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Après la carte des pensées de l’écologie co-réalisée avec Bon pote, le média Fracas s’est penché sur les stratégies de l’écologie. Comment raviver le désir de s’engager pour l’écologie et mieux mobiliser ? Quelles actions faudrait-il mettre en place pour inverser le rapport de force ? Bref, c’est quoi la strat’ ? Cette carte se veut comme un outil pour étoffer les modes d’action en faveur de l’écologie et sortir de l’impuissance.
Après une montée en puissance des questions écologiques ces dernières années, nous assistons aujourd’hui à un retour de bâton : tentatives de dissolution de collectifs écolos, répression des activistes, politiques publiques écocidaires et institutions de protection de l’environnement pilonnées par la droite. Sans compter une extrême droite aux portes du pouvoir, tiraillée entre écofascisme et carbofascisme… Bref : nous serions entré·es dans l’ère du « backclash écologique ».
Mais la réalité de terrain est bien différente – et des enquêtes de Parlons Climat ou l’Ademe soulignent bien que l’écologie reste un sujet de préoccupation pour les français·es.
D’une part, si backlash il y a, il est plutôt contre une certaine manière de porter, de manière descendante, injuste et technocratique des propositions ou mesures « écolo » ; d’autre part, l’écologie ne se réduit pas à trier ses déchets ou à la lutte contre les méga-bassines. De nombreux courants mais aussi stratégies, tactiques la traversent et la structurent depuis des décennies – et sont autant de manières de s’engager, partout.

Il nous a donc semblé important de faire l’inventaire des moyens de luttes et mobilisations à notre disposition, visibiliser la pluralité des modes d’action qui illustrent la richesse de l’histoire écolo. Et quoi de mieux que l’outil cartographique pour en rendre compte ?
Après plusieurs mois de travail, Fracas dévoile la « carte des stratégies de l’écologie », qui a recensé plus de :
- 16 objectifs ;
- 250 tactiques ;
- 52 stratégies.
L’objet de ce travail n’est pas de porter un jugement : notre démarche a plutôt consisté à mettre en valeur la pluralité des modes d’action déployées « au nom de l’écologie ».
Vous souvenez-vous qu’en 2024, les Yes Men, un duo d’activistes connus pour leurs canulars, ont réalisé un coup contre Dow Chemical, géant mondial de la distribution de produits chimiques ? Ils ont créé un faux site web imitant celui de la compagnie, ce qui a conduit la BBC à les inviter par erreur à parler en direct comme s’ils représentaient réellement l’entreprise. Lors de l’interview télévisée, l’un des Yes Men a annoncé que Dow acceptait enfin toute la responsabilité de la catastrophe de Bhopal (une fuite de gaz toxique en Inde en 1984 ayant tué des milliers de personnes) et qu’elle allait indemniser les victimes à hauteur de plusieurs milliards de dollars. L’annonce a brièvement fait chuter le cours de Dow Chemical en bourse.
Saviez-vous aussi que certains collectifs utilisent la stratégie de menace de ZAD pour faire peur aux aménageurs ? Que des pique-niques sur des green de golf ont été organisés pour dénoncer l’accaparement de l’eau ?
Connaissez vous le bombardement de Google ? Le débrayage ? Le name & shame ? Le théâtre de guérilla ? Le marronnage ? Le guerrilla gardening ?
Cette carte vise à vous faire connaître ces tactiques écologiques, à stimuler le désir d’en savoir plus, de rebondir, de s’éloigner de son point d’entrée, à prendre de la hauteur en découvrant d’autres continents d’action – pourquoi pas en rejoindre ? – et, plus largement, à faciliter la transmission d’une culture stratégique au sein du camp de l’émancipation écologique et sociale.
Comment est construite la carte ?
Afin de faciliter la navigation dans la carte, elle est structurée en plusieurs niveaux de lecture : quatre grands pôles d’attraction qui permettent de placer dans l’espace des objectifs, des stratégies puis enfin des tactiques :

- Faire contre : des stratégies d’opposition directe et frontale (occupation, hacking, happening, recours juridique…) ;
- Faire avec : des stratégies d’aménagement, pour transformer le système de l’intérieur (pétition, infiltration, planification, détournement, performances artistiques…) ;
- Faire autrement : pour expérimenter et construire des alternatives sur le long terme (monnaie locale, coopérative, contre-pouvoirs locaux, communs, subsistance…) ;
- Faire sans : des stratégies de rupture pour bâtir hors du système (cantine collective, objection de conscience, lieux auto-gérés, mutuelles de matos…).

L’objectif est aussi de pouvoir naviguer dedans en fonction de vos objectifs et stratégies recherchées :
Exemple : Je cherche à agir pour l’écologie,
- Mon objectif c’est… perturber le système, changer les politiques publiques… ;
- Pour ça je vais déployer une stratégie de…. boycott, prise de pouvoir ou infiltration ;
- Qui prend la forme de cette tactique… : grève du zèle, infotours, détournement publicitaire ;
- Je découvre une tactique qui lui est reliée, complémentaire, et qui me mène à une stratégie à laquelle je n’avais pas réfléchi.
Chaque semaine, nous filtrons le superflu pour vous offrir l’essentiel, fiable et sourcé
Cette carte se pense donc comme un outil pour :
- Réfléchir à des stratégies à venir : quel est notre objectif ? Pour tenir cette stratégie, avons-nous pensé à toutes les tactiques possibles ? Quels exemples historiques peuvent nous inspirer ?
- Faire le bilan des stratégies au sein d’une organisation ou plus largement du mouvement écologique : quels sont les effets que ces tactiques ont eu sur le court, moyen, long terme ? Quelles alliances ont-elles fait naître ? Au vu du contexte, cette stratégie serait-elle toujours aussi efficace ?
Par exemple, pour le 10 septembre, de nombreuses tactiques associées au « faire contre » ont été mobilisées (grève, blocage d’infrastructures, barricade, boycott, AG, manifestations) comme des tactiques du « faire sans » (ravitaillement des luttes, cantines militantes) ou encore du « faire avec » (campagne, mobilisation de figures médiatiques…). Quelles autres tactiques auraient pu être utilisées ou pourraient l’être par la suite ? Lancer des assemblées permanentes, créer des syndicats habitants (« Faire autrement ») ? Continuer le boycott ? Occuper des espaces publics ? Monter une liste citoyenne ?
Enfin, la bataille de l’écologie ne pourra se faire sans alliances, sans compréhension des différents courants d’actions qui la composent et des objectifs que chacun·e porte dans son action. Toutes ces stratégies et tactiques sont présentées de manière figée, mais en réalité, elles sont continuellement en mouvement et toutes reliées entre elles : si certaines stratégies sont mises en œuvre à un endroit de la carte, elles viennent faire bouger les autres.
Par exemple, quand des actions offensives de sabotage de méga-bassines politisent la question de l’accaparement de l’eau, cela ouvre une fenêtre à des ONG pour écrire des rapports, à des partis politiques pour proposer des lois, à des collectifs expérimentant d’autres manières de cultiver la terre. Et inversement ! De la même manière, il est évident que de nombreux collectifs utilisent plusieurs tactiques et stratégies aux quatre coins de la carte en fonction des moments, des cibles et des objectifs imposés par un agenda dont ils ne sont pas toujours maîtres : on peut passer de l’opposition frontale à la construction d’alternatives, commencer par un plaidoyer et finir par un sabotage (!) Il faut s’avoir s’adapter… et se montrer opportuniste !
Pour illustrer la nature dynamique des objectifs et stratégies, comme des luttes qui les mobilisent, on peut voir les différentes tactiques utilisées par la lutte contre l’A69, qui a autant utilisé des stratégies du « faire contre » que des stratégies plus institutionnelles !

Cette carte est forcément non-exhaustive et subjective et nous nous attendons à bien des objections : les angles morts de notre typologie, les oubliés, les surnuméraires… Ces critiques sont les bienvenues ! Nous espérons même que ce travail réflexif vous encouragera à faire vivre la carte au sein de votre collectif ou de votre entourage, à vous en servir comme un support de réflexion stratégique, de discussion, de dispute, de formation, de bilan. Et que vive nos stratégies écologiques !
Pour commander la carte, rendez-vous sur le site de Fracas. En vous abonnant à la revue, vous la recevrez gratuitement.
8 Responses
Très chouette.
J’ai une carte un peu similaire dans ma chambre depuis des années, élaborée par Racines de résilience dans le cadre du film Une fois que tu sais d’Emmanuel Cappellin.
Bcp de choses en commun, et une présentation plus poétique, plus chaleureuse.
https://www.racinesderesilience.org/arbre-aux-actions/france
Il en faut pour tous les goûts !
Bravo pour ce superbe travail. A défaut d’être exempt de critiques à juger des commentaires (dont je ne partage pas vraiment l’avis), cette carte a le mérite d’être belle, détaillée, créative et surtout attractive, on passe difficilement à côté de l’envie d’en explorer chaque coin quand on la voit. On apprend plein de choses utiles, et on stimule surtout sa curiosité pour des actions, des concepts, des mouvements qu’on sûrement ignoré autrement. Vraiment bravo à vous Fracas !! Serait-il possible d’en avoir une version PDF de bonne qualité comme pour l’autre sur les pensées écologiques ?
Merci beaucoup, continuez comme ca !!
Je rêve où tous vos articles sont désormais précédés d’un audio généré par intelligence artificielle ?! Je croyais qu’il fallait “un questionnement sur la sobriété de nos usages” ?? (dixit votre article récent sur l’IA)
T’es écolo et t’as un iphone?
Franchement, je trouve que cette carte passe complètement à côté d’un truc fondamental : elle présente 250 tactiques différentes comme si c’était une bonne nouvelle, mais au final ça illustre surtout l’éparpillement total du mouvement écolo. Le problème c’est pas qu’on manque d’idées d’actions, c’est qu’on disperse nos forces dans tous les sens ! Quand t’as un mouvement qui fait simultanément du pique-nique sur des golfs, du hacking, des cantines collectives, de l’infiltration et du guerrilla gardening, tu te retrouves avec plein de gens qui font des trucs dans leur coin sans vraiment peser sur les décisions. L’article présente ça comme de la “richesse” et du “pluralisme”, mais moi j’y vois surtout un mouvement qui n’arrive pas à se mettre d’accord sur une stratégie commune pour vraiment faire bouger les lignes.
Ce qui me dérange encore plus, c’est qu’on évacue complètement la question de l’efficacité. OK, c’est super de “ne pas porter de jugement” et de juste “visibiliser la pluralité”, mais à un moment donné faut se poser la vraie question : est-ce que toutes ces actions ont réellement ralenti le réchauffement climatique ? Est-ce qu’elles ont fait reculer les projets écocidaires ? Parce que pendant qu’on se congratule d’avoir 250 tactiques différentes dans notre boîte à outils, les émissions de CO2 continuent d’augmenter et les politiques publiques restent largement insuffisantes. L’article mentionne lui-même qu’on vit un “backlash écologique” avec des collectifs dissous et des activistes réprimés… mais plutôt que de se demander pourquoi nos stratégies actuelles ne fonctionnent pas, on propose juste d’en rajouter encore plus ?
Au final, cette carte me fait penser à quelqu’un qui te proposerait 250 chemins différents pour grimper une montagne, sans jamais te dire lequel est le plus efficace, ni même si certains mènent dans la mauvaise direction. Oui, c’est chouette d’avoir le choix, mais quand la maison brûle, ce dont on a besoin c’est pas d’un catalogue exhaustif d’options, c’est d’un consensus sur les actions qui marchent vraiment et d’une mobilisation massive derrière elles. Sinon on continuera à s’agiter beaucoup tout en obtenant très peu de résultats concrets.
Vive Bon Pote, le site où on veut recenser les “stratégies de l’écologie” et les mots “recherche et développement” n’apparaissent pas une seule fois sur la carte !
On ne misera donc pas sur les éoliennes, les panneaux solaires, les batteries, les pompes à chaleur, les véhicules électriques, les réseaux électriques intelligents, les centrales hydroélectriques, la géothermie, les bâtiments à haute efficacité énergétique, les technologies de recyclage et d’économie circulaire, ou l’agriculture de précision.
Ne pensez-vous pas que toutes les suggestions que vous listez peuvent entrer dans les objectifs “changer les politiques publiques”, “verdir le secteur privé”, ou encore “se réapproprier les communs”?
Je suis d’accord avec un point : l’écologie est une préoccupation de beaucoup de monde. Mais les partis qui défendent l’ecologie peinent â séduire.
Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire “je vote à droite parce que je n’aime pas l’environnement” ou “je vote à droite parce que j’aime les tomates pleines de pesticides” mais beaucoup disent “je ne vote pas pour Mélenchon parce qu’il veut désarmer la police”.
On dit qu’il faut lutter contre l’extrême droite, mais où sont les résultats?