Revenons aujourd’hui sur le sujet le plus abordé lorsque l’on parle du changement climatique : le CO2.
La concentration de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de plus de 40% depuis les débuts de la période industrielle. Cette augmentation a fortement influencé le climat de notre planète, et il faut remonter jusqu’à trois millions d’années dans le passé pour trouver des niveaux de concentration de CO2 atmosphérique similaires à ceux d’aujourd’hui.
Compte tenu de l’urgence climatique et en partenariat avec l’Institut National des Sciences de l’Univers, nous voulons démystifier ces idées reçues et rendre accessibles les connaissances scientifiques sur le climat au plus grand nombre. Afin de répondre aux différentes questions sur le CO2, nous avons reçu l’aide de Laurent Bopp, et Philippe Peylin, chercheurs CNRS respectivement au Laboratoire de météorologie dynamique (LMD) et au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE).
Comment savons nous que la concentration de CO2 augmente ?
Depuis les années 60, un réseau de plus en plus dense de stations permet de mesurer l’évolution de la concentration atmosphérique de CO2 en différents points reculés du globe avec une grande précision.
Pour remonter aux concentrations de CO2 avant cette date, on analyse les bulles d’air piégées dans les glaces des calottes glaciaires et des glaciers. Elles permettent de reconstituer l’évolution du CO2 dans l’atmosphère au cours du dernier million d’années. Pour remonter encore plus loin dans le passé, on peut utiliser d’autres techniques comme l’analyse des isotopes du carbone dans les paléosols, ou les isotopes du bore dans les sédiments marins.
Le CO2 n’a-t-il vraiment pas tant augmenté que cela ?
Les données montrent que le CO2 dans l’atmosphère a augmenté de 280 ppm* (parties par million en volume) en 1850 à plus de 400 ppm aujourd’hui. Techniquement, cela veut dire qu’actuellement le CO2 représente une fraction du volume atmosphérique équivalent à 0, 04 %. Cela peut sembler insignifiant mais la croissance observée représente une augmentation relative de 42% en 170 ans ! Nous reviendrons plus bas sur les conséquences.
Avant 1850, la variation du CO2 n’avait été que de quelques dizaines de ppm sur les derniers milliers d’années. Même sur des échelles de temps de plusieurs centaines de milliers d’années dans le passé, les concentrations de CO2 oscillent entre 180 et 280 ppm, soit des variations de l’ordre de 100 ppm.
Surtout, l’accroissement récent du CO2 atmosphérique est de plus en plus rapide puisqu’il est de près de 2 ppm par an sur la dernière décennie alors qu’il n’était que de 0.5 ppm par an il y a 50 ans.
Il faut noter toutefois que la Terre a déjà connu des périodes où le CO2 atmosphérique était très élevé, sans doute plusieurs milliers de ppm, comme pendant l’ère secondaire. Les facteurs étaient à l’époque des facteurs naturels, qu’on ne peut incriminer aujourd’hui. (Voir l’article Le climat a-t-il vraiment toujours changé ?)
Les humains sont-ils responsables de l’augmentation de CO2 ?
Depuis le début de la révolution industrielle, les humains libèrent massivement du CO2 en brûlant des ressources énergétiques fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel). Le changement d’utilisation des sols (en particulier via la déforestation et les feux de forêt) représente une autre source de CO2 pour l’atmosphère (environ 15% des émissions anthropiques totales au cours des 10 dernières années). Ces émissions anthropiques, qui ont dépassé les 40 milliards de tonnes de CO2 par an ces dernières années, expliquent l’augmentation du CO2 observée.
Il faut noter cependant que la concentration de CO2 dans l’atmosphère est aussi influencée par des processus naturels. Les océans et la biosphère continentale, par exemple, échangent chaque année des quantités très importantes de CO2 avec l’atmosphère. Ainsi sur les 40 milliards de tonnes de CO2 émis chaque année, seulement environ la moitié s’accumule dans l’atmosphère, l’autre moitié étant réabsorbée dans des proportions similaires par les océans et la biosphère continentale.
Les éruptions volcaniques peuvent également émettre de grandes quantités de CO2 . Actuellement, il a été évalué que la totalité des 1 500 volcans terrestres inventoriés, ajoutés à ceux sous les océans représentent au maximum 360 millions de tonnes de CO2 rejetées chaque année dans l’atmosphère (en ordre de grandeur, c’est beaucoup plus faible que les émissions anthropiques décrites ci-dessus).
Enfin, la stabilité du CO2 atmosphérique avant la perturbation anthropique démontre que ces flux naturels étaient plus ou moins à l’équilibre à cette époque, les sources naturelles étant compensées par des puits naturels.
“Le CO2 augmente, et alors ? A chaque fois qu’on respire, on en rejette aussi !“
On entend souvent ces arguments de la part des climato-dénialistes :”Le CO2 augmente, et alors ? A chaque fois qu’on respire, on en rejette aussi !“. Oui, certes. Mais le CO2 que vous expirez était dans l’atmosphère il n’y a pas longtemps. Il a été capté par la végétation et a fait partie de votre alimentation (directement, si vous mangez des fruits ou des légumes, indirectement si vous mangez des animaux).
A l’inverse, le CO2 que vous ajoutez à l’atmosphère en conduisant votre voiture, en vous chauffant ou en prenant l’avion, était dans le sous-sol, dans des réservoirs géologiques (charbon, pétrole, gaz) qui se sont formés sur de très grandes échelles de temps (millions d’années).
Expirer ne participe pas à l’augmentation durable de la concentration de CO2 atmosphérique, vous remettez dans l’atmosphère du carbone qui vient d’être assimilé par les végétaux (cycle « rapide » du carbone).
A l’inverse, bruler des combustibles fossiles ré-injecte dans ce cycle du carbone qui avait été stocké dans le sous-sol, grâce à des processus très lents (accumulation et sédimentation de débris végétaux). Réinjecter dans ce cycle « rapide » du carbone, qui en avait été soustrait depuis des millions d’années, perturbe donc notre climat.
“Le CO2, ce n’est pas mauvais !“
A petite dose, c’est très bien ! C’est en partie d’ailleurs grâce au CO2 que la Terre n’est pas une planète complétement gelée.
Mais l’augmentation du CO2 n’est pas sans poser de problèmes aux sociétés humaines.
Si une stabilité à long terme du CO2 atmosphérique a été observée, on sait cependant qu’elle a été ponctuée de grandes perturbations, au moins cinq fois au cours des 500 derniers millions d’années. Au cours de ces événements, d’énormes volumes de carbone ont été dégazés, entraînant un réchauffement de l’atmosphère, une acidification des océans et des extinctions massives.
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En quoi le CO2 influence-t-il le climat ?
Le climat de la Terre résulte d’un équilibre entre l’énergie solaire absorbée et l’énergie ré-émise par la Terre vers l’espace. Tout élément qui perturbe cet équilibre affecte la température de la planète : c’est ce qu’on appelle un facteur de forçage radiatif. C’est le cas de l’excédent de gaz à effet de serre (dont le CO2) qui entraîne donc un surplus d’énergie. La planète ne peut l’évacuer qu’en modifiant sa température d’équilibre. (voir l’article Le climat a-t-il vraiment toujours changé ?)
Les archives glaciaires collectées à la station Dome C en Antarctique montrent une corrélation très forte entre la température et la concentration en CO2 .
En parallèle, les projections climatiques réalisées avec des modèles de climat ont permis de mettre en évidence la corrélation très étroite entre les émissions anthropiques de CO2 dans l’atmosphère et les anomalies de température.
Que deviennent les émissions de CO2 ?
Une fois émis, le CO2 est aujourd’hui absorbé, environ pour moitié, par les puits de carbone naturels que sont la végétation, les sols et les océans. L’autre moitié des émissions s’accumule dans l’atmosphère.
Comment l’océan absorbe le CO2 ?
Dans l’océan, ce sont des processus physico-chimiques qui expliquent l’existence du puits de carbone océanique. Différents constats font craindre cependant une dégradation de la capacité d’absorption de ces puits de carbone. Le changement climatique lui-même pourrait affecter les puits de carbone et diminuer cette capacité. C’est ce qu’on appelle une rétroaction positive, qui entraîne une amplification du changement climatique.
En trop grande quantité, le CO2 absorbé par l’océan modifie l’équilibre chimique de l’eau de mer en rendant son pH moins basique. C’est le phénomène l’acidification des océans. L’augmentation avérée de 30 % de l’acidité des océans a des impacts dévastateurs sur la construction et la conservation des coquillages et des squelettes de micro-organismes. Or ceux-ci sont à la base de la chaîne alimentaire de centaines d’espèces.
Comment la végétation absorbe le CO2 ?
Sur les continents, le CO2 stimule la croissance des végétaux en fertilisant les écosystèmes (accroissement de la photosynthèse). En 1997, une étude révélait que les températures plus élevées dans les hautes latitudes septentrionales de 1981 à 1991 ont favorisé l’augmentation de la croissance des plantes pendant l’été et/ou de leur respiration pendant l’hiver, d’une manière qui suggère une augmentation de la croissance végétale associée à un allongement de la saison de croissance active.
Données satellitaires et enregistrement du CO2 indiquaient que le cycle mondial du carbone avait réagi aux fluctuations interannuelles de la température de l’air en surface qui sont très importantes au niveau régional. C’est ce qu’on a appelé le verdissement. C’est une bonne nouvelle dont se sont emparés les climato-dénialistes pour clamer haut et fort qu’on avait tort de s’alarmer sur le changement climatique … mais nous allons voir que ce n’est pas si simple.
Est-ce que le verdissement est une bonne nouvelle ?
Des données satellitaires (2000-2017) ont révélé qu’un tiers des terres végétalisées de la planète sont actuellement en train de verdir, c’est-à-dire de devenir plus productives. Un verdissement qui reflète l’utilisation intensive des terres pour les cultures et les fourrages sur tous les continents, mais surtout dans les deux pays les plus peuplés, la Chine et l’Inde.
- La Chine représente à elle seule 25 % de l’augmentation nette mondiale de la surface foliaire (la mesure du verdissement, qui représente une valeur de surface de feuille – en m2– par m2 de surface de terrain), pour seulement 6,6 % de la surface végétalisée mondiale. Elle élabore en effet des programmes ambitieux de conservation et d’expansion des forêts dans le but d’atténuer la dégradation des sols, la pollution atmosphérique et le changement climatique.
- L’Inde augmente essentiellement ses surfaces cultivées.
Dans les deux pays, la production alimentaire a augmenté de plus de 35 % depuis 2000, principalement en raison d’une augmentation de la superficie récoltée.
Or l’utilisation d’engrais ou de grandes quantités d’eau pour l’agriculture posent à leur tour des problèmes. Par ailleurs, l’augmentation du rendement agricole occasionne à terme un appauvrissement des sols. Il faut aussi noter que ce verdissement, qui s’est surtout produit dans les latitudes tempérées et élevées du Nord, ne compense pas les dommages déjà causés par la perte de surface foliaire dans la végétation naturelle tropicale … et les conséquences qui en découlent pour la durabilité des écosystèmes et la biodiversité.
Enfin le verdissement implique une consommation plus forte de nutriments pour le développement des feuilles et une plus forte transpiration de ces plantes (puisque leur indice foliaire plus grand). Il y a donc moins d’eau dans les sols.
Le verdissement a-t-il des limites ?
Le verdissement a bien sûr des limites. Si les températures continuent d’augmenter, le verdissement peut malheureusement saturer et ensuite s’inverser…. Mais ce sera très variable en fonction de la disponibilité en eau et de la la température moyenne. Pour tous les écosystèmes, il y a en effet une plage de température optimale : si la température va au-delà, on aboutira plutôt à une diminution de l’indice foliaire.
En cas de diminution trop forte des précipitations et/ou d’augmentation trop forte de la température, les forêts tropicales peuvent commencer à régresser (diminution de l’indice foliaire).
Le changement climatique va modifier le climat régionalement. Certaines régions deviendront probablement moins hostiles à l’homme (comme les régions boréales). D’autres deviendront beaucoup plus hostiles (régions tropicales déjà sèches).
Le mot de la fin
Le surcroît d’émissions de CO2 a déséquilibré le bilan d’énergie de la Terre, qui a donc accumulé une grande quantité de chaleur supplémentaire. La rapidité du changement est problématique. On craint une dégradation de la capacité d’absorption par les océans du CO2 qui, par ailleurs, modifie l’équilibre chimique de l’eau de mer. Cette acidification des océans a déjà des conséquences sur les écosystèmes marins.
L’effet du CO2 sur la végétation est certes pour le moment globalement positif mais si l’on fait un bilan des conséquences positives et négatives du CO2 , le bilan est bel et bien négatif.
Bonus : Une infographie de cet article disponible sur le site du CNRS 😉
6 Responses
Bonjour,
Vous appelez “denialiste”, les gens qui contestent vos dires concernant le climat. “Denialiste”, c’est le terme anglais pour” négationiste”. Vous les comparez donc à ceux qui nient la Shoa. C’est très choquant, autant pour vos contradicteurs, que pour les victimes de la Shoa dont vous salissez la mémoire, et utilisez le martyre à des fins politiques. C’est abject. Et à ce titre, personnellement je vous qualifierais de Nazi du climat, pour que vous preniez bien conscience de vos propos pour le moins extravagants, et inutilement injurieux.
Concernant votre article, en effet je ne suis d’accord sur presque rien. Le CO2 est une bénédiction pour la nature, la planète, les plantes. C’est la molécule la plus indispensable à la vie sur terre.
Photosynthèse : CO2+H2O+soleil -> O2 + sucre (aliments).
Le diaboliser, c’est comme diaboliser l’eau, le soleil, l’oxygène, ou la nourriture.
Quant à modifier le climat, si c’était le cas, si le climat était si sensible au taux de CO2, il y aurait eu maintes occasions à faire de la terre un enfer de chaleur. Or au temps des dinosaures, il y en avait 10 fois plus, une nature luxuriante, et aucune catastrophe climatique n’a eu lieu.
La corrélation que vous notez au niveau des glaces entre CO2 et T°, est en effet remarquable. Mais en science, corrélation n’implique pas causalité. C’est l’effet cigogne ‘https://fr.wikipedia.org/wiki/Cum_hoc_ergo_propter_hoc) qu’il vous faut revoir.
Et en l’occurrence, tout indique que c’est plutôt la température qui précède le CO2, et en est donc sans doute la cause principalement par la loi de Henry.
Cordialement.
Dominique Crestey
Vous en êtes encore là….!
Eh oui, il en est encore là, mais faut pas trop lui en vouloir, il a de qui tenir (https://sogeco31.blogspot.com/2021/09/bon-pote-de-nouveaux-amis.html)
Cher Bon Pote, vous n’êtes vraiment pas gentil de ne pas répondre à votre nouvel ami, du coup il vient poser sa petite fiente chez moi en nous traitant tous les deux de nazis du climat (j’espère que vous appréciez son humour)
Que cela ne nous sape pas le moral, on en a vu d’autres, continuons le combat, bientôt ces petits inconvénients appartiendront au passé.
Hello,
Information : Article de Carbon Brief : Le CO2 atmosphérique dépasse désormais de 50 % les niveaux préindustriels.
https://www.carbonbrief.org/met-office-atmospheric-co2…
Lu sur FB Janco ce jour….
Chapeau pour tout le travail, tous azimuts, y compris les vidéos.
On se régale (enfin, si on veut…parce qu’au final… ça craint. Mais bon, pour le savoir depuis 20 ans, j’oserais dire que je suis… vacciné. C’est d’actualité !).
En tout cas pour l’instant, les scientifiques ont raison depuis 30 ans, Janco y compris.
Pour ce paragraphe : Le verdissement a bien sûr des limites. Si les “températures” continuent d’augmenter, le verdissement peut malheureusement saturer et ensuite s’inverser…. Mais ce sera très variable en fonction de la disponibilité en eau et de la la température moyenne. Pour tous les écosystèmes, il y a en effet une plage de température optimale : si la “température” va au-delà, on aboutira plutôt à une diminution de l’indice foliaire.
En cas de diminution trop forte des précipitations et/ou d’augmentation trop forte de la température, les forêts tropicales peuvent commencer à régresser (diminution de l’indice foliaire).
Le changement climatique va modifier le climat régionalement. Certaines régions deviendront probablement moins hostiles à l’homme (comme les régions boréales). D’autres deviendront beaucoup plus hostiles (régions tropicales déjà sèches).”
Ce ne serait pas plutôt le “CO2” plus que la “température” qui fait augmenter la production. Je veux dire je comprends bien que les deux sont liées. C’est que j’avais cru comprendre dans mes cours d’écologie qu’à température égale une augmentation du CO2 rendait la plante plus productive, mais évidemment cela jusqu’à un certain seuil de CO2.
En tous cas continuez comme cela. Les informations sont faciles d’accès , bien précisées avec des exemples. Je trouve que vous faites un bon travail de sensibilisation sur des sujets assez complexes.