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“Les transports gratuits, fausse bonne idée”, “La gratuité des transports publics aggravera la situation”, “Choix de la facilité et du court terme”…
On ne compte plus les tribunes publiées ces dernières années par des professionnels des transports pour dire tout le mal qu’ils pensent de cette mesure. Alors s’agirait-il réellement de la pire chose à faire pour un élu local ou au contraire d’une révolution comme le présentent ses promoteurs, souvent des maires ayant misé leur (ré)élection sur cette idée ?
Alors que le secteur des transports représente 34% des émissions de la France et les déplacements 13,5% du budget des ménages, le sujet mérite sans doute mieux que des postures et arguments caricaturaux.
Sommaire
ToggleQuelles sont les différentes formes de gratuité des transports ?
Tout d’abord il n’existe pas une seule forme de gratuité mais plusieurs, et tous les réseaux français proposent de la gratuité au moins pour les très jeunes enfants, en général en dessous de 4 ans. L’Observatoire des villes du transport gratuit définit les 3 formes de gratuité suivantes :
- La gratuité totale : « Il s’agit d’un réseau au sein duquel tous les usagers, sans distinction, bénéficient sans payer des services réguliers de transport public la majorité du temps, sur le périmètre d’une commune, d’une intercommunalité ou du territoire couvert par l’autorité organisatrice de la mobilité. »
- La gratuité par catégories d’âge, souvent pour les jeunes avec un seuil qui peut varier de 6 ans à 25 ans. Plusieurs collectivités ont fait le choix d’une gratuité jusqu’à 18 ans : Lille, Strasbourg, ou encore la ville de Paris.
- La gratuité le week-end, qui est proposée dans des réseaux tels que Nantes, Rouen, Clermont-Ferrand, Nancy ou encore Amiens.
Quelles sont les villes où les transports gratuits existent ?
En septembre 2024, on compte 45 réseaux de transports qui proposent la gratuité totale, le plus important étant Montpellier (territoire de 481 000 habitants), devant Douai (223 000 habitants) et Dunkerque (193 000 habitants). Les premières expériences de gratuité ont été mises en place à Colomiers en 1971 (gratuité arrêtée en 2018) et Compiègne (depuis 1975, gratuité toujours effective).
Si la France semble être le pays où la gratuité est la plus répandue, il existe de nombreux exemples à l’étranger. Les exemples les plus emblématiques étant Talinn, la capitale de l’Estonie, Kansas City, ou le Luxembourg où tous les transports publics sont gratuits, y compris les trains. Mais il en existe encore bien d’autres en Espagne, au Royaume-Uni, en Allemagne, etc.
Le sujet est particulièrement en vogue depuis le passage à la gratuité du réseau de Dunkerque en 2018, qui a mis un coup de projecteur national sur la mesure. Lors des dernières élections municipales de 2020, l’Observatoire des villes du transport gratuit a recensé 110 communes de plus de 20 000 habitants ayant au moins un candidat proposant la gratuité totale des transports collectifs.
Il s’agissait essentiellement de listes de gauche (60%), citoyennes (17%), écologistes (10%) ou sans étiquettes (10%). 4% seulement étaient des listes de la droite et du centre. Pourtant, sur les 35 villes qui pratiquaient déjà la gratuité totale en 2022, 40 % se situaient à droite de l’échiquier politique, 22,9 % au centre et 37,1 % à gauche.
Quels sont les objectifs affichés d’une politique de gratuité ?
« Puissante mesure de justice sociale et écologique » pour Mickaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole, qui souligne par ailleurs que l’utilisation de la route est la plupart du temps gratuite et financée par l’impôt.
Même son de cloche du côté de Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et dont la gratuité était la mesure phare de son programme victorieux aux municipales de 2014. Il met en avant le gain de pouvoir d’achat pour les dunkerquois, ainsi qu’un objectif environnemental.
Il évoque également la sortie d’un réflexe automobile dans le contexte d’une ville qui était jusqu’alors très centrée sur la voiture. « On avait trop le réflexe de la voiture, on oubliait qu’il y avait un bus, et grâce à la gratuité du transport collectif on repense au transport collectif » déclara-t-il sur France Bleu au premier jour de la mise en gratuité du réseau.
Réduire la voiture ?
De manière générale, les deux arguments qui reviennent le plus dans la bouche des promoteurs de la gratuité sont d’une part des enjeux sociaux et de pouvoir d’achat, et d’autre part une volonté d’inciter à réduire l’utilisation de la voiture et réduire les nuisances associées.
Parmi les autres arguments parfois évoqués, on retrouve la volonté d’optimiser un investissement public, à savoir faire en sorte que les bus servent à davantage de personnes pour un manque à gagner qui n’est pas très élevé, la redynamisation du centre-ville ou encore le fait qu’il s’agit d’une sorte de contrepartie aux nécessaires politiques de réduction de la place de la voiture.
En ce sens, la gratuité des transports collectifs permettrait de faire mieux accepter les mesures d’apaisement du trafic automobile : réduction du nombre de places de stationnement, limitation de vitesse à 30 km/h, réduction de la place accordée à la voiture en ville, etc.
On peut noter que l’objectif de réduction de l’utilisation automobile et de l’amélioration de la qualité de l’air est aujourd’hui revendiqué par tous les réseaux étant passés récemment à la gratuité, mais il ne l’était pas spécialement dans les initiatives les plus anciennes.
Quels sont les arguments des anti transports gratuits ?
Les détracteurs de la mesure sont nombreux et on peut dire que la gratuité a mauvaise presse dans le monde des professionnels des transports.
Des chercheurs médiatisés se sont prononcés contre la gratuité, à l’image de Frédéric Héran, pour qui la gratuité pénaliserait d’abord la marche et le vélo en leur prenant des parts de marché. Ou encore Yves Crozet, pour qui la gratuité « ne réduit pas les nuisances automobiles, déresponsabilise les usagers, et prive les collectivités d’un levier d’action, celui de la régulation du trafic par la tarification horaire et sa modulation », même s’il reconnaît qu’ « il peut y avoir une certaine logique pour [les petites collectivités] à basculer vers la gratuité, qui ne leur coûte pas très cher ».
On retrouve le même type de discours du côté des groupements de collectivités, de l’Union des Transports Publics et ferroviaires (UTP) qui est l’organisation professionnelle regroupant les entreprises de transport public, ou même de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT). Pour cette dernière, « pour améliorer le confort, la sécurité ou encore la fréquence des passages, il faut des financements… dont se priveraient les villes qui passent au gratuit ».
Les principaux arguments des opposants à la mise en place de la gratuité sont les suivants :
- Elle ne permettrait pas de faire reculer l’utilisation de la voiture (mais plutôt celle de la marche et du vélo, qui sont des moyens de transports plus vertueux et permettent des gains sur la santé grâce à la pratique d’une activité physique).
- Les usagers demanderaient une qualité de service plutôt que de diminuer le prix des tickets. La gratuité n’intéresserait pas les automobilistes pour qui le prix ne serait pas l’enjeu puisque se déplacer en voiture est déjà trois fois plus cher qu’en transport public.
- La gratuité priverait les collectivités d’une recette et risque de limiter leur capacité d’investissement dans une amélioration de l’offre de transports (voir ici et ici).
Ils préconisent plutôt la mise en place d’une tarification solidaire, gratuite ou presque, pour les publics en difficulté plutôt que la gratuité.
Combien coûtent les “transports gratuits” ?
En France, les transports publics sont financés grâce à trois sources de financement :
- Les recettes commerciales, c’est-à-dire ce qui est payé directement par l’usager (tickets à l’unité, abonnement)
- Le Versement Mobilité (VM) : un impôt prélevé sur la masse salariale des employeurs publics et privés d’au moins 11 salariés et affecté directement au financement des dépenses d’investissement et/ou d’exploitation des transports publics et des services de mobilités.
- Enfin, des financements publics de la part de la collectivité.
Selon le CEREMA, sur la période 2014 – 2022, 52% du budget transport provient du versement mobilité et seulement 17% seulement provient des recettes commerciales (les 31% restants étant couverts par la subvention publique).
La contribution de la billetterie dépend fortement de la taille du réseau : seulement 14% en moyenne pour les réseaux de moins de 50 000 habitants et 35% pour les plus grands réseaux :
Le coût de mise en place de la gratuité (ou plutôt le manque à gagner) va donc être très différent d’un réseau à l’autre. Difficilement soutenable financièrement pour les plus grandes métropoles, la gratuité ne change pas grand-chose au modèle économique des plus petits réseaux.
Quelles autres solutions financières ?
Une solution fréquemment mise en place est alors d’augmenter le versement mobilité pour compenser la baisse des recettes, du moins lorsque la collectivité n’appliquait pas déjà le taux maximum autorisé (qui fluctue entre 0,55% et 2% de la masse salariale des employeurs, en fonction de la population du territoire concerné).
Par ailleurs, le passage à la gratuité peut engendrer des économies financières : entretien des équipements billettiques, dépenses de personnel pour le contrôle… même s’il ne faut pas surestimer les économies possibles. Dans les faits, la plupart des réseaux qui instaurent la gratuité ne licencient pas les contrôleurs mais les réaffectent sur d’autres missions comme l’accueil du public ou la sécurité à bord.
Le passage à la gratuité pour les plus petits réseaux présente des coûts très faibles. Pour les réseaux de taille plus importante, on recense les pertes de recettes de billetterie suivantes suite au passage à la gratuité :
- Châteauroux (passage à la gratuité en 2001) : 375 000 € par an (auxquels il faut déduire une économie sur les coûts de billetterie de 180 000 €), soit environ 4 € par habitants et par an
- Niort (2017) : 1,5 M€ par an (12 € par habitant et par an)
- Calais (2019) : 2 M€ par an (18 € par habitant et par an)
- Dunkerque (2018) : 4,5M€ par an (23 € par habitant et par an), alors que dans le même temps 10 M€ supplémentaires par an sont liés à l’augmentation du réseau
- Montpellier (2023) : entre 30 et 40 M€ par an (60 à 80 € par habitant et par an)
A titre de comparaison, dans l’hypothèse du passage à la gratuité, le manque à gagner serait de 70 M€ par an pour le réseau strasbourgeois, 100 M€ par an pour Toulouse, 260 M€ par an (soit à peu près ce que coûte la création d’une ligne de tram) pour le réseau lyonnais et environ 3 milliards € par an pour l’Ile-de-France.
Que sait-on des effets de la gratuité des transports ?
Tout d’abord, ce qui frappe quand on s’intéresse au sujet, c’est que tout le monde a un avis sur la question mais il n’existe que très peu d’éléments chiffrés pour connaître l’effet de la mesure.
Une grande partie des arguments est donc basée sur des ressentis assez partiels, voire des postures morales du type “rien n’est jamais gratuit”. Quantifier les effets de la gratuité suppose de connaître 2 paramètres :
- L’évolution du nombre de trajets supplémentaires effectués sur le réseau de transports.
- Le “report modal”, c’est-à-dire la façon dont ces trajets auraient été faits si les personnes n’avaient pas utilisé les transports collectifs. Une partie aurait été réalisée en voiture ce qui permet d’éviter des émissions de CO₂ et de polluants, alors qu’une autre partie aurait été fait à pied ou à vélo (voire n’aurait pas été fait du tout) et ne génère pas de gain.
Si on dispose rarement des chiffres sur l’évolution des fréquentations, c’est encore moins souvent le cas pour le report modal. Cela suppose en effet de lancer une grande enquête auprès des utilisateurs et peu de réseaux ont lancé une telle initiative.
Grâce aux transports gratuits, une fréquentation multipliée par 2
L’évolution des chiffres de fréquentation est rarement disponible : en effet, puisqu’il n’y a plus d’achat ni de validation des titres de transport, l’information est plus difficilement accessible. Il faut alors utiliser d’autres méthodes comme la réalisation d’enquêtes ou utiliser des cellules de comptage à l’intérieur des véhicules. Seuls quelques réseaux, en général les plus gros, disposent de ces chiffres.
Au bout de 5 ans, la fréquentation a évolué de la manière suivante :
- augmentation de 50% à Libourne
- multiplication par 2,5 à Châteauroux et Aubagne
- multiplication par 2 à 4 sur les petits réseaux selon le Groupement des autorités responsables de transport (GART). Elle a même été multipliée par 6 sur la Communauté de communes de Moselle et Madon.
L’effet est en général très fort d’emblée avec une multiplication de la fréquentation par 2 dès la première année à Aubagne et Châteauroux (et +49% dès le 1er mois à Châteauroux). Dans les 2 cas, cet effet au démarrage est obtenu à offre constante et résulte uniquement de la gratuité et la communication menée autour de cette mesure : le réseau d’Aubagne n’a pas évolué suite au passage à la gratuité (mais il avait tout de même été restructuré 2 ans auparavant), alors qu’à Châteauroux le réseau a bien été renforcé par la suite, mais seulement au bout de 6 mois.
A Dunkerque, la fréquentation a augmenté de 77% en 2019, première année complète de gratuité (celle-ci ayant été mise en place en septembre 2018) par rapport à 2017. Dans le même temps, l’offre kilométrique a été augmentée de 28%. Il est donc difficile de définir quelle part de cette augmentation est attribuable à la gratuité par rapport à l’augmentation de l’offre. La fréquentation a ensuite été perturbée par la période Covid en 2020 et 2021, mais elle a poursuivi sa forte hausse en 2022 avec une augmentation de 130% sur l’année 2022 par rapport à 2017. Des chiffres similaires à ceux observés à Aubagne et Châteauroux.
Seul Niort semble avoir des résultats assez décevants, avec une augmentation limitée à 33% au bout de 3 ans. Il faut noter cependant que l’offre kilométrique avait baissé de 15 % lors du renouvellement du contrat de transport quelques mois avant le passage à la gratuité.
Enfin, les premiers chiffres pour Montpellier font état d’une augmentation de la fréquentation de 23,7% sur les 5 premiers mois de mise en œuvre, début 2024. L’effet est moindre que dans les réseaux de plus petite taille, ce qui n’est pas étonnant : les bus et surtout les tramways étant déjà bien remplis avant la gratuité, il y a beaucoup moins de marge pour accueillir significativement plus de passagers.
Un effet rapide, boosté par un fort attrait médiatique
Globalement, la gratuité est une mesure dont l’effet sur la fréquentation est important et rapide, en raison de son effet symbolique très important et du fait qu’elle fait beaucoup parler.
Les nombreuses retombées médiatiques locales au moment de la gratuité améliorent l’image du réseau de transport et font qu’il est difficile de passer à côté de l’information pour une personne vivant sur le territoire concerné. Un simple renforcement de l’offre comme une augmentation des fréquences ou la mise en service d’une nouvelle ligne de bus ne bénéficie pas d’une telle visibilité médiatique.
Les enquêtes montrent que la gratuité a un rôle au moins égal à l’amélioration du réseau dans le choix des nouveaux utilisateurs : à Châteauroux, 7% d’entre eux mettent en avant le nouveau réseau et 12% la gratuité ; à Dunkerque 84% des personnes qui utilisent davantage le bus mettent en avant la gratuité et 37% l’amélioration de la qualité du réseau.
Bilan carbone : quel est l’effet de la gratuité sur l’utilisation de la voiture et les émissions de CO₂ ?
A ce jour, des évaluations précises sont disponibles uniquement pour Châteauroux (qui est ancienne et date de 2007) et Dunkerque pour la France, et Talinn pour l’étranger.
A Châteauroux, l’étude d’évaluation de 2007 a montré que 29% des nouveaux utilisateurs du bus viennent de la voiture en tant que conducteur, 22% de la voiture en tant que passager (accompagnement en voiture, sans doute en grande partie pour des publics jeunes), 12% des “2 roues” (à l’époque il était d’usage de mélanger les vélos et les deux-roues motorisés au sein d’une même catégorie… on ne peut donc pas distinguer ce qui relève de l’un ou de l’autre). On note également 23% de report depuis la marche.
La part des trajets effectués en bus est passée de 2% à 4%. Cette augmentation se serait donc faite au détriment d’abord de la voiture (-1,1 point), de la marche (-0,5 point) et des “deux roues” (-0,2 point). En évolution relative cependant, les calculs de Frédéric Héran font état d’une diminution des déplacements en voiture de seulement 1,4 %, des déplacements à pied de 2,6 % et des déplacements à vélo de 6,7 %.
Dans son rapport d’évaluation, le bureau d’étude ADETEC a estimé une économie d’émissions de CO₂ de 260 tonnes par an en prenant l’hypothèse que chaque trajet évité en voiture faisait 3 km.
Quels effets positifs des transports gratuits à Dunkerque ?
A Dunkerque, l’étude d’évaluation de 2019 a montré que parmi les nouveaux utilisateurs du bus gratuit, 48% réalisent des trajets qu’ils faisaient auparavant en voiture (21% des trajets qu’ils faisaient à pied et 11% à vélo).
Le gain CO₂ n’a pas été calculé par les auteurs de l’étude d’évaluation mais on peut l’estimer par rapport aux chiffres disponibles. En 2022 : 12 millions de trajets supplémentaires ont été faits en bus par rapport à 2017.
En reprenant l’hypothèse de 48% de report modal depuis la voiture et d’un trajet moyen de 5 km, on arrive à une économie de 29 millions de km en voiture par an, soit 5 800 tonnes de CO₂ évitées par an. Un résultat loin d’être négligeable, même si cela correspond à une diminution des émissions liées à la mobilité sur le territoire dunkerquois limitée à 3% environ.
Par ailleurs, l’enquête montre que 5% des utilisateurs du bus se sont séparés d’une voiture ce qui peut générer un effet important (le fait de ne plus avoir de voiture oblige à rationaliser ses déplacements et faire le choix de destinations plus proches) bien que difficile à quantifier.
Les transports gratuits à l’étranger, une réussite ?
En dehors de nos frontières, on dispose des résultats suivants :
- Hasselt (Belgique, 70 000 habitants) a mis en place la gratuité en 1996 ce qui a multiplié par 10 la fréquentation des bus. Près de la moitié des nouveaux trajets y étaient faits en substitution de la voiture. Cependant, au bout de 15 ans, la part modale des bus sur le territoire n’était que de 5% et la municipalité a fini par mettre fin à la gratuité en 2014 afin de diminuer le coût que cela représentait.
- Templin (Allemagne, 15 000 habitants) a rendu ses bus gratuits en 1997. La fréquentation a été multipliée par 13, et entre 10 et 20% des nouveaux trajets se sont faits en substitution de la voiture.
- Enfin, le cas le plus détaillé est Talinn, capitale de l’Estonie qui compte 420 000 habitants, 5 lignes de tram, 8 lignes de trolleybus et 57 lignes de bus, devenues gratuites en 2013. Au bout d’un an, les transports collectifs ont vu leur part modale augmenter de 55% à 63%, soit une augmentation de la fréquentation de 14%. Dans le même temps, la voiture a perdu 3 points de part modale (passant de 32% à 29% des déplacements) et la marche 5 points (passant de 12% à 7%, soit tout de même une diminution de 40% en valeur relative!). L’effet sur la fréquentation des transports collectifs n’a pas perduré, puisque leur part modale est descendue à 53% dès l’année suivante, puis a ensuite décliné chaque année pour finalement atteindre 46% au bout de 5 ans, soit une baisse de 9 points par rapport à avant la gratuité.
L’expérience mitigée de Talinn
L’expérience de Talinn semble donc très mitigée, ce qui peut s’expliquer par les 3 paramètres suivants :
- Un contexte d’augmentation des trajets en voiture et du taux de motorisation qui avait été multiplié par 2 sur les 20 années ayant précédées la mise en place de la gratuité. La gratuité s’inscrivait donc plutôt dans une logique de résistance des transports publics par rapport à la progression de la voiture plus que de conquête de nouveaux utilisateurs.
- Des transports qui étaient déjà bien remplis avant la gratuité et donc une marge assez faible pour les remplir davantage.
- L’existence au préalable de la gratuité pour certaines catégories d’utilisateurs (enfants, personnes âgées) et de tarifs réduits (étudiants, personnes en recherche d’emploi). 36% des utilisateurs bénéficiaient déjà de la gratuité et 24% de tarifs réduits.
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Des effets indirects à creuser, pour aller au-delà du simple report modal
Enfin, si elle est nécessaire, l’approche par le report modal et le calcul des économies directes de CO₂ est nécessairement incomplète. Beaucoup d’autres effets structurants peuvent exister mais nécessiteraient des approfondissements pour mieux les appréhender et les quantifier.
La gratuité permet-elle de sortir du réflexe voiture en améliorant l’image du réseau ? Permet-elle de retarder le passage du permis de conduire chez les jeunes ? Evite-t-elle à certains ménages d’acheter une voiture et de basculer dans une mobilité centrée sur l’automobile ?…
Des enquêtes complémentaires menées à Dunkerque mettent en évidence la manière dont certains nouveaux utilisateurs du bus ont abandonné progressivement l’usage de la voiture depuis 2018, allant parfois jusqu’à vendre le deuxième voire l’unique véhicule de leur ménage.
Une nouvelle typologie d’utilisateurs
La gratuité améliore fortement l’image du bus et, paradoxalement, y fait revenir des personnes plus aisées. On passe d’un usage composé essentiellement de captifs (mineurs, personnes ne disposant pas de voiture, retraités…) à un usage choisi. Cette présence plus importante de personnes actives et de cadres est mise en évidence dans les expériences de Châteauroux et de Dunkerque.
Les analyses menées à Dunkerque mettent en avant un outil de sociabilité pour les retraités : parce qu’elles se mettent à côtoyer d’autres personnes dans les bus et d’autre part parce que cela leur redonne une mobilité et l’accès à des activités, alors que certaines personnes âgées renoncent à la conduite.
Par ailleurs, il a été mis en évidence qu’une partie des bénéficiaires du bus gratuit est constituée de dunkerquois fragilisés socialement par l’instabilité de leur situation professionnelle ou par des changements importants dans leur vie personnelle. La gratuité du transport public permet de continuer à se déplacer normalement lorsque les individus traversent une zone de turbulences dans leur trajectoire biographique (perte d’un emploi, divorce…).
Enfin, la gratuité a attiré un public plus jeune à Châteauroux : les nouveaux utilisateurs du bus à la suite de la gratuité avaient en moyenne 29 ans contre 35 ans pour les anciens utilisateurs.
Quels sont les critères à considérer avant de décider de passer à la gratuité ?
Le passage à la gratuité des transports publics est avant tout un choix politique qui peut être décidé selon des objectifs assez différents : améliorer la qualité de l’air pour les cas les plus récents, redynamiser le territoire et changer son image, ou tout simplement rentabiliser un investissement public en remplissant mieux des transports collectifs auparavant peu fréquentés.
Les 3 questionnements suivants permettent d’éclairer la décision publique et l’opportunité ou non de passer à la gratuité :
- Quel est le coût de la mesure ? Peut-elle être financée par une augmentation du versement mobilité ou une contribution publique qui reste raisonnable ?
- L’effort financier à fournir permettra-t-il de maintenir une capacité d’investissement dans une amélioration de l’offre (nouvelles lignes, augmentation des fréquences…) ? Au contraire est-ce qu’on risque de ne plus pouvoir investir dans le réseau et être condamné à avoir un niveau de fréquentation et un part modale des transports collectifs qui ne pourraient pas dépasser un certain plafond ce qui empêcherait d’en faire un outil au service de la décarbonation des mobilités ?
- Enfin, existe-t-il une réserve de capacité dans les transports afin d’absorber les voyageurs supplémentaires attirés par la gratuité ?
Transports gratuits : quid des plus grands réseaux ?
S’agissant des plus grands réseaux, à peu près tout le monde est d’accord pour dire que le passage à la gratuité n’est pas faisable ni souhaitable : il y a peu de réserve dans les véhicules pour augmenter significativement la fréquentation à offre constante et le coût serait prohibitif.
Pour un réseau comme Lyon le coût de la gratuité serait de 260 M€ par an, soit l’équivalent du coût de construction d’une nouvelle ligne de tram tous les ans, alors que ce serait à peu près une ligne de tram tous les 3 ans pour des réseaux comme Toulouse ou Lille. Ces nouvelles infrastructures seraient très certainement plus efficaces à long terme pour sortir les gens de leur voiture que la gratuité.
En revanche, le raisonnement ne peut pas être le même sur les petits réseaux et on peut regretter que le débat public soit centré autour des arguments relatifs aux grandes agglomérations pour porter un jugement monolithique sur “la” gratuité.
La gratuité peut s’avérer une solution pertinente sur les petits réseaux, puisque le coût de la mesure sera faible (puisque la billetterie n’y couvre qu’autour de 10% des coûts), et il existe une réserve de capacité importante puisque les bus y sont souvent très peu remplis. La gratuité peut alors permettre de rentabiliser une dépense publique, en rendant service à 2 fois plus de personnes pour un coût très limité.
On peut alors se demander si cela ne va pas empêcher d’investir dans des lignes supplémentaires, argument qui peut s’entendre, même si une augmentation significative de l’offre est peu fréquente sur les petits réseaux… et elle est d’autant plus difficile politiquement à mettre en place que les bus sont peu fréquentés.
Alors cet argent aurait-il été mieux investi autrement ? Le passage à la gratuité reste sans doute le moyen le moins coûteux pour multiplier par 2 la fréquentation des bus. A titre de comparaison, multiplier par 2 la fréquentation en doublant le nombre de lignes de bus nécessiterait bien davantage d’argent public…
Pour être efficace, la mise en gratuité doit s’accompagner d’une politique plus générale de mobilité cohérente
Totem pour certains, repoussoir pour d’autres : la gratuité n’est en réalité pas un remède universel qui permettra de résoudre tous les problèmes de mobilité.
De même que créer des lignes de bus ou de tramway n’est pas non plus une solution magique. Ces deux types de mesures se ressemblent en fait plus qu’on le croit, puisqu’elles se traduisent toutes les deux par une augmentation de la fréquentation des transports collectifs.
Mais cette augmentation de la fréquentation est-elle une fin en soi et permet-elle d’atteindre les objectifs de décarbonation et d’amélioration de la qualité de l’air ? C’est finalement cette question tout à fait pertinente qui est sous-jacente dans le débat autour de la gratuité…
Le cas du tramway
La question se pose exactement de la même manière concernant la création de lignes de bus ou de tramway. Une étude a montré que l’arrivée du tramway dans les grandes agglomérations de province a permis en moyenne une augmentation de la fréquentation des transports collectifs de 18% sur les 3 premières années. Un effet qui n’est pas spectaculaire, pour des investissements pourtant élevés.
De plus, on ne dispose pas d’information sur la provenance des nouveaux utilisateurs et il y a fort à parier qu’une part importante utilisait auparavant le vélo, marchait ou fait simplement des déplacements supplémentaires.
En réalité, l’impact d’une politique d’amélioration des transports collectifs (que ce soit en augmentant l’offre et/ou en les rendant moins chers ou gratuits) va dépendre du contexte global dans lequel elle s’inscrit. Si on ne fait pas d’efforts en parallèle pour contraindre davantage l’utilisation de la voiture et qu’on continue à lui laisser toute la place, alors les transports collectifs auront un effet qui restera limité.
Pour une approche globale et cohérente
Pour être pleinement efficaces, ces mesures doivent s’intégrer dans une stratégie de mobilité cohérente. Il faut continuer d’améliorer le réseau de transports collectifs et en parallèle investir dans les autres mobilités alternatives comme la marche ou le vélo.
Rééquilibrer les budgets dédiés à chacun des modes de transports (qui sont aujourd’hui bien trop orientés vers les routes et la voiture) et revoir la répartition de l’espace public (en ville on estime que 50 à 80 % de l’espace public est réservé à la voiture ou aux deux-roues motorisés). Assumer politiquement une hiérarchie des modes de transport afin de rééquilibrer le rapport de force entre les modes de déplacement, en tenant davantage compte de leurs contributions respectives à l’intérêt général, comme le proposent Christelle Bortolini et Mathieu Chassignet dans un récent article publié sur The Conversation.
Il s’agit d’« inverser la pyramide » en accordant davantage de moyens (espaces alloués et moyens financiers) aux moyens de transport les plus favorables à l’intérêt général.
S’attaquer à l’éléphant dans la pièce
Les politiques d’amélioration des transports collectifs ne peuvent pas être pleinement efficaces si elles ne s’accompagnent de davantage de contraintes sur la voiture et les deux-roues motorisés.
En effet, le vrai objectif à viser n’est pas de mieux remplir les transports collectifs, mais faire baisser l’usage des transports motorisés individuels et les nuisances associées (CO₂, bruit, pollution, occupation d’espace…).
C’est en fonction des mesures complémentaires que le report modal sera plus ou moins favorable et l’impact environnemental plus ou moins intéressant. Si on rend les transports gratuits (ou qu’on crée de nouvelles lignes) sans rien changer à la facilité d’utilisation de la voiture, alors le report modal sera décevant.
Si au contraire on l’accompagne d’une réduction de la place de la voiture (diminution du nombre de voies de circulation, de places de stationnement, abaissement de la limitation de vitesse, etc.) alors on enclenche une trajectoire vertueuse et qui aura de meilleurs résultats.
Enfin, la gratuité des transports publics peut permettre, pour un Maire ou un Président d’agglomération, d’assumer plus facilement un projet politique de réduction de la place de la voiture. C’est un élément qui ressort parfois du discours de certains élus locaux. En substance “nous avons investi pour rendre les transports gratuits, vous n’avez plus de raison de continuer à venir en voiture en plein centre-ville”. Et si c’était là l’effet le plus prometteur de la gratuité des transports?
Bibliographie
- Le nouveau réseau de transport gratuit à Dunkerque de la transformation des mobilités aux mutation du territoire, Huré, Javary, Vincent, 2019
- La gratuité totale des transports collectifs urbains : effets sur la fréquentation et intérêts, ADETEC, 2007
- Réflexions sur les enjeux de la gratuité pour le réseau TCL, LAET 2019
- La gratuité des transports, une idée payante ?, Delevoye, Hasiak, Javary, Passalacqua, Poinsot, Vaslin, 2022
- The prospects of fare-free public transport: evidence from Tallinn, Cats, 2017
- La gratuité des réseaux de transports collectifs urbains : un modèle de financement particulier ?, Guelton, Poinsot 2020
- Gratuité des transports pour les usagers : une étude du gart pour objectiver le débat, ITER 2019
- Rapport du Comité sur la faisabilité de la gratuité des transports en commun en Île-de-France, leur financement et la politique de tarification, Rapoport 2018
- La gratuité totale des transports collectifs : fausse bonne idée ou révolution écologique et sociale des mobilités ?, Sénat 2019
- La gratuité des transports sur les réseaux métropolitains : quelle place de la mesure au coeur de la stratégie électorale des dernières municipales ?, Hasiak 2022
- La gratuité totale : une réponse inadéquate aux objectifs de développement durable affichés, Union des transports publics, 2019
- Evolution du rapport des Dunkerquois à la mobilité automobile (2018-2022). Étude des effets de la gratuité des transports sur les comportements de mobilité, Calnibalosky, Korsu, 2023
- Les effets du tramway sur la fréquentation du transport public. Un bilan des agglomérations françaises de province, Gagnière, 2012
- http://www.obs-transport-gratuit.fr/
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Bonjour, merci de cet article super instructif. Je suis assez étonné que le Transport en Commun soit “limité” au Bus, et Tram quand vous parlez de densifier le réseau ou de le développer. En effet, de nombreuses villes ont mis en place du vélo en libre-service dont les résultats sont hyper encourageants. Peut être une solution constructive pour d’une part compléter le maillage existant pour atteindre la station de bus la plus proche (premier kilomètre, ou le dernier) et pourquoi pas atteindre l’objectif de report modal de la voiture vers “autre chose”. L’autre intérêt de ce “vélo transport public” est de développer un mode de transport dynamique, actif, qui donnera une image similaire au territoire, à moindre cout pour tout le monde.L’article ouvre un peu sur ce point (inverser la pyramide) sans l’intégrer dans cette brillante démonstration.
Bonjour,
Je souhaite faire corriger un élément de cet article, il n’y a pas de “gratuité TOTALE” pour Montpellier.
Tout habitant de la métropole ne paye pas les transports oui, mais tout “touriste” ou citoyen de passage les paye.
Montpellier dispose toujours de son infrastructure billettique, ce qui a un coût de maintenance, d’évolution, etc.
Le terme TOTALE n’est pas applicable étant donné qu’il existe encore un critère de “discrimination” en la nature du lieu d’habitation de chacun.
De façon plus générale, la gratuité est intéressante à l’instant T, mais elle mène à deux éléments nocifs à la cause:
– la saturation des transports en commun qui ne peuvent bien souvent fournir la capacité nécessaire à toutes les personnes qui voudraient les prendre. Donc on a en fait un effet boomrang où les habitants qui voulaient tester les transports vont être déçus, car la sardine ou l’attente sur les quais ça va 5 minutes.
– la capacité d’investissement du maitre d’ouvrage, qui s’en retrouve nettement diminuée, puisqu’il perd des recettes. Alors oui les habitants peuvent prendre les transports gratuitement, mais c’est au détriment de la création de futurs lignes, ou du renforcement des lignes existantes.
Finalement, la vraie question, c’est “quand” passer à un réseau gratuit ; quand n’a-t-on plus besoin de recettes conséquentes pour des investissements dans l’infrastructure ?
Ou encore : est ce que mon infrastructure est “largement vide”, et a la capacité d’accepter une vague importante de nouveaux utilisateurs ?
A Clermont Ferrand, la gratuité des transports le week end cartonne. Et cela s’est accompagné d’une volonté politique de réduire la place des “voies motorisés” sur de nombreux axes de la ville.
En bref, tout est fait pour “lâcher” sa bagnole en périphérie de la ville et j’avoue c’est ce qu’on fait avec ma femme et ma fille et on trouve ça plutôt plaisant dans le cadre d’une sortie. Reste à voir si c’est tout aussi plaisant au quotidien notamment dans un contexte plus professionnel ? J’imagine que cela dépend du type de profession mais la question mérite d’être étudiée sérieusement et dans les règles de l’art.
La notion de gratuité dans les transports publics, toute relative d’ailleurs, obère une réflexion plus globale sur nos modes de vie et ses conséquences. On est ici face à une situation dans l’oubli totale ce qui a été.
Il y a peu les campagnes étaient innervées par des réseaux de transports ferroviaires très dense qui ont été détruits pour laisser place à la voiture… le tout en à peu près un siècle !
L’étalement urbain est aussi un phénomène récent qui a pris sa source aux États-Unis dont on mesure à peine les inconvénients.
Doit-on rappeler que jusqu’à la fin du XX siècle la mobilité ne se pensait qu’avec voiture ? On a ainsi multiplié les autoroutes, élargi les voies, réduit l’usage des trains…etc
En clair, on assiste aujourd’hui à une révolution copernicienne qui est et qui reste largement chaotique. On crie, on pleure, on proteste à tout va, on propose tout et son contraire mais on ne pense pas !
Que voulons-nous ? Là est la question ! Encore faudrait-il d’abord la poser et la poser sereinement !
Voulons-nous plus de mobilité, de rapidité, de proximité et de quel ordre ?
Nous voulons à la fois prendre l’avion et l’interdire, des LGV et des TER, des transports en commun 24h sur 24, fiables, confortables, sans pollution, des voitures toujours plus grosses (pourquoi ?!) qui ressemblent à des chars (Les SUV), des vélos électriques ou pas, des trottinettes… Bref, un cafouillis sans nom ! Un peu de cohérence ne nuirait pas…
Réflexion intéressante mais qui fait fi du quotidien d’un grand nombre d’usagers des TC.
Je recrute plusieurs dizaines de JF surtout dans mon secteur depuis qqs années. Dès qu’elles gagnent assez elles s’achètent une voiture. L’insécurité surtout pour des JF la qualité de service déplorable le côté totalement aléatoire de certains RER bus tram les annulations les intempéries etc. font qu’en effet je suis d’accord avec la logique de cet article. Rendre les transports gratuits ne suffira jamais il faut surtout contraindre énormément la voiture.
Bon après on se farcit Macron depuis des années donc autant continuer d’emmerder les Français qui sont des veaux (ah ça ne date pas de Macron en fait).
Un peu déconnecté tout cela. J’aimerais bien croiser Hidalgo Castex et cie dans un métro bondé. Surtout quand les décideurs parlent de « gratuité » alors qu’il y a bien qqn qui paie derrière (mais surtout pas les décideurs évidemment dans leur grande sagesse).
Dans un pays où les incivilités ne sont pas la règle et le contrôle social plus fort (Singapour, CdS, HK, Japon etc.) je serais curieux de savoir ce que ça donnerait de rendre les transports en libre accès.
Typiquement le genre de pays où les transports ne sont pas gratuits (mais pas hors de prix non plus), le service excellent, toujours à l’heure, la propreté et la sécurité parfaites, les taxis plutôt bon marchés et la possession d’une voiture individuelle surtaxée. Et grâce à tout cela peu de bouchons. Pratique pour rejoindre l’aéroport à l’heure 😉
Il serait intéressant d’avoir un retour sur l’évolution de la fréquentation après arrêt de la gratuité ?
Il faudrait également mettre en rapport la politique du logement qui peut rendre moins pertinente l’offre de centre ville par l’étalement urbain ainsi que l’implantation des entreprises.
@Julien il existe plusieurs modèles pour évaluer les flux et améliorer l’offre. On trouve notamment des références à Antonin3 sur le site du STIF et MODUS sur le site de la DRIEAT. Il existe également des modèles open source (par exemple la page https://lafabriquedesmobilites.fr/blog/modeles-transport-open-source renseigne bien sur les différents types de modèles). Utiliser en entrée les données fiscales / employeurs / immatriculations pour estimer les flux me semble poser des questions éthiques importantes et ce serait difficilement justifiable vis à vis du RGPD il me semble. De plus, étant donné les évolutions fortes (changements d’emploi, de résidence) et que le transport ne se limite pas aux déplacements domicile travail, utiliser des modèles de population n’est pas forcément moins efficace (par exemple https://github.com/eqasim-org/ile-de-france).
Dans le genre bigbrother, il serait possible également d’utiliser les données des opérateurs télécom, qui donnent votre géolocalisation heure par heure. C’est utilisé dans le retail notamment…
Cependant, même avec le meilleur modèle, le transport en commun aura un coût. Le TC ne répondra pas à toutes les demandes de déplacements. Il est important de penser l’intermodalité de manière globale. Même sans la gratuité, il serait possible d’imaginer d’autres types de tarification. Pourquoi pas des abonnements nationaux ? S’il s’agit vraiment d’inciter les personnes à renoncer à la voiture, pourquoi différencier transports urbains et interurbains ?
Je trouve dommage que l’article suggère de rendre plus contraignant l’usage de la voiture pour faire du report modal vers le transport. C’est peu imaginatif, alors qu’il y a tant à faire. La voiture est le meilleur moyen de transport, même avec les bouchons. Il faut rivaliser avec de la créativité.
Il me semble qu’il y a deux axes qui pourraient être suggérés au delà d’approfondir les solutions pour la gratuité :
– comment réduire les besoins de mobilité ? Aujourd’hui, avec les prix de l’immobilier et les taxes sur les transactions immobilières, on ne peut pas déménager même si on habite loin de son boulot.
– la voiture est difficilement remplaçable pour un certain nombre de trajets. Comment faire pour éviter que les ménages achètent une voiture ? car dès qu’on a une voiture, on fait tout en voiture. Et donc c’est l’achat d’une voiture qui pollue le plus.
Parmis les nombreux arguments en faveur ou en défaveur de la gratuité des transports pour les usagers, j’observe rarement la mention de la question sociale et culturelle. Pourtant il me semble que le sujet concerne au moins autant ces questions que celles qui sont économiques, écologiques et politiques. En effet, tous les automobilistes et tous les utilisateurs du réseau de transport ne sont pas les mêmes et n’ont pas les mêmes attentes et/ou besoins. La gratuité des transport est, à mon sens, essentiellement une mesure sociale (que les politiques tentent de calquer sur des mesures écologiques) qui offre une meilleure mobilité aux personnes en situation de précarité. Mais aussi et dans le même temps, dans les milieux sociaux les plus modeste, la voiture reste dans l’imaginaire collectif un facteur d’ascension sociale. Elle est autant pratique que representative d’un imaginaire hérité du siècle précédent. Ceci est aussi à prendre en compte pour relativiser et discuter la question… Car les rapports à la mobilité sont bien souvent inégaux selon notre héritage socio-culturel…
Bonjour, il me semble que vous pourriez ajouter le fait que pour l’île de France l’assiette du versement transport pourrait être élargie. En effet, en plus du versement transport les entreprises sont obligées de rembourser 50% de l’abonnement pour les salariés qui en font la demande. En cas de passage à la gratuité, cela pourrait être remplacé par un versement de 50€ par salarié. Cela serait plus juste, car les personnes utilisant leurs voitures bénéficient d’infrastructures sans trop de bouchons grâce à ceux qui prennent les TC.
Autre point: sur Montpellier, la gratuité est totale…mais il faut en faire la demande, et cette gratuité est réservée aux habitants. Comme beaucoup d’aides pour lesquelles il faut faire la demande, un certain nombre de bénéficiaires ne feront pas la démarche. Convertir un automobiliste à l’usage du TC nécessite de saisir des opportunités, comme un jour de beau temps, une panne de voiture, etc. S’il n’a pas fait la demande, c’est un frein supplémentaire. De plus, cela exclu les personnes qui sont le plus susceptible de faire du report modal voiture vers TC qui sont les personnes habitant en dehors de la métropole qui pourraient venir en TER par exemple.
Il faudrait inclure pour les petits territoire la possibilité des TC à la demande, qui change la donne par rapport à des lignes de TC fixes sur des territoires peu denses.
Enfin, il faudrait peut être intituler l’article Transports URBAINS gratuits. Car dans mon cas présent, ce qui va me faire acheter ma première voiture à 40 ans, c’est qu’en famille, le coût des trains + TC à destination + offre restreinte (pas d’AR en train disponible sur des Paris->grand ouest à moins d’une semaine de la date de départ) fait qu’un adepte des TC va franchir le pas tant redouté vers l’achat d’une voiture qui restera au garage 95% du temps…
Je note une approximation en ce qui concerne la gratuité dans la Métropole de Montpellier. Il est affirmé dans la tribune que la gratuité serait “totale”, ce qui est en contradiction avec sa définition dans l’article :
“La gratuité totale : « Il s’agit d’un réseau au sein duquel tous les usagers, sans distinction, bénéficient sans payer des services réguliers de transport public la majorité du temps, sur le périmètre d’une commune, d’une intercommunalité ou du territoire couvert par l’autorité organisatrice de la mobilité. »”
En réalité, pour bénéficier de la gratuité, il faut être résident de la métropole, entreprendre des démarches pour obtenir un “pass gratuité” qui n’est renouvelable que sur présentation d’un nouveau certificat de domicile récent. En d’autres termes, beaucoup de personnes en sont exclues pour des raisons diverses et les contrôles persistent. Par ailleurs, globalement, la qualité du service rendu aux usagers et usagères s’est fortement dégradée. En particulier, trams combles, desserte insuffisante, vélos interdits.
Il serait intéressant de détailler les coûts annoncés dans cette article sur la gratuité des réseaux lyonnais et Parisien.
– coûts bancaires et cybersécurité lié au paiement et gestion des abonnements (serveur IT ainsi que le réseau IT reliant tous les appareils) que ces réseaux ont mis en place?
– coûts des équipements billettiques (ticket, carte, borne d’achat, tourniquet de contrôle, machine portative des contrôleurs)?
– évaluation des réductions de dépenses santé, qui devraient alors être recréditées aux agglomérations dans ce bilan ?
– tout en considérant une réaffectation du personnel des ventes et contrôles, et non leur licenciement.
Maintenant je partage le fait que la gratuité ne répondra pas à tout. Le transport se doit de correspondre aux besoins des usagers à la fois en terme d’horaire et de géographie. Mais pour ce dernier, l’état n’aurait-il pas une base de données très documentées pour estimer les flux et améliorer l’offre ? (les impôts connaissent notre adresse et notre employeur, soit aussi son adresse; les immat les véhicules enregistrés au sein du foyer) une statistique recoupant ces données permettrait de cibler une offre de transport sur les flux effectués en véhicules privées. non?
Est ce qu’il a été pris en compte les usagers qui utilisaient les transports en commun en fraudant ? Pour autant que je puisse le constater à ma petite échelle lorsque je les utilise, je vois qu’environ une personne sur quatre ne valide pas son ticket lorsque le transport n’est pas gratuit.
Merci de remplacer “transport gratuit” par “transport en libre accès”. C’est plus lourd du point de vue rédactionnel mais c’est plus juste ! Il y a tjs quelqu’un qui paie !!
Assez curieusement le cas du Luxembourg qui est le seul pays au monde où l’entierté du reseau de transport publique (bus, tram, tain) est gratuit, n’a pas été évoqué. Pourtant depuis que cette mesure a été prise, c’est un sujet d’etude et de statistique. Pourquoi?
C’est un pays minuscule sans vraiment de petites villes, donc peu comparable avec la France, je suppose.