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Mélusine Boon-Falleur est doctorante en sciences cognitives à l’Ecole Normale Supérieure. Ses recherches portent sur les inégalités sociales et sur la transition écologique.
Les sciences cognitives, c’est-à-dire l’ensemble des disciplines qui étudient la cognition et le comportement humain, sont en plein essor. Grâce aux progrès techniques et méthodologiques, la compréhension du cerveau et du comportement fait de grands bonds en avant.
Cette approche croisée entre les neurosciences, la philosophie, la linguistique, la psychologie, l’anthropologie, et l’intelligence artificielle, a permis de répondre à des questions très variées comme : Pourquoi certaines musiques font-elles danser ? Ou encore, pourquoi les gens partagent-ils des fake news ?
Un terrain d’application particulièrement riche pour les sciences cognitives est la transition écologique. Au-delà des enjeux technologiques, financiers et technocratiques, la transition requiert un changement profond de la société. Néanmoins, malgré une volonté quasi universelle de faire changer les choses, la transition écologique se heurte encore souvent à une forte opposition. Comment expliquer notre inaction climatique ?
Sommaire
ToggleL’écart entre l’intention et l’action : le belief action gap
Les sciences cognitives proposent plusieurs niveaux d’analyse, allant des neurones jusqu’à l’individu. D’un côté, il y a les chercheurs qui explorent le cerveau sous l’angle neurologique, cherchant par exemple à identifier les neurotransmetteurs liés à nos émotions ou les zones du cerveau impliquées dans des processus mentaux spécifiques.
De l’autre côté, certains chercheurs s’intéressent plus généralement à la psychologie et comment celle-ci est influencée par le contexte sociétal, telles que les inégalités ou l’isolement. Cette seconde approche, centrée sur l’individu plutôt que sur les neurones, a déjà montré son efficacité pour proposer des solutions tangibles et motiver des actions concrètes contre la crise climatique, en cernant mieux les leviers d’action pour changer les comportements.
L’étude de la psychologie a notamment mis en avant un concept central pour comprendre la crise écologique : le fossé entre les intentions d’une part (faire changer le système) et les actions d’autre part (on ne change rien), appelé l’écart entre l’intention et l’action ou le “belief action gap”.
De la gestion de l’information à la recherche de statut social, les mécanismes cognitifs qui peuplent notre cerveau peuvent être un frein au changement. Heureusement, les recherches en sciences cognitives, et plus particulièrement en psychologie environnementale, offrent des pistes pour dépasser ces freins et faciliter la transition écologique.
Voici les différents mécanismes cognitifs qui sont à l’origine de ce fossé entre nos intentions et nos actions et quelques pistes pour le combler.
Abandonnons les calculs compliqués !
Quand on parle du climat, on jongle avec des chiffres astronomiques, comme les millions de tonnes de CO2 rejetées chaque jour dans l’atmosphère.
Face à ces ordres de grandeur, notre cerveau, pourtant habile en mathématiques, se perd. Pour rendre un sujet accessible et mémorable, il faut le ramener à une échelle humaine.
Par exemple, dire que l’empreinte carbone moyenne en France est de 10 tonnes CO2eq, et que l’objectif est de réduire à moins de 2 tonnes d’ici 2050 est bien plus parlant que d’évoquer les 384,5 millions de tonnes des émissions nationales.
Notre cerveau est bien meilleur pour se représenter des petites quantités et faire des calculs simples (10 → 2 tonnes requiert de diviser par 5, facile !). De même, notre mémoire a beaucoup plus de chance de stocker une information qui nous apparaît plus simple et plus familière.
Utiliser des modèles mentaux familiers
Les causes et conséquences du changement climatique échappent à notre perception. Imaginez : vous dévorez un steak, et pourtant, pas l’ombre d’un nuage de CO2 ne s’échappe pour vous montrer en direct son rôle dans le réchauffement climatique.
C’est là où le bât blesse : des études montrent que pour changer de comportement, notre cerveau a besoin de comprendre pourquoi il faut changer en s’appuyant sur des images, des “modèles mentaux”, qui rendent le problème tangible.
Par exemple, dans une étude menée sur le respect des prescriptions d’antibiotiques, des chercheurs ont montré qu’expliquer la résistance bactérienne que peuvent créer les antibiotiques, favorise le respect de la posologie.
Pour le climat, il existe aussi des manières de rendre le problème plus tangible et compréhensible. Par exemple, l’association Potential Energy démontre que parler du CO2 comme d’une couverture épaisse qui enveloppe la Terre, nous emprisonnant dans une chaleur étouffante est plus parlant. De même, rendre les émissions de CO2 plus visibles avec des labels de type Nutri-Score peut faire changer le comportement des consommateurs et des entreprises.
En bref, pour que le message sur le climat frappe fort et juste, il faut rendre les causes et conséquences tangibles.
Passer de l’information à la motivation
Comprendre le changement climatique, c’est bien ; se sentir poussé à agir, c’est mieux. Mais pour cela, l’information ne suffit pas, encore faut-il être motivé à changer. La motivation peut se réduire à une équation assez simple :
Motivation = Perception du danger – Effort perçu + Efficacité perçue.
Autrement dit, si le risque semble élevé, mais l’effort pour y remédier est abordable, et les solutions efficaces, nous sommes bien plus enclins à passer à l’action.
Notre appréhension du risque est influencée par sa proximité dans le temps et l’espace. Plus un danger est perçu comme proche et imminent, plus nous sommes inquiets. De plus, pour être perçu comme tel, un danger doit nous affecter personnellement.
Or, la crise climatique est souvent présentée comme un problème dans le futur, dans des régions lointaines, et sans conséquences directes. Il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour montrer que la crise est déjà en cours et comment elle nous affecte. Au lieu de parler de problématiques trop abstraites et lointaines comme la disparition des ours polaires en 2100, il faut parler de pénurie d’eau courante, de la hausse des prix de l’alimentation ou des morts liées aux vagues de chaleur.
Rendre des comportements standards
L’effort perçu joue également un rôle clé. Nous avons tendance à minimiser nos efforts pour atteindre un but donné. Cette minimisation de l’effort nous pousse parfois à des comportements aberrants en matière d’écologie, par exemple, en achetant des bananes pré-épluchées vendues sous plastique ou des gadgets inutiles comme la planche à découper connectée.
Pour encourager des comportements plus respectueux de l’environnement, il faut rendre l’engagement écologique plus accessible que le comportement polluant. Imaginons que choisir un repas végétarien devienne standard alors que l’option carnée requiert une démarche, ou que se garer en centre-ville devienne un parcours du combattant alors que les transports en commun sont omniprésents.
Si agir de manière éco-responsable requiert moins d’effort que polluer, notre tendance à minimiser les efforts nous guidera vers l’exemplarité. Des changements structurels, tels que des politiques d’aménagement des villes, peuvent rendre les comportements écologiques comparativement plus simples.
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“Il est donc essentiel de montrer que chaque action compte”
Quant à l’efficacité perçue, notre motivation à agir dépend directement de l’impact perçu de nos efforts. S’ils ne servent à rien, alors nous ne faisons rien.
Dans une série de fameuses expériences, Seligman et Maier, deux psychologues américains, ont mis en évidence le phénomène “d’impuissance apprise” où des chiens, après avoir subi des chocs électriques aléatoires et n’ayant pas de moyen d’empêcher ces chocs, deviennent par la suite incapables de se sortir de situations négatives, même lorsqu’il leur est possible de le faire. Cette expérience met en lumière l’importance de se sentir capable d’affronter un danger et d’éviter “l’impuissance apprise”.
Aujourd’hui, trop de gens croient que rien ne peut endiguer la crise écologique et que tous les efforts sont vains. Pour motiver les gens à passer à l’action, il est donc essentiel de montrer que chaque action compte, non seulement les actions du gouvernement, mais aussi l’engagement individuel.
En somme, pour passer de l’intention à l’acte, il faut activer la peur mais aussi l’espoir, et plus particulièrement le sentiment qu’agir est efficace.
Le climat, notre affaire à tous
Au-delà de la compréhension des enjeux et de l’effort nécessaire, la crise climatique est compliquée car elle pose un problème de “gestion des communs”. Lorsqu’un individu réduit ses émissions de gaz à effet de serre, le coût de l’effort est individuel, alors que les bénéfices sont partagés par l’ensemble de la planète.
Cette situation crée un dilemme : alors que nous bénéficions tous d’une réduction des émissions de carbone, individuellement nous sommes tentés de continuer à polluer laissant les autres faire un effort. C’est ce qu’on appelle le problème du “free-rider”.
À première vue, les extraordinaires capacités sociales de l’espèce humaine devraient faciliter la lutte collective contre le réchauffement climatique. Malheureusement, notre capacité à coopérer est conditionnelle : si les autres coopèrent, alors nous coopérons, si les autres ne coopèrent pas… alors nous ne coopérons pas.
Pour contribuer à un effort collectif, les gens doivent donc avoir suffisamment de preuves que d’autres agissent également. Mais cet objectif peut s’avérer difficile à atteindre : notre confiance dans les autres fonctionne telle une alarme incendie.
De la même manière que les alarmes incendie sont réglées de manière à être trop sensibles pour ne jamais rater un véritable incendie (même si elles détectent parfois de simples toasts trop grillés), nous avons plutôt tendance à être parano en matière de coopération.
Cette tendance à surestimer la présence de “tricheurs” peut donner lieu à une situation d’ignorance pluraliste : alors que tout le monde veut changer le système pour préserver le climat, en public, personne ne manifeste cette opinion parce que chacun croit être le seul à l’avoir.
Certaines études montrent effectivement que les gens ont tendance à sous-estimer l’engagement écologique des autres. Pour lever l’ignorance pluraliste, il faut donc rendre visible le consensus : par exemple, 7 français sur 10 pensent que l’État devrait faire plus pour préserver l’environnement, même si cela signifie contrôler ou limiter certaines pratiques (voyages en avion…).
En d’autres mots, si vous voulez plus d’actions politiques en faveur de l’environnement, vous êtes dans la majorité.
De manière générale, pour faire évoluer la norme sociale vers plus d’écologie, il faut rendre plus visible les comportements vertueux, mettre en valeur les individus qui ont changé leurs pratiques et montrer que ce changement s’opère dans tous types de milieu, afin que chacun puisse s’identifier à une trajectoire de changement.
La confiance dans les institutions, le nœud gordien de la transition
Changer nos comportements quotidiens est crucial pour diminuer nos émissions de CO2, mais cela ne suffit pas : il faut également transformer le système en profondeur. La crise climatique exige une intervention politique pour coordonner nos actions. Les économistes, unanimes depuis des années, prônent par exemple la mise en place d’une tarification du carbone, via une taxe ou un système de quotas d’émission.
Cependant, l’accueil réservé à ces mesures climatiques par la société est souvent tiède, voire hostile, ce qui conduit à leur abandon ou à leur inefficacité.
Alors comment favoriser l’adoption de politiques climatiques ambitieuses ? Deux éléments sont indispensables : la confiance dans les institutions et l’équité.
La confiance dans les institutions est fondamentale. Pour rallier le public à une politique, il faut croire en l’intégrité des institutions qui la proposent. La transparence joue ici un rôle clé. Des recherches, comme celles menées par le Social Economics Lab de Harvard, démontrent qu’expliquer au public les mécanismes des politiques climatiques renforce leur soutien, surtout pour des mesures moins populaires comme les taxes carbone.
Ces campagnes d’information doivent expliquer comment les politiques réduisent les émissions, quels sont les coûts individuels de ces politiques et qui seront les gagnants et les perdants de cette politique. Mettre en lumière les avantages directs et indirects, tels que l’amélioration de la qualité de l’air et les bienfaits sur la santé, peut également susciter un soutien accru.
Un autre facteur pour la confiance est l’exemplarité. Il faut que les institutions publiques soient elles-mêmes engagées dans une trajectoire ambitieuse de réduction des émissions de carbone pour que l’Etat soit crédible dans ses demandes à la population.
C’est pour cela que la population est systématiquement exaspérée quand elle voit ses ministres prendre des jets privés alors qu’on lui demande de faire attention à son empreinte carbone. Lorsque l’écart entre les messages et les actions du gouvernement est trop grand, la confiance s’érode. Les leaders politiques français doivent eux-mêmes s’engager résolument vers la réduction des émissions pour gagner en crédibilité.
Repartir et réduire : imaginer une société au-delà de la croissance
Est-il possible de bâtir une société où la croissance et la consommation matérielle ne seraient plus les piliers de l’épanouissement humain ?
Daniel Cohen, économiste, a mis en lumière le paradoxe de nos désirs infinis dans un monde clos, tandis que Spinoza nous rappelait déjà que “le désir est l’essence de l’homme”. En même temps, la thèse de l’addiction de l’homme à la consommation avancée par Sébastien Bohler a été battue en brèche par de nombreux neuroscientifiques.
Pour rendre la décroissance acceptable, il faut tout d’abord s’atteler aux inégalités. Réduire oui, mais pas tout le monde au même régime. D’ailleurs, l’équité est un facteur clé pour l’acceptabilité des politiques publiques. Pour construire une société bas carbone, il va falloir d’abord mettre en place un partage des ressources plus égalitaire.
Réduire les inégalités permet aussi de diminuer le besoin de consommation ressenti par chacun. L’humain a tendance à se comparer aux autres dans une quête, souvent inconsciente, de recherche de statut social. Lorsqu’un voisin fait des travaux pour agrandir sa maison ou lorsqu’il change de voiture, nous avons tendance à faire de même pour “keep up with the Jones”. En limitant la consommation, notamment en haut de la pyramide sociale, on réduit l’effet de comparaison sociale rendant ainsi la sobriété plus désirable.
La psychologie de la crise climatique est un champ de recherche en pleine expansion. De nombreux autres facteurs qui favorisent les changements de comportement ont été mis en lumière, ainsi que les fausses pistes à éviter. Une chose est sûre, la transition écologique ne peut pas faire l’impasse du soutien de la population, soutien qui repose sur la compréhension des besoins et désirs de chacun.
13 Responses
“Bertrand says:
3 April 2024 at 22 h 50 min
A moins que vous n’ayez une alimentation particulièrement atypique, le CO2 que vous rejetez est issu de la transformation du carbone constituant de végétaux et d’animaux, donc du carbone déjà présent dans la biosphère.
Ce n’est pas la même chose que du C02 issus de ressources fossiles, donc du carbone qui avait été justement sortie de cette biosphère…”
Il n’y a pas de différence intrinsèque entre le CO2 rejeté dans l’atmosphère par les différentes activités de l’homme que ce soit celui de notre respiration, celui de nos moteurs à explosion ou celui de nos animaux domestiques. Tout s’additionne : il ne s’agit ici ni de droit de l’homme ni de philosophie mais de physique. Nous devons prendre en compte tout le CO2 émis par le monde vivant (y compris nous bien sûr) et tout le CO2 capté par les plantes et nous ne le faisons pas : même les sois-disant écologistes se racontent des histoires ! Je ne vois pas pris en compte le tiers de tonne de CO2 rejeté par la respiration humaine, par exemple.
(https://www.planetoscope.com/co2/1574-co2-degage-par-la-respiration-des-francais.html
Environ 300 kg de CO2 par an et par Français émis par la respiration semble-t-il.)
Et arrêtons aussi de considérer le CO2 comme un polluant ! Le CO2 est une molécule indispensable à la vie : les plantes ont besoin d’eau et de CO2 pour créer la matière vivante avec l’énergie du soleil. Tout est affaire d’équilibre. Nous déséquilibrons massivement le système en oxydant brutalement les carburants fossiles contenus dans le sous-sol ; nous augmentons de ce fait rapidemmment le CO2 atmosphérique et déséquilibrons le climat à une vitesse telle qu’en quelques décénies nous aurons de plus en plus d’inondations, d’épisodes de sécheresse et d’incendies. La conséquence principale c’est la baisse de la production alimentaire vers laquelle nous allons tout droit.
Face à cette situation je vois autour de moi des écolos qui détruisent le travail d’autrui qui s’ingénient à vouloir interdire ceci ou cela et qui braquent le reste de la population dans le déni.
(NB : monsieur Bertrand, cela fait longtemps que je ne mange plus de viande de boeuf mais ce n’est pas un projet séduisant : un projet séduisant serait de proposer de se nourir avec des recettes délicieuses et durables)
Les gens qui nous entourent ont besoin que nous ébauchions un monde durable, que nous leur fassions tendre vers un comportement durable et enthousiasmant qu’il nous faut décrire.
Si nous ne le faisons pas, ils mourront dans le déni comme il n’y a pas longtemps les frêres Bogdanoff qui pensaient pouvoir se passer du vaccin anti-COVID.
Si vous êtes écologistes, construisez le monde alternatif et faites rêver les jeunes générations en dessinant votre projet comme jadis Fourrier son phalanstère !
La psychologie autour du climat, c’est ça.
“You’re not a clown, you’re the entire circus.”
Désolé pour l’anglais si ça vous gêne mais je cite. Franchement je n’y crois pas. Je ne crois pas que vous écriviez sérieusement ce que vous pensez, par respect pour vous je refuse d’admettre que ce soit aussi énorme. Mais je vais prendre le temps de faire mine de m’énerver et nourrir le troll.
“Il n’y a pas de différence intrinsèque entre le CO2 rejeté dans l’atmosphère par les différentes activités de l’homme que ce soit celui de notre respiration, celui de nos moteurs à explosion ou celui de nos animaux domestiques”
Bertrand vient d’expliquer la différence, Thomas venait dans son lien d’expliquer la différence. Alors oui, une molécule de CO2 est une molécule de CO2 point. La différence que l’on s’évertue à expliquer c’est que selon d’où elle provient elle déséquilibre le bilan atmosphérique différemment, et que les 300kg de CO2 que nous émettons naturellement chaque année, de par leur provenance, ne sont pas la source du déséquilibre observé.
“je vois autour de moi des écolos qui détruisent le travail d’autrui qui s’ingénient à vouloir interdire ceci ou cela et qui braquent le reste de la population dans le déni”
Tout le but de l’article est de sortir de cet aspect purement punitif pour comprendre que nous devons plutôt repenser nos images, nos modèles, nos normes sociales. Si vous vous représentez un repas typique sans viande, vous ne ressentirez pas le même besoin de manger de la viande, et votre consommation diminuera sans qu’il y ait une privation émotionnelle. Malheureusement, oui, certains cherchent à s’interdire la viande, et les industriels ont bien compris que leur envie est encore là, ils surfent même dessus en s’efforçant de végétaliser tout en gardant l’aspect, la texture, voire le goût. C’est prendre le problème à l’envers, mais il va falloir arrêter de dire “regardez des écologistes s’y prennent mal, l’écologie est donc le mal”.
“NB : monsieur Bertrand, cela fait longtemps que je ne mange plus de viande de boeuf mais ce n’est pas un projet séduisant : un projet séduisant serait de proposer de se nourir avec des recettes délicieuses et durables”
Du coup une recette délicieuse DOIT contenir de la viande de boeuf? Tiens tiens, ce serait une belle illustration des images mentales dont je viens de parler. Allez, trêve de sarcasme. Cela étant, il y a de très bonnes recettes végétariennes, des quiches, pizzas, currys, des burgers dans lesquels les steaks sont remplacés par des galettes de haricots rouges, pommes de terre ou pois chiche, des samoussas, nems, buns, je pense que l’on peut trouver le bonheur de ses papilles dans la multitude. Ce sont des recettes en plus très ludiques et faciles à faire. Comble du comble: elles sont durables.
Pour les deux dernières phrases, avec Bogdanoff et Fourrier, c’est ce qui me fait dire que vous êtes un troll et qu’en vrai je perds mon temps à répondre, j’espère juste réconforter les malheureux qui passeraient sur votre commentaire sur le fait qu’il est normal de ressentir une profonde hilarité mêlée d’une honte sincère de l’espèce humaine en lisant cela.
On nage, on nage, dans un délire psychédélique, associant écologistes et anti-vaccins parce que pourquoi pas, tout est bon pour les discréditer, même avec un exemple qui n’a strictement rien à voir avec ni le sujet, ni l’article, ni les commentaires.
Et allez que je vous sors Fourrier en autorité suprême, ce fameux grand homme qui fit rêver le monde avec son oeuvre sublime, en utilisant des envolées lyriques universelles, “construisez le monde”, “faites rêver les jeunes générations”.
Sauf que vous refusez de voir que ce monde les écologistes le construisent déjà: ils militent contre les publicités qui induisent les images mentales grandement responsables de nos envies surconsommatrices, ils informent, cherchent des représentations efficaces pour ce faire (par exemple les warming stripes), ils protestent contre une économie de marché pur qui ne soucie plus des besoins primaires mais cherche à produire toujours plus, quitte à employer des publicités encore (exploitant sous le tapis des techniques de manipulation) pour créer l’envie et ainsi écouler les stocks. Ils pronent l’altruisme plutôt que l’individualisme, le don plutôt que les indicateurs de statut social actuels (voiture, maison, vêtements de marque pour ne prendre qu’eux).
Et ces actions, ce sont des choses très tangibles, pas des machins “de bisounours débiles et naïfs”. S’engager dans une asso humanitaire, donner une pièce à un sans-abri, acheter quelques conserves pour la redistribution alimentaire, questionner les normes, pourquoi devrait-on faire ci, ne pas faire ça ? Le voici notre nouveau monde, notre idéal, notre “phalanstère” puisque vous y semblez bien attaché.
Le nouveau monde pour le climat, c’est ça.
Bonjour Thomas,
Merci pour cet article sur les mécanismes cognitifs (dommage que certains liens sont en anglais ne permettant pas d’approfondir). Pour autant, cela est beaucoup TROP centrer sur les émissions de CO2. Il y a aussi à penser ce qui pourrait contribuer à transformer le CO2 (les arbres par exemple). Même si on arrête les émissions mais que nous détruisons toute la végétation, polluant les océans, est-ce un environnemet réellement enviable à y vivre ?
Ceci écrit, les sciences cognitives expliquent pour une partie des personnes qui peuvent et ne veulent pas changer, pourtant il me semble que beaucoup de personnes ont réussi à changer. Vraisemblablement, beaucoup de personnes ont quitté leur emploi très bien rémunéré dans un bureau pour des emplois en plein air ; pas forcément par soucis d’écologie donc sans perception de danger. Toutefois c’était un grand changement dans leur vie et donc aussi sur leur train de vie.
Possiblement c’est parallèlement une question de vouloir un peu plus “se responsabiliser” et ne pas attendre d’abord de la part des humains politique à travers nos votes. Satisfaire tous ses besoins, envies, quand les personnes peuvent (un peu comme “les enfants”), c’est ce que la société occidentale nous a appris. Nous n’avons pas appris à voir dans la globalité, dans notre société TROP individualiste, comment nos actions (leurs conséquences) peuvent influencer d’un côté et de l’autre la trajectoire de la société.
Edgar Morin définit « l’humain comme une trinité. Il est à la fois individu, société et espèce. Chacun de ces termes produit l’autre. Ils sont à la fois distincts et indissolubles » (https://www.letemps.ch/culture/livres-edgar-morin-lhumain-definis-individu-societe-espece)
Merci pour cet article (encore une fois) de qualité et très détaillé. Merci également d’avoir dit que le changement de comportement est CRUCIAL même si insuffisant: depuis 2 ans que je travaille sur la mise en action et changement d’habitudes écologiques, j’entends et vois beaucoup de gens se cacher derrière son insuffisance. Or la roue du changement s’active dès lors que les individus et les pouvoirs publics et les entreprises agissent en même temps.
Je serai heureux de partager avec vous l’un des fruits de mon travail : une série complémentaire de freins à l’action et de leviers, ainsi que des informations sur la pérennisation d’habitudes (là ce sont des mécanismes encore différents qui entrent en jeu). Voici mon e-mail
Antoine
antoine@linka.eco
https://www.planetoscope.com/co2/1574-co2-degage-par-la-respiration-des-francais.html
Environ 300 kg de CO2 par an et par Français émis par la respiration semble-t-il.
Bonjour,
Merci pour cet article passionnant, qui pointe il me semble de nombreux enjeux clés et approches nouvelles pour avancer dans cette transition. On se rend compte qu’investir dans les infrastructures bas-carbone ne suffira pas : il faut faire changer les habitudes, comportements et mentalités.
Ce sont les objectifs de la jeune association Carbon ANGEL que j’ai l’honneur de présider, qui concrètement dans les territoires, oeuvre à la mobilisation de ces leviers psychologiques – motivation, mise en capacité – mais aussi sociaux – mimétisme et effets de groupe, leaders d’opinion, normes sociales, valorisation réelle du changement plutôt que greenwashing – pour accélérer la transition.
En mobilisant des responsables locaux, des organisations du quotidien – commerces, associations, PME, écoles etc – , pour qu’ils agissent et incitent autour d’eux d’autres à agir. Sur des gestes simples pour commencer : moins prendre sa voiture quand il y a des alternatives, sur courte distance par exemple (plus de 50% des trajets de moins de 2 km sont faits en voiture !), consommer sur les marchés locaux, etc. Et rendre visibles ceux qui font ces efforts.
Cela permet ainsi d’engager le dialogue et d’aller discuter progressivement sur des changements plus complexes, qui nécessitent un travail collectif : augmenter l’offre de transport en commun s’il y a bien des gens pour les prendre, réfléchir aux modèles économiques plus durables et à son rôle dans la transition – quelle place ont les conseillers des agences immobilières dans la transition ? un président d’association ou de ligue ? etc.
Bref, tout un champ d’action qui nécessite du temps et du dialogue, et de construire en effet cette confiance entre acteurs et une certaine vision de l’avenir. Un beau et vaste chantier, toute aide est la bienvenue !
Quelle transition??
Merci à Mélusine Boon-Falleur pour ses recherches. Elle a trouvé la clé. C’est d’une grande intelligence et limpidité. Que les politiques s’en inspirent !
Il me semble que vous sous estimez la vision court-termiste des grandes entreprises, dont le moteur principal reste la recherche du profit, malgré quelques habillages (objectifs RSE), bien fragiles, comme l’a montré le départ du PDG de Danone. Une action de régulation forte est indispensable de la part de l’Etat, mais se heurte au caractère très internationalisé de ces entreprises.
Les empreintes carbone sont mal calculées, semble-t-il : je n’ai vu nulle part mention de notre respiration qui représente environ 0.3 tonne de CO2 par an et par personne humaine. D’autre part si on ne sait pas vers quel mode de vie, vers quelle société tendre, on est dans le brouillard, on n’a pas de projet. Pourquoi nous interdirions nous quoique ce soit si nous n’avons pas d’objectif positif ? De toutes façons nous allons tous mourir un jour, alors pourquoi s’interdire quoique ce soit sans vision enthousiasmante d’un monde vers lequel aller ? J’ai personnellement divisé par quatre mon empreinte carbone mais sans projet collectif je ne vois pas comment atteindre 2 tonnes de CO2 par an. Cet objectif me parait irréalisable : il agit sur moi comme un repoussoir. Avez-vous un projet ?
Bonjour, quelle est votre source pour la respiration svp ? Ce n’est pas vraiment ce que dit cet article, co-écrit avec 2 scientifiques du CNRS : https://bonpote.com/co2-nourriture-des-plantes-ou-poison-du-climat/
Salut!
Je me permets de réagir, même si ne faisant pas partie de l’équipe de rédaction.
Tout d’abord concernant le chiffre de 0.3 tonnes de CO2/an, il m’a l’air valable sans que j’aille remonter jusqu’aux études qui l’ont estimé (petite recherche toute simple). Toutefois j’ai la sensation qu’un argument plus profond se cache quand vous l’évoquez: j’y perçois soit un fatalisme (le réchauffement est naturel, on n’y pourra rien), ou bien que le problème est la surpopulation. Pouvez-vous confirmer ou bien m’expliquer pour quelle autre raison vous tenez tant à ce chiffre ?
Je suis d’avis personnellement que nous devrions d’abord chercher à agir sur nos modes de consommation puisque nous avons une forme de pouvoir dessus avant de s’inquiéter principalement de la responsabilité des phénomènes purement naturels sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir.
Ensuite l’argument de la mort me semble là aussi fataliste. La réflexion sur notre propre mort est une réflexion vraiment intéressante et que nous devrions toutes et tous mener à mon sens. Peut-être pouvons-nous nous poser la question “quel héritage veux-je laisser ?” et pas héritage matériel mais moral: que souhaitons-nous que nos proches retiennent de nous, quelle image souhaitons-nous laisser puisque celle-ci sera sûrement un exemple ?
A vrai dire je n’ai pas de réponse, mais vous en apportez une qui me plaît: il faudrait croire en un projet, et c’est celui-ci qui nous permettrait de bâtir notre héritage.
Ce projet, troisième point sur lequel vous appuyez, il transpire en quelque sorte dans l’article: la réduction des inégalités par exemple, la prise de conscience de nos propres schémas, nos visions de ce qu’est la réussite, le confort. Ce projet ce peut être de réapprendre à se satisfaire de moins par exemple en prenant conscience et en cherchant à modifier ces schémas, ces images mentales. Franchement c’est passionnant, loin d’être facile mais passionnant par expérience. Apprendre à trouver du plaisir dans l’altruisme, aider d’autres dans le besoin, ou bien prendre conscience de pourquoi nous estimons que ce n’est pas nécessaire.
En bref, prendre conscience et c’est bien le coeur de l’article je trouve.
A moins que vous n’ayez une alimentation particulièrement atypique, le CO2 que vous rejetez est issu de la transformation du carbone constituant de végétaux et d’animaux, donc du carbone déjà présent dans la biosphère.
Ce n’est pas la même chose que du C02 issus de ressources fossiles, donc du carbone qui avait été justement sortie de cette biosphère.
Ce CO2 que vous émettez par la respiration, restera longtemps dans l’atmosphère, mais remplace celui qui en sort, absorbé par les puits naturels de carbone. Ce cycle du carbone existe depuis qu’il y a des organismes vivant respirant de l’oxygène.
Je vous suggère de vous penchez sur vos autres émissions de CO2 qui sont elles pour partie évitable. Renoncez au steak de bœuf, vous éviterez bien plus que ces 0,3t avec moins de dommages collatéraux qu’en vous abstenant de respirer.