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Aéroport Beauvais-Tillé : Mobilisation citoyenne contre le doublement du trafic aérien

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©Crédit Photographie : Pancarte lors de la manifestation des associations et citoyens le samedi 4 mai 2024 à Beauvais.
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Texte d’Alexandre Poidatz et Paula de Wailly, co-fondateurs du collectif Lutte et Contemplation.

Un vent de contestation souffle sur l’aéroport de Beauvais-Tillé, alors qu’un projet d’expansion majeure de son trafic aérien est actuellement en cours de négociation. À la veille de l’adoption d’un nouveau contrat de délégation de service public (DSP) pour les 30 prochaines années, les associations locales et les défenseurs de l’environnement expriment leurs vives inquiétudes quant aux conséquences du doublement du trafic aérien. Déterminés, ils se mobilisent pour en demander le plafonnement.

Le 29 avril dernier, le Syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT), qui réunit une douzaine d’élus, a décidé de confier la gestion de l’aéroport à un consortium composé de Bouygues, Egis et d’un fond de pension espagnol, Serena Partners.

Ce dernier propose un plan de développement pharaonique, prévoyant d’ici 2053 de doubler le nombre de passagers par an, passant des 4,6 millions actuels à 9,4 millions. Le contrat de DSP, un marché de 4 milliards d’euros, devrait être signé courant juin. Alors que la France s’est engagée à la neutralité carbone d’ici 2050, les citoyens s’inquiètent d’une feuille de route qui impliquerait l’émission d’environ 1 million de tonnes d’CO2e par an, soit l’empreinte carbone du numérique en France.

Un projet pharamineux

Beauvais-Tillé est le 10e aéroport de France en termes de passagers, alors qu’il est implanté dans une commune de 55 000 habitants. Il s’agit en fait du 3e aéroport de Paris, spécialisé dans le low-cost. Avec Ryanair qui assure 93% de ses vols, des prix attractifs font venir les franciliens pour s’envoler vers leur destination de vacances.

Accueillir 9,4 millions de passagers par an d’ici 2050, se traduirait par un doublement des mouvements d’avions, passant de 24 000 à 53 000 mouvements par an. Le projet prévoit, pour atteindre ces objectifs, d’ajouter 40 nouvelles destinations, en faisant venir de nouvelles compagnies aériennes. Cela implique d’ouvrir de nouvelles trajectoires, exposant davantage les citoyens du Beauvaisis aux pollutions sonores et de l’air, aggravant les risques sur la santé qui en résultent.

Pour accueillir le nouvel afflux d’avions, des travaux seront nécessaires : la création d’un taxiway est prévue, permettant aux avions de faire leurs manœuvres sans encombrer la piste, et ainsi de décupler son utilisation. Les décollages et atterrissages peuvent ainsi se succéder quasiment toutes les minutes. Enfin, il faut ajouter à ces aménagements ceux qui seront particulièrement lucratifs pour l’exploitant : un parking de 2 800 places ainsi qu’une surface commerciale étendue à 1500 m2.

Conséquences environnementales et sanitaires

Conséquences environnementales

Ce projet est incompatible avec l’objectif de décarbonation des transports prévu par le gouvernement : – 28% d’ici 2030.

Malheureusement, il n’est pas un cas isolé. La plupart des aéroports en France voient leurs projections de trafic augmenter. Tout se passe comme si la politique de sobriété annoncée par le gouvernement ne s’appliquait pas au secteur aérien. L’industrie et le gouvernement justifient cette absence de maîtrise par une confiance aveugle dans l’innovation.

Mais l’aviation bas carbone ne semble pas être pour demain : les ingénieurs s’accordent pour dire que son développement se fera sur le temps long, d’ici 2050 ou plus. Or, pour respecter l’Accord de Paris, les émissions de CO2e doivent baisser dès aujourd’hui.

Comment baisser l’empreinte carbone du secteur ? La limitation du nombre de vols! L’ADEME, dans son rapport sur la décarbonation du secteur de l’aérien sorti en 2022, souligne que le plafonnement du trafic est bien le levier le plus prometteur à court terme. Il est même le seul, les autres stratégies étant inaccessibles en termes de technologies. Le Haut Conseil pour le Climat souscrit à cette vision dans son dernier rapport, estimant qu’un plan de “maîtrise de la demande” doit être mis en place dès 2025.

Conséquences sanitaires

Pour les habitants du Beauvaisis comme pour ceux d’autres zones aéroportuaires, le développement du trafic a des conséquences directes sur la santé. Il intensifiera les pollutions  liées au bruit et à la mauvaise qualité de l’air qui sont déjà inacceptables.

En effet, le bruit généré par le trafic aérien n’est pas seulement une question d’inconfort : il est scientifiquement prouvé que le bruit réduit l’espérance de vie. Selon une étude de BruitParif, un Francilien perd en moyenne 9,7 mois d’espérance de vie en bonne santé à cause de l’exposition au bruit. Le bruit tue surtout par son impact sur la qualité du sommeil, une problématique que les Beauvaisiens connaissent bien, puisque le couvre feu de l’aéroport ne s’étend que de minuit à 5h.

S’agissant de la pollution qui entoure les aéroports, AirParif a sorti cette année une nouvelle campagne de mesures qui démontre que les concentrations de particules fines sont particulièrement importantes aux abords des aéroports. A 1km de Paris-CDG par exemple, leur concentration est deux fois supérieure à ce que l’on mesure au centre de Paris. Ces particules sont un poison lent, qui contribue au développement de maladies chroniques telles que des maladies cardiovasculaires, respiratoires ou encore neurologiques, et des cancers.

Une procédure opaque

Un déni de démocratie au niveau local

Le scandale est aussi démocratique. La négociation de la délégation à venir s’est faite dans le plus grand secret, et le cahier des charges précis du marché reste inconnu pour l’instant. Alors que les associations de riverains n’ont cessé de demander la publication du contenu de l’appel d’offres rédigé par le SMABT, et que la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) leur a donné raison, rien ne leur a été communiqué.

C’est finalement la fuite dans la presse d’un document commercial qui a permis aux citoyens de prendre connaissance de l’ampleur du développement envisagé. Celui-ci est bien à contre-courant du “développement maîtrisé” que promettait Caroline Cayeux, présidente de la communauté d’agglomération du Beauvaisis et du SMABT. Cette ancienne Maire de Beauvais, a également été ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales d’Emmanuel Macron pendant quelques mois en 2022. Une semaine après cette fuite, le SMABT s’est réuni en huis clos pour voter pour le prochain délégataire.

Alors que de nombreux citoyens sont inquiets d’un développement de l’aéroport, et qu’une quinzaine de maires de communes avoisinantes ont voté des motions pour plafonner le trafic à 32 000 mouvements, tout se passe comme si les premiers concernés n’avaient pas leur mot à dire. 

Sans aucune intention de dialogue ou de consultation, Caroline Cayeux répond de deux manières aux critiques : la diversion et le chantage au développement économique. Réagissant à la contestation qui a accompagné la fuite du développement programmé, Caroline Cayeux a notamment promis que Beauvais serait un “aéroport vert”.

Cette déclaration a quelque chose de l’oxymore : le SMABT promet un aéroport neutre en carbone…sans compter les émissions des avions ! Elle se félicite déjà de la présence de ruches sur le toit de l’aéroport, mesure significative pour verdir l’établissement.

Manifestation des associations et citoyens le samedi 4 mai 2024 à Beauvais.

Le gouvernement, complice invisible

L’aéroport de Beauvais est caractéristique du manque de cohérence du gouvernement sur la transition écologique. Alors que des objectifs sont fixés au niveau national, tout se passe comme s’ils n’avaient aucune incidence sur la manière dont concrètement des projets semi-publics tels que les aéroports sont gérés. Pourtant, à de nombreux stades de développement d’un tel projet, des arrêtés ministériels sont requis, les préfets sont impliqués…

L’appareil législatif peut également être mobilisé pour donner une feuille de route commune aux projets aéroportuaires. C’est ce que propose un sénateur de l’Oise, Alexandre Ouizille. Originaire du Beauvaisis et conscient des difficultés à se faire entendre au niveau local, il compte déposer une proposition de loi visant à plafonner le trafic aérien et à mettre un moratoire sur les projets de développements aéroportuaires. Un choix rationnel face à l’absence de solutions technologiques en temps utile pour transitionner le secteur de l’aérien.

Y-a-il de l’argent public investi ?

Pour ce qui concerne plus spécifiquement le marché public (contrat de délégation de service public), l’Etat n’engage pas d’argent public.

En revanche l’aéroport en tant que structure touche de l’argent public directement ou indirectement. Il est difficile d’estimer avec précision et d’obtenir un chiffre unique concernant la quantité d’argent public investie car l’argent de l’Etat intervient à des niveaux très différents et par des canaux divers dans la gestion de l’aéroport qui cumule les subventions, les aides, les salaires des agents du SMABT, etc.

Il y a aussi des apports indirects qui sont plutôt des manques à gagner qu’un financement à proprement parler. D’une part, le manque de taxation de l’aéroport : une fleur est faite à l’aéroport de Beauvais, avec une taxe deux fois moins chère que les autres aéroports parisiens ou de taille équivalente. D’autre part, les aides directes et indirectes aux compagnies aériennes sur place en l’occurrence Ryanair comme l’absence de taxation du kérosène ou encore une TVA à taux réduit sur les billets.

Comment agir ? Rejoindre la mobilisation des citoyens et associations pour un plafonnement du trafic

Devant l’urgence de freiner le développement irraisonné de Beauvais-Tillé, la société civile s’est mobilisée alors que le sort des 30 prochaines années de l’aéroport est en passe d’être scellé. Après des manifestations organisées le 29 avril et le 4 mai, les associations de riverains (l’ADERA, Sauvez le Beauvaisis, l’ACNAT, et Réflexion-Action), et des militants écologistes (Lutte et Contemplation), se réunissent maintenant derrière une campagne commune, Halte au Tarmac !, demandant le plafonnement du trafic aérien. Avec l’aide du réseau Rester sur Terre, elles appellent à se mobiliser lors d’un week-end de lutte le 15-16 juin à Beauvais.

Invitant tous les sympathisants à venir les soutenir dans cette lutte, elles demandent que le plafonnement soit inscrit dans la DSP qui doit être signée d’ici fin juin.

Pour signer leur pétition, c’est vers ce lien.

Pour en savoir plus ou rejoindre leur mobilisation, vous pouvez rejoindre leur groupe Instagram ou consulter leur page internet.

Pancarte lors de la manifestation des associations et citoyens le samedi 4 mai 2024 à Beauvais.
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