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L’épisode politique que nous vivons avec la promulgation de la loi dites Duplomb ce 12 août 2025 est exceptionnel à plus d’un titre.
Comme à leur habitude, le gouvernement Macron, la droite et l’extrême-droite ont défendu l’indéfendable en avançant de faux arguments, se sont réclamés “de la science” quand les scientifiques disaient tout le contraire, et ont bénéficié de médias et journalistes leur tendant le micro sans contradiction. Une pétition a récolé plus de 2,1 millions de signatures pour s’opposer à la loi Duplomb, malgré le mépris du gouvernement et la presse conservatrice qui ont multiplié les attaques personnelles sur les opposants de cette loi.
Sans aucun doute, il y a eu du positif. Un engouement historique, des personnes aux sensibilités politiques opposées ensemble contre la loi Duplomb, une loi qui favorise l’élevage industriel et dangereuse pour la santé des Françaises et Français à plus d’un titre.
Mais ce positif reste à transformer. Car si on s’en tient au concret, la séquence est très largement négative et crier victoire est tout sauf factuel. Pour le dire plus clairement : on ne crie pas victoire quand on vous promet de vous couper la main et qu’on vous laisse un doigt.
Le diable se cache dans les détails
Un parallèle entre la promulgation de la loi Duplomb et les législatives 2024 pourrait être fait. Les partis de gauche rassemblés au sein du NFP étaient alors arrivés en tête des législatives et criaient victoire.

Ce fut certainement une victoire politique, inattendue par tous les sondages un score inespéré quand les médias présentaient un raz de marée de députés Rassemblement National au second tour, avec 200, parfois 300 députés élus. L’occasion aussi de rappeler que se rassembler est la seule solution face au danger qu’est l’extrême-droite. Mais la réalité est un peu plus à nuancer. Non seulement l’extrême-droite a fait un score historique, et en plus de cela, Emmanuel Macron a ignoré les résultats et a choisi François Bayrou comme 1er ministre, qui gouverne depuis main dans la main avec l’extrême-droite pour éviter tout risque de censure.
Concernant la loi Duplomb, il est à nouveau dangereux, voire faux de crier victoire. Comme l’a déclaré le membre du Haut Conseil pour le Climat Gonéri le Cozannet, la loi dite Duplomb “constitue un recul grave et important pour l’agriculture, la santé et l’environnement. Par exemple, l’article sur le stockage d’eau méconnait les travaux de recherche sur l’adaptation“.
Ici n’est évoqué que l’article 5 de la décision du Conseil Constitutionnel, celui portant entre autres sur les méga-bassines. Le constitutionnaliste Thibaud Mulier avait également alerté sur Bon Pote sur les risques de cette censure partielle par le Conseil Constitutionnel et des suites potentiellement dangereuses.
Prenons par exemple l’article 2, celui qui concerne la dérogation à l’interdiction d’emploi de certains produits phytosanitaires, notamment l’ acétamipride. Comme le précise l’avocat et spécialiste du droit de l’environnement André Berne :
“on lit ici où là que le Conseil constitutionnel aurait déclaré l’inconstitutionnalité de cette disposition improprement qualifiée de « réintroduction des néonicotinoïdes ». Or il n’en est rien puisque la censure ne porte pas sur la dérogation en tant que telle mais du fait des conditions de sa mise en œuvre qui sont jugées de nature à compromettre le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (article 1 de la charte de l’environnement).
Mais pas d’inquiétude, dès sa promulgation, aucun doute qu’une PPL DUPLOMB 2 sera déposée, réintroduisant la dérogation NNI avec les conditions ad hoc pour la rendre conforme, tandis que d’autres rédigeront une PPL d’abrogation complète du texte !
Et en effet, il n’a pas fallu 24h pour Laurent Duplomb fasse savoir qu’il n’excluait pas un nouveau texte pour réintroduire l’acétamipride“. Vous avez dit victoire ?
Autre point qui mérite attention, la réaction d’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et directement concerné par la loi Duplomb via ses activités dans le groupe AVRIL :

Si une personne comme Arnaud Rousseau n’est pas en train d’hurler aux loups et de menacer de bloquer le pays ou des groupes de personnes directement comme il le fait systématiquement depuis qu’il est à la tête de la FNSEA, c’est qu’il y a de quoi s’inquiéter.
Le risque de voir revenir l’acétamipride est réel et seule une décision politique juste pourra l’en empêcher. Le porte parole de la Confédération paysanne Thomas Gibert propose par exemple la mise en place d’une clause de sauvegarde pour interdire l’importation de produits traités à l’acétamipride. “La Confédération paysanne avait déjà obtenu l’utilisation de cet outil de regulation en 2016 lors de l’interdiction du diméthoate, c’est donc une revendication atteignable que nous devrions tous et toute pousser“.
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Tout reste à faire
La décision du Conseil Constitutionnel est une petite victoire, sur un périmètre réduit, au mieux. C’est une défaite de plus pour l’écologie et la santé des Français… pour l’instant. Avec plus de 2 millions de personnes contre la loi Duplomb, la mobilisation montre que l’écologie “n’est pas mort” en France et malgré ce que certains essayent de nous faire croire toute l’année, les Français veulent plus d’écologie.
La fin de l’histoire “Duplomb” reste encore à écrire, avec des incertitudes, mais aussi des certitudes : aucune amélioration notable de ce qu’il y a dans nos assiettes n’arrivera sans changer le système actuel, un système agro-industriel mauvais pour l’environnement, la majorité des agriculteurs et paysans, les animaux et la santé des Français. Aucun changement profond n’arrivera tant que le pouvoir sera aux mains de partis politiques se moquent de la santé des Français.

Pour crier victoire, il faut gagner. Le succès de la pétition contre la loi Duplomb ne sera une victoire que si l’engouement citoyen de l’été se concrétise à la rentrée de septembre 2025 et que les Français sanctionnent dans les urnes ou la rue celles et ceux qui cherchent à les empoisonner.
Journalistes, politiques, lisez bien ceci : le gouvernement reconnait que la loi Duplomb est dangereuse pour la biodiversité, aura des conséquences sur la qualité de l'eau, des sols, présente des risques pour la santé.Macron et tous ces soutiens sont des empoisonneurs. ILS SAVENT.
— Bon Pote (@bonpote.com) 2025-08-01T09:11:37.345Z
4 Responses
Deux curieux commentaires (Toto et Edouard) : pour lutter contre la concurrence nous devrions continuer la fuite en avant dans l’usage de pesticides dont la nocivité ne fait aucun doute. Heureusement Κύων remet les pendules à l’heure.
Mais…
1. Nos politiciens voguent sur la vague du ressentiment et de la xénophobie. Et ça paye.
2. Les arguments scientifiques sont systématiquement ignorés ou disqualifiés au nom de préjugés enracinés dans les esprits. La culture scientifique en France a du plomb dans l’aile, si j’ose dire (facile et déjà fait mais c’est trop tentant).
3. Alors que les effets des pollutions, de l’industrialisation de la production agricole et du changement climatique s’accélèrent et ont un impact croissant sur nos conditions de vie (surtout sur celles des plus pauvres), l’opinion publique et la majorité de la presse se contentent de pleurnicher sur les canicules et les cancers, sans jamais tirer les conclusions qui s’imposent : virer les personnages douteux qui se cramponnent au pouvoir et soumettre les prochains à un vrai contrôle démocratique (pas aux simagrées du CNDP qui fait semblant de nous consulter sur la transition (sic) écologique et la biodiversité avec un argumentaire qui fleure bon la réaction du genre “la France serait à la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique”. Sous entendu : bricolez des réponses qui ne remettent pas en cause la politique actuelle. Et puis quoi encore ?).
4. La concertation entre chercheurs, techniciens et professionnels existe : on sait pourquoi les politiques actuelles vont dans le mur (ex.: tuer des loups est une ânerie à la fois parce que cela provoque la désorganisation des meutes et les rend dangereuses et parce que les loups sont des alliés de la biodiversité; d’autres pays font mieux que nous) et parce que des solutions alternatives existent. Pour la betterave, les noisettes on sait très exactement que la monoculture intensive est à l’origine du problème. On sait faire autrement mais la FNSEA ne veut pas perdre ses clients et accessoirement perdre la face. Les politiques ne veulent pas renoncer à leur clientèle d’agriculteurs et de chasseurs.
Merci à Bon Pote (et à quelques autres) de s’y coller pour rétablir la vérité. Courage. Ce n’est pas gagné.
En quoi handicaper les productions françaises pour récupérer des productions étrangères sûrement contaminées est une victoire.
Dire que les médias ont fait une campagne de droite et d’extrême droite est totalement infondé.
Je sais que je rêve des écologistes décroissantistes est de revenir à une agriculture pastorale incapable de nourrir leurs exploitants et encore moins les français au prix d’une qualité de vie détestable. Rêve totalement idéaliste et créant beaucoup plus de problème que de solutions.
Votre discours change beaucoup et devient très militant, très populiste et du coup moins sensé.
Pas sûr que la cause ni les Français y gagnent.
5% des noisettes consommées en France sont produites par les Français, 95% restantes sont importées de l’étranger notamment de Turquie et sont donc traitées aux pesticides. Donc 95% des noisettes consommées sont traitées aux pesticides. A terme il y aura 100% des noisettes consommées en France traitées aux pesticides, les 5% originelles vont disparaître, car non traitées. Ça me fait penser au Mercosur… Donc, qu’en pensez-vous et que faut-il faire ? Moi, j’aime beaucoup la noisette, surtout dans le chocolat Suisse…
Comme je l’avais [déjà écrit](https://cahiers-derrances.fr/actualites/loi-duplomb-un-grand-bond-en-arriere-environnemental-et-sanitaire-the-conversation/), il faut appliquer les mêmes normes aux marchandises entrantes qu’aux produits français. C’est tout. Je vois pas trop ce qu’il y a de compliqué à comprendre. Ça n’est même pas incompatible avec les théories néo-libérales tant vénérées par les classes dirigeantes.