, je la fuis et je m’en vais. Si tout le monde est indifférent à la personne toxique et l’ignore, je vois pas en quoi elle pourrait gêner les autres. En d’autre terme, il faut la laisser dégrader et l’oublier, sans lui prêter attention. Sans lumière, elle n’est rien: c’est exactement l’inverse de ce que font les médias. Les activistes s’activent, et donc ?
Depuis que cette question remonte dans l’actualité, je repense toujours à la citation suivante « Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »
Je pense qu’on a tout à gagner quand les éditorialistes répètent en boucle “Est-ce que vous cautionnez la violence” qui attaque la légitimité des activistes à recentrer le débat et répondre par cette définition de la violence. Les militants écologistes ne sont qu’une réaction physique à une violence première institutionnelle. Finalement je ne sais même pas si l’efficacité est à questionner, les actes se multiplieront de fait et gagneront en intensité avec la croissance du désespoir face à l’action climaticide des institutions et ses conséquences.
Malheureusement quelle autre voie pour l’Humanité ? Avons-nous en tant qu’espèce la capacité de nous mobiliser massivement pour créer des formes d’organisation sans cette dérive omnipotente qui jusqu’ici semble sans cesse se réincarner tout au long de notre Histoire ? Si non, nous sommes de fait condamnés et ce sera simplement du fait que notre espèce était peut-être inadaptée au sens darwiniste du terme. Est-ce que les nouveaux imaginaires post-croissance et de sobriété heureuse pourront l’emporter à temps face à la machine capitaliste mondialisée qui ne semble pas avoir de talon d’Achille de par son ubiquité ?
Bonjour,
Tout d’abord merci beaucoup pour votre travail, le temps que vous passez à sourcer vos informations et à introduire de la nuance dans un débat qui est rapidement caricaturé ! Nuance et prise de position ne sont pas incompatibles 🙂
Concernant ce sujet précis, certes il est impossible de savoir dans l’instant quel sera l’impact d’une action. Et c’est certainement la répétition de ces actions, des prises de position, qui finit par lentement faire bouger les lignes. Toutefois, et c’est une opinion, je ne pense pas que jeter de la soupe sur un tableau soit positif. Celà heurte des personnes pour qui l’art représente quelque chose de particulier, quelque chose qui les fait vibrer, qui leur procure une émotion. Bien entendu cela n’est d’aucune mesure avec la violence climatique qui regne, mais l’une justifie t’elle l’autre ? Avons nous me droit de heurter des personnes qui, individuellement, ne sont pas responsables de la situation climatique ? Si clivage il doit y avoir, il faut bien choisir qui on veut choquer, pointer du doigt, toucher. Ne pas chercher à plaire à tout le monde, mais savoir à qui on veut vraiment déplaire.
L’activisme est essentiel et parfaitement complémentaire avec la pédagogie, la modération, la science. Attention à ne pas donner la sensation que l’activiste possède un savoir que les autres ignorent, et que tous les moyens se valent pour le faire connaître.
Merci encore pour vos articles !
ce n’est pas impossible que cela ne soie pas une bonne chose de choquerr l’amateur d’art.
la culture est une chose importante de la vie. cependant
1) si vous êtes Le louvre accueillant des visiteurs chinois venus en avion, vous êtes une partie du problème et non une partie de la solution
2) la culture est très loin dans l’échelle des besoins humains… quand le besoin premier est menacé, les besoins plus futiles devraient passer au second plan.
dit autrement, on a besoin d’un plan marschal, d’une économie de guerre axé sur cettte ennemi qui nous tue, si ce a plan étaient activé, le louvre serrait fermé le temps de remporter la bataille climatique
Moi, cela me fait penser aux action coup de poing d’act up dans les années 80. aujourd’hui on se dit heureusement qu’ils se sont bougés.
Urgence climatique, que faire: balancer de la soupe sur un van Gogh ou réduire à 110 la vitesse sur autoroute?
Alerter sur l’urgence d’agir ou essayer concrètement de réduire les émissions de CO2?
C’est vrai que le mouvement climatique peut faire les 2, l’action Van Gogh grace à la fenetre d’Overton devrait rendre plus audible et nécessaire l’action concrete. Esperons le.
Voici le lien: https://www.taca.asso.fr/319+interpellons-notre-depute-sur-le-110-sur-autoroute.html
Un article qui me semble assez orienté pour une fois, et qui debunk principalement la position “c’est contre-productif” et pas la position “c’est productif” (ou uniquement en introduction). J’ai beau être biaisé par mon opinion, j’ai l’impression que cet article, bien que très intéressant et apportant de nombreux éléments dont je n’avais pas connaissance, l’est aussi. Dommage !
Bonjour Xavier, mais c’est très exactement le point de l’article : c’est difficile de répondre si c’est productif. Je devine, compte tenu de la recherche sur le sujet et des témoignages des activistes, que c’est réfléchi et pensé, que ce qu’ils font n’est pas un hasard et ils savent très bien qu’ils n’auront pas l’opinion publique avec eux… Au moins au début.
=> “Ils savent très bien ce qu’ils font” ; ça serait bien qu’on le sache aussi… histoire d’accroître la légitimité de leur action.
Car oui, il y a réellement un risque à l’activisme radical : celui de perdre le contrôle (pour certains militants c’est même le but affiché), par exemple en mettant involontairement des Trumps au pouvoir.
La démocratie n’a jamais été aussi en danger qu’aujourd’hui, le populisme monte, se nourrissant de la colère et de la frustration des laisser pour compte (on est d’accord que l’activisme radical n’en pas originellement responsable).
Peut-être faut-il sortir de la bulle franco-française pour mieux s’en rendre compte, mais partout en occidents des gouvernements populistes et de droites (très) dures avec (très) peu d’intérêt pour l’environnement prennent progressivement le pouvoir ; Italie, République Tchèque, Slovaquie, Pologne, Hongrie, UK, Suède, Autriche, Bulgarie, US… et la tendance ne semble pas à l’inversion de courbes…
Aussi, est-il légitime, en 2022, de prendre le risque d’attiser un sentiment général de frustration et de colère alors que comme vous l’écrivez “c’est difficile de répondre si c’est productif” ?
Comment savoir qu’il ne s’agit pas dans certains cas de provoquer volontairement le chaos comme c’est par exemple revendiqué par la mouvance des anarcho-primitivismes, avec l’idée que cela pourrait accélérer une récession forte (jusqu’à la période pré-industrielle) considérée comme souhaitable par ces derniers, et ce quels qu’en soit les moyens pour y parvenir (saboter un pipeline par exemple) ?
=> Comment juger de cet activisme sans connaitre le vrai projet de société défendu derrière ?
Alors oui, on ne prouvera sans doute jamais scientifiquement que cet activisme radical est contre-productif, mais contre-productif vis-à-vis de quel projet en fait ?
=> Finalement qu’est qui peut encore légitimer cette prise de risque de la part de l’activisme radical, en l’absence d’un projet de société transparent et commun, et dans le contexte de l’état démocratique en 2022 ?
Merci pour cet article éclairant, sourcé et nous permettant de nous questionner.
Encore une fois merci pour ton travail
Merci Laura pour votre retour !
J’arrive pas à me dire que c’est pas un jeu dangereux.
Évidemment que ça va pas faire changer d’avis les gens déjà sensibles. Par contre je suis convaincu qu’une majorité de gens a un avis flou sur la question ou sur son importance par manque d’éducation sur le sujet.
Et à une époque où les médias jouent le jeu de la division, c’est leur donner du grain à moudre pour faire passer la cause climatique pour des abrutis. Sauf que si on se retrouve dans une situation où, pour la masse “les écolos sont des abrutis”, bon courage pour éduquer des gens qui sont maintenant braqués.
Il ne faut pas oublier que quand on est à l’extérieur d’un sujet, on mélange tout. Pour les gens qui ne sont pas éduqués sur le climat (et je parle de monsieur et madame tout le monde, pas des climato-sceptiques), XR, les marches pour le climat, les gens qui s’enchaînent sur un filet, EELV, la fresque pour le climat … tout ça pour eux c’est une sorte de boite verte avec des écolos dedans, à peine un peu moins hippies qu’il y a 20 ans. Et les médias font bien attention de maintenir la confusion.
Des fois je pense qu’il faut que chacun d’entre nous se rappelle qu’avant d’être concerné par le climat, on était comme tout le monde. Sans mauvaise intention, avec une idée vague que le problème existe mais bon, les humains polluent, c’est triste mais on y peut rien. Perso j’ai découvert le truc parce que des vulgarisateurs m’ont pris par la main, m’ont expliqué le soucis avec bienveillance et surtout à quel point il était bien plus grave et urgent que les autres problèmes que rencontre l’humanité. Avant ça, j’aurai sûrement pu me dire “rha ces écolos ils ont que ça à faire?”.
Je pense qu’on n’a pas idée de à quel point, et c’est humain, les gens sont dans leur bulle. Leur famille, leur travail, leurs amis, leur quotidien. Rien d’égoïste là dedans, pour moi c’est biologique de vivre dans une bulle. Et je crois pas que ce soit en se faisant passer pour des vandales (à leurs yeux, je précise !) qu’on va les aider à agrandir cette bulle.
Mais je me trompe peut être.
je partage votre avis : je ne pense pas qu’un ignorant du problème climatique puisse être connvaincu par un jet de soupe sur une vitre protégeant un tableau.
par contre cella pourrait déplacer la fenêtre d’Overton : ils seront peut-être plus réceptif au blocage d’une raffinerie fossile.
l’éducation serrait un préalable…le problème est que c’est compliqué d’expliquer quelque chose à quelqu’un qui n’est quasi pas au courant de l’existence du problème : il n’a pas le temps d’écouter et/ou croit déjà tout savoir
Merci pour ce tour d’horizon assez complet de la question. Il y a deux arguments qui pourraient être creusés car répétés en boucle par les macrono-lepénistes: Que diriez-vous si des personnes d’extrême-droite entreprenaient des actions du même type pour défendre des idées anti-progressistes: anti-migrants, anti-IVG, pro-peine de mort? Qu’est-ce qui vous permet d’affirmer que votre cause est plus légitime? Si on accepte la désobéissance pour vous c’est la porte ouverte à tous les “extrêmes”. Le débat légalité/légitimité. Cela implique de rentrer dans un analyse des rapports de domination sous-jacents à la fabrique de la “légalité démocratique” qui est plus une fiction destinée à légitimer l’ordre dominant qu’autre chose.
Les activistes écologistes s’appuient sur des données scientifiques reconnues internationalement pour justifier leurs actions. Les personnes d’extrême-droite s’appuient sur “le bon sens du boucher charcutier de Tourcoing”…
D’accord à 100% avec vous sur le fond. Sur la forme, en me faisant l’avocat du diable, je vous renvoie au livre de Noiriel et Beaud “Race et sciences sociales : essai sur les usages publics d’une catégorie”. De la fin du XIXème jusqu’à la deuxième guerre, la plupart des pays occidentaux ont adoptés des législations à caractère plus ou moins racial sur la base de données “scientifiques”. A cette époque, il y avait un large consensus scientifique en faveur de ces théories. Mais il y avait aussi des voix dissonantes, comme le rappellent les auteurs. Ces voix critiques ont ainsi contribué à déplacer la fenêtre d’Overton rappelée dans cet article.
un exemple de “large consensus scientifique en faveur de ces théories (théorie problématique dans le passé” ?
Bonjour Amadou,
Les écolos sont très souvent dans une démarche pacifiste et bon enfant. Leur problème, pour la politique libérale, être contre le capitalisme et ces profits mal réparti, surtout quand il est destructeur. De plus, ce coté “fleur bleue” leur donne une image quasi inoffensive que l’on peut facilement attaqué. (Les routiers qui bloquaient la route lors des “bonnets rouges” n’ont pas été inquiété par des automobiliste un peu trop pressé… par contre Dernière renovation, on peut y aller… c’est bizarre non?)
Pour les militants d’extrême droite, leur démarche n’est en rien pacifique, le site streetpress documente les exactions de ces groupuscules, toujours masqué. Tabassage, intimidations, la ville de Lyon fait face actuellement à une recrudescence de ces “actions”. Bizarrement, c’est moins médiatique que les écolos. Par contre si le RN passe en 2027, imaginez le sentiment de toute puissance dont jouirons ces groupuscules… Quand on penses que leurs programme est basé sur l’insécurité. Sur leurs canaux dédiés, ils auraient une liste de personnes à “corriger”: JL Mélenchon en tête) source: streetpress
Tout à fait d’accord avec vous. Il y a un traitement médiatique, policier et judiciaire complètement déséquilibré. Je peux aussi vous citer les agriculteurs, quand ils bloquent des routes ou déversent des tonnes de fumier, ils sont rarement inquiétés. Je pense aussi qu’il faut mettre en avant ces “deux poids, deux mesures” dans l’argumentaire:
– l’illégalité du gouvernement sur des tas de points: la qualité de l’air, la qualité de l’eau, les pesticides dans les zones N2000, l’inaction climatique, les chasses “traditionnelles”, les infrastructures inutiles (GCO, Mégabassines)
– l’illégalité des acteurs défendus par le gouvernement: les chasseurs, les agriculteurs (retenue de Caussade, prélèvements agricoles non autorisés, pesticides…)
Mettre en avant la duplicité du gouvernement est ce qui me semble le plus efficace pour répondre (dans l’émission C ce soir, la ventriloque marconiste n’avait rien à répondre sur le sujet “les mégabassines font l’objet de recours non purgés pourtant les travaux commencent” / “la retenue de Caussade a été jugée illégale pourtant elle n’a pas été démolie”)
Intéressant ce que vous dites. L auteur de l article aura certainement une réponse pertinente à vous soumettre. Pour ma part, je ne vous rejoins pas lorsque vous mettez dans le même panier une action forte en faveur du climat et une action forte de la part de groupes politiques extrêmes sur des sujets de société. Le climat c est pour préserver l humanité de sa destruction en protégeant sa “maison”. Cela concerne la survie. Alors que les extrêmes ils vont revendiquer leurs opinions sur tel ou tel sujet de société. Le sujet du climat est vital pour l humanité contrairement aux autres revendications, ce qui donne une légitimité aux actions actuelles.
Je ne les mets pas du tout dans le même panier et je suis tout à fait d’accord sur le fond avec vous. On ne peut pas mettre sur le même plan des personnes qui se battent pour l’intérêt général humain et des personnes qui défendent des groupes (nationaux, blanc…) ou des intérêts privés (la FNSEA par ex). Il faut toutefois avoir des arguments précis à répondre sur ce qui fonde philosophiquement la désobéissance civile. Pour l’instant, du débat dans ces lignes je retiens:
– le consensus scientifique MAIS la science a-t-elle toujours raison (cf. ma réponse ci-avant sur les questions raciales)? les données scientifiques doivent-ils s’imposer au débat démocratique?
– l’intérêt général humain MAIS ceux qui luttent contre l’IVG affirment lutter POUR la Vie (par ex.)
Mon but, vous l’aurez compris est de construire l’argumentaire le plus efficace pour répondre aux critiques
Merci pour cet article. Je suis en plein doute sur ces questions (les types d’activisme et leur légitimité) et ça m’aide à y voir plus clair.
Le graphique de James Ozden présuppose que l’impact par vue sur le soutien public est faible ou fort mais toujours positif. Pas d’impact négatif possible (qui serait dramatique si multiplié par un nombre de vues élevé) ?
On ne peut pas rester neutre dans un train en marche.
On relira certainement avec profit ce que Howard Zinn écrit sur l’extrémisme dans son livre “L’impossible neutralité”.