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L’économie du donut : définition et analyse critique

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Donut
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Vous avez été nombreux ces dernières semaines à demander une analyse critique sur la théorie du donut de Kate Raworth, qui a eu des retours incroyables en peu de temps. Mais de quoi s’agit-il ? Quelles sont ses propositions ? En quoi sont-elles différentes des théories classiques ? Voici le moment d’aborder cette théorie qui dresse un constat implacable de la situation actuelle, et nous livre quelques propositions étonnantes et novatrices.

Texte de Vincent Lavilley

UN DONUT ? MAIS ON PARLE BIEN D’ÉCONOMIE ?

La théorie du donut a été inventée par Kate Raworth, une économiste anglaise désireuse de travailler à éradiquer la pauvreté et de mettre fin aux destructions environnementales.

Kate Raworth, auteure de la Théorie du Donut
Kate Raworth

Après plusieurs années passées à améliorer les conditions de vie de villageois à Zanzibar, elle intègre le programme des Nations Unies pour le Développement. Elle quitte rapidement cette position, trop rigide et hypocrite à son goût, pour intégrer l’organisation Oxfam, au début des années 2000. C’est dans cette structure qu’elle trouve enfin les moyens d’agir contre les inégalités et la pauvreté dans le monde. Au retour de sa maternité, elle ressent le besoin de revenir aux fondements économiques, car c’est l’économie qui donne sa forme à notre monde moderne. Elle relit les classiques, rassemble quelques idées pour dégager une réflexion, et réalise un dessin de ce que devraient être les buts de l’humanité à long terme. Elle construit alors sa théorie en 2014, qui représente une forme de donut (de beignet en français). Le donut puise sa forme dans l’incorporation de deux limites :

⦁ une limite interne sociale qui constitue le socle vital pour chaque être humain, les besoins de base qui doivent être assouvis (faim, soif, éducation, etc…)
⦁ une limite externe environnementale, que l’on ne doit pas dépasser sous peine de saccager notre environnement (comme le changement climatique ou la destruction d’écosystèmes).

Entre ces deux bordures, nous retrouvons le donut à proprement parler, un espace dans lequel l’humanité peut assouvir tous ses besoins, dans le respect de ce que nous offre la planète.

le Donut en version simplifiée
Représentation simplifiée du donut : un espace sûr dans les limites sociales et environnementales (figure tirée du livre)

Il lui faudra 3 ans de recherches et de réflexions personnelles pour construire un ensemble cohérent, et donner plus de profondeur à sa théorie qu’elle publiera en 2017 dans un livre intitulé : «Doughnut Economics : Seven ways to think like a 21st century economist» (chez Random House Business pour la version anglaise, et en 2018 chez Plon pour la version française). Elle y détaille les nouveaux chemins pour comprendre la réalité sociale et biophysique de nos sociétés modernes, puis propose quelques idées afin de résoudre les multiples joyeusetés que nous allons devoir affronter d’ici peu : changement climatique, déplétion de ressources, inégalités, pollution des milieux de vie ou encore destruction de la biodiversité.

SEPT MOYENS DE PENSER COMME UN(E) ÉCONOMISTE DU XXIème SIÈCLE

Raworth dresse un constat acerbe sur la discipline économique, et son évolution récente : celle-ci ne s’est pas assez ouverte, s’est reposée sur des présupposés convenables, esthétiques et sans preuves (comme le caractère infini de la croissance, le découplage), plutôt que réalistes et démontrés par l’expérience (comme le rôle central de l’énergie, la finitude des ressources, ou la capacité de l’Homme à bouleverser son environnement). Cette divergence a conduit la discipline à s’éloigner de la réalité physique et nous empêche aujourd’hui de mettre en œuvre des actions à la hauteur des enjeux que nous allons affronter. En clair, le modèle cognitif de nos sociétés ne fonctionne pas correctement et n’est clairement plus adapté à notre environnement.

Pour changer de logiciel mental, elle définit une liste de 7 principes qui doivent être modifiés dans la théorie économique afin de passer d’une vision archaïque et dépassée, dont les fondements sont fragiles, à une vision moderne, rigoureuse et bien plus cohérente.

1er principe : Changer de but

L’économie du XXème siècle se focalise sur l’indicateur PIB, qui possède de nombreux défauts. Il est nécessaire de dépasser cette vision passéiste et obsolète afin d’ébaucher un nouveau but pour l’humanité, comme le donut le propose.

2ème principe : Avoir une vision globale

L’économie décrit nos sociétés à travers le diagramme du flux circulaire, dont les limitations ont nourri le narratif libéral sur l’efficience des marchés, l’incompétence de l’Etat ou la tragédie des communs. Il faut dessiner une nouvelle voie économique mieux intégrée dans la société et l’environnement.

Schéma du diagramme de flux circulaire qui décrit les échanges entre différentes institutions, tiré du livre théorie du donut
Schéma du diagramme de flux circulaire qui décrit les échanges entre différentes institutions comme les ménages (households), les entreprises (business) ou l’État (government), ainsi que le sens de circulation de la monnaie à travers ces acteurs (figure tirée du livre).

3ème principe : Nourrir et entretenir la nature humaine

L’économie du XXème siècle se concentre autour de l’Homo Œconomicus, froid, calculateur, dont les calculs et décisions lui apportent un profit maximal lui octroyant une position dominante sur une Nature sauvage et chaotique. Cette vision oublie que l’Humain fait partie de la Nature, qu’il n’en est qu’un maillon, qu’il est un animal social et qu’il présente de nombreux biais cognitifs qui vont affecter ses décisions.

4ème principe : Élargir notre analyse et intégrer l’aspect systémique

La discipline économique reste attachée à ses origines des XIXème et XXème siècles, durant lesquels elle a copié et emprunté à la mécanique physique. Une approche plus intelligente et plus compréhensive de notre monde serait d’y intégrer la thermodynamique et les interactions complexes que nous propose la systémique, notamment grâce aux rétro-actions.

5ème principe : Concevoir pour distribuer

Au XXème siècle, une simple représentation visuelle a délivré un fort message sur les inégalités à travers la courbe de Kuznets : nous passerons par un dur moment avant de connaître une nette amélioration, et un tassement des inégalités, grâce à la croissance économique. En réalité, il apparaît que les inégalités ne sont pas une nécessité, elles sont un échec dans la conception du modèle économique. Cela implique d’imaginer de nouveaux modèles plus redistributifs des richesses, et la façon de créer la monnaie.

6ème principe : créer pour régénérer

La théorie économique a longtemps expliqué qu’un environnement propre et sain était un bien luxueux réservé aux plus aisés. Cette vue est renforcée par la courbe de Kuznets qui, encore une fois, nous assure que nous devons passer par le creux de la vague avant de voir une situation merveilleuse, où la croissance économique va (peut-être) nettoyer le monde de sa pollution. Une telle loi n’existe pas dans la réalité physique : les dégradations écologiques sont les conséquences des conceptions industrielles. Les économistes du XXIème siècle devront construire un modèle régénératif, circulaire (et non plus linéaire) afin de replacer l’humain dans les cycles naturels de la Terre.

7ème principe : devenir agnostique sur la croissance économique.

Une figure dans l’économie théorique demeure tellement effrayante qu’elle n’est jamais tracée : la trajectoire à long terme d’une croissance du PIB. Les économistes mainstream voient la croissance comme un but vital, alors que rien ne croît à l’infini dans la Nature. Se passer de l’indicateur PIB peut se réaliser facilement, mais l’addiction à la croissance reste elle très dure à outrepasser. Nous avons besoin de sociétés qui s’épanouissent et non de sociétés qui croissent. Ce changement radical nous amène à devenir agnostique sur la croissance, et à dessiner une société qui puisse fonctionner financièrement, politiquement et socialement dans un monde où l’on a appris à faire sans croissance.

A gauche, la courbe de croissance suit une loi exponentielle, celle-ci se poursuit à l’infini sans aucune limite. A droite, une courbe de croissance sigmoïde, dite en S qui atteint un maximum/optimum). On comprend aisément qu’une croissance infinie engendre des problèmes globaux et majeurs pour l’humain, qui dépasse allègrement les limites de ce que son environnement peut supporter. Il faut alors structurer nos sociétés (et donc l’économie) de façon à incorporer des limites claires et infranchissables, comme le donut propose : une limite basse des besoins humains et une limite haute des frontières écologiques (figures tirées du livre).

RUPTURE AVEC L’ÉCONOMIE (NÉO)CLASSIQUE

Ces principes s’inscrivent à l’opposé de l’économie majoritaire de nos jours, l’économie néoclassique. Elle débute à la fin du XIXème siècle et cherche à copier la physique, à travers un usage intense des mathématiques et de formules pour décrire les phénomènes socio-économiques. Cela transforme l’économie qui va désormais produire de multiples modèles censés représenter notre monde (au prix de quelques simplifications et négligences), se placer dans des conditions qui ne ressemblent pas à la réalité, nier certains aspects humains et environnementaux pour ne se concentrer que sur l’aspect purement financier et monétaire de la société humaine.

Dans son ensemble, le livre de Raworth va nous expliquer comment la théorie économique du siècle passé s’est structurée autour de la croissance comme but sociétal, et les conséquences d’une activité humaine, économique, financière suivant une dynamique toujours grandissante. Elle passe en revue la récente histoire du néolibéralisme, des présupposés qu’il prend pour acquis (but de croissance infinie, efficience des marchés, rôle perturbateur de l’État, mépris des communs) et de ses erreurs flagrantes (non prise en compte du rôle de l’énergie, des déchets et des pollutions, de la place capitale de la biodiversité dans l’économie).

Nous comprenons le danger de la sur-représentation de l’école néoclassique dans les cursus universitaires : elle formate des étudiants avec un même modèle archaïque face à des problématiques graves et planétaires. Les acteurs politiques, économiques, industriels ou encore financiers de demain se retrouvent donc avec un modèle cognitif dépassé, en totale contradiction avec l’environnement dans lequel ils évoluent. Cet état accentue les troubles socio-écologiques et étouffe toute possibilité de changement, car les cadres dirigeants ne mesurent pas l’écart entre leurs vues du monde et la réalité physique. Devant la complexité, la rapidité et l’incertitude des changements que nous allons devoir affronter, il serait prétentieux de proposer des lois, des cadres institutionnels ou des politiques qui régleront ces problèmes.

Le but du livre est donc de regrouper des idées émergentes et novatrices et de créer un nouvel état d’esprit toujours en évolution, détaché des présupposés qui fonctionnaient sûrement dans le monde de nos arrières-grands parents, mais qui se révèlent totalement à la ramasse de nos jours.

DES IDÉES POUR CHANGER DE SYSTÈME ?

Dans les derniers chapitres de son livre, Kate Raworth nous livre quelques pistes novatrices et audacieuses pour tenter d’enrayer cette dynamique mortifère et retrouver un chemin plus respectueux de notre milieu de vie.

1. Rendre rentables les entreprises vertueuses envers l’environnement

Actuellement, les entreprises qui font le plus de bénéfices sont celles qui ne s’encombrent pas avec les régulations sociales et environnementales. Les entreprises visant à mieux payer leurs employés, à préserver l’environnement ou la biodiversité ne sont pas favorisées par le système. Au contraire, elles sont en concurrence déloyale et peinent à rentabiliser leur modèle économique. John Fullerton et son collègue Tim MacDonald ont réfléchi à un moyen pour les entreprises régénératives de s’extraire de la pression de rentabilité venant des actionnaires. Ils proposent un concept délivrant des retours financiers résilients et acceptables aux actionnaires , à partir d’ entreprises à croissance faible ou nulle. Au lieu de verser des dividendes basés sur les profits générés, l’entreprise versera une part de son revenu à perpétuité aux actionnaires. Selon Fullerton, ce « fonctionnement rapprocherait l’entreprise d’un arbre qui, lorsqu’il devient mature, produit des fruits qui sont tout aussi préférables que la croissance de l’arbre lui-même ». La pression exercée par les actionnaires est une des manifestations de comment la recherche de gains financiers oriente l’économie vers une croissance sans fin. Réduire cet aspect ou y mettre fin sera une première étape dans la voie menant à juguler ce besoin insatiable de croissance.

2. Une nouvelle méthode de création monétaire

Une autre facette de la croissance infinie réside dans la création monétaire. A l’inverse de tout objet de notre univers qui va pourrir, s’user, rouiller ; la monnaie peut s’accumuler à l’infini grâce aux intérêts. Pour contrer cet effet, elle propose de mettre en place une monnaie sujette à la fonte, procédé inventé par Silvio Gesell au début du XXème siècle. Ce terme désigne le fait de payer une petite somme en guise de frais tant que l’on conserve de l’argent. Dit autrement, si je garde de l’argent dans mon porte-monnaie ou mon compte bancaire, je devrai payer une petite somme pour éviter qu’il perde en valeur. Un tel système de création monétaire renverserait totalement le fondement de nos sociétés  puisque la recherche du gain serait remplacée par une recherche du maintien de la valeur.

Cette nouvelle forme de monnaie aurait pour conséquence l’investissement dans des valeurs de long-terme et le renforcement d’activités régénératives ; à l’opposé du court-termisme actuel, des forts taux de croissance et d’une consommation maximisée. L’idée d’une monnaie fondante peut faire peur et rebuter, mais il faut garder à l’esprit que nous vivons déjà dans un monde avec une telle monnaie : les taux négatifs pratiqués par de nombreuses banques centrales (Japon, Danemark, Suède, Suisse et BCE) miment le fonctionnement d’une fonte monétaire, puisque les épargnants doivent payer pour la détention de leur argent.

3. Définir de nouveaux indicateurs socio-économiques

Le PIB n’est pas une mesure suffisante pour représenter l’état de nos sociétés et de notre planète. L’inventeur de la comptabilité nationale par le PIB, Simon Kuznets, exprimait déjà les limites de cet indicateur économique au congrès américain en 1934. Cet indicateur néglige de nombreux aspects vitaux comme le bien-être, l’éducation, la santé ou le droit à un environnement sain. Il oublie également les ressources, les déchets, la richesse des écosystèmes, ou la stabilité de systèmes planétaires comme l’atmosphère ou l’hydrosphère. Il nous faut donc définir de nouveaux indicateurs qui quantifieraient ces états et nous apporteraient l’information suffisante pour anticiper, prévoir et éviter des changements catastrophiques majeurs. (voir par exemple le rapport de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi)  ; la thèse de Géraldine Thiry ou plus généralement les travaux du FAIR). Une telle organisation nous dirigerait vers des sociétés plus apaisées, plus solidaires et plus justes.

CRITIQUES ET RÉCEPTION

Le livre a été très bien accueilli lors de sa parution. Les commentateurs louant l’esprit novateur de la théorie et sa recherche du bien-être humain dans le respect de l’environnement.

⦁ Au pays des borgnes, les aveugles resteront rois

Les principales critiques se retrouvent du côté des économistes néoclassiques et d’individus pro-business, dont les arguments portent sur des points déjà démontés et réfutés, notamment dans l’ouvrage de Raworth qu’ils sont sensés avoir lu puisqu’ils le critiquent : le rejet de l’homo œconomicus (le marché est parfait, il alloue les ressources de manière optimale et pourtant, il génère des bulles financières) ; la fin de l’indicateur PIB comme trajectoire politico-économique ; les bienfaits de la croissance sur la pauvreté (toujours autour des 10-20% dans les pays riches du monde ) et sur l’environnement (voir schéma dessous, où les tendances du système Terre augmentent de manière exponentielle : )

Source : figure traduite depuis Steffen et al., 2015 ; The trajectory of the Anthropocene: The great acceleration, The Anthropocene Review

⦁ Une méthodologie encore floue et contestable

Certaines critiques portent sur la méthodologie, qui n’est pas entièrement caractérisée vu la jeunesse du concept, et le manque flagrant d’études universitaires sur des thématiques en dehors du cadre de l’indicateur PIB et de la croissance. En effet, le choix et la pertinence des indicateurs utilisés constituent un des points les plus importants dans l’application de la théorie du donut. Par exemple, les indicateurs sociaux choisis reposent intégralement sur les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies qui établissent les besoins sociaux de la limite basse, ce qui peut mener à quelques problèmes : définition et méthodologie, portée d’application selon les régimes politiques, nature non économique de certains critères (ce qui ne veut absolument pas dire qu’ils ne sont pas importants, mais qu’ils doivent être modulés par la politique sociale et non la politique économique).

Bill Scott explique que, selon lui, les limites sociales et environnementales ne partagent pas la même dimension : les limites sociales, comme le taux de pauvreté, sont des constructions humaines tandis que les limites écologiques sont des murs physiques : les premières peuvent évoluer alors que les secondes représentent des limites avec lesquelles on ne pourra pas négocier. .

les ODD, chers à la théorie du Donut
Source : https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

⦁ En finir avec la croissance, mais pas totalement non plus

En outre, l’utilisation des ODD reste gênante au regard de l’objectif numéro 8 qui réaffirme le besoin de croissance économique. Si celui-ci peut être désiré dans certains pays ou dans certains secteurs, à certains moments, il ne peut continuer à servir de trajectoire pour nos sociétés, comme Raworth l’écrit. La représentation dans le donut mentionne revenu et travail, sans que l’on sache vraiment ce qu’il y a derrière.

On pourrait également rajouter un léger flou sur les projections du donut : va t-il freiner la croissance, la réguler, la préserver ? Va-t il proposer une modulation spatiale (en fonction des pays) et/ou temporelle (en fonction de l’époque) ? Si l’on suit l’échange entre un des critiques du donut et Raworth, cette dernière évoque la nécessité d’une croissance économique dans les pays pauvres, afin qu’ils rattrapent l’écart avec les pays riches, mais que cela ne pourrait se transformer en une quête de croissance infinie comme les pays développés en ont fait un but sociétal.

Nous pouvons néanmoins nous demander quels seront les moyens d’application et de vérification des conséquences de cette croissance : comment nous assurer que les limites ne seront pas franchies, comment juger que certaines puissent l’être temporairement, le temps de construire des infrastructures, de développer une agriculture moderne ou un réseau de transport ? Par ailleurs, les concepts de progrès et de croissance restent fortement liés à une perception culturelle occidentale de l’économie, qui pourrait être remise en cause dans d’autres sociétés moins ancrées à ces valeurs et qui conservent une relation plus forte avec leur environnement . Des questions délicates qui demanderont immanquablement du temps, de la pratique et de l’expérience pour pouvoir y répondre.

⦁ Mieux caractériser et affiner les frontières écologiques

Concernant les limites planétaires, Raworth reprend les travaux de scientifiques suédois du Stockholm Resilience Centre. En 2009, le directeur de ce centre de recherche, Johan Rockström, mène un groupe de 28 scientifiques internationaux afin d’identifier les processus qui régulent la stabilité et la résilience du système Terre. Ils proposeront une mesure quantitative des frontières planétaires dans lesquelles l’humanité peut continuer à se développer et à prospérer.

Source : figure traduite depuis Steffen et al., 2015 ; Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet, Science

Ces limites fournissent un cadre quantitatif et qualitatif assez rigoureux sur les impacts environnementaux de nos sociétés : franchir ces frontières écologiques revient donc à dépasser la limite de durabilité de notre environnement, et invite à modifier nos modes de production/consommation. Ces limites commencent à être reconnues et prises en compte par de nombreux organismes et États (ONU, UE, France), même si elles soulèvent des critiques, comme tout modèle.

Les travaux du donut ont récemment été repris et enrichis par un groupe d’économistes de Leeds, composé par les équipes de Daniel O’Neill et de Julia Steinberger . Ils ont apporté quelques améliorations répondant aux critiques que l’on pouvait soulever et ont affiné la méthodologie, offrant un calcul de la place de nombreux pays dans le donut (les données sont directement consultables sur leur site).

⦁ Et maintenant, quelle place pour le beignet ?

Pour finir, nous pouvons déplorer que Raworth ne s’exprime pas sur la place que son modèle devra tenir, s’il devient une référence économique : servira t-il uniquement de boussole aux acteurs politiques comme le sont les divers indicateurs et préconisations scientifiques d’aujourd’hui, ou au contraire, devra t-il être intégré à la législation afin de définir un véritable cadre étatique et juridique, bénéficiant d’une application et de contrôles par la loi ? De la même façon, elle ne donne aucune indication sur l’administration d’une économie sans croissance, ne mentionne nullement les modifications que cela implique sur l’urbanisme, le transport, l’énergie, l’agriculture, la fiscalité, le budget de l’État, etc…

D’autres questions plus subsidiaires restent en suspens : quelle est sa position et comment se situe t-elle par rapport aux autres courants de l’économie écologique de la post-croissance, comme la bioéconomie ou la décroissance ? Partage-t-elle des valeurs avec ces courants ?

On pourrait également ajouter une certaine timidité dans ses déclarations, malgré un ton déjà affirmé sur les questions socio-écologiques. Quelles solutions pour lutter contre le changement climatique ? Comment équilibrer les économies développées et celles non développées ? Quelle répartition de charge politique, légale, financière entre ces pays ? Quels outils, quelles structures ?

Ces questions nécessiteront du temps, des réflexions poussées et un retour d’expérience afin de déterminer les meilleurs liens entre disciplines, les solutions les plus adaptées aux enjeux locaux ou mondiaux ainsi que les méthodes d’application, leur acceptation ou encore leur validation par des mouvements socio-politiques complexes à venir et dans un monde futur incertain.

QUE CONCLURE DE LA THÉORIE DU DONUT ?

Le travail proposé par Kate Raworth est certainement des plus intéressants à de nombreux égards :

  • Il s’agit d’un livre très bien vendu qui remet en cause l’économie classique (celle qui nous mène vers de graves dangers). Sa large portée et sa bonne réception critique montrent que les esprits sont prêts au changement. Les villes d’Amsterdam et de Bruxelles ainsi que l’Irlande ont déjà montré leur envie d’appliquer le donut à leur territoire.
  • Le modèle novateur que Raworth nous décrit amène à un monde plus juste, plus équitable et plus respectueux de notre environnement. Il garde un ton résolument optimiste et liste des pistes intéressantes pour faire évoluer nos sociétés vers un état plus mature, durable et résilient.
  • Cette théorie amène une touche d’exotisme et de fraîcheur dans une discipline fermée sur elle-même, dont les solutions ne sont que des vœux pieux, des utopies sans réelle consistance.
  • Ce travail met en relation des chercheurs de multiples disciplines (notamment des sciences naturelles) ce qui manquait cruellement au champ économique. La théorie est déjà en phase d’amélioration par ces chercheurs, et des réseaux se constituent autour de ces idées en Angleterre et en Suède. Il reste encore à tisser des liens entre les différents courants de l’économie qui partagent des constats similaires, afin de gagner en masse critique et de pouvoir peser sur les décisions politiques de la décennie à venir.

Comme Kate Raworth le répète à l’envi tout au long de son livre, il s’agit d’un recueil d’idées pour avancer vers un monde plus juste et plus soutenable. Il n’est donc pas question de lister des solutions, ni de les imposer. En comprenant les limites de cet exercice, nous entendons donc la visée de son ouvrage. Il n’en reste pas moins que nous attendons de voir si le donut restera un concept qui finira dans un tiroir, ou s’il réussira à rassembler des acteurs autour de ses lignes directrices pour se consolider, s’il pourra faire germer d’autres modèles économiques, de nouvelles initiatives citoyennes et s’il réussira à relier les économistes de la pensée écologique, voire, à « convertir » celles et ceux des autres courants qui se basent encore sur un monde en croissance sans fin.

Son équipe a récemment fondé un laboratoire chargé de faire évoluer le modèle, de déterminer les conditions d’application, d’affiner les méthodologies et de travailler de concert avec les autorités locales. Ce retour d’expérience sera capital pour vérifier la praticabilité de la mise en place, ainsi que la robustesse de l’approche, qui pourrait ensuite s’étendre à d’autres villes, voire à des pays entiers.

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11 Responses

  1. “Elle construit alors sa théorie en 2014”, 2014? vraiment, des 2012 Oxfam communiquait activement sur le donut. Je me souviens avoir fait une présentation du donut en Octobre 2012 a une réunion en Amérique du Sud.
    Merci pour votre analyse. J’ai le livre a cote de moi – je ne suis pas une économiste et je sais qu’il y a, en effet, des critiques toutes plus ou moins valables, mais en tant qu’activiste, je trouve ce donut très convainquant et motivant.

  2. Il y a malheureusement une autre voie qui pourrait être employée que je résume ainsi : “que les autres crèvent, je m’en fiche du moment que je m’en sort”. Autrement dit :: chacun pour soi, le meilleur s’en tirera. C’est un peu la politique de “America first”, les autres ne sont là que s’ils nous sont utiles, sinon on les ignore. Encore autrement dit : “The winner take all” . La loi du plus fort : il s’en tirera, tant pis pour les autres. Elon Musk vit sa passion, tant pis s’il contribue à détruire notre environnement; Les tyrans de tous pays vivent dans un luxe insolent, tant pis pour le peuple qui n’a d’intérêt que lorsqu’il leur rapporte. Les investisseurs misent sur des entreprises dont ils ne savent même pas ce qu’elles font réellement, seul le gain financier les intéressent. Or, ces gains sont fait par les masses qui travaillent et surtout consomment. Nous sommes collectivement responsables, par notre consommation, de cette loi du plus fort. AInsi, ne courre-t-on pas vers la catastrophe ?

  3. Y a-t-il une démonstration que l’épaisseur du donut n’est pas négative, c’est à dire que les limites du bien être humain que nous jugeons comme “supportables” (qui ne sont que celles auxquelles notre richesse nous a habitués) sont compatible avec un monde durable ?

    Y a-t-il un seul exemple de société assurant ce confort minimum sans faire un usage abondant de resssources non renouvelables (aussi bien en énergie qu’en matériaux) ? et si oui, lequel ?

  4. Bonjour et merci pour votre engagement.
    Tout d’abord je n’ai pas lu ce bouquin, et donc ma réaction est juste inspirée par la lecture de votre article.
    Pour ma part, je suis plutôt circonspect par rapport à ce donut. Tout d’abord j’ai l’impression d’une grande confusion, et d’amalgames dans tous les sens. Pourquoi découper les besoins humains en 11 items ? Dont bon nombre sont redondants? Comme si il y avait des frontières bien tranchées entre santé, équité, éducation, emploi, revenus … et il manque aussi pas mal d’autres besoins, comme le bonheur, la sérénité, la coopération, l’entraide et le soutien, l’éthique, ou encore la compassion, l’amour, l’équilibre psychologique …etc (on pourrait en rajouter pas mal). idem pour les seuil environnementaux. N’y a-t-il pas des liens très forts entre changement climatique, biodiversité, pollution, acidification des océans, artificialisation des sols …? Comme si il y avait des frontières claires et précises entre tout ça! Et là encore, pas mal « d’oublis », comme l’overfishing, les OGM, l’élevage industriel et la souffrance animale …
    En fait l’auteure incarne l’inverse du principe 4, qui propose d’avoir une pensée systémique, alors qu’elle présente tous les travers d’une pensée analytique … et confuse (c’est mon opinion!). D’ailleurs, même déception concernant les 7 principes … « changer de but », « avoir une vision globale », et « intégrer un éclairage systémique », c’est pas un peu redondant non?
    Ce qui me dérange le plus, c’est les pistes qu’elle propose. Einstein disait un truc du genre « On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui l’a créé ». Et là, on reste avec des logiques de rentabilité, d’entreprises appartenant à des actionnaires, de marché, d’indicateurs sociaux-économiques, de création monétaire (bien que l’idée d’une monnaie fondante est séduisante, merci Silvio Gesell). Avec un peu d’ironie ou de cynisme, on pourrait dire que c’est la porte ouverte au greenwashing …
    Pour un bouquin qui veut avoir un éclairage pertinent sur l’économie, je trouve, d’après ce que vous en dites, que ça manque cruellement de réflexion politique, sociologique, ainsi qu’anthropologique (à minima sur les rapports de pouvoir et de domination, le culte de la distraction et de la consommation, la réification du vivant, la puissance des envies et des affects).

    1. Bonjour et merci !

      Les limitations sociales soulèvent des critiques sur leur caractère discret, fini. Raworth utilise les ODD de l’ONU dont certains posent problèmes comme mentionné dans l’article (caractère non économique, problèmes dans leur définition, dans leur acceptation, dans leur mesure). Concernant les limites planétaires, c’est déjà plus facile de quantifier des espèces chimiques et des valeurs seuil. La discussion repose en effet sur leur pertinence, et sur les interactions (ai-je le droit de dépasser mon quota carbone pour produire une infrastructure qui fera baisser ce même quota à long terme, quelle conséquence si j’émets une espèce nocive, mais qui fait diminuer une autre aussi nocive ?). Il y a aussi débat sur le terme de limites environnementales, mais c’est un autre débat.

      Il faut garder à l’esprit que le donut est une théorie très jeune (moins de 10 ans) qui va assez loin dans sa remise en cause d’un système majoritaire depuis plusieurs décennies. Nous sommes aussi limités dans la publication et ne couvrons pas tous les axes évoqués dans le livre, qui comporte bien une lecture plus humaine, large et variée.

      Vos remarques demeurent néanmoins très pertinentes !

  5. Excellent article, merci mon pote.
    Je me questionne quant à l’épaisseur du donut…
    Je ferais une petite analogie astronomique avec le rayon de Schwarzschild : Peut-être avons-nous dépassé la masse critique qui fait que le rayon du plancher social est supérieur à celui du planché environnemental ?

    1. Merci Jérôme !

      Oui clairement, notre plancher social dépasse allègrement le plafond environnemental, comme en témoignent les données scientifiques du GIER, du GIEC, de l’IPBES ou encore les tendances modélisées par l’équipe Meadows.

      D’ailleurs, en regardant la représentation de l’équipe de Daniel O’Neill (https://goodlife.leeds.ac.uk/), on n’observe aucun pays entre ces deux limites. Le modèle de croissance et l’extractivisme en sont la principale cause, ainsi que des schémas socio-culturels vantant la société de consommation.

      D’autres courants de l’économie (comme le courant écologique avec la bioéconomie, la décroissance) essaient de délivrer de nouveaux récits, de construire de nouveaux cadres, dans l’idée de proposer des alternatives à ce modèle mortifère.

  6. Merci pour cette présentation du donut, même si j’ai un petit peu de mal à voir comment il peut se mettre en place concrètement.

    Est ce que dans la même veine d’analyse critique, il serait possible de regarder le livre “Abundance: The Future Is Better Than You Think” de Peter H. Diamandis et Steven Kotler?

    Il est à contre courant complet de tout ce qui est présenté par Bon Pote, mais je n’arrive pour le moment pas à voir la faille dans leur modèle.

  7. Merci pour ce texte.
    Pas mal, j’aime bien les idées mais le simple fait de dire on est libre d’appliquer perpétura l’inégalité et l’incapacité des individus à vivre ensemble.
    La solution qui plaît serait une sorte d’espéranto politique, un gouvernement mondial ou un autre truc foireux dans le même genre. Bref un but qui ne fonctionnera pas tiré du cerveau d’on ne sait qui.
    Quand les princes d’il y a quelques siècles voulaient, ils s’arrangeaient pour dire cela la volonté du ciel… L’époque était à l’augmentation générale et pas la diminution générale prochaine. Une autorité que je ne sais pas définir qui puisse contraindre le pouvoir et l’argent pourrait peut-être être trouvée.
    Et les idées évoquées et proposées seraient alors pour certaines très intéressantes.
    (note l’écriture du cadre commentaire est un gris inconfortable et mal lisible)

  8. J’ai à peine fini l’intro que j’aperçois déjà le petit sourire méprisant et plein de commisération de W. Nordhaus et affidés… Mais lisons

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Auteur
Thomas Wagner
Prendra sa retraite quand le réchauffement climatique sera de l’histoire ancienne

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11 Responses

  1. “Elle construit alors sa théorie en 2014”, 2014? vraiment, des 2012 Oxfam communiquait activement sur le donut. Je me souviens avoir fait une présentation du donut en Octobre 2012 a une réunion en Amérique du Sud.
    Merci pour votre analyse. J’ai le livre a cote de moi – je ne suis pas une économiste et je sais qu’il y a, en effet, des critiques toutes plus ou moins valables, mais en tant qu’activiste, je trouve ce donut très convainquant et motivant.

  2. Il y a malheureusement une autre voie qui pourrait être employée que je résume ainsi : “que les autres crèvent, je m’en fiche du moment que je m’en sort”. Autrement dit :: chacun pour soi, le meilleur s’en tirera. C’est un peu la politique de “America first”, les autres ne sont là que s’ils nous sont utiles, sinon on les ignore. Encore autrement dit : “The winner take all” . La loi du plus fort : il s’en tirera, tant pis pour les autres. Elon Musk vit sa passion, tant pis s’il contribue à détruire notre environnement; Les tyrans de tous pays vivent dans un luxe insolent, tant pis pour le peuple qui n’a d’intérêt que lorsqu’il leur rapporte. Les investisseurs misent sur des entreprises dont ils ne savent même pas ce qu’elles font réellement, seul le gain financier les intéressent. Or, ces gains sont fait par les masses qui travaillent et surtout consomment. Nous sommes collectivement responsables, par notre consommation, de cette loi du plus fort. AInsi, ne courre-t-on pas vers la catastrophe ?

  3. Y a-t-il une démonstration que l’épaisseur du donut n’est pas négative, c’est à dire que les limites du bien être humain que nous jugeons comme “supportables” (qui ne sont que celles auxquelles notre richesse nous a habitués) sont compatible avec un monde durable ?

    Y a-t-il un seul exemple de société assurant ce confort minimum sans faire un usage abondant de resssources non renouvelables (aussi bien en énergie qu’en matériaux) ? et si oui, lequel ?

  4. Bonjour et merci pour votre engagement.
    Tout d’abord je n’ai pas lu ce bouquin, et donc ma réaction est juste inspirée par la lecture de votre article.
    Pour ma part, je suis plutôt circonspect par rapport à ce donut. Tout d’abord j’ai l’impression d’une grande confusion, et d’amalgames dans tous les sens. Pourquoi découper les besoins humains en 11 items ? Dont bon nombre sont redondants? Comme si il y avait des frontières bien tranchées entre santé, équité, éducation, emploi, revenus … et il manque aussi pas mal d’autres besoins, comme le bonheur, la sérénité, la coopération, l’entraide et le soutien, l’éthique, ou encore la compassion, l’amour, l’équilibre psychologique …etc (on pourrait en rajouter pas mal). idem pour les seuil environnementaux. N’y a-t-il pas des liens très forts entre changement climatique, biodiversité, pollution, acidification des océans, artificialisation des sols …? Comme si il y avait des frontières claires et précises entre tout ça! Et là encore, pas mal « d’oublis », comme l’overfishing, les OGM, l’élevage industriel et la souffrance animale …
    En fait l’auteure incarne l’inverse du principe 4, qui propose d’avoir une pensée systémique, alors qu’elle présente tous les travers d’une pensée analytique … et confuse (c’est mon opinion!). D’ailleurs, même déception concernant les 7 principes … « changer de but », « avoir une vision globale », et « intégrer un éclairage systémique », c’est pas un peu redondant non?
    Ce qui me dérange le plus, c’est les pistes qu’elle propose. Einstein disait un truc du genre « On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui l’a créé ». Et là, on reste avec des logiques de rentabilité, d’entreprises appartenant à des actionnaires, de marché, d’indicateurs sociaux-économiques, de création monétaire (bien que l’idée d’une monnaie fondante est séduisante, merci Silvio Gesell). Avec un peu d’ironie ou de cynisme, on pourrait dire que c’est la porte ouverte au greenwashing …
    Pour un bouquin qui veut avoir un éclairage pertinent sur l’économie, je trouve, d’après ce que vous en dites, que ça manque cruellement de réflexion politique, sociologique, ainsi qu’anthropologique (à minima sur les rapports de pouvoir et de domination, le culte de la distraction et de la consommation, la réification du vivant, la puissance des envies et des affects).

    1. Bonjour et merci !

      Les limitations sociales soulèvent des critiques sur leur caractère discret, fini. Raworth utilise les ODD de l’ONU dont certains posent problèmes comme mentionné dans l’article (caractère non économique, problèmes dans leur définition, dans leur acceptation, dans leur mesure). Concernant les limites planétaires, c’est déjà plus facile de quantifier des espèces chimiques et des valeurs seuil. La discussion repose en effet sur leur pertinence, et sur les interactions (ai-je le droit de dépasser mon quota carbone pour produire une infrastructure qui fera baisser ce même quota à long terme, quelle conséquence si j’émets une espèce nocive, mais qui fait diminuer une autre aussi nocive ?). Il y a aussi débat sur le terme de limites environnementales, mais c’est un autre débat.

      Il faut garder à l’esprit que le donut est une théorie très jeune (moins de 10 ans) qui va assez loin dans sa remise en cause d’un système majoritaire depuis plusieurs décennies. Nous sommes aussi limités dans la publication et ne couvrons pas tous les axes évoqués dans le livre, qui comporte bien une lecture plus humaine, large et variée.

      Vos remarques demeurent néanmoins très pertinentes !

  5. Excellent article, merci mon pote.
    Je me questionne quant à l’épaisseur du donut…
    Je ferais une petite analogie astronomique avec le rayon de Schwarzschild : Peut-être avons-nous dépassé la masse critique qui fait que le rayon du plancher social est supérieur à celui du planché environnemental ?

    1. Merci Jérôme !

      Oui clairement, notre plancher social dépasse allègrement le plafond environnemental, comme en témoignent les données scientifiques du GIER, du GIEC, de l’IPBES ou encore les tendances modélisées par l’équipe Meadows.

      D’ailleurs, en regardant la représentation de l’équipe de Daniel O’Neill (https://goodlife.leeds.ac.uk/), on n’observe aucun pays entre ces deux limites. Le modèle de croissance et l’extractivisme en sont la principale cause, ainsi que des schémas socio-culturels vantant la société de consommation.

      D’autres courants de l’économie (comme le courant écologique avec la bioéconomie, la décroissance) essaient de délivrer de nouveaux récits, de construire de nouveaux cadres, dans l’idée de proposer des alternatives à ce modèle mortifère.

  6. Merci pour cette présentation du donut, même si j’ai un petit peu de mal à voir comment il peut se mettre en place concrètement.

    Est ce que dans la même veine d’analyse critique, il serait possible de regarder le livre “Abundance: The Future Is Better Than You Think” de Peter H. Diamandis et Steven Kotler?

    Il est à contre courant complet de tout ce qui est présenté par Bon Pote, mais je n’arrive pour le moment pas à voir la faille dans leur modèle.

  7. Merci pour ce texte.
    Pas mal, j’aime bien les idées mais le simple fait de dire on est libre d’appliquer perpétura l’inégalité et l’incapacité des individus à vivre ensemble.
    La solution qui plaît serait une sorte d’espéranto politique, un gouvernement mondial ou un autre truc foireux dans le même genre. Bref un but qui ne fonctionnera pas tiré du cerveau d’on ne sait qui.
    Quand les princes d’il y a quelques siècles voulaient, ils s’arrangeaient pour dire cela la volonté du ciel… L’époque était à l’augmentation générale et pas la diminution générale prochaine. Une autorité que je ne sais pas définir qui puisse contraindre le pouvoir et l’argent pourrait peut-être être trouvée.
    Et les idées évoquées et proposées seraient alors pour certaines très intéressantes.
    (note l’écriture du cadre commentaire est un gris inconfortable et mal lisible)

  8. J’ai à peine fini l’intro que j’aperçois déjà le petit sourire méprisant et plein de commisération de W. Nordhaus et affidés… Mais lisons

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