Texte de Samuel Valensi, auteur et metteur en scène, fondateur de la compagnie La Poursuite du Bleu et co-auteur du rapport Décarbonons la culture porté par The Shift Project
Photos “glamour” des jets privés de DJ Snake ou de Kylie Jenner, trente millions d’euros de voitures neuves détruites pour le tournage d’un James Bond, Tom Cruise accueilli par les avions de la patrouille de France au Festival de Cannes, un Hellfest qui pompe l’eau d’une région en stress hydrique pour sauver ses festivaliers du malaise…
Difficile de lutter avec sa dissonance cognitive lorsqu’on s’installe sur les fauteuils moelleux d’une salle de spectacle, de cinéma ou lorsqu’on accueille une rock star sur la scène principale d’un grand festival. Il y a quelque chose de pourri au royaume de la culture.
Mais ce que raconte cette dissonance cognitive, c’est une somme importante d’interrogations : cette culture-là est-elle soutenable ? Si elle ne l’est pas, voulons-nous d’un monde sans culture ? Et si non, de quelle culture voulons-nous ?
Une culture partie du problème
La culture, un secteur hyper consommateur…
La culture est un secteur considérable qui inclut notamment la presse et l’édition, l’audiovisuel, le spectacle vivant, le patrimoine, l’architecture, les arts visuels, les jeux vidéo… et dont les besoins en énergies fossiles sont considérables :
- culture et loisirs forment la troisième cause de mobilité des Français (juste derrière le travail et les achats) ;
- les seuls déplacements des spectateurs vers les salles de cinéma provoquent chaque année près d’un million de tonnes équivalent CO2 ;
- la culture représente le premier poste de consommation de données sur internet et de très loin (environ 60% des gigas consommés sur internet en comptant VOD et SVOD, jeux vidéos, médias, … et plus de 80% si l’on inclut la pornographie qui fait partie de la production et de l’édition audiovisuelle) ;
- elle réunit des dizaines de milliers de bâtiments souvent très dépendants des énergies fossiles. Le bilan carbone des salles de spectacles labellisées gravite autour de 1000 tonnes équivalent CO2 par an (dont 30 à 50% proviennent du chauffage au gaz) ;
- elle est aussi un énorme moteur du tourisme en participant souvent au “marketing territorial” des collectivités. A titre d’exemple, le Festival d’Avignon assure aux restaurateurs et hôteliers du centre-ville près de 60% de leur chiffre d’affaires. De même, la quasi-totalité du bilan carbone du musée du Louvre (3,4 millions de tonnes de CO2) provient de la venue en avion de ses visiteurs étrangers.
…qui doit diminuer drastiquement ses émissions
On entend déjà les critiques : la culture nous apporte tellement, pourquoi la condamner pour ses émissions ? On peut déjà douter du fait que toute la culture nous apporte énormément et on risque de rentrer ici dans un débat sans fin sur la qualité des œuvres. Même si ce débat serait sans doute passionnant, la culture inclut sans distinction de qualité les romans d’Annie Ernaux, de Marc Lévy et de Sylvain Tesson, les émissions de C8, d’Arte et de Blast, Z Event, Les Lapins Crétins ou le dernier opus d’Animal Crossing.
Pire, cet argument sur ce qu’apporte la culture sous-entend qu’il faudrait une “exception culturelle”. Sauf que cette exception est demandée par tous les secteurs et tous ont de très bonnes raisons : les cimentiers nous apportent beaucoup puisqu’ils fabriquent des maisons, pourquoi leur demander de réduire leurs émissions ? La Stratégie Nationale Bas Carbone est claire : nous devons atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et réduire l’ensemble des émissions nationales de 40% entre 1990 et 2030 pour respecter l’Accord de Paris.
C’est surtout prendre le problème à l’envers : on ne condamne pas la culture pour ses émissions, ce sont ses émissions qui la condamnent ! Plus ces dernières sont importantes, plus la culture dépend d’énergies fossiles qui réchauffent le climat et sont amenées à se raréfier.
Un modèle économique à revoir de fond en comble
Une course folle à la croissance…
La plupart des artistes reconnus et des corps de métier qui les entourent (producteurs, diffuseurs, tourneurs, distributeurs, plateformes…) sont aujourd’hui dépendants de modèles hyper énergivores.
Les artistes de la musique ou du spectacle dépendent, par exemple, de plus en plus des tournées et des festivals. Notamment parce qu’avec une rémunération à 0,0034 dollar par écoute, seuls 1% des artistes de musique perçoivent un SMIC grâce au streaming et parce que, dans le même temps, le marché des ventes physiques (CD, vinyles) s’est effondré et le streaming n’a pas comblé la perte de valeur.
Sans surprise, les artistes qui gagnent le mieux leur vie perçoivent la quasi-totalité de leurs revenus des tournées qu’ils réalisent en salle ou en festival. Et ces derniers ont tendance à croître d’une manière effrénée.
Pour attirer autant de monde, ces derniers exigent de plus en plus de têtes d’affiche aux cachets et aux besoins techniques croissants également. Ainsi, Coldplay se déplace avec pas moins de deux kits de 32 semi-remorques sur les routes (pour sa tournée “écologique”), Rammstein compte près de 100 semi-remorques, 7 avions cargo pour ses tournées et brûle pas moins de 1 000 litres de fioul pour ses effets pyrotechniques à chaque concert (et le groupe l’affiche comme une fierté sur les réseaux sociaux).
La logique a cependant déjà rencontré quelques limites : il y a quelques années, DJ Snake a dû annuler sa venue aux Francofolies de La Rochelle parce que ses besoins techniques “ne rentraient pas” sur la scène dédiée, d’après une ancienne salariée du festival qui souhaite rester anonyme.
… à laquelle les artistes sont associés
Malheureusement, les célébrités ne montrent pas souvent l’exemple en la matière. Les arrivées de Tom Cruise ou Omar Sy en jet privé au festival de Cannes ont été remarquées pour leurs effets sur l’audience présente, nettement moins pour leurs effets sur le climat. Leurs conséquences sont pourtant hors de proportion avec la diminution de la taille du tapis rouge et sa recyclabilité saluées par les organismes publics.
Mais en réalité, l’impact des célébrités ne s’arrête pas là : ces dernières engendrent aussi des déplacements de publics importants. Ces têtes d’affiche sont là pour attirer de plus en plus de personnes qui viennent de plus en plus loin. Et pour être bien sûr que ce soit le cas, les grandes salles comme les grands festivals pratiquent des “clauses d’exclusivité territoriale”. Ainsi, lorsque Céline Dion est programmée aux Vieilles Charrues, celle-ci n’a pas le droit de tourner en France pendant une durée de plusieurs semaines à plusieurs mois avant et après le festival.
Un directeur de Scène de Musiques Actuelles qui souhaite rester anonyme nous confiait récemment qu’il accueille des artistes de musiques électroniques qui enchaînent jusqu’à trois ou quatre soirées dans des pays différents la même nuit (souvent sur Amsterdam, Berlin, Paris et Londres) ! Et l’intérêt économique est majeur avec des cachets qui oscillent parfois entre 10 000 et 15 000 euros par live.
Moins de dates, plus de monde ?
Les artistes font donc moins de dates par territoire avec toujours plus de monde. C’est sur ce modèle économique très concentré que reposent les tournées des Zénith ou encore les grands festivals d’été. Pour des raisons principalement financières, l’intensité de programmation augmente (le nombre d’artistes programmés par édition, par saison, etc) et ces programmations sont de plus en plus extensives (les kilomètres parcourus par les artistes augmentent avec de moins en moins de dates de diffusion dans chaque territoire).
Certains artistes pourraient nous répondre qu’il vaut mieux qu’ils se déplacent plutôt que de déplacer les publics. Sauf que le rythme de diffusion actuelle n’est pas soutenable parce que la croissance des cachets artistiques et des besoins techniques (dont la production et les artistes sont directement responsables) obligent les organisateurs à aller chercher toujours plus de publics qui viennent, forcément, de plus en plus loin. Tout ça ressemble, d’après un tourneur souhaitant rester anonyme, à une grande “course à l’armement”.
Malheureusement, nous allons le voir, une poignée de spectateurs qui viennent en avion suffit à démultiplier le bilan carbone d’un événement culturel.
Un peu d’avion… et les émissions décollent
Le Shift Project a estimé que si seulement 3% des festivaliers des Vieilles Charrues viennent en avion, ils font plus de 60% des émissions liées au transport du public ! Ce chiffre n’est pas surestimé quand on sait qu’en moyenne, en France 4% des festivaliers sont étrangers.
Et nous n’avons pas encore évoqué des festivals autrement plus dépendants du booking aérien pour la venue de leurs spectateurs. A Tomorrowland, ce sont près de 25 000 festivaliers qui arrivent en avion via les “party flights”. Côté Burning Man, on estime que près de 20% des festivaliers ne viennent pas du continent nord-américain et on ne sait pas qui prend l’avion parmi les festivaliers nord-américains…
Dans le cinéma ou les foires d’art contemporain, même chose, la majorité des émissions des grands événements proviennent rapidement des déplacements des spectateurs, en particulier de ceux qui prennent l’avion. Quoi qu’il arrive, les transports finissent toujours en tête du bilan carbone des événements culturels.
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Qui est responsable des émissions ?
Un problème systémique…
Le problème est systémique et implique une grande diversité d’acteurs. Un festival ou une salle implique des organisateurs, des tutelles publiques, des prestataires, des artistes, des producteurs, des spectateurs… mais sont-ils tous également responsables ?
Posons la question autrement : peut-on considérer que ce sont les consommateurs de culture qui décident des modalités de venue des artistes ou de la taille des scénographies ? Remettre la faute sur les spectateurs ou visiteurs apparaît très rapidement comme une reproduction de la stratégie hypocrite des géants de l’agro-alimentaire sur le tri des déchets.
…dont les décideurs sont connus
Qui décide de l’augmentation des jauges si ce n’est les directions d’organisations culturelles et leurs tutelles publiques qui utilisent ces grands événements pour leur rayonnement territorial ? Qui décide de la taille des scénographies ou des installations si ce n’est les artistes et leurs producteurs qui valident leurs décisions ? Qui valide de construire une bassine de 85 millions de mètres cubes d’eau au Mexique pour le tournage de Titanic si ce n’est James Cameron et ses partenaires ? Ou de faire un barbecue géant avec un Boeing 747 pour le tournage de Tenet si ce n’est Christopher Nolan ?
Ce qui apparaît clairement ici, c’est que c’est bien du côté des producteurs (au sens économique du mot “producteur”, a contrario des consommateurs que sont les spectateurs/visiteurs) que se trouve la responsabilité.
Et où les artistes participent d’un imaginaire de surconsommation
Là où les artistes jouent un rôle particulier, exactement comme les sportifs de haut niveau, c’est dans la diffusion d’un certain imaginaire.
Combien de jeunes qui les suivent sur les réseaux sociaux se mettent à rêver de leur ressembler ? Comment ne pas les laisser croire que réussir signifie porter les vêtements des créateurs de luxe, passer ses vacances aux quatre coins du monde et se déplacer en jet toute l’année ? Et n’essayez pas d’interpeller DJ Snake, il ne sera pas forcément agréable…
A contrario, on peut regretter que les artistes qui rendent la sobriété désirable ne soient pas davantage mis en avant. Comme les acteurs Jacques Gamblin ou Clovis Cornillac qui ont récemment favorisé le vélo ou les transports en commun pour se rendre sur leurs lieux de tournage.
Si rien ne change, tout va changer… et ce sera désagréable
La culture, non essentielle ?
Ne nous y trompons pas, partout où la culture n’aura pas fait sa transition… elle sera la première sacrifiée. C’est ce qui s’est passé lors de la crise du covid où toutes les activités culturelles partagées comme le cinéma ou spectacle vivant ont été jugées “non essentielles”.
Pendant le confinement à Londres, les artistes – qui contrairement à leurs homologues français, n’ont pas été protégés par l’assurance chômage – étaient même gentiment conduits vers d’autres métiers. “Recyclez-vous et changez de métier” clamait la campagne de Boris Johnson.
C’est aussi ce qui se passe cette année dans des salles de spectacle qui n’arrivent pas à faire face à la flambée des coûts de l’énergie et décident en conséquence de licencier des salariés ou de fermer l’établissement plusieurs jours de la semaine. C’est le cas, par exemple, à la Scène Nationale de la Filature de Mulhouse où les coûts de l’énergie risquent d’augmenter le budget d’environ 600 000 euros par an ou encore à la Halle Garnier où l’électricité coûtera 200 000 euros de plus dans le budget annuel.
Il n’y aura que quelques actions possibles pour répercuter cette hausse et toutes sont désagréables : augmenter le prix du billet, baisser le nombre d’artistes programmés, réduire la masse salariale de la salle.
Des risques multiples
Nous pourrions ajouter d’autres risques :
- Les risques hydriques qui ont touché le Hellfest cet été où il a été nécessaire d’asperger les participants à la lance dans un endroit où les agriculteurs n’avaient plus accès à l’eau et où les pompiers n’étaient pas sûrs que les nappes phréatiques tiendraient la durée du festival. Résultat : près d’un millier de malaises dès le premier week-end ;
- Les risques assurantiels : plus les flux de biens et de personnes sont importants pour un événement culturel et plus l’exposition aux risques pandémiques, énergétiques ou hydriques sera importante. Par conséquent, les assureurs risquent de ne plus vouloir les couvrir ;
- La maladaptation : il est désormais certain que la salle de musique actuelle dénommée la Sirène à La Rochelle portera très bien son nom d’ici 2050… dans la mesure où elle sera sous les eaux.
Trois transitions possibles
Il n’y a, en résumé, que trois manières de faire la transition d’une salle de cinéma, de spectacle, d’une foire ou d’un festival :
- y réaliser des améliorations techniques (rénovation thermique, changement des systèmes de chauffage, voitures électriques mutualisés quand c’est pertinent…) : de quoi obtenir, au maximum, 20 à 30% de baisses des émissions d’après les travaux du Shift Project ;
- y prendre des mesures de ré-organisation importantes, ce qui s’appelle la sobriété : mutualiser les espaces, partager les programmations, ralentir les rythmes de production, défendre l’éco-conception, réduire les jauges lorsqu’elles sont inadaptées pour toucher un public local… de quoi respecter sérieusement l’Accord de Paris ;
- laisser flamber les prix de l’énergie et regarder l’acteur en question mourir. La pauvreté est sans aucun doute un chemin très efficace pour émettre moins de CO2, mais pas sûr que ce soit le plus désirable.
Quelle culture pour l’avenir ?
1/ Des créations plus locales…
Le premier levier pour y parvenir est la relocalisation. Avec en premier lieu, la relocalisation des créations. On entend déjà les dents grincer en imaginant la culture se refermer sur elle-même mais cela ne signifie pas la fermeture des frontières.
L’un des pionniers en la matière est sans aucun doute Jérôme Bel, chorégraphe internationalement reconnu qui a renoncé définitivement à l’usage de l’avion en 2019. Depuis, sa compagnie n’a jamais autant diffusé ses spectacles à l’international et son bilan carbone serait passé de près de 60 tonnes à environ une tonne équivalent de CO2 par an selon la directrice exécutive de la compagnie.
Comment est-ce possible ? Lorsque Jérôme Bel crée un spectacle en Europe, ce dernier tourne uniquement en train et ferry. Pour le recréer sur un autre continent, deux options : soit Jérôme Bel répète en visio avec un artiste étranger qui diffusera à son tour le spectacle en train, soit Jérôme Bel crée “un protocole de remontage” du spectacle que deux assistants locaux suivent sur un autre continent pour y re-créer puis diffuser le spectacle à leur tour… en train !
On pourrait penser que cette pratique est exclusivement réservée à des esthétiques minimalistes comme celle de cet artiste. Pourtant elles sont déjà à l’œuvre pour des pièces avec un cahier des charges nettement moins écologique chez Stage Entertainment qui a recréé le Roi Lion ou Mamma Mia dans plusieurs pays en même temps. Preuve que la logique est réplicable.
Cela pose une question sur les échanges internationaux de demain : si nous tenons tant à la diversité culturelle, pourquoi les artistes africains, américains ou asiatiques qui viennent sur notre territoire restent aussi peu longtemps ? L’expérience des habitants du territoire d’accueil doit-elle s’arrêter à la seule représentation ou exposition ?
2/ Des achats plus locaux
Les achats sont une part conséquente des émissions de création des œuvres mais aussi du bilan carbone des structures culturelles. Pour les relocaliser, des réseaux de ressourceries et de parcs techniques mutualisés se développent partout sur le territoire. Le but : donner aux acteurs culturels les moyens de créer avec ce qu’ils trouvent sur place.
C’est par exemple le cas au Théâtre de l’Aquarium où la compagnie La Vie Brève vient d’installer – avec l’aide de la Région Ile-de-France – une ressourcerie avec une salariée dédiée à la gestion du stock et à la formation des équipes artistiques accueillies. L’idée : toutes les compagnies et tous les orchestres accueillis peuvent utiliser les châssis et matériaux en stock et être accompagnés pour éco-concevoir leurs décors.
Même chose côté cinéma avec le développement de la ressourcerie du cinéma à Montreuil à qui Brut vient de consacrer une vidéo.
Ces logiques d’économie circulaire se structurent désormais autour de réseaux dédiés comme le REFER en Ile-de-France (dont font partie, par exemple, la Réserve des Arts à Pantin ou la Ressourcerie du Spectacle à Vitry-sur Seine) ou le RESSAC à l’échelle nationale.
Ces logiques permettent aussi d’opter pour des acheminements plus locaux parfois via cyclogistique. C’est la démarche que prônent des associations comme Slowfest. De plus grandes structures comme le festival I’m From Rennes ou les Francofolies font déjà appel à un prestataire équivalent pour le transport de leurs besoins techniques sur site via cyclistes !
3/ Un levier pour la transition des territoires
En développant ces logiques d’économie circulaire, les ressourceries et matériauthèques assurent des emplois non-délocalisables dans le secteur. Mais en fonctionnant localement, les acteurs culturels peuvent aussi amener la transition là où ils se trouvent.
Imaginons un instant le choc de demande pour les agriculteurs bretons si le petit million de festivaliers annuels de la région consommaient bio, local et une alimentation végétarienne (un défi au pays de la galette saucisse). Mais ce n’est pas impossible : même les Vieilles Charrues, qui servent des dizaines de milliers de litres de bière chaque jour par pipelines souterrains, s’approvisionnent en bières bretonnes et alsaciennes. Pourquoi ne pas en profiter pour demander également un approvisionnement en bio avec une telle demande assurée ?
De même, on sait que les restaurateurs et hôteliers du centre d’Avignon réalisent 60% de leur chiffre d’affaires annuel pendant la période du festival. Si leurs prestataires étaient sélectionnés sur des critères de distances ou de pratiques agricoles, le festival pourrait avoir un fort effet d’entraînement dans sa région.
4/ Réduire les jauges, une nécessité
Sauf que les grands événements culturels ne pourront pas massivement relocaliser leurs besoins sans réduire leur jauge. Pourra-t-on vraiment se passer d’une consommation massive d’énergies fossiles pour réunir 400 000 personnes à Clisson ou à Carhaix ? Sera-t-il possible de nourrir les festivaliers d’Avignon avec un régime local en 2030 ? Pourra-t-on maintenir en l’état notre parc de Zénith sans pétrole ?
Dans le rapport Décarbonons la Culture de The Shift Project, il est estimé qu’un événement qui passait de 300 000 à 30 000 personnes en région rurale pouvait diviser son bilan carbone par 30 à 50. Pas sûr que cela soit du goût des artistes pour qui il est plus avantageux de faire peu de dates dans des lieux dont les jauges permettent de payer d’importants cachets. Malheureusement, cette pratique n’est pas soutenable. C’est en ce sens que le Festival Panoramas a récemment décidé de réduire sa jauge, tant pour des raisons économiques qu’écologiques. Eddy Pierres, son directeur évoquait une nécessité pour “un retour à la sobriété”.
Là où s’adapter au territoire a un double effet vertueux, c’est que, en plus de dépendre davantage du local, les événements de jauge réduite peuvent plus facilement partager les programmations avec d’autres lieux du territoire. Si vous réunissez 300 000 personnes au milieu d’une zone rurale, le fait qu’une commune située à 30 kilomètres programme le même artiste que vous la semaine suivante est un énorme sujet de tension. Il n’en est rien si vous pouvez comptez sur votre bassin de population pour remplir votre jauge.
5/ Ralentir ou périr
Le ralentissement implique plus de temps sur chaque territoire de diffusion et moins de kilomètres entre chaque diffusion pour réduire l’usage des transports les plus carbonés. Une telle décision permet aux artistes de rencontrer davantage les publics locaux et même d’imaginer d’autres formes d’échanges.
Dans une tribune écrite au début du confinement, le DJ Simo Cell demandait à réduire son usage de l’avion et proposait de passer plus de temps dans chaque pays de diffusion pour réaliser des featuring avec d’autres artistes, donner des masterclass dans des écoles de musique électronique, travailler sur une nouvelle création… les possibilités ne manquent pas.
C’est déjà ce que font certaines compagnies. Par exemple, la compagnie de musique Organic Orchestra qui, une fois arrivée sur un département, n’y tourne qu’à vélo et donne de nombreux ateliers d’éducation artistique (qui sensibilisent les enfants à l’importance de l’énergie).
Ce ralentissement a aussi été promu par certaines créations cinématographiques. Ainsi, le documentaire Pourquoi on se bat de Camille Etienne a bien été tourné en partie en Islande… où l’équipe s’est rendue à la voile. De son côté, Cyril Dion aura préféré faire appel à la visio ou à des réalisateurs sur d’autres continents pour le tournage de sa série récemment diffusée sur Arte, Un Monde Nouveau.
Dans un autre genre, un appel a récemment été lancé pour que la venue des décors des 1 500 productions du Festival Off d’Avignon se fasse par le fret ferroviaire et non plus par la route.
6/ Éco-concevoir les œuvres, pour qu’il y ait encore des œuvres
Éco-concevoir est nécessaire pour limiter les besoins logistiques des créations. Cela signifie travailler sur les achats (matières premières, produits finis, etc.), les procédés de transformation (le fonctionnement des ateliers de fabrication), l’énergie nécessaire en représentation (beaucoup plus importante pour les écrans de Coldplay que pour les concerts à la bougie donnés en ce moment au Sunset Sunside), l’énergie consommée en tournée (déterminée par le nombre de véhicules sur les routes, les masses déplacées et le type de véhicule) et la fin de vie des décors.
Même dans une esthétique aussi gourmande en énergie que l’Opéra, des chantiers intéressants sont en cours, notamment en standardisant les structures de décors comme le propose l’Opéra de La Monnaie à Bruxelles. Ce type de dispositif limite les impacts sur les achats, les déplacements et la fin de vie des créations.
7/ Former et changer de politiques publiques
On l’aura compris, si les scénographies gigantesques, la course aux cachets qui fait croître les jauges ou encore le rythme des tournées génèrent autant d’émissions, il apparaît difficile de séparer les artistes de leur bilan carbone.
D’où un besoin urgent de les former tout comme les professionnels de la culture autour d’eux. L’enseignement supérieur culturel forme près de 40 000 étudiants chaque année (près de 10 000 diplômés par an). Une politique de formation initiale et continue apparaît donc comme absolument nécessaire pour embarquer rapidement le secteur sur le chemin de la résilience.
Par ailleurs, certaines régions ont déjà mis en place des bonus écologiques pour les créations. C’est notamment le cas de la région Ile-de-France sur les tournages. Mais pour en assurer le suivi, les dossiers sont suivis par l’ADEME. A moins de vouloir mettre un salarié de l’ADEME derrière chaque projet culturel (ce qui serait une transition fortement créatrice d’emploi), il paraît urgent de former les subventionneurs autant que les acteurs de la culture.
Une politique publique ambitieuse mêlant formation, mesures d’impact, appels à projets et éco-conditionnalité des aides devrait voir le jour. C’est, par exemple, la promesse du Plan Action porté par le CNC. Reste que cette dernière n’apparaît pas comme la priorité du gouvernement qui donne près de 430 millions d’euros au secteur culturel pour se “numériser”, déployer la 5G et accélérer la recherche sur la 6G … et moins de trente millions d’euros pour la soutenabilité du secteur dans le plan de relance…
Laissera-t-on la culture mourir ou la changera-t-on pour qu’elle soit soutenable ?
C’est parce que nous voulons préserver un monde où la culture continue de nous émouvoir que nous voulons qu’elle sorte de sa dépendance aux énergies fossiles.
Les conséquences de cette dépendance sont lourdes : le réchauffement climatique d’un côté, mais aussi – comme nous l’avons vu plus haut pour les salles qui ferment à cause du prix de l’énergie – la mise en danger de toutes celles et ceux qui travaillent à leurs côtés. Pour reprendre l’expression d’Adam Philips, “si l’art légitime la cruauté, l’art n’en vaut pas la peine”.
Sans cette transformation nécessaire, nous accepterons collectivement de nous diriger vers une société où seuls le travail, la consommation et le sommeil subsistent (toute ressemblance avec un épisode de Black Mirror, le film Soleil Vert ou une période de pandémie mondiale ne serait pas tout à fait fortuite).
32 Responses
un festival modèle qui s’améliore chaque année : La Semo à Enghien.
entrée du festival à 500m de la gare, les foodtrucks ne fonctionnent qu’avec des contenants consignés, large offre vegéta(r/l)ien, toilettes sèches, eau du robinet à disposition, cendriers mobiles …
Merci pour cet article très complet, ça répond aux propres idées (reçues) que j’avais déjà en tête.
Comme toute activité, il faut cadrer et évaluer des facteurs d’émissions de CO2/unité de bien ou service. Dès l’instant où le dénominateur dépend essentiellement de facteurs subjectifs, il est difficile de rationaliser une trajectoire de réduction des émissions de CO2.
Tant qu’à faire autant poser à nouveau une question orientée : n’y aurait-il pas un bénéfice environnemental (à prouver) à financer davantage des activités culturelles plus locales et marginales, au détriment des grosses machines ?
À la suite de cet article, j’ai découvert il y a peu le collectif “The Freaks”, à l’initiative de Frah (Shaka Ponk), qui rassemble quelques artistes et personnalités francophones autour de la question écologique. Sauf erreur de ma part, je n’ai pas vu d’informations à propos de cette initiative sur le site – encore moins sur cet article. Je trouve que c’est une belle initiative à promouvoir, à diffuser, et qui permet de montrer que des acteurs influents commencent à réfléchir et changer.
Merci beaucoup pour cet article (et les autres) !
Allez regarder une équipe pionnière : le cirque Bidon qui depuis des années ne se déplace qu’à cheval et roulotte en bois, émaillant son parcours entre océan et méditérannée de spectacle tous les 30km à chaque estive.
Super article !
La patrouille de FRance, ce sont des militaires dans des avions militaires, s’ils ne passent pas au dessus de Tom Cruise, ils iraient faire des ronds ailleurs…. ça ne changereait rien du tout!
Pas vraiment. Les pilotes d’avion ne passent pas tous leur temps dans les airs, chaque vol coûtant une certaine somme en carburant + usure de l’appareil.
La vrai réponse c’est surtout que la Patrouille de France utilise des Alpha Jets. ce sont de tout petits avions qui n’ont rien à voir en termes de consommation avec des rafales. (Ça reste des avions à réaction, mais qui pèsent moins d’un tiers du poids).
Ils servent aussi d’avion d’entrainement!
Et ça reste des avions avec capacités offensives!
Les pilotes doivent faire aussi un minimum d’heures de vol pour conserver leur licence de vol, et un maximum est mieux pour s’entrainer à combattre
Bonjour
Voilà une belle série de solutions pour qui est motivé à les mettre en œuvre mais qu’est-ce qui motivera la clientèle à passer à une consommation raisonnable ?
Avez-vous entendu parler du compte carbone? Je ne pense pas car je n’en ai rien lu dans vos articles.
https://comptecarbone.cc/
Il s’agit d’une attribution de points égale pour tous les habitants qui permettrait de payer les biens et les services en contrepartie de la valeur carbone du bien convoité. (en plus du prix en euro bien sûr)
Il faut encore affiner et pourquoi pas donner des points fléchés alimentation, culture, transport etc. et si on change un point de destination il perd de sa valeur.
Chacun est libre d’user de ses points comme il l’entend mais quand il n’y en a plus, c’est fini !
C’est à ce moment là que les entreprises rivaliseront d’imagination pour produire des biens qui seront peu cotés en points carbone.
Et c’est là que vos conseils seront suivis.
On n’y est pas ! Où est l’erreur?
Je ne lirai pas l’article. Le public est responsable, uniquement responsable. S’il ne vient pas, plus de jet privé, plus de cachet faramineux, plus de CO² ! De la même façon, il est responsable de la fortune de Bernard et de ses avions ainsi que de la pub vendue par la fille Bettencourt, fort cher, parce qu’elle le vaut bien ! Un seul combat : cultiver son jardin et cesser de consommer. Et cesser de faire l’homme sandwich de Lacoste,Vuitton, etc !
Vous avez raison et cela nous rappelle Coluche :q« Quand on pense qu’il suffirait que les gens arrêtent de les acheter pour que ca s’vende plus ». Hélas, dans la vraie vie, tout le monde n’a pas votre niveau d’engagement (ou de colère) qui est aussi le mien. Il faut donc trouver des solutions pour celles et ceux qui continuent à acheter, quelle que soit leur motivation (ou excuse).
Et du coup, votre solution, c’est : on fait le tri parmi ce que certaines personnes jugent utiles ou non en termes de culture ? On décide, par exemple, qu’Harry Potter ne doit plus être imprimé parce que ce n’est pas aussi culturellement acceptable qu’une oeuvre de Cyril Dion ?
On demande aux gens d’arrêter de lire et d’aller au cinéma parce que ça pollue ? Les gens ne sont pas seuls responsables de leurs émissions de CO2. C’est tout un système qui l’est. Chacun peut faire sa part, mais c’est plus facile pour certains que pour d’autres et pour des raisons différentes. Arrêtons un peu d’accuser les gens d’être responsable de tout le mal de ce monde quand 0,1% de la population est responsable de la pollution mondiale et qu’aucune politique systémique n’est mise en place pour que cela change.
On fait effectivement un tri parmi les choses qui sont manifestement néfastes et parfaitement inutiles pour l’ensemble de la population comme le SUV, le week-end Ibiza pour se bourrer la gueule ou encore le méga festival à plusieurs centaines de milliers de personnes. les gens ont aussi une part de responsabilité. « Le système » c’est pas un truc apporté par une comète. Le système, c’est les gens : vous, moi, les autres.
Mais ce qui est inutile pour vous ne l’est pas pour tout le monde. Je pense que c’est ce que Még voulait dire. Cela revient à imposer votre point de vue à tout le monde. Si pour vous prendre des vacances c’est inutile, pour certains partir au bout du monde est important pour leur santé mentale et je ne parle pas ici de caprices. Je parle de personnes qui ont besoin de voir leurs proches qui vivent loin. Et pareil pour le week-end à Ibiza, pour vous c’est pas important mais pour d’autres certainement. Le SUV, vous ne pouvez pas reprocher aux gens d’en acheter s’ils sont à la vente.
Le tri que vous avez envie de faire est lié à votre point de vue, le tri que tartempion voudra faire sera lié au sien uniquement.
Je suis d’accord avec vous sur le fait que le système est composés des gens comme vous l’avez si bien dit ” vous, moi et les autres” mais nous sommes tous soumis à des lois et ni vous, ni moi ne pouvons imposer quoi que ce soit en terme de consommation, tant qu’une loi
Vous mettez le doigt sur un point clé : la sauvegarde des conditions d’habitabilité future de la planète est-elle compatible avec la liberté individuelle des acteurs d’aujourd’hui ?
La réponse est une évidence. Il faudrait donc réduire la liberté individuelle des acteurs d’aujourd’hui, mais comment le faire sans tomber dans une forme de totalitarisme ? Cf. les réactions provoquées par les propos de JM Jancovici sur la limitation des trajets en avion.
Là il y a un sacré chantier car il faut confronter ce qui finira par emporter l’humanité : des idéologies.
Pourquoi est-ce que bon pote se laisse aller à écrire ça :=
“Un directeur de Scène de Musiques Actuelles qui souhaite rester anonyme nous confiait récemment qu’il accueille des artistes de musiques électroniques qui enchaînent jusqu’à trois ou quatre soirées dans des pays différents la même nuit (souvent sur Amsterdam, Berlin, Paris et Londres) !”
“3 ou 4 soirées”… La même nuit ?” Si c’est vrai, il va falloir m’expliquer la durée d’une soirée, la durée d’une “même nuit” et le moyen de transport utilisé.
Quand j’entends ou je lis un propos d’une telle naïveté, pour rester poli et gentil, j’ai le sentiment que tout le reste de ce qui m’est raconté est de la même eau. Ça rejoint les histoires marseillaises où l’outrance est le ressort du rire. Personne n’est dupe.
Est-ce bien cela que cherche Bon Pote ?
En jet privé, il est probablement très possible d’aller faire le zouave une heure ou deux dans chacune des villes mentionnées et être de retour bien bien avant les 12 coups de midi.
Je pense que c’est une erreur de frappe, et le reste de l’article n’est pas du tout du même acabit, même si je nôterais 2-3 infos de mauvaise qualité dans le tas. Cependant, l’idée principale reste solide : le secteur de la culture pollue comme tout autre secteur, mais certains évènements polluent énormément pour quelques heures ou jours de joie.
Je ne suis pas sûr que la distinction soit bien claire dans les esprits de tous entre carbone et énergie.
La simplification qui accompagne le langage parlé où on se comprend à demi mot, car dans le flot de l’échange on sait de quoi on parle, dans l’écrit il faut souvent préciser les choses.
Ainsi, pour le carbone, c’est-à-dire le CO2 dégagé par la combustion des combustibles fossiles, il y a un vrai problème car le CO2 est un gaz à effet de serre.
Par contre, utiliser de l’énergie n’est pas un problème en soi. On ne peut d’ailleurs pas vivre sans énergie. Tout simplement. Mais pas n’importe quelle énergie comme je viens de l’écrire pour les énergies fossiles.
Si nous pouvions utiliser l’énergie solaire directement, avec un très bon rendement, sans aucune autre technologie qu’un convertisseur “photosynthétique” par exemple, tout irait bien. Car cette énergie est quasiment infinie et inépuisable à notre échelle. C’est ce que font les végétaux au profit de tous les autres être vivants. Avec succès jusqu’à présent et depuis des milliards d’années.
Des chercheurs de l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausane) travaillent sur le sujet. Avec des résultats encourageants.
Pour revenir au sujet des artistes et autres itinérants professionnels, ce qui pose problème aujourd’hui, ce n’est pas l’énergie consommée par eux-mêmes ou pour aller les voir et les entendre. C’est que nous ne savons pas le faire sans l’utilisation d’énergies fossiles.
Il faut imaginer des solutions de sobriété en attendant que nous ayons des sources d’énergie “propres”.
Ça demande clairement des efforts d’imagination et des changements de comportement.
Faut-il continuer à créer des événements qui rassemblent des milliers de personnes venues de partout ?
Faut-il venir du bout du monde au Louvre pour faire un selfie devant La Joconde ?
Bonjour
Je pense que vous vous trompez, j’ai fait la même erreur que vous pendant 40 ans : l’accès à une énergie illimitée et non polluante signerait la fin de l’humanité et de la biosphère actuelle car elle decuplerait nos capacités de destruction. C’est le message porté par exemple par le premier film de SF “planète interdite” qui date (de mémoire…) de 1955.
Ben voilà. la solution immédiate, c’est la sobriété.
Quid du mécénat, qui prend de plus en plus de place dans les modèles économiques des institutions culturelles ? Acceptons-nous de financer la transition énergétique d’une salle de spectacle avec l’argent de Total ou d’Engie ?
Excellente question, que nous avons mis de côté volontairement de côté car l’article devenait trop long. A suivre plus tard dans l’année !
Encore un excellent article, bravo. Il faut désormais voir comme le monde de l’art évoluera…
« il est désormais certain que la salle de musique actuelle dénommée la Sirène à La Rochelle portera très bien son nom d’ici 2050… dans la mesure où elle sera sous les eaux ».
Il y a de rares fois où une nouvelle, en soit, pas très rassurante ; peut tout de même faire rire.
Très bon article et très bonne analyse. Les recommandations sont vraiment intéressantes.
On aimerait presque une petite modélisation des effets positifs de ces suggestions de transition sous forme graphique… 🙂
Il faut aussi étendre la question et les solutions à tout ce qui est une ressource terrestre limitée. La tension sur de nombreux minerais est grandissante. Il est fait mention des matériauthèques comme solution et c’est bien vrai ! Peut-être introduire en amont le problème pour encore plus de pédagogie.
Merci !
Comment faisaient les comédiens, musiciens et paladins… au temps de Molière ?
La plupart étaient rémunérés par des mécènes, souvent des aristocrates qui n’avaient rien d’autres à faire de leur vie que commander des oeuvres. Certains de ces mécènes étaient assez “ouverts d’esprit” pour laisser chaque artiste faire ce qu’il voulait. Mais la plupart commandaient des oeuvres ou des styles d’oeuvres bien particulières et censuraient/refusaient de payer les artistes qui n’accédaient pas à leurs demandes comme ils l’imaginaient.
Quant aux autres, les saltimbanques de rues, ils étaient payés au lance pierre, par un public plus ou moins généreux, ce qui ne leur garantissait pas à tous les coups une vie heureuse exempte de pauvreté.
Ce ne sont pas «les seuls déplacements des spectateurs vers les salles de cinéma» qui «gaspille» le carbone, c’est cet urbanisme débile où l’on habite dans un lieu, l’on travaille dans un autre lieu éloigné, et ou l’on «consomme» dans un troisième lieu éloigné, avec pour couronner le tout que ces trois lieux sont beaucoup trop souvent non joignables par les transports en communs, inexistants, trop rachitiques pour être utilisable, avec des crénaux horaires les rendant inutilisables.
Après, il faut être modéré, la question n’est pas de savoir si les activités humaine on un impact sur la Nature, mais : Dans quel monde on veut vivre. Je tiens la culture et les loisirs pour indispensable. Cela n’empêche pas une profonde remise en question, la culture doit être un moteur et non un boulet, et cette remise en question ne peut être dissociée de l’organisation du reste de la société.
Article intéressant mais une vision un peu restrictive et simpliste de la culture. Il n’y a pas que les festivals de musiques actuelles, il n’y a pas que les festivals tout court. Il y a d’autres problèmes que l’article n’aborde pas. Par exemple celui des arts du feu dont les artistes sont menacés par l’envol des prix de l’énergie. Celui des vitraillers dont le travail est menacé par l’interdiction du plomb, mesure salutaire mais qui dans leur cas risque de les réduire au chômage. Il y a aussi de l’art qui ne se transporte pas : l’architecture, les jardins, ou difficilement : la statuaire… Toutes formes qui sont plus ou moins élitistes parce que difficiles d’accès au plus grand nombre. Je m’interroge sur l’ouverture de l’art aux classes populaires bien plus que sur le “business” de chanteurs et des gros festivals dont le lien avec le capitalisme le plus agressif est avéré…