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2023, année record pour les émissions mondiales de CO2

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L’étude annuelle 2023 référence du Global Carbon Project (GCP) vient d’être publiée et elle n’apporte pas que des bonnes nouvelles.

Les émissions mondiales de carbone provenant des combustibles fossiles ont de nouveau augmenté en 2023, pour atteindre des niveaux records. Le bilan de carbone mondial annuel prévoit des émissions de dioxyde de carbone fossile (CO2) de 36,8 milliards de tonnes en 2023, en hausse de 1,1 % par rapport à 2022. En y ajoutant les émissions de changement d’usage des terres (principalement la déforestation), les émissions atteindraient même 40,9 milliards de tonnes en 2023.

Des hausses sont prévues pour tous les types de combustibles (charbon, pétrole, gaz naturel). Un résultat mondial plus qu’inquiétant, même si certaines régions du monde ont vu leurs émissions baisser. Synthèse et analyse dans cet article sur ce fameux rapport.

Avant propos : pourquoi lire le rapport du Global Carbon Project ?

Le Global Carbon Project est un projet de recherche international dans le cadre de l’initiative de recherche Future Earth sur le développement durable, et un partenaire de recherche du Programme mondial de recherche sur le climat de l’Organisation mondiale de la Météorologie. Il a pour objectif de quantifier le cycle mondial du carbone,
y compris ses dimensions biophysiques et humaines, ainsi que les interactions et les rétroactions entre elles
.

Le bilan mondial du carbone 2023 est la 18e édition de la mise à jour annuelle qui a débuté en 2006, et la 12e édition disponible en libre accès dans le journal Earth System Science Data. La transparence et disponibilité des données sont très utiles, et vous verrez probablement des exemples dans des conférences ou encore des articles, comme “La France ne représente que 1% des émissions de CO2”.

L’étude du GCP fait désormais office de référence chaque année. Elle est légèrement plus technique à lire qu’un résumé pour les décideurs du GIEC, mais incontournable pour comprendre les évolutions du climat et les incertitudes autour des données. La figure ci-dessous est par exemple très utile pour comprendre le cycle du carbone mondial et la perturbation globale du cycle mondial du carbone causée par les activités anthropiques.

Figure 2. Représentation schématique de la perturbation globale du cycle mondial du carbone causée par les activités anthropiques, moyennée à l’échelle mondiale pour la décennie 2013-2022.

Petit détail pour la compréhension de l’étude, vous devrez faire la conversion des chiffres des gigatonnes de dioxyde de carbone ( Gt CO2) en des gigatonnes de carbone ( Gt C) avec le taux de conversion 3,664.

“Il semble inévitable de dépasser l’objectif de +1.5°C de l’Accord de Paris”

Même si la croissance des émissions totales de CO2 s’est considérablement ralentie au cours de la dernière décennie, avec une faible croissance des émissions fossiles et en parallèle une baisse faible mais incertaine des émissions liées au changement d’usage des sols, le niveau de CO2 atmosphérique devrait atteindre une moyenne de 419,3 ppm en 2023, soit 51 % de plus que les niveaux préindustriels. Une limite planétaire dépassée depuis longtemps, illustrée par la fameuse courbe de Keeling :

Les puits de CO2 terrestres et océaniques continuent d’absorber environ la moitié des émissions de CO2, malgré l’impact négatif du changement climatique sur ces puits. « Les impacts du changement climatique sont évidents partout autour de nous, mais les mesures visant à réduire les émissions de carbone provenant des combustibles fossiles restent terriblement lentes », explique le professeur Pierre Friedlingstein, du Global Systems Institute d’Exeter, qui a dirigé l’étude.

« Il semble désormais inévitable que nous dépassions l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris, et les dirigeants réunis à la COP28 devront se mettre d’accord sur des réductions rapides des émissions de combustibles fossiles, même pour maintenir l’objectif de 2°C. »

Dans combien de temps dépasserons-nous les +1.5°C de réchauffement mondial ?

Au niveau actuel des émissions, l’équipe du Global Carbon Budget estime qu’il y a 50 % de chances que le réchauffement climatique dépasse 1,5°C de manière constante dans environ sept ans.

En effet, ils estiment que les budgets carbone restants pour les seuils de 1,5°C, 1.7°C et +2.°C sont respectivement de 75 Gt C (275 Gt CO2), 175 Gt C (625 Gt CO2) et 315 Gt C (1150 Gt CO2). A partir du début de 2024, cela équivaut à environ 7, 15 et 28 ans, en supposant que les émissions de gaz à effet de serre se situent au niveau de celles de 2023.

Il est nécessaire de prendre en compte les incertitudes autour de ce chiffre, notamment concernant les composés hors CO2 du réchauffement. Cela confirme notre analyse dans l’article “Quand allons-nous dépasser l’objectif +1.5°C ?“, qui rappelle que l’objectif des +1.5°C doit être dépassé sur plusieurs années et non une seule pour que l’objectif soit atteint.

Une baisse des émissions en Europe ?

Si les émissions en Inde (+8.2%) et en Chine (+4%) sont toujours en forte hausse, il existe tout de même quelques signes encourageant.

Dans l’Union européenne (UE27, 7 % des émissions mondiales), les émissions en 2023 devraient diminuer d’environ 7,4 % par rapport à 2022, avec des diminutions prévues des émissions provenant du charbon (-18,8 %), du pétrole (-1,5 %) et du gaz naturel (-6,6 %). La consommation de charbon et de gaz naturel a diminué en raison de l’augmentation de la capacité des énergies renouvelables et des effets persistants de la crise énergétique, les prix élevés de l’énergie et d’autres facteurs inflationnistes entraînant une baisse de la demande d’énergie.

L’aviation et le transport maritime internationaux (2,8 % des émissions mondiales) devraient quant à eux augmenter de 11,9 % en 2023. Les émissions pour l’aviation internationale ont continué de croître après le creux de la pandémie et devraient augmenter de 28 % par rapport à 2022, tandis que le transport maritime international devrait augmenter de 1 %. La nécessité de baisser le trafic aérien pour respecter nos objectifs climatiques est plus que jamais indispensable.

Les émissions diminuent dans 26 pays, représentant 28 % des émissions mondiales, et la croissance des émissions ralentit dans d’autres pays. il est important de noter que ces efforts restent insuffisants pour inverser la croissance des émissions mondiales de combustibles fossiles. Philippe Ciais, directeur de recherche au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement et l’un des co-auteurs de l’étude, rejoint cette analyse :

« Les dernières données sur les émissions de CO2 montrent que les progrès ne sont pas suffisamment intenses ou généralisés pour placer les émissions mondiales sur une trajectoire descendante vers le net zéro, mais certaines tendances en matière d’émissions ont commencé à évoluer favorablement, montrant que les politiques climatiques peuvent être efficaces. Au niveau actuel, les émissions mondiales continuent de faire augmenter la concentration de CO2 dans notre atmosphère, provoquant un changement climatique supplémentaire et des impacts de plus en plus sévères.

« Tous les pays doivent décarboner leur économie beaucoup plus rapidement qu’ils ne le font actuellement pour éviter les pires impacts du changement climatique. »

Attention tout de même à la récupération politique et aux messages qui seraient trop optimistes, notamment concernant le cas français. Non seulement la France doit au moins multiplier par 2,5 ses efforts de baisse d’émissions sur son territoire pour respecter ses engagements climatique, mais l’empreinte carbone serait repartie à la hausse en 2022 (CITEPA).

COP28, rêve technologique et réalité

Le message est clair. Les chances de respecter les objectifs de l’Accord de Paris disparaissent un peu plus chaque jour et baisser la production des énergies fossiles pour atteindre la neutralité carbone est une évidence.

En effet, les niveaux actuels d’élimination du dioxyde de carbone basés sur la technologie (c’est-à-dire à l’exclusion des moyens fondés sur la nature tels que le reboisement) s’élèvent à environ 0,01 million de tonnes de CO2, soit plus d’un million de fois inférieur aux émissions actuelles de CO2 fossile.

Mais le Sultan Al Jaber, président de la COP28, n’est pas vraiment de cet avis. En effet, il considère qu’il n’y a pas de preuve scientifique derrière la demande de sortir des énergies fossiles. Une nouvelle forme de climatoscepticisme où il est possible de jouer sur les mots. L’objectif n’est pas de sortir des énergies fossiles, mais d’atteindre la neutralité carbone. C’est comme cela qu’ils jouent sur les mots phase out, phase down, ou encore “abatement“, et de se cacher derrière des scénarios ubuesques de neutralité carbone dans lesquels un miracle technologique aspirant le CO2 viendrait tout solutionner.

Il reste encore un peu plus d’une semaine aux gouvernements réunis à la COP28 pour inscrire les mots pétrole et gaz dans un accord final et demander la baisse de la production des énergies fossiles. Il fut un temps où Margaret Thatcher, à l’initiative de la création du GIEC, aurait dit “there is no alternative“.

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5 Responses

  1. “Bonjour Thomas. Sur la 2ième illustration (celle qui décrit le cycle du carbone), les valeurs sont en GtC (Pas en GtCO2). De la sorte, il me semble que la phrase:
    “Petit détail pour la compréhension de l’étude, vous devrez faire la conversion des chiffres des gigatonnes de dioxyde de carbone ( Gt CO2) en des gigatonnes de carbone ( Gt C) avec le taux de conversion 3,664.” devrait plutôt se lire:
    “Petit détail pour la compréhension de l’étude, vous devrez faire la conversion des chiffres en gigatonnes de carbone ( Gt C) en gigatonnes de dioxyde de carbone ( Gt CO2), en les multipliant par le taux de conversion de 3,664.”

  2. Il n’y a rien à redire ou presque, sur votre excellente analyse : il faudrait à l’échelle du monde baisser les émissions de CO2. Nous avons maintenant de la chance, il y a maintenant un large consensus sur ce but, il y a plus de 25 ans, je faisais partie des doux rêveurs qui alertaient sur ce sujet. Aujourd’hui, l’âge aidant à la réflexion, je pense que c’est un doux rêve de dire que c’est encore possible après 28 COP qui n’ont abouties qu’à des augmentations mondiales de CO2. Comment recommander (voir imposer) aux pays pauvres qui représentent plus de la moitié de l’humanité de se passer des énergies fossiles qui ont fait et font encore notre prospérité ? C’est la question. La réponse actuelle étant : le niveau de vie des pays riches n’est pas négociable, les pays pauvres voulant notre confort. Le changement ne se fera pas par la volonté de l’être humain, mais sous la pressions des évènements!. Le philosophe Yves Pacalet (qui vit encore) a écrit : l’humanité disparaitra Bon débarras ! A méditer pour ne pas être déçu par l’évolution de notre humanité !

  3. “En effet, il considère qu’il n’y a pas de preuve scientifique derrière la demande de sortir des énergies fossiles.”
    => Phrase tronquée sortie de son contexte…
    => comment faites vous pour faire des ENR sans pétrole?
    => la moitié des engrais est produit avec du gaz, l’alternative, c’est le fumier des animaux qui produit du méthane…

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Auteur
Thomas Wagner
Prendra sa retraite quand le réchauffement climatique sera de l’histoire ancienne

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  1. “Bonjour Thomas. Sur la 2ième illustration (celle qui décrit le cycle du carbone), les valeurs sont en GtC (Pas en GtCO2). De la sorte, il me semble que la phrase:
    “Petit détail pour la compréhension de l’étude, vous devrez faire la conversion des chiffres des gigatonnes de dioxyde de carbone ( Gt CO2) en des gigatonnes de carbone ( Gt C) avec le taux de conversion 3,664.” devrait plutôt se lire:
    “Petit détail pour la compréhension de l’étude, vous devrez faire la conversion des chiffres en gigatonnes de carbone ( Gt C) en gigatonnes de dioxyde de carbone ( Gt CO2), en les multipliant par le taux de conversion de 3,664.”

  2. Il n’y a rien à redire ou presque, sur votre excellente analyse : il faudrait à l’échelle du monde baisser les émissions de CO2. Nous avons maintenant de la chance, il y a maintenant un large consensus sur ce but, il y a plus de 25 ans, je faisais partie des doux rêveurs qui alertaient sur ce sujet. Aujourd’hui, l’âge aidant à la réflexion, je pense que c’est un doux rêve de dire que c’est encore possible après 28 COP qui n’ont abouties qu’à des augmentations mondiales de CO2. Comment recommander (voir imposer) aux pays pauvres qui représentent plus de la moitié de l’humanité de se passer des énergies fossiles qui ont fait et font encore notre prospérité ? C’est la question. La réponse actuelle étant : le niveau de vie des pays riches n’est pas négociable, les pays pauvres voulant notre confort. Le changement ne se fera pas par la volonté de l’être humain, mais sous la pressions des évènements!. Le philosophe Yves Pacalet (qui vit encore) a écrit : l’humanité disparaitra Bon débarras ! A méditer pour ne pas être déçu par l’évolution de notre humanité !

  3. “En effet, il considère qu’il n’y a pas de preuve scientifique derrière la demande de sortir des énergies fossiles.”
    => Phrase tronquée sortie de son contexte…
    => comment faites vous pour faire des ENR sans pétrole?
    => la moitié des engrais est produit avec du gaz, l’alternative, c’est le fumier des animaux qui produit du méthane…

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