Les experts des Nations Unies ont exprimé leur inquiétude face aux allégations d’un usage excessif de la force lors des récentes manifestations contre la réforme des retraites et les projets de méga-bassines en France.
Cela devrait faire l’effet d’un boomerang pour la politique de Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, et sa gestion des évènements à Sainte-Soline en mars 2023, où plusieurs manifestants avaient été blessés par les forces de l’ordre.
« Le manque de retenue dans l’usage de la force à l’encontre des membres de la société civile qui revendiquent de manière pacifique leur participation aux processus décisionnels concernant leur avenir, l’accès aux ressources naturelles, la protection des droits humains, la dignité et l’égalité serait non seulement anti-démocratique, mais profondément inquiétant pour l’État de droit », ont déclaré les experts.
« Nous appelons les autorités à entreprendre un examen complet de leurs stratégies et pratiques en matière de maintien de l’ordre afin de permettre aux manifestants d’exprimer leurs préoccupations et à faciliter une résolution pacifique des conflits sociaux. Nous nous tenons à la disposition des autorités françaises pour fournir des recommandations nécessaires dans les domaines où des insuffisances auraient été constatées », ont ajouté les experts.
Ils ont réitéré leur appel à la France à respecter ses obligations internationales afin de faciliter et protéger les manifestations pacifiques, ainsi qu’à promouvoir la liberté d’association, notamment en prenant les mesures nécessaires pour enquêter sur les violences commises au cours de ces manifestations et traduire leurs auteurs en justice. C’est également ce qu’avait demandé le président de la Ligue des droits de l’homme, Patrick Baudoin, en interview avec la journaliste Paloma Moritz sur Blast.
Depuis le début de l’année, des milliers de personnes se sont mobilisées dans différentes villes française pour dénoncer la réforme des retraites proposée par le gouvernement, ainsi que les politiques de gestion de l’eau face à l’urgence climatique. Les experts ont noté que des manifestants de tous âges et issus de divers mouvements sociaux, dont les mouvements syndicaux et écologistes, ont promu et adopté des méthodes pacifiques, en plus d’avoir clairement énoncé leurs revendications en amont des rassemblements.
« La police aurait dispersé les foules à l’aide de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement, munitions que la France est le seul pays européen à utiliser lors d’opérations de maintien de l’ordre », ont précisé les experts.
Une répression qui touche également la presse et des élu(e)s de la République
La répression des forces de l’ordre aurait fait des dizaines de blessés, dont des manifestants, des journalistes, des élus et des passants. À différentes occasions, dans
la capitale, la brigade motorisée « Brav-M » aurait menacé et frappé des manifestants. À Sainte-Soline, la police aurait tiré au LBD (lanceur de balles de défense) 40 depuis des quads en mouvement et les secours auraient reçu l’interdiction d’intervenir pour secourir un blessé grave.
Dans plusieurs villes, des personnes auraient été arrêtées arbitrairement.
« Nous sommes conscients que des actes de violence isolés commis par certains manifestants ont blessé des membres des forces de l’ordre et endommagé des biens publics. Toutefois, tant le nombre de blessés enregistré que la gravité des violences rapportées sont alarmants », ont poursuivi les experts.
Des informations préoccupantes leur sont également parvenues concernant le recours à une rhétorique criminalisante des défenseurs des droits humains et de l’environnement de la part du gouvernement. Les experts s’inquiètent d’une tendance qui semble s’accentuer, celle d’une stigmatisation et d’une criminalisation des personnes et organisations de la société civile œuvrant pour la défense des droits humains et de l’environnement, qui semble justifier un usage excessif, répété et amplifié de la force à leur encontre.
« Le droit de réunion pacifique est un droit fondamental qui forme le socle même des systèmes de gouvernance participative fondés sur la démocratie, les droits humains, l’État de droit et le pluralisme », ont rappelé les experts.
« Nous rappelons enfin à la France que toute stratégie de maintien de l’ordre doit respecter les principes de nécessité et de proportionnalité dans le seul but de faciliter les réunions pacifiques et de protéger les droits fondamentaux des personnes qui y participent, notamment leur droit à la vie, à leur intégrité physique et psychologique », ont dit les experts.
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Ne se faire aucune illusion
La violence est au cœur des discussions depuis plusieurs mois. Le mot a été répété en boucle, jusqu’à ce que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin parle d’écoterrorisme, terme repris ensuite par la majorité présidentielle et en tendances Twitter pendant plusieurs jours.
Il est cependant légitime de questionner les méga-bassines de Sainte-Soline, dans la mesure où aucune étude scientifique prenant en compte le changement climatique à venir ne justifie leur installation. Le risque de maladaptation existe, et ne pas le prendre en compte serait irresponsable. Plus qu’une possible “guerre de l’eau”, l’usage de l’eau doit être questionné démocratiquement et le gouvernement doit cesser de criminaliser toute envie démocratique dès que cela ne va pas dans le sens de certains intérêts privés.
Il ne faut se faire aucune illusion. Que vous soyez pour ou contre, les actions dites radicales ne s’arrêteront pas tant qu’aucun changement de système ne sera enclenché. Le système changera, ou se défendra comme il peut, en augmentant la répression sur les activistes et scientifiques qui participent à des actions non-violentes.
One Response
Il fait dire aussi que l’État peut compter sur certains ou certaines journalistes pour manier la matraque rhétorique contre les militants : https://www.acrimed.org/Emmanuelle-Ducros-en-croisade-contre-les