2019 a vraiment été une année charnière dans ma vie. Tout allait presque bien, jusqu’à ce que je me retrouve en vacances tout le mois d’août. Parfait pour se détendre ! …Presque. J’ai passé 15 heures/jour à lire des rapports, à suivre les cours de JM.Jancovici des mines, à essayer de comprendre pourquoi notre consommation de viande avait doublé en 30 ans et son impact…. Tout cela en regardant l’Amazonie brûler un peu plus chaque jour. Quand mon entourage parlait du CETA, je me refusais d’aller y mettre le nez. Je savais que cela allait m’énerver. Trop tard.
Une fois que vous avez mis le nez dans les chiffres, vous n’êtes plus la même personne. Mais si j’ai la malchance de m’être rendu compte de l’urgence à agir, je ne peux pas en dire autant de mon entourage. Comment faire quand tes proches te voient comme un gilet jaune croisé avec un militant de Greenpeace dès que tu leur parles d’environnement ?
Entourage et retour d’expérience
De ma petite expérience, j’ai remarqué quelques éléments très importants.
La première des choses, c’est qu’avoir raison ne suffit pas. La forme est aussi importante que le fond. Un exemple très simple pour cela : fin septembre, cela faisait un mois que j’avais arrêté de manger de la viande, moi le fan des hamburgers. Mis à part un repas, j’avais réussi l’objectif qui était de baisser ma consommation de 90%. Je cite une personne à qui j’annonce cela, tout fier, qui me dit : ‘Ah ouais, donc si une personne est 10% raciste, ça va pour toi ? On a plus le temps pour les ‘bande mou’. Encourageant.
C’est selon moi une erreur monumentale. Je pense que tout effort, aussi petit soit-il, ne devrait être ni négligé, ni moqué. Il faut bien commencer quelque part.
Le dialogue est et restera la clef
Au-delà du fait d’avoir pris conscience du caractère urgent, vous allez devoir vous armer de patience. J’ai l’impression que la première étape est passée : il n’y a plus vraiment de climato-sceptiques. En tout cas, je n’ai pas encore eu l’occasion d’en croiser un. Qu’un Jean-Michel Complot me regarde dans les yeux et me dise ‘c’est des conneries ton truc, c’est du marketing, avec l’autre gosse suédoise là‘.
En revanche, les deux étapes suivantes sont tout aussi difficiles.
La première, le sentiment d’ignorance, ou de totale déconnexion. Quand vous avez travaillé votre sujet 400 heures, c’est normal d’en savoir un peu plus que l’autre. Si une personne n’a pas eu la curiosité de se plonger dans des articles ou un rapport, même raccourci, du GIEC : vous ne pouvez pas vraiment lui en vouloir. En revanche, entre ne pas savoir, et/ou se rendre compte que certains se moquent du monde, je peux vous assurer que les réactions de votre entourage ne seront pas toujours bonnes.
La deuxième étape, c’est que la personne se rende compte de tout ce qu’elle fait qui pollue et flingue la planète. Pis, vous lui faites remarquer, maladroitement, avec un semi ton accusateur : ‘ah ouais, mais la boulangerie est à 300m, pourquoi tu prends ta voiture ? En plus je vois que faire un peu de sport ne te ferait pas de mal...’ Rien de tel pour être contre-productif.
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S’adapter à son interlocuteur
Chaque personne n’ayant pas le même niveau de compréhension et de connaissances sur le sujet, avoir le même discours avec tout le monde ne marche pas. Première étape, savoir se faire comprendre avec des mots simples. Si vous n’êtes pas capable de vous faire comprendre simplement, c’est très certainement que vous n’avez pas bien compris.
Par étape, et j’espère que cela marchera pour vous, c’est de 1) écouter l’autre, ses arguments, 2) trouver ou connaître ses centres d’intérêts et 3) mettre en rapport ses intérêts avec un des points concernés par le changement climatique. Votre ami travaille en finance ? Parlez lui des limites de la croissance et demandez-lui ‘comment faire pour avoir une croissance éternelle avec des ressources fossiles limitées‘. A votre amie fan de Nutella, demandez-lui si elle sait comment c’est fait, et qui cela impacte. Réaction épidermique garantie.
Mais parfois, le dialogue ne suffit pas. Il est temps de sortir la botte secrète : l’exemplarité
Exemplarité : convaincre son entourage en montrant l’exemple
Malgré vos efforts pour convaincre, il peut arriver que la personne n’ait absolument pas été réceptive à vos paroles. Vous lui avez prouvé par A+B qu’il y a urgence à agir… Rien à faire. Elle continue à prendre l’avion 3 fois par semaine, manger du steak au petit-dej et à mettre la climatisation à fond, matin midi et soir.
Il peut aussi arriver que la personne en ait ras le bol qu’on lui fasse la leçon. ‘Et toi mon gars, quand tu prends l’avion pour aller à Miami, je te fais chier ?‘
Touché.
Etant un peu désespéré et désemparé, j’ai posé cette question ce lundi à une personne que j’ai vue être moquée pour ses choix éthiques et écologiques, depuis 30 ans. ‘Qu’est-ce qui a été le plus efficace’ ? Sa réponse tient en un mot : l’exemplarité. Montrer l’exemple. Attention ici, je parle de vraiment montrer l’exemple : vous ne pouvez pas demander à quelqu’un de réduire sa consommation de viande si vous en prenez tous les midis. Vous ne pouvez pas demander à quelqu’un d’être exemplaire, si vous-même êtes le premier à fauter. N’y voyez aucun rapport avec Mme Belloubet ou Jean-Paul Delevoye !
Enfin, travaillez votre sujet. Le changement climatique concerne tellement de domaines que PERSONNE ne peut avoir la prétention de tout savoir. C’est bien pour cela que le GIEC est formé de spécialistes de plusieurs domaines. Il est impossible d’étudier ce problème sans comprendre qu’il englobe plusieurs disciplines et nécessite des dizaines de compétences différentes.
Quand vous vous lancez dans un débat, avant d’avancer des arguments, vérifiez vos sources, comprenez les, et ne balancez pas des chiffres au hasard. Nous ne sommes pas sur BFM, Cnews ou LCI, merci.
Le mot de la fin
Avec le temps, j’ai compris plusieurs choses. La première, c’est qu’avoir raison ne suffit pas. La deuxième, c’est de faire profil bas, écouter l’autre, même s’il raconte n’importe quoi. Je repense souvent à ma collègue qui m’avait dit qu’Hiroshima avait eu lieu pendant la guerre du Viet-Nam. Je regrette encore de m’être énervé. J’aurais dû soit ne rien dire, soit sortir mon portable et lui montrer les 10 premiers liens google. Il va falloir s’armer de patience, même avec les plus durs à cuire… Et miser sur l’exemplarité.
15 Responses
“J’ai l’impression que la première étape est passée : il n’y a plus vraiment de climato-sceptiques”
Je vous conseillerais de jeter un oeil du côté des états républicains aux USA, je peux vous garantir que là-bas, le déni climatique se porte toujours aussi bien, et la plus insignifiante mesure favorable à l’environnement y est qualifiée de “propagande woke”. Où même du côté de Youtube, où des influenceurs climatosceptiques ont des followers par millions (18 rien que pour Andrew Tate).
Bonjour,
pensez-vous que d’utiliser une gourde en inox comme ceux ci https://iso-gourde.com/ soit vraiment utile pour lutter contre la pollution des bouteilles en plastiques
Bonjour,
déjà un immense merci pour ton travail.
Ensuite, je pensais comme toi jusqu’à hier pour les climato sceptiques du moins en France ; eh bien une incursion sur les réseaux après un C dans l’air (et pas des plus audacieux) sur incendie et réchauffement m’a fait mesurer que je me trompe lourdement (même si évidemment les commentateurs ne sont pas représentatifs). Du coup j’ai poussé un peu et il y aurait encore selon un sondage 1 français sur 5 climato sceptique. Qu’est ce qu’on fait avec eux? car là le biais cognitif qui les pousse au déni est ultra puissant. Est ce qu’on doit garder notre énergie pour mobiliser les autres ? est ce qu’il y a un truc à tenter, mais quoi ?
Ceci dit, il y a quand même des situations où ça ne sert à rien de tenter de convaincre.
1) Vous dites n’avoir jamais rencontré de climatosceptique, je suis au regret de vous dire que vous vous trompez. Il y en a un qui a été président des USA il n’y a pas si longtemps et dont la popularité ne s’est jamais démentie. Le simple fait que ça aille de pair avec le complotisme réduit à néant tout espoir de les faire changer d’avis.
2) Si la personne estime que quoi qu’elle fasse, ce sera aussi impactant qu’un pet de fourmi à cause de la marge d’action plus qu’étriquée du vulgus pecum.
3) Enfin, il y a ceux qui estiment que c’est foutu pour foutu et qu’il faut accepter la fatalité.
Pour ce qui est du nutella , je suppose que vous parlez de l’huile de palme.
A ce sujet, le palmier dont est tiré l’huile de palme donne les meilleurs rendement au monde d’huile (ratio surface cultivée/huile produite).
Donc remplacer de l’huile de palme par de l’huile d’olive, tournesol, colza ou je ne sais quoi nécessitera plus de terres à cultiver.
Plus de terre à cultiver pour produire autant, c’est plus de pesticides/engrais/destruction des sols/… mais aussi moins d’espace naturel (biodiversité, forêt/puit de carbone/…)
Donc il faut mieux manger du nutella que passer à une copie sans huile de palme.
Le meilleur étant de ne pas manger de pâte à tartiner…
Réflexions très intéressantes. Ça me fait penser à l’entretien épistémique (https://www.youtube.com/watch?v=f3RNHlgsGf8) que j’ai découvert récemment : l’idée c’est d’inviter l’autre à la réflexion sinon c’est très difficile de faire changer les gens. D’autant plus que le sujet est sensible et peut être rejeté par protection. Personnellement quand j’ai lu le livre de Servigne et Stevens sur l’effondrement, j’ai eu beaucoup de mal à l’encaisser tellement le choc était violent. De même, plus récemment, les cours de Jancovici à l’école des mines (j’en suis qu’au 2ème) ont encore eu un effet choc assez fort sur moi. On ne peut pas blâmer les gens de se protéger de ça, ça me semble complètement humain. C’est en les amenant à la réflexion, à la prise de conscience individuelle, comme nous le faisons, qu’il est possible de les mobiliser. C’est mon point de vue mais je pense qu’il rejoint un peu le tien. Et je valide complètement la thèse de l’exemplarité qui va également dans ce sens.
Hello Florent, je m’arrête au titre de la vidéo, qui diffère un peu sur ce que tu dis après, où nous sommes en ligne. Je n’ai pas encore rencontré (j’ai peut-être de la chance) de personne me disant ‘non tes chiffres sont faux’. la difficulté, c’est de les faire lire les chiffres, prendre conscience. Là, en période de confinement, j’ai réussi à ‘convertir’ 2 personnes, mais certains ne m’écoutent toujours pas. C’est vraiment, vraiment difficile…. Mais j’ai remarqué que le rabâchage marchait pas trop mal, parfois, quelques mois après, ils y viennent enfin 😉
Je t’invite à regarder la vidéo car la méthode va bien au delà de ce titre un peu trop racoleur à mon goût. Je pense qu’il est difficile pour tout le monde de réellement prendre conscience car cela implique un changement tellement fort de son mode de vie, de nos modes de vie, que les gens préfèrent l’éviter car il savent inconsciemment que ça va être dur à accepter. On est dans une bulle de confort (qui commence par ailleurs à bien s’effriter) et c’est normal qu’on n’ait pas envie d’en sortir. Alors que peut-être que rabâcher est une solution, mais je pense que certaines technique de l’entretien épistémique qui invitent les personnes à s’interroger eux-mêmes sur ce qu’ils pensent est aussi une bonne solution. Ceci dit, ça n’a pas l’air facile à faire!! 😀
Merci pour cet article, j’avais besoin de ces conseils, ne sachant jamais trop comment gérer les discussions sur le sujet avec certaines personnes de mon entourage. 🙂
Et je suis bien d’accord sur l’exemplarité, d’ailleurs il me semble que “Montrer l’exemple n’est pas la meilleure manière de convaincre, c’est la seule.” est une citation de Gandhi.
Je viens d’aller vérifier, c’est bien de Gandhi !!! AHAHAH j’ai un fou rire, j’ai fait du Gandhi sans le savoir 😉 Blague à part, cela va peut-être me donner un poids supplémentaire pour cet argument. C’est TRES, TRES dur de faire en sorte que les personnes se plongent dans les chiffres. Convaincre n’est pas le problème, vraiment. Le problème c’est que la personne commence à se plonger dans les chiffres. Une fois qu’elle a commencé, je ne connais personne qui soit resté inchangé. Si tu as des conseils en plus, n’hésite pas, je suis preneur, je n’ai réussi à convertir que très peu de mes amis 😉
Haha tant mieux si je t’ai fait découvrir que c’était de Gandhi. ^^
Pour le coup ça dépend tellement des gens que j’aurais du mal à donner un conseil, avec certains j’ai l’impression que c’est peine perdue..
Mais sinon ce que j’essaye de faire c’est de montrer ce qu’on a à y gagner, car pour beaucoup une démarche écolo est synonyme de privation.
Alors que pour prendre deux exemples : personnellement j’ai arrêté de prendre l’avion, je voyage beaucoup à pied et à vélo depuis quelques années et j’ai jamais vécu autant d’expériences et d’aventures ! Ou encore quand j’ai commencé à limiter la viande, je me suis en même tourné vers une alimentation plus saine, ce qui n’a pu me faire que du bien. 🙂
Bref, prôner la sobriété heureuse, à l’instar de Pierre Rabhi. 🙂
Bravo pour cet article, je me reconnais très bien dedans, et toute personne tombée dans la marmite Jancovici s’y retrouvera sans-doute aisément 🙂 Reste à mon sens l’étape suivante : qu’est-ce que l’exemplarité ? Affaire à suivre 🙂
Merci David ! l’exemplarité commence par remettre en action chaque action du citoyen, et chaque acte de consommation. Cela m’a procuré pas mal de maux de têtes depuis 6 mois mais cet exercice intellectuel est nécessaire et chacun devrait être prêt à se remettre en question. Il y a effectivement du boulot 😉
Totalement d’accord avec ce qui est dit ici : j’ai vécu la même chose cet été.
je crois qu’on a la ‘chance’ que cela soit de plus en plus facile. Un discours écolo il il y a 20 ans était inconcevable, exagéré… Aujourd’hui les sont peut-être égoïstes, mais ne nient plus 😉