Bordeaux 2026 : quel bilan pour la municipalité écologiste ?

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©Crédit Photographie : TS- Mairie de bordeaux
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C’est une surprise. Lors des si particulières municipales 2020, Bordeaux passe, après 75 ans à droite, du côté des écologistes, avec Pierre Hurmic comme maire. Une première, synonyme d’espoir pour bon nombre d’habitant(e)s d’une ville très minérale où la voiture reste reine, et déjà bien touchée par le changement climatique. Alors, six ans après, la municipalité écologiste est-elle à la hauteur ? Passage en revue, le plus exhaustif possible,  de ses compétences environnementales.

Ces thématiques ont été sélectionnées car elles correspondent aux compétences des municipalités en matière de climat. Pour en savoir plus, vous pouvez lire notre article sur les responsabilités des maires.

Urbanisme : Bordeaux est-elle moins minérale ?

C’était un axe fort de la campagne, et le projet fut entamé dès 2020 : Bordeaux Grandeur Nature. Son objectif : déminéraliser une ville très peu arborée, pour s’adapter à des températures dépassant les 40°C chaque été. Alors, à quelques semaines des élections, où en est-on : 

  • 70 000 arbres ont été plantés
  • 25 hectares de natures ont été créés
  • 24 micro forêts ont vu le jour
  • 80 îlots de chaleur ont été supprimés selon les chiffres de la mairie
  • une cinquantaine de bâtiments publics ont été végétalisées
  • un label Bâtiment frugal bordelais pour les professionnels du bâtiment a vu le jour
  • le permis de végétaliser pour les habitant(e)s a été généralisé
  • le « zéro artificialisation brute » pour ne plus artificialiser aucune nouvelle surface naturelle a été créé 

Vous obtenez, donc, sur le papier, des chiffres impressionnants pour une ville qui partait de loin en termes de végétalisation. Bordeaux, la minérale, l’est un peu moins depuis 2020, c’est vrai, mais est-ce à la hauteur pour une ville où, on le rappelle, les 40°C et les nuits tropicales deviennent une nouvelle norme l’été ? La question s’avère plus compliquée qu’il n’y paraît.

Micro forêt rue Billaudel © R. Escher

La critique – qu’on pourrait qualifier de facile, consiste à moquer les micro forêts qui ont vu le jour. La promesse de la mandature est, qu’au bout de 3 ans, elles seront autonomes, notamment en eau et pourront faire baisser la température de 1°C pour les habitant(e)s du quartier. 

Cela paraît effectivement peu face aux enjeux et on peut effectivement s’attendre à ce qu’une mairie écologiste aille désormais plus loin. Par ailleurs, les 25 hectares de nature en plus (c’est 35 hectares à Lyon sur la même période) sont éparpillés dans la ville et se sont créés par opportunité, à la faveur d’une rénovation de voirie par exemple, et non dans un souci de continuité. 

Il fait jusqu’à 4°C de plus dans les zones en rouge, le centre-ville de Bordeaux. Source : Météo-France

Justice sociale, justice climatique, même combat

Pour l’économiste spécialiste des questions de logement Pierre Madec, interrogé par Bon Pote, “le permis de végétaliser et les micro forêts sont un bon signal, mais peut-être qu’il faut aller plus loin. Si l’idée est juste d’améliorer le cadre de vie, ce n’est pas suffisant ”. Mais quand on lui demande comment aller plus loin, ça se complique : “l’équation pour les maires des métropoles est quasi insoluble. D’un côté, il faut végétaliser, gagner de l’espace sur le béton et de l’autre rendre la ville toujours plus attractive, en construisant des logements, des bureaux et en développant les infrastructures.” Autrement dit, c’est en construisant que les municipalités gagnent assez d’argent pour développer des politiques de végétalisation. C’est le serpent qui se mord la queue, en gros. Ainsi, la stratégie de la ville de végétaliser partout où c’est possible, bâtiments publics compris, paraît bonne. Mais faut-il s’en contenter ? 

Nous marquions “critique facile”, car l’enjeu est tel que seules des mesures radicales, comme une débitumisation de quartiers entiers, de places et de routes serait au niveau. De telles réflexions sont en cours à Lyon, Clermont-Ferrand ou encore Libourne et le CEREMA accompagne les villes pour détecter et limiter les îlots de chaleur. La bonne question à se poser désormais est de savoir si la ville peut décider d’arrêter de croître, d’arrêter d’être plus attractive qu’elle ne l’est déjà. Cela permettrait d’avoir une réflexion sur la destruction pour récupérer du foncier par exemple, afin d’avoir plus d’espaces verts.

Des panneaux comme celui-ci pullulent le long de la Garonne. Crédit : Bon Pote

En attendant une réflexion sur la débitumisation, l’autre risque pointé par l’économiste est l’accessibilité des logements avec la dynamique actuelle : “Végétaliser des quartiers fait augmenter les prix. Alors pour éviter que ce soit toujours les mêmes qui gagnent à la fin, les logements sociaux doivent être pensés en même temps que l’amélioration du cadre de vie.” 

Bordeaux est en retard, la mairie n’atteint pas les 25% demandés par la loi : elle est passée de 18% en 2020 à 22% en 2023. Justice sociale, justice climatique, même combat.

Et les cours d’école ?

Enfin, s’il y a bien un espace emblématique du débat et surtout prioritaire, ce sont les cours d’école : des espaces où règnent le béton et qui deviennent impraticables en été. Dès le début du mandat, la mairie avait annoncé que les 140 cours d’écoles gérées par la ville seraient débitumisées et que des arbres seraient plantés, le tout d’ici 10 ans et avec un financement de 18 millions d’euros. 

Une cours buissonnière. Crédit photos : TS- mairie de bordeaux

A l’été 2025, ce sont 47 “cours buissonnières” (le nom du programme) qui sont sorties de terre. La bonne idée est d’avoir également ouvert certaines le week-end pour être utilisées comme des squares par les familles.

La mobilité : quelle place pour le vélo à Bordeaux ?

Un “changement culturel”. C’est en ces termes que Ludovic Fouché, le co-président de Vélo-Cité, qualifie les choix de la mairie pour les cyclistes. Bordeaux était déjà une ville cyclable avant la mandature écolo, mais depuis 2020, l’accélération est conséquente : +43% de cyclistes depuis 2020 (c’est +34% à Paris sur la même période), une part modale qui atteint 25% aux heures de pointe (8% en moyenne dans la journée), un réseau cyclable sécurisé qui s’est étendu de 36 km et 15 000 places de parking vélo de créées.

Au baromètre de la Fédération des usagers de la bicyclette de 2025 (qui fait référence), Bordeaux a récolté un C, “plutôt favorable”, avec une note en augmentation de 10%. C’est mieux que le D de 2020 et cela montre bien qu’une bonne dynamique a été enclenchée. Pour Ludovic Fouché, ces meilleurs résultats s’expliquent d’abord parce que les élu(e)s pratiquent le vélo et “parlent le même langage que nous et comprennent très vite les problématiques. mais ça reste un C par rapport aux A ou B des Strasbourg, Grenoble ou Rennes, qui font figure de référence. 

L’équipe municipale a aussi privilégié l’urbanisme expérimental, en mettant en place des infrastructures légères et rapides à faire. Une technique qui a fait ses preuves, juge le coprésident de Vélo-Cité : “En partant de l’existant, l’expérimentation a permis de développer très vite l’usage du vélo, que ce soit sur les boulevards où les vélos partagent la voie avec les bus, ou rive gauche où la contre-allée a été fermée aux voitures et transformée en piste cyclable.”

L’urbanisme tactique sous un ciel gris. Crédit : Bon Pote

Qu’en est-il des piétons ?

L’autre compétence de la mairie concerne les améliorations de la voirie pour les piétons. La ville se targue d’avoir créé “le plus grand centre ville piéton” de France, en ayant augmenté le secteur piétons de 172 hectares (2020) à 259 hectares (2025), devançant des villes historiquement piétonnes comme Strasbourg. Une très bonne nouvelle pour les piétons et la qualité de l’air, nous le verrons, mais qui n’empêche pas les infrastructures routières d’occuper encore 50% de l’espace de la ville.

La nouveauté est également d’avoir entrepris d’aménager des rues piétonnes en dehors du centre-ville, comme aux Chartrons, de piétonniser chaque quartier le premier dimanche du mois, et d’avoir créé le “permis de piétonniser“, permettant une fermeture temporaire des rues. “Il y avait une forte demande dans des quartiers qui ne sont pas dans l’hyper-centre pour que la circulation automobile soit résiduelle” juge Ludovic Fouché. Résultat : c’est aujourd’hui 39% des déplacements, contre 30% en 2022, qui se font à pied dans la ville.

Ce changement de cap insufflé par la mairie se voit également par la multiplication des Rues aux enfants : des rues sont soit totalement piétonnisées, soit partiellement aux horaires d’entrées et de sorties des enfants, devant les écoles. 66 écoles sont à ce jour concernées contre quasi 0 en 2020. Le coprésident de Vélo-Cité ne peut que s’en réjouir : “Cours de la Somme, l’entrée de l’école a carrément été déplacée pour que l’accès puisse être piétonnisé. C’est une incitation pour que les parents ne viennent pas en voiture et ça marche ! ”

Une rue piétonnisée Crédit photos : TS- mairie de bordeaux

La bagnole, encore et toujours

Enfin, notons que ces politiques de mobilité ont grandement participé à la réduction de 35% de la pollution de l’air entre 2019 et 2024. Mais, parce qu’il y a toujours un mais, la voiture reste omniprésente à Bordeaux. Même si le centre-ville 100% piéton est en projet, la tarification spéciale des places de parkings pour les SUV et si 89% des routes sont maintenant limitées à 30km/h, les infrastructures qui lui sont dédiées représentent encore 50% de l’espace urbain, nous l’avons dit plus haut et 46% des déplacements se font encore grâce à elle. Des chiffres qui viennent confirmer que ce n’est pas demain que la voiture disparaîtra des villes et ce, malgré une majorité de Français(es) qui le plébiscite !

Eau : comment la ville économise-t-elle son eau ? 

Nous le spécifions dans notre article sur les compétences des mairies en matière environnementale, et Bordeaux ne fait pas exception : c’est la métropole qui a les compétences pour la distribution et la gestion de l’eau. 

En revanche, la ville agit sur l’arrosage. Depuis 2020, elle a mis en place une hiérarchisation des besoins en ce qui concerne les espaces verts – de l’espace horticole (gros besoin en eau), aux zones de biodiversité (laisser-faire, donc pas d’arrosage), couplée à un système technologique pour un pilotage plus précis. Une baisse de 77% de l’eau consommée (bâtiments publics + espaces verts) entre 2019 et 2024 est ainsi observée.

Pour réduire la consommation de l’eau potable pour l’arrosage (91% des villes arrosent avec 100% d’eau potable en France), la mairie puise aussi dans d’autres ressources : eau de pluie, pompage dans la Garonne, forages souterrains, et même des piscines. Ainsi, 50% de l’eau utilisée pour arroser n’est pas potable, l’objectif étant « d’atteindre les 100% ». 

C’est un début prometteur et une vraie prise de conscience de la raréfaction de la ressource. Mais il y a encore du travail pour une ville qui va voir ses précipitations baisser en été de 20 à 50% selon les modèles climatiques.

A Bordeaux, l’arrosage par les agents municipaux est adapté à la ressource en eau disponible. Source : Flickr.

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Energies

Où en est-on de la rénovation des bâtiments ?

Au niveau de la ville, la rénovation des bâtiments communaux (isolation en tête) “a permis de réduire leurs émissions de GES de 25% en 5 ans”, nous détaille Romain Harrois, directeur de l’Agence locale de l’énergie et du climat (Alec33). “Le passage à l’électricité verte, leur raccordement à des réseaux de chaleur et la réduction de l’usage du gaz (-40% entre 2020 et 2024)” participent également à cette réduction pour le directeur de l’Agence. 

Cet investissement dans les rénovations répond aux objectifs du décret tertiaire, décret qui oblige les propriétaires privés et publics à faire baisser la consommation d’énergie finale des bâtiments de 40% d’ici 2030 – donc à les rénover et à changer leur système de chauffage. Pour Bordeaux, cela concerne 550 bâtiments municipaux. Nous ne savons pas précisément combien de bâtiments ont été rénovés à ce jour. Romain Harrois tient également à nous spécifier qu’un “investissement de 22 Millions d’euros entre 2021 et 2024 a été consenti pour la rénovation de 12 300 logements privés.” Le résultat : un gain énergétique de 70% selon le directeur de l’Alec33 avec une baisse conséquente de la facture pour les foyers modestes à la clé. 

La ville investit-elle dans les énergies renouvelables ?

A son arrivée à la mairie, Pierre Hurmic s’était prononcé en faveur d’un investissement important dans l’énergie solaire, afin de répondre aux “scénarios nationaux de RTE et de l’Ademe” et de réduire le bilan carbone de la ville, “nécessaire pour arriver à la neutralité carbone en 2050”. Nous pouvons déjà souligner qu’un édile qui s’appuie sur des travaux de ces deux agences – donc de la science, est un bon signal. Ainsi, la Ville s’est fixée dès 2020 l’objectif d’atteindre 41% d’autonomie énergétique à la fin de la mandature (c’était 3% en 2020). Qu’en est-il après 5 ans ? “Fin 2024, c’était 29% d’autonomie énergétique – et sans doute davantage aujourd’hui” nous apprend Romain Harrois.

Pour ce faire, plus de 3 000 mètres carrés de panneaux solaires sont installés sur les bâtiments publics municipaux depuis 5 ans : la cité municipale, la mairie de quartier Caudéran, la salle des fêtes du Grand Parc, la maison de quartier US Chartrons (place Saint-Martial), le gymnase Haku Michigami (Bassins à flot), la piscine du Grand Parc, les crèches Odette Pilpoul (Bassins à flot), La Benauge, Armand Faulat (Caudéran), etc. “À ce jour, une soixantaine de sites municipaux sont solarisés, soit trois fois plus qu’en 2020” détaille Romain Harrois. Le plus emblématique étant la base sous-marine et ses 22 000 m2 de surface “solarisable”. Une fois les travaux terminés, en mars 2026, la production sera vendue à proximité, à un prix 15% en dessous du prix du marché. Elle correspond à la consommation d’environ 700 foyers. 

Ancienne base sous-marine allemande de Bordeaux, recouverte à terme, de panneaux solaire. Source : Flickr

En parallèle, la mairie tente de créer des ponts entre des acteurs privés et publics pour mutualiser les investissements dans le solaire avec “l’Alliance pour le solaire”. Enfin, elle s’engage à soutenir les initiatives des particuliers en “travaillant étroitement avec les architectes des bâtiments de France” selon la mairie. Ainsi, la production solaire citoyenne est passée “d’une cinquantaine d’installations annuelles avant 2020 à environ 200 par an sur les quatre dernières années” tient à nous détailler Romain Harrois.

Les critiques portent principalement sur le manque de rentabilité de ces projets. Interrogée par le Monde, Mariane Tharaud, directrice de l’entreprise locale Valorem, spécialisée dans les énergies renouvelables se montre en effet sceptique : “La ville a beau être porteuse de la dynamique, si les travaux pour installer les modules sont trop chers, ou si le tarif de l’électricité n’est pas assez haut, le projet ne sera pas rentable”. Pierre Hurmic se défend en soulignant que seules les renouvelables seront capables d’amortir les coûts énergétiques à venir. Un geste courageux, en ces temps de désengagement de l’Etat et des attaques de la droite et de l’extrême droite.

Quelles décisions pour l’éclairage public dans Bordeaux ?

L’éclairage public représente 40% de la consommation d’énergie d’une municipalité, en moyenne, en France. Autant dire qu’au moment de l’explosion des prix de l’énergie début 2023, bon nombre de municipalités n’avaient pas hésité à éteindre les lumières. Bordeaux n’a pas fait exception en décidant d’éteindre 57% des points lumineux dès 1h du matin. 

Très vite, la décision a été contestée lors de conseils de quartier et autres pétitions. L’argument sécuritaire revenant quasiment tout le temps.

Biodiversité ou soirée, il faut choisir. Crédit photos : TS- mairie de bordeaux

« Nous avons entendu les inquiétudes des Bordelais et Bordelaises », répondait début 2025 Pierre Hurmic, en faisant ce qu’on pourrait appeler une “Charles de Gaulle”. 

Résultat : l’extinction n’intervient plus à 1h du matin, mais à 2h30, et l’ensemble des grands axes reste finalement allumé toute la nuit, « afin de proposer 90 % des trajets nocturnes en zone éclairée ». La sécurité versus les économies d’énergie et la biodiversité : un éternel débat… L’argument de la sécurité, n’ayant, rappelons-le, aucune base scientifique. Il est bien dommage que la mairie écologiste ait, en partie seulement mais symboliquement – ce qui compte, cédé sur ce sujet. Sur la période 2022-2023, les économies réalisées représentent la consommation annuelle moyenne d’électricité de 2 200 Bordelais(e)s selon la mairie.

Où en est le remplacement par des LED ? Une question primordiale pour diminuer la consommation d’énergie. Pour Bordeaux, c’est aujourd’hui 30% de son parc, avec une accélération de l’installation depuis 2020 et une promesse d’atteindre 75% d’ici 2032. Ce passage aux LED prend donc du temps, 33 500 lampadaires à changer, mais d’autres solutions existent : la modulation d’intensité , la détection de présence (555 lampadaires contre 300 en 2019), le lampadaire autonome fonctionnant à l’énergie solaire (162 lampadaires contre 18 en 2019).

Alimentation : où en est le bio dans les cantines scolaires ?

En 2020, à l’arrivée des écologistes, 34 % des aliments proposés dans les cantines des écoles municipales étaient bio. Aujourd’hui, ce chiffre atteint 71% selon la mairie (c’est 43% à Nantes, 45% à Paris). Une belle augmentation donc, bien loin de la pas-très-ambitieuse loi Egalim qui oblige à proposer au moins 20% de bio. Dans les crèches de la ville, également sous la responsabilité de la mairie, le bio atteint 80 % des produits consommés contre 20% en 2020.

Qu’est-ce que la stratégie “ville nourricière” de la commune ?

Autre compétence, la sécurité alimentaire des habitant(e)s. Et pour cela, la ville s’est lancée dans le projet “ville nourricière”. L’utilisation d’un tel terme pose question, connaissant la dépendance des métropoles aux ressources qui proviennent de (très) loin. Le temps de l’autonomie des villes grâce à leur ceinture maraîchère paraît bien loin et la métropolisation qui a cours depuis vingt ans ne fait qu’éloigner un possible retour des cultures dans la ville.

Alors, est-ce rendre la ville autonome ? Pas tout à fait. Interrogé par Bon Pote, Eve Demange, conseillère municipale déléguée en charge de la résilience alimentaire, n’y va pas quatre chemins : “Il y a très peu d’espaces pour planter, le foncier coûte cher et – je l’ai découvert en arrivant à la mairie – les sols sont souvent pollués ici.” “Ville nourricière” s’articule ainsi autour de 3 axes : 

  • multiplier des actions pédagogiques, sociales et des événements grands publics autour de l’alimentation
  • activer la commande publique et ses 23 500 repas par jour pour soutenir le bio et le local
  • embarquer les actrices et acteurs associatifs existants en les soutenant financièrement notamment

Un jardin partagé avec plein de soucis. Crédit photos : TS- mairie de bordeaux

Dans le détail, ça donne des initiatives qui développent bien une “culture de l’alimentation durable” (selon ses mots) plutôt qu’une production importante :  

  • des potagers et vergers dans les parcs publics de la ville (en 2023, 61 kilos de fruits et légumes ont été récoltés et donnés)
  • deux fermes urbaines dans des quartiers prioritaires (4500m2 et 2000m2 de terrain)
  • quatre nouveaux marchés, avec sur l’ensemble des marchés, 35% de produits locaux, contre 10% avant la mandature
  • la distribution hebdomadaire de paniers de produits bio à des femmes enceintes isolées
  • des espaces-cuisines pour les plus précaires
  • des Conseils alimentaires de quartier, avec des outils pédagogiques

Les zones rurales au secours de la ville ?

Là encore, comme pour la mobilité et la végétalisation, doit-on s’en contenter ? Julie Perez, présidente d’AgroBio Gironde, interrogée par Bon Pote, n’y voit pas un manque d’ambition : “Une ville ne peut pas se nourrir par elle-même, elle doit construire ses alliances avec les territoires agricoles alentour”. 

Dont acte, petit détour par la métropole pour se faire une idée. Elle s’est dotée d’un projet alimentaire de territoire en 2022, pour notamment faire revenir les producteurs(trices) de fruits et légumes sur son territoire. Mais à la lecture du document, c’est surtout le recul et la quasi absence des cultures qui saute aux yeux : 200 hectares de terres agricoles ont disparu de la métropole depuis 2011, alors qu’en parallèle seulement 33 maraîcher(e)s, 2 arboriculteurs et 22 éleveurs(euses) sont installé(e)s. Pour 850 000 habitant(e)s. Il y a du boulot. A titre de comparaison, la métropole de Rennes, 467 858 habitants, possède 719 exploitations agricoles. 

Quelle serait alors la bonne échelle ? “La résilience alimentaire se travaille avec les agriculteurs(trices) du département et de la Région, assure Eve Domenge.” On peut rétorquer que les zones rurales ne doivent pas devenir de simples zones de production pour métropoles en demande. “Quand la ville commande beaucoup de produits locaux et bio, ça donne aux agriculteurs(rices) de la Région, un soutien conséquent et une assise financière sécurisante. Elles et ils se paient mieux et peuvent se développer sur leur territoire” tranche l’élue. Un bon point, car il ne faut pas, aujourd’hui, compter sur la grande distribution pour avoir une politique territoriale. En tout cas, on retrouve dans ce projet “nourricier”, l’écologie “pragmatique” qui fut l’un des axes de campagne du candidat Hurmic.

La publicité

La municipalité a-t-elle, comme à Grenoble, voté la fin de la publicité dans les rues ?

Pas vraiment. En 2022, le conseil municipal a voté un nouveau cahier des charges avec  le concessionnaire. Au programme : 

  • suppression des formats 8 m² sur les boulevards
  • interdiction d’implanter des panneaux publicitaires près des écoles
  • 50 % d’affichage dédié à l’information municipale
  • interdiction des publicités animées
  • extinction des mobiliers urbains entre 23 heures et 7 heures

Interrogée par Sud-Ouest après le vote, Delphine Jamet, chargée de l’administration générale, de l’évaluation des politiques publiques et de la stratégie de la donnée à Bordeaux, explique la décision : “Les publicitaires doivent valoriser ce qu’il y a de mieux pour le climat. Mais on n’a pas la main dessus car la loi nous interdit de faire de la censure.” 

En revanche, cette même loi autorise à rompre le contrat avec le concessionnaire, ce qu’a fait Grenoble en 2015. Mais, comme le rappelle Sud-Ouest, ces publicités rapportent 1 300 000 euros par an à la ville et l’élue d’ajouter : « De quoi mettre en place de bonnes choses pour le climat. » Ces contrats servent notamment à financer les transports publics. On en revient à notre histoire de serpent qui se mord la queue.

Un bilan positif mais incomplet

D’abord, l’ensemble des interlocuteurs(trices) que nous avons interrogés – élu(e)s, représentant(e)s associatifs et salariés de l’administration, sont convaincu(e)s qu’il faut adopter des mesures radicales pour s’adapter et lutter contre le dérèglement climatique, que ça se fera sur le long terme et que ce mandat ne peut-être totalement satisfaisant. En ces temps de remise en cause et de recul sur les mesures environnementales un peu partout, ces échanges avec des personnes conscientes et volontaristes rassurent la rédaction inquiète que nous sommes. 

Ensuite, ce bilan nous montre que la municipalité écologiste s’est fortement engagée en termes de mobilité, d’alimentation, de production d’énergie renouvelable et de lutte contre les îlots de chaleur. Des mesures qui permettent à Bordeaux d’être un peu plus apte à s’adapter au changement climatique en cours. Un peu, car cet exercice montre aussi des limites : cette même végétalisation reste anecdotique dans des épisodes caniculaires, la voiture demeure le moyen de transport le plus utilisé, l’eau potable est encore utilisée pour arroser les espaces verts, etc. Il ne s’agit que d’une mandature, 6 ans c’est peu, et, on l’a vu, une tactique politique claire – ne pas aller trop loin, trop vite, être “pragmatique”, est également bien présente. 

Mais il y a autre chose, de plus grand, une somme de réalités propres à toutes les métropoles : leur dépendance aux ressources qui viennent de loin, une artificialisation omniprésente dûe à leur besoin de croître toujours plus. Bordeaux n’a pas (encore ?) réussi à enrayer tout cela et il faudra faire des choix encore plus forts dans les prochaines années pour y parvenir, quitte à déplaire.

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3 Responses

  1. “L’argument de la sécurité, n’ayant, rappelons-le, aucune base scientifique.”
    Et bien demandez donc aux femmes ce qu’elles en pensent. Quand on rentre à pied de soirée dans des rues vides, sans voir à un mètre autour de soi (je dis bien autour, pas juste devant), l’absence de base scientifique ne vaut pas grand chose. A ce moment là, tout ce qu’on craint c’est d’être l’exception à la règle et c’est une bonne raison de reprendre sa voiture, ou de ne pas sortir du tout. A côté de cela je trouve le compromis fait par la mairie franchement raisonnable.

  2. Merci pour ce bilan très instructif !
    Je regrette toutefois l’absence d’analyse de l’évolution de la végétalisation des repas des écoles et agents municipaux. Quelle en est la raison ?

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3 Responses

  1. “L’argument de la sécurité, n’ayant, rappelons-le, aucune base scientifique.”
    Et bien demandez donc aux femmes ce qu’elles en pensent. Quand on rentre à pied de soirée dans des rues vides, sans voir à un mètre autour de soi (je dis bien autour, pas juste devant), l’absence de base scientifique ne vaut pas grand chose. A ce moment là, tout ce qu’on craint c’est d’être l’exception à la règle et c’est une bonne raison de reprendre sa voiture, ou de ne pas sortir du tout. A côté de cela je trouve le compromis fait par la mairie franchement raisonnable.

  2. Merci pour ce bilan très instructif !
    Je regrette toutefois l’absence d’analyse de l’évolution de la végétalisation des repas des écoles et agents municipaux. Quelle en est la raison ?

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