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Victoire Satto est la fondatrice de The Good Goods, un média et bureau d’expertise, dédiés à la transformation de l’industrie de la mode et du textile. Elle est à l’initiative d’une pétition contre SHEIN qui a rassemblé plus de 250000 signatures.
Shein est une marque d’ultra fast fashion chinoise. L’ultra fast fashion propose des vêtements très bas de gamme à un rythme effréné, à des prix défiant toute concurrence, visant particulièrement un public adolescent grâce à un marketing digital agressif.
La croissance de la marque est exponentielle. Ses méthodes de production et le caractère jetable de ses vêtements sont une menace pour l’environnement, et sont rendues possibles grâce à un système d’exploitation humaine et une stratégie commerciale si agressive qu’elle paraît relever de pratiques anticoncurrentielles. Son modèle est incompatible avec un développement durable de l’industrie de la mode et du vivant en général. Faut-il interdire Shein et l’ultra fast fashion ?
Cette question simple appelle une réponse épineuse mais a permis de soulever un mouvement citoyen d’indignation. Le 4 mai 2023, un collectif porté par The Good Goods – média et agence de conseil pour une mode fondée sur des preuves – a lancé une pétition pour contrer le modèle économique insoutenable de l’ultra fast fashion. Elle a recueilli plus de 250 000 signatures à date et permis un premier rendez-vous avec Bruno Le Maire, Ministre de L’Economie, des Finances et du Numérique.
En amont d’un second entretien pour définir les restrictions, la pétition a besoin d’un maximum de signatures et le mouvement d’une sensibilisation du plus grand nombre au sujet de Shein et de l’ultra fast fashion en général.
Sommaire
ToggleQui est Shein, quel est son modèle économique ?
Shein est un géant chinois de l’ultra fast fashion. Une mode considérée jetable qui propose de nouvelles références au quotidien, à très haute fréquence, sur internet via un site et une application, et désormais en boutiques éphémères partout en France. Shein s’est rapidement imposé comme leader du marché de l’habillement à l’international.
Avec près de 8 000 nouveaux designs par jour, Shein tourne à plein régime au péril de nos écosystèmes et de notre santé. La marque repose sur un modèle économique flexible et guidé par la data : collecte des données consommateur·ice·s en quantités massives, interprétée avec une grande agilité pour créer des collections ultra-rapides surfant sur des micro-tendances, liées par exemples aux fashion weeks ou aux séries.
Tout est fabriqué en petites quantités pour créer du désir, à très bas coûts et renouvelables très rapidement. Ses algorithmes puissants analysent et anticipent les goûts et envies de ses cibles qui sont les adolescent·e·s et jeunes adultes, avides de nouveautés.
Un « ovni » dans la mode depuis cinq ans grâce à une production verticale intégrée et Intelligences Artificielles surpuissantes
Shein n’est pas seulement une marketplace mais une plateforme ayant intégré l’entièreté de la chaîne de valeurs, ce qui très rare dans la mode. On peut par exemple la comparer à Netflix qui possède ses propres scénaristes, ses réalisateur·ice·s, ses producteur·ice·s internes et n’achète que les droits des projets.
Pour comprendre en quoi le modèle de Shein est différent et bien plus dangereux que d’autres marques de fast fashion (Zara, H&M, Boohoo et consorts), il faut connaître le fonctionnement d’une marque de mode conventionnelle : des designers dessinent des vêtements dont la production est déléguée à d’autres usines. Les marques sont tributaires des tendances, du temps requis par l’étape de design, de la disponibilité des matières et des prix des fournisseurs, de même pour la confection.
Elles produisent massivement en volume, suivant une logique d’économie d’échelle selon laquelle le coût unitaire diminue à mesure que la quantité globale d’un même produit commandé augmente. C’est ce qui explique, entre autres, que plus d’un tiers des vêtements produits ne soient jamais vendus, finissent bradés, enfouis ou détruits avant la loi AGEC, ou envoyés dans des décharges à ciel ouvert.
Concernant Shein, le modèle est tout autre. L’intégration de toute la chaîne de production, démentielle, de l’approvisionnement à la logistique, permet à la marque de créer et de générer des produits spécifiques à la demande de façon très agile et flexible pour s’adapter en permanence à tous les besoins du marché et sans dépendre d’autres parties prenantes.
Une rapidité de renouvellement de l’offre sans égal
La rapidité de renouvellement de l’offre est ensuite rendue possible grâce à la puissance de plusieurs intelligences artificielles. Créer tous les jours une référence n’est pas possible pour un seul·e styliste, il faudrait en embaucher des dizaines, voire des centaines pour un modèle comme Shein. L’intelligence artificielle permet une accélération en analysant la quantité et la qualité des recherches des utilisateur·ice·s : les robots agglomèrent les données de Google – ce qui a été vu, retenu – pour créer des recommandations de tendances, en permanence, avant même que les gens n’achètent les produits, selon la même logique que l’algorithme de TikTok et ses recommandations de vidéos.
Shein sait quel type de produits présenter à telle typologie de client·e, selon sa morphologie, ses goûts… L’intelligence artificielle est ensuite liée directement à la capacité de fabrication.
Cette observation permanente du web permet la collecte de données via le site, l’application, les réseaux, qui nourrit la machine et renforce l’offre, en quantité et en pertinence.
Zara maîtrisait déjà le lean management, cette méthode de gestion et d’organisation du travail qui vise à améliorer les performances d’une entreprise et, plus particulièrement, la qualité et la rentabilité de sa production. Mais celle de Shein est sans commune mesure avec ses concurrents. Là où une marque de mode conventionnelle française sort 250 modèles par an et Zara propose 500 références par semaine, les résultats de Shein, plus de 10 fois supérieurs, sont sans précédent.
La croissance est de 100% par an, la marque serait passée de 15 à près de 30 milliards de chiffre d’affaires entre 2021 et 2022. Sa valorisation aurait atteint 100 milliards de dollars (la marque ne partage pas ses chiffres, ce sont des estimations) et Shein a clôturé au printemps 2023 une levée de fonds de près de 3 milliards. Elle a déjà dépassé ses concurrents Zara, Gap, Walmart et H&M aux États-Unis en volume de produits et de chiffre d’affaires.
Shein, un empire fondé sur les petites mains qu’elle exploite
Si aucune donnée tangible ne prouve cette stratégie, on imagine aisément, étant donné le faible coût de revient pour chaque vêtement (à titre d’exemple, 3,99€ une robe), que la stratégie économique de Shein consiste à miser sur la faible rémunération de la main d’œuvre et sur la quantité démentielle de vêtements commandés.
En effet, on sait que le coût de la main d’œuvre employée par Shein est extrêmement bas et ne bénéficie pas d’une couverture sociale, de respect des horaires, de sécurité sur site, d’un salaire minimum ou d’un contrat non précaire. L’exploitation des travailleur·euse·s est dénoncée partout et semble essentielle dans la stratégie de la marque.
Des prix dérisoires, à l’image de l’éthique de production
Les chaînes de valeurs étant opaques, il est très difficile d’obtenir des informations à leur sujet. Néanmoins, Shein a déjà fait l’objet de multiples scandales, relatifs aux Ouïghour·e·s, de mineur·e·s ou d’exploitation d’employé·e·s dans des conditions de travail déplorables pour un salaire de misère : plus de 12h par jour, avec un seul jour de congé par mois, sans contrat de travail, ni assurance. Shein bafoue impunément les règles de l’Organisation Internationale du Travail et les Droits fondamentaux des Hommes.
En novembre 2021, l’organisme de surveillance suisse Public Eye publiait un rapport détaillant les opérations de la chaîne d’approvisionnement de Shein. Bien que ce géant de l’UFF veuille garder bien secrets certains pans de son fonctionnement, des enquêtrices chinoises envoyées par Public Eye ont néanmoins réussi à visiter les usines de certains fournisseurs de Shein à Guangzhou, où les conditions de travail violent la législation nationale. Les recherches de Public Eye les ont également menés jusqu’au centre logistique européen de Shein, où les conditions de travail précaires semblent courantes, permettant de mieux comprendre “qui paie le prix de cette mode ultra rapide et bon marché”.
75h de travail par semaine
Des investigations de Public Eye et Amnesty International ont déclaré que, dans trois des usines ayant fait l’objet de témoignages, le temps de travail hebdomadaire moyen s’élèverait à 75 heures pour un salaire mensuel d’environ 10.000 yuans (1.370 euros). Les ouvrier·e·s et les machines sont parqués dans des immeubles inadaptés à l’industrie textile, et où les quelques sorties de secours sont bouchées par les fameux sacs portant le logo de la marque. Mais l’empire de l’ultra fast fashion réagit très agile : alors que la presse rend ces chiffres publics, en septembre 2021, le géant chinois s’empresse de publier un code de conduite s’appliquant à ses fournisseurs, si rapidement que les données recueillies au sujet des conditions de travail ne cessent d’entrer en contradiction avec ce même code de conduite d’une part, mais également avec la législation chinoise, qui prévoit un maximum de 40 heures par semaine et 36 heures supplémentaires par mois.
Une large partie du recrutement des employé(e)s Shein se fait via un outil digital de messagerie, WeChat, maxi-application chinoise sur laquelle la marque ferait circuler ses appels d’offres. Les stocks étant limités, les quantités pouvant varier, Shein s’adapte en recrutant parfois plus d’employé·e·s, souvent pour des durées plus courtes. Un système d’intérim qui entraîne une dilution du principe de responsabilité dans la gestion des ressources humaines déployées.
La marque rétorque en expliquant que l’on peut gagner plus de 5.410 yuans par mois, ce qui correspond au salaire vital calculé par l’Asia Floor Wage Alliance. Ce n’est pas faux, mais ces déclarations occultent le fait que les horaires correspondent en réalité à deux emplois. À ce propos, le rapport de Public Eye et Amnesty International conclut : “Shein profite systématiquement du fait que ces travailleurs et travailleuses soient prêt·e·s à renoncer à un minimum de sécurité, de liberté et de qualité de vie, par manque d’alternatives”.
Qui sont les consommateurs cibles de Shein ?
Avec un panier moyen à 10€ et des vêtements vendus entre 2 et 15€ en majorité, Shein remporte un grand succès auprès de son audience qui est décuplée par ses campagnes de communication sur TikTok. Plateforme dont la marque se sert pour récolter toujours plus de données au cœur de sa cible.
Aidé par les influenceur·euse·s, Shein comptabilise près de 50 milliards de vidéos/pub sur ce média. Les “Shein hauls” sont partout sur la toile et font exploser ses ventes. Ce concept consiste à déballer des dizaines de colis commandés sur le site, devant la caméra, en essayant les articles, décrivant le produit, donnant son avis… Le #sheinhaul comptabilise près de 3,7 milliards de vues.
Sur le site, l’application, les réseaux sociaux de la marque, le ciblage spécialisé et les promotions sont permanents, l’offre est cassée de 50% en moyenne. Pour les consommateurs à faibles revenus, la proposition est irrésistible et le retour de l’utilisateur·ice sur la plateforme est inévitable. Shein concurrence ainsi très largement ses homologues de la fast fashion.
Une force de frappe mondiale
Les cibles de Shein sont situées dans le monde entier, ce qui fait la force de frappe de la marque. Bien que les profils soient variés, des traits caractéristiques sont communs à ce public. Les consommateurs de Shein sont généralement des personnes sensibles aux prix des vêtements, et qui aiment le shopping en ligne. La majorité des achats sur le site sont effectués par la génération Z (et principalement des jeunes filles), et les parents d’enfants âgés de 1 à 15 ans, bien que cela soit en passe de changer. Shein joue précisément sur la fragilité de ce public-là, qu’elle soit financière ou mentale. En effet, le géant de la marque, nous allons le détailler ensuite, utiliser des techniques de marketing tout à fait abusives (spamming, comparaison permanente) qui peuvent mener à une certaine addiction chez ce jeune public. C’est parce que le public cible est aussi jeune et vulnérable que Shein peut se permettre d’avoir recours à ces techniques abusives qui, in fine, fonctionnent.
En s’adressant aux jeunes et en particulier aux jeunes filles, Shein a su saisir cet atout en transformant cette clientèle en ambassadrices, qui partagent leurs achats sur les réseaux sociaux (principalement Youtube et TikTok), notamment via la pratiques des haul, la marque économisant ainsi également sur ses actions de communication. Grâce aux faibles coûts des produits, Shein peut se permettre l’acceptation psychologique d’un vêtement mal fait, nécessairement lié à la rapidité d’exécution et à des matières essentiellement issues de la pétrochimie.
Shein propose également une grande variété de vêtements destinés à des personnes de grande taille, oubliées du marché de la mode conventionnelle.
Après la génération Z, les consommateurs se diversifient
Shein est désormais le troisième acteur mode chez les 18-44 ans, derrière Vinted et Kiabi.
Mais est-ce que la génération Z, décriée pour ses dissonances écologiques, est vraiment la première à consommer de l’ultra-fast fashion? L’application de shopping Joko a réalisé une analyse sur les transactions bancaires de ses utilisateur·ice·s.
En synthèse :
- La progression de Shein est fulgurante. Le site passe de la 12e place en 2020 à la 3e place au deuxième trimestre 2023 ;
- Shein représente 12% des dépenses mode du 2e trimestre 2023 en France chez les moins de 45 ans, parmi les douze plus gros vendeurs ;
- Shein est en perpétuelle croissance. Son chiffre d’affaires 2022 est estimé à 23 milliards et prévu à 40 milliards en 2023, selon le Wall Street Journal ;
- La croissance de Shein est onze fois plus importante que celle des géants Zara et H&M pour les mêmes profils de client·e·s ;
- Shein a commencé par s’adresser aux très jeunes via TikTok et élargit maintenant ses cibles. La marque utilise pour cela un marketing agressif et une stratégie de “fanatisation” avec une armée d’influenceurs. Ainsi, en juin 2023, 45% des nouveaux clients de la plateforme sont des hommes dont 62% de plus de 30 ans ;
- La consommatrice type de Shein en France serait selon cette analyse une femme de plus de 30 ans ;
- Le panier moyen est de 53 euros par transaction et on comptabilise 2,8 d’achat par an pour ce profil.
Un marketing agressif qui semble anticoncurrentiel
Des stratégies de communication abusives pour inciter à la consommation
Shein dispose de divers canaux de communication à destination de son public cible : les réseaux sociaux, le site web de la marque, l’application Shein, les publicités ciblées (permises grâce à une grande captation des datas), ainsi que d’un large panel de célébrités populaires chez la jeune génération ainsi que d’influenceurs sponsorisés par la marque.
Outre la publicité, Shein utilise un large panel de stratégies de marketing problématiques : promos permanentes, ventes flash, comptes à rebours, ruptures de stock, spamming… Sur l’application, la marque va même jusqu’à échanger des “points” contre des avis et notes positives qui encouragent ensuite d’autres clientes à l’achat, points qui ont ensuite une valeur d’échange contre des avantages financiers.
Cette gamification du processus d’achat contribue à créer une addiction chez les consommateurs, et notamment chez les plus jeunes et les plus précaires, en jouant toujours sur la FOMO [Fear Of Missing Out – la peur de passer à côté de quelque chose, en l’occurrence d’une affaire] liée aussi au renouvellement permanent.
L’art de surfer sur la micro-tendance
On peut noter la place particulière des séries dans les collections de Shein. Connaissant son public cible, Shein ne cesse d’utiliser les visuels de séries bien connues chez la jeune génération afin de créer des collections autour de ces symboles.
Cette pratique instaure ainsi un lien de connivence entre la marque et son public et les collections offrent ainsi aux consommateurs la possibilité d’acquérir des vêtements aux références fédératrices.
Les grandes tailles, social washing sur fond de body positivity
Autre attrait efficace, la marque ne cesse de mettre en avant le body positive et l’amour de soi, l’épanouissement individuel par l’acceptation de soi et de son corps. Pour les jeunes consommateurs, c’est un trompe l’œil qui fonctionne, donnant l’image d’une marque au fait des problématiques sociétales actuelles et qu’elle chercherait ainsi à pallier les discriminations existantes, à donner des clés de confiance en soi à travers un nouvel achat.
C’est ce qu’on appelle du social washing.
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Shein, une double menace
Pour notre santé
Le pétrole a une place de choix parmi les matières premières de la marque, transformées à l’aide de produits chimiques considérés dangereux par l’Union Européenne qui n’est pas soumise aux mêmes réglementations que la Chine. Mais les contrôles échappent aux douanes.
Ainsi, l’ONG Greenpeace d’Hambourg en Allemagne a réalisé des tests par un laboratoire indépendant sur 47 produits commandés aléatoirement sur le site Shein. 15 % d’entre eux contenaient des produits chimiques dangereux qui enfreignent les limites réglementaires de l’UE (référentiel REACH), 10% dépassaient les limites de 100 % ou plus, 32 % à des taux très préoccupants. Les produits contenant des produits chimiques dangereux inondent ainsi les marchés européens et enfreignent les réglementations qui ne sont pas appliquées par les autorités.
Les mineur·e·s sont particulièrement concerné·e·s. Nous apportons ici un point de vigilance fondamental concernant la santé des plus jeunes, particulièrement exposés à la toxicité de ces produits : de façon directe lorsqu’iels les portent à même la peau, de façon indirecte lorsque les rejets industriels des usines Shein polluent les cours d’eau douce et les nappes phréatiques, l’air par largage massif de mono puis dioxyde de carbone, les océans par les microparticules de plastique.
Les conséquences du plastique sur la santé sont encore très largement sous-estimées, d’ores et déjà responsables d’une baisse de la fertilité et de perturbations endocriniennes, de maladies respiratoires, de processus cancérigènes.
Les microparticules sont présentes dans nos poumons et dans les placentas des femmes enceintes. La charge plastique dégagée par les vêtements en fibres synthétiques (polyester, polyester-coton et acrylique) qui finit dans les eaux usées s’élève à plus de 700 000 microparticules, par machine individuelle par foyer [Marine Biology and Ecology Research Center (MBERC) en Angleterre].
Pour le vivant
Les dommages de la fast fashion sur l’environnement sont considérables, sur tout le cycle de vie du vêtement :
Shein en bref :
- Des matières premières quasi-exclusivement issues de la pétrochimie
- Une transformation toxique des textiles
- D’énormes quantités d’énergie requises pour la production des vêtements, dans un pays au mix énergétique reposant sur les ressources fossiles (la Chine)
- Des dizaines de milliers d’envois dans le monde chaque jour
- Une pollution digitale à des fins marketing exclusives
- Des vêtements qui relarguent des particules de microplastique dans les océans
- Des vêtements jetables
- Une dégradation des produits dans l’environnement qui prendra des centaines d’années et contaminera les sols
Par ailleurs, ces vêtements de très basse qualité aux coupes peu flatteuses sont portés en moyenne 3 fois, ce qui est accru par la stratégie d’obsolescence émotionnelle utilisée par la marque. Leur qualité déplorable ne leur confère aucune valeur sur le marché de la seconde main et ne permet pas un recyclage efficace, la filière textile du recyclage étant malheureusement encore très peu mature en France et associée à de forts coûts de fonctionnement (énergétiques notamment).
Au-delà d’un enjeu commercial, la dimension géopolitique à l’expansion de SHEIN
Les importations massives des produits du e-commerce chinois dans la mode, en grande partie représentés par Shein, sont responsables d’une dégradation de la balance commerciale et d’un délitement de l’écosystème créatif dans tous les pays.
Les marques de moyenne gamme sont fortement concurrencées par ce type d’acteurs qui fait croire aux consommateurs que l’on peut acheter un t-shirt au prix d’un croissant, installant une défiance quant au prix juste. Concernant la simple considération de l’économie en France, en particulier en contexte de crise économique et énergétique, les marques de mode françaises ne peuvent rivaliser face aux prix cassés et à la politique commerciale agressive de SHEIN, qui nivelle par le bas la qualité et le respect des travailleurs du vêtement.
Contrer une entrée potentielle en bourse
Depuis quelques mois, le doute plane sur l’intention de Shein d’entrer en bourse fin 2023.
24 parlementaires américains – démocrates et républicains – ont signé une lettre à l’attention de la SEC, qui est l’agence supervisant les marchés boursiers, lundi 1er mai 2023. Ils exigent du gendarme de Wall Street une enquête indépendante sur les accusations de travail forcé des Ouïghour·e·s à l’encontre de Shein, si elle venait à être cotée à New York.
Les parlementaires considèrent qu’être coté à Wall Street “est un privilège” et que “les entreprises étrangères qui souhaitent le faire doivent démontrer leur engagement en faveur des Droits Humains dans le monde entier”. Ils écrivent : “Bien que Shein affirme que ses produits n’utilisent pas le travail forcé des Ouïghour·e·s et faire appel à des tiers pour auditer leurs installations, les experts affirment que ces types d’audits sont facilement manipulés ou falsifiés sous la pression des autorités”.
L’expansion de Shein entretient une concurrence toujours plus performante. Pour ne pas se laisser distancier par Shein, les autres marques du marché, indépendants ou détaillants internationaux, sont contraints de modifier leur mode de fonctionnement et risquent à terme d’adopter les mêmes outils.
Évasion fiscale et échappement aux contrôles douaniers
Le siège social de Shein se situe depuis 2017 dans le sud de la Chine, comme près de la majorité des fournisseurs. Le siège appartient à Zoetop Business à Hong Kong, qui gère les droits de marque du groupe Shein et ses activités de commerce en ligne dans l’UE. Zoetop Business appartient à Beauty of Fashion Investment, aux Îles Vierges britanniques, précisément réputées pour l’opacité de sa situation fiscale.
Ces dernières années, Shein a fait d’une société singapourienne sa société holding de facto, et Chris Xu, le fondateur de la marque, est également devenu un résident permanent de Singapour. Ainsi, ces mesures permettent à Shein de ne pas nécessiter l’approbation des autorités chinoises pour son introduction en bourse. En Europe, c’est grâce au système fiscal irlandais, connu pour ses avantages, que Shein se développe. Dans le cadre de son plan d’expansion en Europe, elle a commencé à fabriquer en Turquie, et s’apprête à ouvrir d’autres grandes usines dans l’Union Européenne.
Comment les Etats-Unis utilisent la loi pour se défendre
Par ailleurs, un rapport parlementaire américain accuse Shein et son concurrent Temu d’une forme d’évasion fiscale. Les marques échapperaient aux taxes d’importation, donc aux impôts et aux contrôles de conformité des produits. En bref : pour importer leurs produits sur le marché américain, Gap et H&M ont payé respectivement 700 millions de dollars et 205 millions de dollars en droits de douane en 2022. Malgré des centaines de milliers d’envois, Shein et Temu n’auraient rien payé. Une enquête parlementaire révèle que géants de l’e-commerce chinois contournent les douanes en envoyant des centaines de milliers de petits envois situés sous le seuil du tarif douanier, en vertu de la règle dite des “minima”, c’est-à-dire des colis importés d’une valeur inférieure à 800 dollars, exonérés de taxe. Grâce à leurs prix extrêmement bas, Shein et Temu seraient à eux seuls responsables d’un tiers de ces micro-envois. D’ici 2022, les deux entreprises chinoises auraient atteint 600 000 expéditions quotidiennes.
Certains textes de lois permettent d’agir indirectement contre la marque, notamment concernant la lutte contre le travail forcé sur les chaînes de valeurs internationales, les Etats-Unis ont établi une loi, le Uyghur Forced Labor Prevention Act (UFLPA), entrée en vigueur le 21/06/2022.
Le but est de renforcer l’interdiction d’importer aux États-Unis des marchandises fabriquées tout ou partie par un recours au travail forcé et mettre fin au travail forcé dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Toutes marchandises listées potentiellement en lien avec des régions du monde susceptibles d’être impliquées (XUAR/UFLPA) sont concernées. Les vêtements et les articles contenant du coton font partie des secteurs prioritaires d’application.
La loi fonctionne selon le principe de présomption d’implication réfutable, appliquée à tout produit identifié comme suspect par la douane et la protection des frontières aux États-Unis (CBP). En cas de présomption, la douane procède au gel des importations jusqu’à la démonstration sur preuve d’absence formelle de lien avec ces régions ou, le cas échéant, en l’absence de conditions de travail forcé.
Cependant, comme expliqué plus haut, les chaînes de valeurs de la marque sont intégrées et opaques, très peu tracées et difficilement.
Interdire Shein ?
Une régulation internationale semble fondamentale. Interdire la marque Shein en elle-même, de manière individuelle, n’est pas possible juridiquement et serait une porte ouverte à la concurrence. Il faut établir, dans la constitution, un “bouclier législatif” qui protège du modèle de l’ultra fast fashion.
La législation européenne sur le devoir de vigilance des entreprises a été adoptée début juin 2023. Cette mesure rend les multinationales responsables des destructions de l’environnement et des violations des droits humains sur leur chaîne de valeur. C’est un pas en avant supplémentaire sur la longue route qu’il reste à parcourir jusqu’au respect systématique des Droits humains.
Les recours aux optimisations fiscales, la dilution du principe de responsabilité, l’absence d’une traçabilité sûre sont autant d’éléments constitutifs de “la pyramide d’irresponsabilité qu’est la globalisation”.
Le but de la pétition et des actions d’un collectif contre l’ultra fast fashion
A travers une pétition, un collectif (composé de marques, citoyen·ne·s activistes, médias, politiques, et fédérations), cherche à atteindre un point de bascule, passer d’un activisme de niche à un mouvement citoyen massif afin d’accélérer le combat en attirant l’attention du Gouvernement Français, considérant que le boycott de la marque par des consommateurs averti·e·s n’est pas suffisant. A date, elle cumule plus de 250 000 signataires. La pétition a été traduite et diffusée en Allemagne et en Espagne.
Signer la pétition
Le 7 juin 2023, les porte-paroles du mouvement – Victoire Satto, Raphaël Glucksmann, l’activiste Camille Etienne et Yann Rivoallan le Président de la Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin – ont coécrit et cosigné une tribune publiée dans le média Le Monde.
Le 8 juin 2023, ils ont effectué une action médiatique devant l’espace privatisé par Shein rue Cambon dans le 1er arrondissement de Paris pour son défilé de mode.
A travers une nouvelle pétition demandant cette fois-ci un rendez-vous au Ministère pour établir un projet de loi, le collectif a réussi à interpeller le Gouvernement français et en particulier Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Victoire Satto (The Good Goods), Raphaël Glucksmann (Député Européen), Yann Rivoallan (Fédération Français du Prêt-à-Porter Féminin), ont pu expliquer, en trois temps :
- L’importance géopolitique pour la France de prendre activement part à la lutte contre l’ultra fast fashion
- Le cataclysme représenté par Shein pour l’économie française et l’industrie de la mode en particulier
- Le fonctionnement hors de contrôle de Shein et les points incompatibles avec la loi française, à date, pouvant faire l’objet d’une régulation de la marque
La conclusion de cet entretien s’est avérée plutôt satisfaisante et positive : Monsieur Le Maire a semblé très renseigné et déterminé à mobiliser ses équipes ces deux prochains mois, dont la DGCCRF, pour contraindre la marque et ses pratiques considérées anti-concurrentielles, commercialement trompeuses et potentiellement dangereuses pour la santé des citoyen·ne·s. Un second rendez-vous présidentiel est prévu en octobre 2023. Il pourra être question d’un nouveau projet de loi, s’il était requis.
Et maintenant, comment agir ?
La lutte continue. Chaque signature compte, chaque mobilisation individuelle ou collective est cruciale : partagez cette pétition, parlez-en autour de vous, diffusez-là dans vos groupes WhatsApp, vos réunions de quartiers et de travail, en famille. Partagez cet article afin de sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux sociétaux et économiques que représente l’ultra fast fashion.
10 Responses
Un jour une tribune contre l’industrie et le lendemain contre les petits ateliers…
Elle est où la cohérence ?
Interdire Shein ne sert a rien. Si la recette est connue, n importe qui pourra faire pareil
Ce qu il faut c est taxer plus les vetements par ex pour la robe a 3.99 € de l article, rajouter 10 € de taxe. comme ca le jetable sera moins attractif
PS: oui j assume le fait que les gens pauvres pourront acheter moins de cochonneries car plus cher mais au final ils seront gagnant car ils garderont leurs vetements plus longtemps
Je ne suis pas sur que les “intelligences” artificielles utilisées soient “surpuissantes” …
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Il y a bien un PDG d’une chaine de télé qui a déclaré et écrit il y a 19 ans que le but de son entreprise était de “vendre du temps de cerveau disponible”. Ca n’a absolument pas empêché cette chaine de rester en tète des audiences.(Et même d’établir quelques records d’audience)
Illisible.
De la merde dans les yeux, peut-être ?
non mais l ecriture inclusive n aide pas.
c est penible cette manie et en plus ca n apporte rien. on se doute bien ici que les clients sont des hommes et des femmes (a la limite, vu que ca doit etre 95 % de femmes comme clientes, on peut simplifier le texte et tout mettre au feminin)
C’est pénible cette manie des gens de supposer que ce que font les autres n’apporte rien… si l’écriture inclusive existe, c’est parce que beaucoup de personnes ne s’y sentent pas inclues, ce qui est normal puisque le supposé “neutre” est du masculin, et que ça a un impact réel sur la perception des lecteurices.
Et de supposer que l’ultra fast fashion touche 95%, c’est une supposition bien sexiste…
Pour continuer sur le même sujet : https://choisis-moi.fr/shein-un-scandale-planetaire/
Le Monde publie une tribune réquisitoire contre Shein mais cela ne l’empêche pas de faire passer les publicités de cette marque… Un peu de cohérence ne serait pas de trop.
Ce n’est pas vraiment de leur faute. Ils passent par une boite spécialisée dans la.pub, qui sélectionne les marques à afficher en fonction des profils. Les journalistes ne voient probablement pas les mêmes pubs que vous, s’ils en ont. Il faudrait qu’ils aillent directement se pleindre auprès de la boîte et leur demander de retirer la marque, ce qu’ils ne vont probablement pas faire. Claude Fabre a fait une vidéo à leur sujet et c’est le déni ou absence de réponse.