Arrêtons de regarder Trump : il se passe la même chose en France

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©Crédit Photographie : Valentine Michel @bonpote
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Depuis l’investiture de Donald Trump, il ne se passe pas un jour sans que lui et son administration ne fassent une déclaration absurde, violente, dangereuse. Choisissez votre adjectif.

L’outrance est une arme, et Trump a écouté son mentor Steve Bannon à la lettre. Une tactique : flood the zone with shit, “inonder la zone de merde”. Raconter des mensonges et balancer des fake news chaque jour en attirant, monopolisant et en détournant l’attention. Chaque phrase est reprise par la presse du monde entier qui en fait une priorité, pendant que son administration orchestre, plus discrètement, une destruction méthodique.

Mais pendant que Trump s’occupe du sort des Etats-Unis (et d’une partie du monde), il se passe la même chose en France sans que cela ne provoque le même émoi. C’est pourtant tout aussi grave, tout aussi violent. Et mériterait bien plus d’attention, notre attention.

1/ Retirer les mentions du changement climatique

La semaine dernière, l’USDA, le ministère de l’agriculture aux Etats-Unis, a ordonné la suppression des mentions relatives au changement climatique sur tous les sites web publics. Mieux que casser le thermomètre, faire disparaître le thermomètre. On ne parle plus du changement climatique, comme s’il n’existait plus.

Si cela vous choque, c’est normal. Mais saviez-vous que la même chose arrive en France ? Lors des débats au Sénat sur la loi d’orientation agricole, toutes les mentions des notions de lutte contre le changement climatique ou d’agroécologie ont été scrupuleusement rejetées de l’article 1, qui fixe les priorités de la politique agricole. “Effacer la référence au changement climatique dans la loi d’orientation agricole ne supprimera pas par magie les émissions de GES de ce secteur” relève Anne Bringault pour le Réseau Action Climat.

Pourtant, comme le rappelle Magali Reghezza, “62% des agriculteurs estiment que la transition écologique est une nécessité et 23% considèrent même qu’il s’agit d’une opportunité : le refus de la transition écologique est donc aujourd’hui largement minoritaire auprès des agriculteurs (15%)

Si le gouvernement Macron prétend être le premier soutien aux agriculteurs, quel signal est envoyé ici en effaçant le changement climatique des textes ?

2/ Destruction des agences environnementales

Trump l’avait promis, et il le fait. Couper les budgets des agences environnementales faisait partie des objectifs, et il n’a pas perdu de temps pour mettre son programme en œuvre.

La NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) est sous attaque depuis le 20 janvier. Le 4 février, des employés du DOGE, le “ministère” d’Elon Musk, ont pénétré le siège de la NOAA et auraient cherché à accéder aux systèmes informatiques de l’agence, que le projet 2025 a qualifié de « nuisible à la prospérité des États-Unis ».

Il faut bien comprendre de quoi il en retourne. Les prévisions météorologiques, les avis de tempête et les données climatiques publiques sont menacés de disparaître. C’est une menace directe pour la santé et la vie des Américains, mais “nuisible à la prospérité des Etats-Unis”.

Je rappelle que c'est notamment grâce aux travaux de la NOAA (en particulier de Bill Sweet et ses collègues) que nous avons pu avancer relativement vite en France sur les questions de submersions chroniques à marée haute, un sujet qui était passé très largement sous les radars en France.

Gonéri Le Cozannet (@goneri76.bsky.social) 2025-02-05T08:47:17.755Z

Imaginez la même chose en France : plus de Météo-France pour alerter des tempêtes et canicules ? Plus d’ADEME, d’Agence Bio ou d’OFB (Office français de la biodiversité) ? Et bien vous n’avez pas besoin d’imaginer longtemps.

Le gouvernement, la droite et l’extrême droite ont relayé des fausses informations sur plusieurs agences environnementales françaises. C’est très bien documenté dans un article du Monde : “depuis plusieurs mois, l’exécutif, que ce soit l’Elysée ou Matignon, a alimenté ou laissé prospérer une ambiance hostile aux opérateurs de l’Etat chargés de la protection de l’environnement et/ou de la santé.”

Finalement, la vérité importe peu. Peu importe que le PDG de l’ADEME Sylvain Waserman rappelle qu’en 2024 92 % des 3,4 milliards d’euros du budget ont été consacrés aux investissements dans des projets et que l’agence tient bien ses comptes. Cela n’empêche pas le gouvernement, la droite et l’extrême droite de taper dessus, à l’instar de Laurent Wauquiez, le chef de file des députés Les Républicains, qui a appelé à sa dissolution. Oui, le même qui organise des dîners à 180 000€ (plus de 1000€ par tête), et qui souhaite expliquer aux autres comment gérer l’argent public.

3/ Baisse du budget pour l’environnement

Si Trump considère la NOAA comme une menace pour la prospérité des Etats-Unis et coupe les budgets partout où il peut, la France n’est pas en reste. Nous alertons depuis des années sur Bon Pote sur les risques de baisse des budgets alloués à l’environnement et la baisse des effectifs.

Cela ne date pas d’hier. Dans une étude I4CE reprise par le Haut Conseil pour le Climat, les effectifs observent des baisses importantes entre 2014 et 2021, une tendance qui continue lors du 2e mandat d’Emmanuel Macron.

baisse-effectif

Pourtant, avec les conséquences du changement climatique, il n’a jamais été aussi important d’avoir des effectifs et des moyens importants pour surveiller, informer et prévenir les risques associés au changement climatique.

Réduire le budget de l’OFB alors que la biodiversité est en chute libre ? Réduire les effectifs de l’ONF alors que nos forêts meurent et absorbent moitié moins de carbone sur la dernière décennie, faisant que la France ne respecte pas ses objectifs climatiques ? Les choix du gouvernement d’Emmanuel Macron. L’écologie à la française.

D’ailleurs, inutile de remonter loin dans le temps. En 2024, le gouvernement Attal souhaitait baisser le budget pour l’environnement. Le Gouvernement Barnier également, lui “l’écolo de premier ordre”. François Bayrou vient d’annoncer la même chose. Baisse de budget pour MaPrimRénov pour environ 400 millions, environ 200 millions pour l’électrification des véhicules, baisse du budget aux énergies renouvelables…

Hurler sur Donald Trump est une chose. Ne pas regarder les actions du Gouvernement français alors qu’il fait exactement la même chose, plus discrètement, en est une autre. Le constat est pourtant le même : l’écologie trinque, donc les Français trinquent.

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4/ Vous avez dit biodiversité ?

Le ton a été donné dès son investiture. Si le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris est un très mauvais signal pour le climat, c’est aussi un mauvais signal pour la biodiversité.

La biodiversité est l’une des limites planétaires et si la question climatique focalise plus d’attention, nous ne ferons pas sans elle : “notant qu’il importe de veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes, y compris les océans, et à la protection de la biodiversité, reconnue par certaines cultures comme la Terre nourricière

Notant qu'il importe de veiller à l'intégrité de tous les écosystèmes, y
compris les océans, et à la protection de la biodiversité, reconnue par certaines
cultures comme la Terre nourricière, et notant l'importance pour certains de la
notion de «justice climatique», dans l'action menée face aux changements
climatiques,
Source : l’Accord de Paris

De nouveau, les Etats-Unis ne sont pas les seuls à penser que la biodiversité est accessoire. La France est également passée reine de l’autosabotage. L’article 13 du projet de loi d’orientation agricole est une merveille en la matière. Avec sa présomption de “non-intentionnalité”, le texte permet de remplacer les poursuites pénales par une amende ou un stage de citoyenneté en cas d’atteinte aux espèces protégées ou à leurs habitats.

Un exemple pour illustrer. Imaginez qu’une entreprise souhaite construire une autoroute qui serait un désastre pour la biodiversité. Au hasard l’autoroute A69. Et bien au lieu d’avoir une sanction pénale, jusqu’à 3 ans de prison et 150 000€ d’amende, il faudrait désormais payer 450€ d’amende.

On imagine tous les industriels trembler à l’idée de polluer ou de ruiner la biodiversité sur le sol français et payer une telle amende. Après les promesses non tenues sur la baisse des pesticides, la pause du plan Ecophyto… ce quinquennat sera écologique, ou ne sera pas ?

5/ La violence et les menaces sur les chercheurs et défenseurs de l’environnement

Depuis le 20 janvier, les témoignages de scientifiques américains ayant reçu des menaces ne manquent pas. Mais il se passe la même chose en France, avec une pression accrue sur les scientifiques depuis des années, et une accélération terrible depuis un an.

A force de jouer avec le feu, certains en profitent et l’escalade des propos mènent à des menaces directes. Christian Convers, secrétaire général du deuxième syndicat agricole de France (Coordination rurale, proche de l’extrême droite) a par exemple déclaré “une voiture de l’OFB qui entre dans une exploitation sera brûlée sur place”.

Mêmes pressions pour les enseignantes et enseignants. A Toulon, l’enseignante Hélène Hurpy a eu le malheur de rappeler le droit au syndicat d’extrême droite la Cocarde étudiante, avant de se faire harceler et d’avoir reçu depuis la protection fonctionnelle de l’Université.

Ce n’est pas un cas esseulé. “Intimidés, menacés, traînés devant les tribunaux. Partout l’extrême droite s’en prend aux universitaires qui deviennent « militants » quand ils rappellent les faits. La liberté d’expression, c’est ok pour Musk qui défend les suprémacistes. Pas pour les scientifiques“, rappelle Magali Reghezza.

Quand un bâtiment de la direction de l’environnement fut littéralement explosé par des agriculteurs, le gouvernement fut incapable d’afficher un soutien clair et de condamner sans nuance. Même chose lorsque des cadavres de sangliers sont déposés devant une entrée ou encore qu’un mur est construit devant l’INRAE à Paris.

Un gouvernement qui lâche ses scientifiques et les défenseurs de l’environnement tout en laissant la droite et l’extrême droite multiplier les attaques à leur encontre est le signe d’une société qui va mal. Très mal.

Source : copie d’écran CNEWS

Conclusion

Il est difficile de passer à côté des outrances de Donald Trump et d’Elon Musk. Notamment parce que les conséquences de leurs décisions dépassent très largement les Etats-Unis. Elles sont mondiales, et montrent à tous les politiques d’extrême droite et libertariens que c’est OK de mentir, de dire que les “immigrés mangent des chats et des chiens”, que ce n’est pas disqualifiant. Au contraire.

Même si suivre l’actualité aux Etats-Unis est une nécessité, rappelez-vous aussi qu’il y a déjà bien assez à faire en France pour ne pas concentrer toute l’attention médiatique sur ce qu’il se passe de l’autre côté de l’Atlantique.

Vous avez sûrement entendu parler du salut nazi d’Elon Musk, qui a monopolisé l’attention médiatique pendant 72H. Avez-vous en revanche entendu parler de l’arrêt historique et fondamental de la Cour européenne des droits de l’Homme sur l’inaction de l’Etat italien pour faire cesser la pollution criminelle et faire face à la situation de la Terra dei Fuochi ? Avez-vous suivi le scandale de Nestlé et des eaux en bouteille via la journaliste Marie Dupin et le journal Le Monde ?

Les médias ont une responsabilité immense dans ce qu’il se passe actuellement. Le choix des sujets, le choix des intervenants… plutôt que de débattre sur la possibilité de faire de Gaza une Riviera à la suite d’une énième sortie dégueulasse de Donald Trump, peut-être qu’il existe d’autres sujets qui eux méritent vraiment d’être discutés ?

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4 Responses

  1. Autre comparaison possible : la nomination de Ferrand comme président du Conseil constitutionnel, un monsieur sauvé des griffes de la justice par le gong de la prescription est l’analogue des nominations douteuses dans l’administration trumpiste. Au hasard, celle de Pam Bondi comme procureure générale, lobbyiste notoire mais plus décorative que Ferrand évidemment.

  2. Attention, il doit y avoir méprise sur la portée de l’article 13 du PLOA : l’objet des amendements dont il est issu etait d’éviter la paralysie de certains services, notamment ecosystemiques. L’article 14 aussi (ex: pouvoir abattre des arbres malades, c’est l’emblématique cas de pins scloytés dans le Morvan : à force d’actions en justice la surface atteinte à été multipliée par 5 et les travaux sanitaires restent bloqués), ou encore d’éviter que les élus reportent leurs responsasabilites d’entretien des réseaux sur leurs administrés (cas de haies en bord de route, pour lesquelles les mairies n’adressent plus de demande ecrite mais un coup de fil, et se désolidarisent quand le propriétaire est mis en doute).

  3. “Plutôt écrire ses propres pensées que de lire ou écouter celles des autres…” (Schopenhauer).
    A notre époque complétement décadente et dégénérée (En Occident…), on ne sait plus qui croire, notamment entre l’idéologie et la réalité, non ? Oui ? Etre imbécile heureux, pourquoi pas, on a certainement moins de chances de se suicider que celui qui lit et/ou écoute les pensées des autres, non ? Oui ? Plutôt que d’écouter la “vérité” des autres, autant développer son esprit critique, sauf que c’est épuisant, non ? Oui ?

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Auteur
Thomas Wagner
Prendra sa retraite quand le réchauffement climatique sera de l’histoire ancienne

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  1. Autre comparaison possible : la nomination de Ferrand comme président du Conseil constitutionnel, un monsieur sauvé des griffes de la justice par le gong de la prescription est l’analogue des nominations douteuses dans l’administration trumpiste. Au hasard, celle de Pam Bondi comme procureure générale, lobbyiste notoire mais plus décorative que Ferrand évidemment.

  2. Attention, il doit y avoir méprise sur la portée de l’article 13 du PLOA : l’objet des amendements dont il est issu etait d’éviter la paralysie de certains services, notamment ecosystemiques. L’article 14 aussi (ex: pouvoir abattre des arbres malades, c’est l’emblématique cas de pins scloytés dans le Morvan : à force d’actions en justice la surface atteinte à été multipliée par 5 et les travaux sanitaires restent bloqués), ou encore d’éviter que les élus reportent leurs responsasabilites d’entretien des réseaux sur leurs administrés (cas de haies en bord de route, pour lesquelles les mairies n’adressent plus de demande ecrite mais un coup de fil, et se désolidarisent quand le propriétaire est mis en doute).

  3. “Plutôt écrire ses propres pensées que de lire ou écouter celles des autres…” (Schopenhauer).
    A notre époque complétement décadente et dégénérée (En Occident…), on ne sait plus qui croire, notamment entre l’idéologie et la réalité, non ? Oui ? Etre imbécile heureux, pourquoi pas, on a certainement moins de chances de se suicider que celui qui lit et/ou écoute les pensées des autres, non ? Oui ? Plutôt que d’écouter la “vérité” des autres, autant développer son esprit critique, sauf que c’est épuisant, non ? Oui ?

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