Bon pote #2 : Marie en Californie, baby

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Le plus gros défaut des français, c’est de penser que nous sommes le centre du monde. Pourtant, de nombreuses personnes sont parties vivre à l’étranger et ne sont depuis jamais revenues. Nouvelle année, nouvelle série. J’ai voulu donner la parole à ces expatriés, connaître leurs parcours et environnement. Comme d’habitude, un peu de politique, d’humour et d’environnement dans le cocktail. Honneur aux femmes, c’est Marie, une amie partie vivre en Californie, qui me fait l’honneur de répondre après Maëlle à cette série d’interviews qui fera le tour du monde.

Hello Marie ! Merci d’avoir répondu à l’invitation. Je n’ai pas du tout été surpris de te voir partir vivre aux Etats-Unis il y a maintenant 10 ans. Peux-tu nous dire pourquoi ce pays te faisait tant rêver, et pourquoi tu as franchi le cap ?

C’est vrai que c’est un pays qui m’a toujours fait rêver et qu’il est difficile de dire exactement pourquoi. Mon père y allait beaucoup pour le travail lorsque j’étais enfant et je me souviens adorer l’écouter nous raconter ses voyages. Les films, la musique, les paysages incroyables, tout m’attirait, y compris la langue …

Pourquoi ai-je franchi le cap ? J’ai toujours su au fond de moi que je ferai ma vie en dehors de la France, mais je ne savais pas où. Il y a dix ans, je suis tombée amoureuse d’un américain, et ai décidé de le suivre. Très vite j’ai compris que c’était le pays qu’il me fallait. L’adaptation a été plus difficile que je ne l’aurais cru. Les français sont culturellement assez proches des américains globalement, mais j’ai quand même vécu quelques premières années difficiles car le mode de vie et la manière de voir la vie sont plutôt différents des nôtres.

Suis-tu l’actualité française, et comment ? 

Je la suis de moins en moins. Je suis au courant de ce qu’il se passe, notamment grâce aux nombreux podcasts français que j’écoute, et en parlant avec mes parents et amis français, mais pour être parfaitement honnête je m’y suis peu à peu désintéressée. Une des raisons étant que lorsque l’on ne la vit pas, l’actualité devient abstraite, beaucoup moins réelle. Et puis il est difficile de faire confiance aux médias qui ont tendance à dramatiser les choses … Les réseaux sociaux sont un meilleur moyen parfois de comprendre ce qu’il se passe en France.

Une amie travaillant dans l’hôtellerie a été très touchée par le mouvement des gilets jaunes, 60% de ses clients étant américains. Comment les américains voient-ils les ‘Yellow Jackets‘ ? Comment le mouvement est-il montré à la télévision ?

Je n’ai pas beaucoup entendu d’américains parler des Gilets Jaunes. L’immense majorité ne comprend absolument rien à ce qu’il se passe en France. Occasionnellement, les personnes qui s’intéressent à l’actualité internationale ou qui ont prévu un voyage en France m’en parlent et me demandent “pourquoi” un tel mouvement, mais ça n’est pas arrivé souvent, et je n’ai pas trop su quoi répondre car même moi je ne comprends pas tout. Je ne regarde plus la TV américaine, que je trouve beaucoup trop politisée, donc je ne saurais pas te dire comment les gilets jaunes sont montrés … sorry !

Tu vis en Californie : pourquoi ce choix ? As-tu eu envie d’aller vivre dans un autre État ou la Californie, c’est vraiment trop cool ?

J’ai vécu dans deux autres états avant la Californie : la Georgie d’abord (à Atlanta, où mon mari a grandi et fait ses études, et à Columbus, à la frontière avec l’Alabama), puis dans le Connecticut, dans le Nord-Est du pays. Ni la côte Est ni le Sud du pays ne correspondaient vraiment à ce que l’on recherchait et nous avions beaucoup entendu parlé de la “West Coast” qui est réputée plus progressiste, très internationale, avec un style de vie plus “relax”, et globalement moins raciste (un sujet à part entière).

Voilà ce que Marie poste tous les jours sur Instagram, alors qu’il fait 2 degrés à Paris…

Mon mari a commencé à rechercher du travail sur la Côte Ouest, notamment à Seattle, San Francisco et Los Angeles, et nous avons atterri à Orange County qui se trouve à mi-chemin entre LA et San Diego. Je ne connaissais absolument pas la Californie avant que l’on s’y installe et pour être honnête j’avais vraiment du mal à croire les gens qui nous la vendaient comme “idyllique”. Cela fait maintenant cinq ans que nous y vivons et le style de vie et la mentalité des gens nous plaisent beaucoup. Bien sûr, nous avons conscience d’être privilégiés car nous avons la chance d’avoir fait des études, d’avoir de bons salaires et de vivre dans un coin magnifique, mais la Californie est loin d’être l’eldorado pour tout le monde… Il suffit de conduire quelques kilomètres pour y voir des quartiers entiers de SDF.

L’écologie et le changement climatique sont-ils des sujets importants pour toi ? Est-ce récent, ou tu as toujours été alertée sur ces sujets ?

Oui, très. C’est un sujet qui me touche beaucoup depuis une quinzaine d’années, notamment après avoir vécu quelques années dans un petit village des Alpes où l’écologie est au cœur des préoccupations et où cela bouge pas mal dans ce domaine. En arrivant aux États-Unis il y a dix ans c’était une énorme déception pour moi de voir que les gens avaient peu ou pas conscience de l’urgence climatique. Pour donner un petit exemple, à Atlanta il y a dix ans il était quasiment impossible de trouver un endroit où recycler ses bouteilles en verre !

Je suis tombée de haut, même si la France était loin d’être parfaite dans ce domaine, nous avions déjà à l’époque une longueur d’avance. Bien sûr aujourd’hui c’est différent, les gens en ont plus conscience, on en parle beaucoup plus, particulièrement en Californie. Mais la société de consommation est tellement ancrée dans les mœurs, dans les modes de vie, qu’il est très difficile d’agir au quotidien. J’aimerais prendre moins ma voiture, générer moins de déchets, consommer plus local etc. mais c’est plus compliqué que cela n’y paraît.

6. Tu es maman, et attends bientôt un 2ème. Question un peu plus personnelle : as-tu entendu parler du mouvement ‘#CHILDFREE‘, et de ces personnes qui compte-tenu de l’avenir de la planète (cf ce qu’il se passe en Australie..), décident de ne pas faire d’enfant ? Vous êtes-vous posé la question ?

Oui j’en ai entendu parler, pas tellement aux US mais beaucoup en France. Pour nous, il n’a jamais été question de ne pas avoir d’enfants. Bien sûr, j’ai peur de l’avenir pour mes enfants, et leurs enfants, mais je crois personnellement que ce sont les nouvelles générations qui vont nous sauver … peut-être que je suis un peu trop optimiste ;-). 

Carbone 4 a sorti une étude qui s’appelle Faire sa part, où ils listent 10 points, qui sont une nécessité si l’on veut respecter les accords de la COP21. Quel est ton score ? As-tu changé tes habitudes depuis quelques années pour respecter ces accords ?

Mon score est assez bas, et je n’en suis pas fière. Mais concrètement, là où je vis, un bon nombre de ces actions sont tout bonnement impossibles à mettre en pratique au quotidien : 

-vélo pour les trajets courts : cela m’arrive d’aller faire mes courses à pied mais le magasin le plus proche est à 2 kilomètres de chez moi – pas évident pour faire un plein quand on est enceinte et avec un enfant de 2 ans … Quant aux trajets pour le boulot, je vis à plus de 50 km de mon travail et malheureusement il n’y a pas de pistes cyclables tout le long …

-Covoiturage : j’en fais dès que je peux, surtout pour les sorties entre amis …. Pour me rendre au travail en revanche c’est plus compliqué car il est vraiment difficile de trouver quelqu’un ici qui vive/travaille aux mêmes endroits que toi aux mêmes horaires. Et pour peu que tu aies un enfant à conduire à la crèche ou à l’école sur le chemin, cela rend les choses encore plus difficiles. Pourtant, la Californie (et beaucoup d’autres états) a installé des “carpool lanes” sur les autoroutes pour inciter les gens à covoiturer – ce qui peut réduire le temps de trajet (et le coût de l’essence) de manière significative ! Si je pouvais utiliser la carpool lane pour me rendre au travail, je mettrais 30 minutes au lieu de 1 heure 15 dans la file normale.

Et l’avion ?

-ne plus prendre l’avion : je le prends rarement, mais pour aller voir ma famille, je n’ai pas le temps d’y aller en chariot + bateau à voiles. Par contre, je boycotte complètement les bateaux croisières qui sont des monstres polluants (mais personne n’en parle …).

Pour tout le reste, je fais de mon mieux pour manger végétarien 80% du temps, nous adoptons un régime végan deux mois par an, mon mari a une voiture hybride (je vais bientôt m’en acheter une également), nous consommons peu de chauffage ou AC grâce au climat, j’achète local très souvent (nous avons la chance d’avoir beaucoup de produits frais en Californie), je prêche le zéro déchet à tout le monde que je rencontre – même si je suis loin d’être parfaite dans ce domaine-là, j’en parle. 

La Californie donne-t-elle les moyens de respecter l’environnement ? Manger local, se balader en transports en commun etc… Ou est-ce physiquement tout bonnement impossible de le faire ?

C’est une question à laquelle il est difficile de répondre car la Californie est un état gigantesque et que chaque ville, chaque région y est différente. San Francisco, par exemple, est hyper avancée sur la question écologique, mais les villes plus reculées de Californie vont être comparables à d’autres villes des États-Unis où la population ignore complètement l’urgence climatique.

Les transports en commun sont développés à San Francisco, à San Diego et à Los Angeles, mais très peu dans le reste de l’état. Même à Los Angeles il est difficile de circuler en transports en commun exclusivement tant la ville est tentaculaire. Il y a des trains qui relient certaines villes du Nord au Sud, mais cela reste un mode de transport cher et trop peu développé pour le rendre efficace. Par exemple, nous pourrions facilement prendre le train depuis là où je vis pour nous rendre à LA, mais pour une famille de trois, cela nous coûterait deux voire trois fois plus cher que si nous prenions la voiture… et une fois sur place nous serions obligés de nous déplacer en Uber.

des américains à velo en californie
Wanna ride ?

Ok, et manger local ?

Manger local, c’est complètement possible comme je le disais plus haut, mais le concept même de “manger local” n’est connu que d’une petite partie de la population, une élite en quelque sorte …La plupart des gens ne se pose même pas la question d’où provient leur nourriture, et souvent pour des raisons financières : « il faut que mes enfants mangent et si possible au prix le plus bas possible. » J’ai des collègues qui cumulent trois emplois différents pour pouvoir s’en sortir, tu imagines bien que leur dernière préoccupation est de savoir si leur nourriture est locale ou non.

 Lorsque tu as la chance de vivre confortablement et d’avoir du temps libre, il y a un certain nombre de magasins qui proposent de la nourriture locale et de très bonne qualité. Nous vivons proche d’une ferme et centre pédagogique qui ne vend que de la nourriture ultra locale. Mais cela a un certain coût et beaucoup de gens ne peuvent pas se permettre de s’approvisionner là-bas…

De manière plus générale, les californiens en ont-ils quelque chose à faire de l’environnement ? As-tu remarqué un changement des mentalités ces 4 dernières années ?

D’une manière générale je dirais que oui. L’état de Californie a mis en place un certain nombre de mesures qui tendent à le montrer : interdiction de distribuer les sacs plastiques gratuitement, interdiction de donner des pailles en plastique, obligation pour chaque nouvelle construction d’avoir des panneaux solaires, avantages à posséder une voiture électrique ou hybride … Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire.

Quel est ton état d’esprit sur ces élections à venir, et sur la prochaine décennie à venir des américains ? Plutôt Green Deal ou Make America Great Again, saison 2 épisode 3 ?

Je crois que l’économie actuelle se porte trop bien pour qu’il y ait un changement radical ces prochaines élections. Cela me fait très mal de l’admettre mais je crois que Trump va être réélu ….

Envisages-tu de revenir en France un jour ? Dans un coin pas très loin de pistes de ski, pour inviter un vieil ami par exemple ?

Tu veux dire pour y vivre ? Oui j’aimerais que mes enfants vivent quelques années en France, qu’ils connaissent le mode de vie européen. Mais il faudrait que l’on trouve mon mari et moi deux bons emplois … et pour lui ce serait limité à Toulouse ou à Paris (il travaille dans l’aérospatial) … je ne suis pas sûre d’en avoir très envie 😉 Je préférerais les Alpes, évidemment ! Mais sait-on jamais …

Un dernier mot ? 

C’est mon ultime bafouille Marcel !

une fête en Californie
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Auteur
Thomas Wagner
Prendra sa retraite quand le réchauffement climatique sera de l’histoire ancienne

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