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La COP29 aura lieu du 11 novembre au 22 novembre prochain. Élection de Trump, engagement des Etats, greenwashing… nous avons voulu faire le point avec une diplomate et négociatrice européenne.
Quels sont les grands enjeux attendus pour la COP29 ?
Il va falloir construire un pont au-dessus d’un gouffre. Une COP, c’est une foule de décisions cruciales dans le régime onusien du climat. On y va, en théorie, pour faire adopter le maximum de textes en un temps très court. Des textes qui sont négociés depuis des mois. La COP29 doit aboutir à un stock de décisions qui permettront de continuer de faire tourner le régime climatique comme le veut l’Accord de Paris.
On dit partout que c’est la COP de la finance. C’est vrai. Mais c’est toujours la COP de la finance. Sans argent, pas de mise en œuvre de l’Accord de Paris. Là on va voir comment l’ONU atterrit sur un nouvel objectif financier, le plus réaliste, adapté, équitable et légitime possible. Évidemment, chacun a son avis sur la question. Si les délégations réussissent à trouver un accord, on aura un « nouvel objectif collectif quantifié » à partir de 2025 en faveur des pays en développement.
Ce nouvel objectif financier est un casse-tête. Qui doit payer ? Les pays émetteurs historiques ? Les grands émetteurs d’aujourd’hui et de demain ? Les banques multilatérales ? Les multinationales polluantes ? Combien ? Comment ? Ça fait des années qu’on tente de bien le calibrer. Vous voyez déjà qu’en Allemagne ou en France, les négociations budgets peuvent faire tomber des gouvernements. À la COP, c’est au moins aussi sensible, sauf qu’on est 195 pays et que les moyens sont condamnés à être en deçà de la réalité des besoins.
Un comité spécial vient de nous aider à estimer les besoins nécessaires : de 5 à 6,9 trillions de dollars pour les cinq prochaines années. Aujourd’hui on a un texte de base. On a deux semaines pour supprimer 173 crochets (les négociateurs laissent chaque sujet litigieux entre crochets, ndlr). Si on a un accord et que ces flux financiers sont effectivement délivrés, ça ira dans les dépenses de transition énergétique, d’adaptation aux conséquences du réchauffement, ou de reconstruction après les catastrophes climatiques dans les pays en développement.
La COP29 va aussi permettre de discuter des enjeux techniques qui ont des conséquences sur la vie des gens. On va travailler sur des rapports sur les politiques d’adaptation, on va travailler sur la transition juste, et sur des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Ce dernier point est la toile de fond des COP. D’ici février 2025, les pays doivent proposer de nouveaux plans de réduction d’émissions à horizon 2030 ou 2035, les contributions déterminées au niveau national (CDN).
Chaque pays est souverain et libre de fixer son objectif – c’est sur ce principe qu’on a réussi à trouver un accord lors de la COP21 en 2015. Mais là aussi, la communauté internationale doit progresser très fortement. Le rapport de référence sur les CDN vient de sortir. Il faut réduire les émissions de 43% par rapport à 2019 d’ici 2030, et les engagements actuels mènent à une réduction de 2%. Je ne vous cache pas qu’en la matière, il y a de très bons élèves, et d’autres catastrophiques. On peut attendre de cette COP qu’elle donne le la de l’ambition des CDN qui seront remises d’ici février 2025.
Comme à Dubaï lors de la COP28, que peut-on réellement attendre d’une présidence dans un pays dont l’économie dépend très largement de l’exportation des énergies fossiles ?
Il y a un malentendu sur les présidences de COP. Le grand public adore évaluer les présidences au regard de leur engagement sur le climat. Dans un monde idéal, évidemment qu’on préfère avoir des pays exemplaires en présidence de COP. Mais dans le monde des Nations unies, la présidence change chaque année de région. En 2024 c’est au tour de l’Europe de l’Est. C’est la rotation qui veut ça.
Une présidence ne prend pas de décision à la COP. C’est le rôle des 195 pays participants tous ensemble. La présidence n’est là que pour organiser les débats, selon un ordre du jour que les pays négocient, fixent, et adoptent, souvent dans la douleur. La présidence met en place les sessions et modère les débats.
Une bonne présidence est celle qui empêche d’aller au clash, qui assure que chacun a à manger, à boire et de quoi se loger décemment (c’est parfois infernal pour certaines délégations), et qui a la finesse de comprendre les rapports de force pour faire émerger le consensus entre points de vue parfois radicalisés. On va voir ce que ça donne avec la présidence de l’Azerbaïdjan.
C’est une délégation habituellement discrète. Ils ont obtenu la présidence légitimement. Mais les ONG sont effarées par leur traitement des activistes politiques. On craint aussi que les représentants de pays qui ont par ailleurs pris des positions sur le front du conflit du Haut-Karabagh, dont beaucoup d’Européens et en particulier la France, se voient traités différemment. A voir dans les faits. Personne n’ignore que c’est une économie fondée sur la ressource fossile. Mais l’accord de la COP28 sur les énergies fossiles à Dubaï montre bien qu’une présidence et son modèle économique ne sont pas des variables déterminantes du compromis final. Bonne chance pour trouver une référence à l’énergie nucléaire dans l’Accord de Paris adopté sous présidence française…
Qu’avez-vous ressenti le jour de l’élection de Donald Trump ?
On peut ironiser sur les velléités d’entrée et de sortie de l’Accord de Paris des États-Unis. Certes c’est le deuxième émetteur du monde, et le citoyen américain type est un méga-pollueur à l’échelle internationale. Mais rester dans le dispositif de l’Accord de Paris ne signifie pas que l’économie américaine se verdira par magie. L’Accord repose sur le principe de souveraineté. Chaque État propose ses propres engagements volontaires. Si Donald Trump se sent étriqué dans l’Accord de Paris, c’est soit qu’il ne l’a pas compris, soit que ça fait chic pour son électorat, soit les deux. Et les deux options sont tragiques du point de vue des conséquences. Chaque tonne de carbone émise dans l’atmosphère nous complique tous la vie. L’économie selon Trump, c’est des jobs contre du carbone. Il ne créera aucun job durable et détruira un peu plus les écosystèmes. Le problème n’est pas tant qu’il sorte de l’Accord de Paris, mais qu’il nous rapproche des 2°C.
L’horizon du régime climatique international va bien au-delà de Trump. Notre but, c’est de lui survivre et de progresser. Il faut que ça reste un épisode. Le risque c’est l’écroulement du régime par son désinvestissement. Les catastrophes viendront hélas nous rappeler l’intérêt vital de rester à bord, sous quelque forme que ce soit.
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Est-ce que l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis peut déjà avoir un impact, même s’il ne sera à la maison blanche qu’en janvier 2025 ?
D’un point de vue juridique, si l’administration Trump déclenche le mécanisme de sortie de l’Accord de Paris ou des conventions de Rio de 1992, il devrait y avoir une délégation américaine jusqu’à la COP30 au moins.
Cette délégation pourra être affaiblie, attentiste ou même saboteuse par choix. C’est une perte car la COP raisonne beaucoup en termes de pays développés / en développement. Perdre le plus massif des pays développés, c’est un problème pour parler aux BRICS et leurs alliés. Et les États-Unis avaient regagné une capacité de prescription depuis le retour voulu par Biden en 2021 – en dépit de certains freins qu’on leur a toujours connus. L’UE pourrait jouer ce rôle à la place des États-Unis, à condition d’être assise sur une coalition politique solide et fiable en son sein et autour d’elle.
Quelle chance avons-nous de voir un accord où il est demandé de réduire la production et la consommation de toutes les énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole sont inscrites)
Faible, mais le texte sur le dépassement des fossiles de la COP28 était un excellent résultat. À la COP, on négocie des signaux. Cela faisait des années qu’on n’arrivait pas à intégrer ce signal dans un texte onusien. Vous pourriez avoir tous les mécanismes de transition énergétique les efficaces et offensifs savamment égrainés dans un texte de COP, la question de la mise en œuvre derrière se posera toujours. Et celle-ci, dans le système international, reste le boulot des États, et dans les démocraties saines, aussi celui des citoyens et de leurs représentants.
Que pensez-vous des nombreux commentateurs qui disent que “les COP ne servent à rien, et servent les intérêts des exportateurs d’énergies fossiles qui viennent signer des contrats” ?
D’abord que ces contrats n’ont pas besoin des COP pour être signés – et s’ils le sont, ça n’a rien à voir avec les sessions de négociations. Certains d’ailleurs aimeraient bien arriver à mettre l’énergie à l’ordre du jour des négociations les plus formelles, mais le consensus est introuvable jusqu’ici.
Ensuite, ils se trompent sur la nature des textes internationaux, qui ne sont rien sans volonté souveraine de leurs signataires ou Parties de les mettre en œuvre. C’est pareil au Conseil de sécurité de l’ONU.
Les COP fixent des objectifs, permettent de faire des annonces qui vont y aider, et facilitent les rencontres. Les bonnes années, cela peut créer une course au mieux-disant. On reste dans le déclaratoire et on le sera toujours en COP. On a besoin de standards pour faire advenir la mise en œuvre.
Penser qu’une COP ne sert à rien, c’est penser que faire l’autruche résout une crise de couple, ou qu’éviter ses voisins d’immeubles va permettre de réparer l’ascenseur. Il faut se parler, encore et encore, même avec les voisins les plus pénibles ou son ou sa partenaire difficile.
Selon France Info, Emmanuel Macron ne participera pas à la COP29, une “première” depuis l’Accord de Paris. Au-delà des raisons géopolitiques invoquées, quelle incidence cela peut avoir ?
Ça n’est pas la première fois qu’un Président de la République français ne se rend pas à une COP depuis 2015. C’était arrivé en 2018 et en 2019. Certaines COP sont plus décisives que d’autres. La COP26 en 2021 et la COP28 en 2023 en étaient. Je ne sais pas ce qui pousse le Président français à ne pas s’y rendre cette fois-ci. Mais je préfère 100 fois que le Parlement français adopte des politiques de réduction d’émission ou d’adaptation solides et fiables plutôt qu’un passage de Président à la COP29.
8 Responses
Comme Michel, je m’interroge sur l’identité de la personne qui a répondu à l’entretien.
Remettre les choses à leur place du point de vue organisationnel, ne devrait pas empêcher de prendre en considération que les rassemblements internationaux ont aussi une valeur symbolique. Confier à un pays où la liberté est bafouée, alliée à la Russie qui cherche à déstabiliser l’Europe centrale et plus si possible, dont l’économie repose justement sur une industrie extractive responsable pour une bonne part du réchauffement climatique n’est pas le simple jeu d’une règle de responsabilité tournante. C’est une sorte de légitimation d’un régime dictatorial. Bien sûr les négociateurs ont intérêt à nous faire croire qu’il sort quelque chose de leur action. Mais on sait que les affichages d’intention des COP ne sont guère suivis d’effets, notamment ceux qui concernent les financements et les transferts vers les pays pauvres qui prennent de plein fouet les conséquences de l’incurie des pays riches. Il faut cesser de se mettre la tête dans le sable.
Agnès sur le faux plan de l assurance retraite bon plan des libérés où elle même n est pas crédibles de ce qu elle touche comme Barnier psychologiques manipulation perverses pour toucher une assurance retraite ce dont on pourrait appelé Villepinte comme l ancienne ville où juifs comme autre mourait de tromperies. D ou le nom Trump?trompe Mélanie de vrai nom?un vrai scandale politique au dessus de votre imagination.
Heu… vous parlez quelle langue ?… je ne comprends rien.
Comme Michel, je m’interroge sur la personne qui parle ici. Remettre les choses à leur place du point de vue organisationnel, ne devrait pas empêcher de prendre en considération les symboles. On sait la puissance des symboles en politique. Que l’Azerbaïdjan ne soit que l’organisateur ne veut pas dire qu’il ne tire pas une certaine légitimité de ce sommet. Et ce pays est non seulement un des producteurs de pétrole réfractaires à toute politique environnementale, mais il est gouverné par un dictateur brutal allié à un autre dictateur brutal. Quelle que soit la valeur du travail fourni à ce sommet – j’ai comme un doute car les engagements sont rarement suivis d’effets – il restera dans l’histoire comme une victoire symbolique pour Ilham Aliyev.
“Un comité spécial vient de nous aider à estimer les besoins nécessaires : de 5 à 6,9 trillions de dollars pour les cinq prochaines années”.
Attention à la traduction, en anglais “a trillion” c’est “un billion” en français, soit 1000 milliards. Clairement, il faut lire ici “de 5 à 6,9 billions de dollars”. Quelques ordres de grandeur : le PIB annuel de la France c’est 3 billions, le PIB du monde c’est 100 billions. Le trillion français c’est un milliard de milliard, ça n’existe pas (c’est ce que le monde entier produit en 10 000 ans).
Mon conseil : 1) utilisez uniquement les milliards 2) si vous utilisez “trillion” en français il y 99% de chance pour que vous soyez en train d’écrire une bêtise.
5 à 6,9 “trillions” de dollars en français sur 5 ans, c’est 5 à 6,9 milliards de milliards… Sachant que le PIB mondial (annuel), c’est environ 100 000 milliards de dollars, ces chiffres sont intrigants.
Bonjour BonPote
Qui est cette “diplomate et négociatrice européenne” ?
Sinon, c’est une belleune belle analyse
Une personne qui doit garder l’anonymat ! 😉