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Propos 5 : Paradoxe de Jevons et effet rebond

Publication :
Paradoxe de Jevons
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Avez-vous déjà entendu parler du paradoxe de Jevons et de son petit frère, l’effet rebond ?

Après m’être attaqué au greenwashing et à la neutralité carbone, il est grand temps de s’attaquer au 3ème élève du triptyque ‘je change rien, pas besoin !’

Ainsi, je vous présente ‘l’efficacité énergétique‘. Plus subtile, plus fourbe que les deux premiers, mais terriblement efficace et très utilisée par nos pollueurs favoris. Pourtant, et ce message s’adresse avant tout aux apprentis Bill Gates : vous ne pouvez pas être crédibles si vous ne connaissez pas le Paradoxe de Jevons et les risques d’effet rebond.

Qu’est-ce que le paradoxe de Jevons ?

William Stanley Jevons est devenu célèbre grâce à un essai publié en 1865 intitulé The Coal question. Célèbre car le paradoxe de Jevons est de plus en plus cité dans les débats économiques, bien que son intérêt ait été très faible pendant une centaine d’année. Ce sont entre autres les deux chocs pétroliers successifs qui l’ont remis un peu plus sur le devant de la scène. Le concept du paradoxe de Jevons est très simple :

Le graphique ci-dessus permet d’illustrer le paradoxe de Jevons. Il montre le coût d’une unité de lumière artificielle (une heure d’éclairage équivalente à une ampoule à incandescence moderne de 100 watts) en Angleterre au cours des 700 dernières années. L’unité monétaire est le Pound, ajusté pour tenir compte de l’inflation. La baisse spectaculaire des coûts reflète une augmentation tout aussi spectaculaire de l’efficacité.

Ajusté de l’inflation, l’éclairage au Royaume-Uni était plus de 100 fois plus abordable en 2000 qu’en 1900 et 3 000 fois plus qu’en 1800.

Autrement dit, parce que les centrales électriques sont devenues plus efficaces (menant donc à une électricité moins chère), et parce que les nouvelles technologies d’éclairage sont devenues plus efficaces et produisent plus de lumière utilisable par unité d’énergie, une heure de salaire pour le travailleur moyen achète aujourd’hui environ 100 fois plus de lumière artificielle qu’il y a un siècle et 3 000 fois plus qu’il y a deux siècles.

Efficacité énergétique et paradoxe de Jevons

Toute cette efficacité signifie-t-elle que les Anglais consomment moins d’énergie pour l’éclairage ? Absolument pas. La baisse des coûts a entraîné une augmentation considérable de la demande et de l’utilisation. Par exemple, le résident moyen du Royaume-Uni en 2000 a consommé 75 fois plus de lumière artificielle que son ancêtre en 1900 et plus de 6 000 fois plus qu’en 1800.. Une grande partie de cette augmentation s’est faite sous forme d’éclairage extérieur des rues et des bâtiments.

Nous sommes donc en plein paradoxe de Jevons : les fortes augmentations de l’efficacité ont entraîné de fortes réductions des coûts et de fortes augmentations de la demande d’éclairage et de la consommation d’énergie.

En outre, le discours sur l’efficacité énergétique joue depuis de nombreuses années un rôle important dans notre société et notre économie : il permet la croissance. L’idée d’efficacité permet à la plupart des gens de croire que nous pouvons doubler ou quadrupler la taille de l’économie mondiale tout en réduisant la consommation d’énergie, la production de déchets et l’épuisement des ressources. L’efficacité énergétique est l’un des mythes les plus importants de notre civilisation en matière de bullshit.

Le concept d’efficacité (repris par ailleurs dans l’article 4 de l’Accord de Paris) sans limite a été déployé pour donner le feu vert au projet de croissance sans fin, si cher à nos politiques.

Origines des réductions d’émissions de CO₂ liées à l’énergie dans le scénario « développement durable » de l’AIE, vis-à-vis d’un scénario intégrant toutes les politiques publiques déclarées
Origines des réductions d’émissions de CO₂ liées à l’énergie dans le scénario « développement durable » de l’AIE, vis-à-vis d’un scénario intégrant toutes les politiques publiques déclarées
Source : Victor Court

Et l’effet rebond ?

Le paradoxe de Jevons est très souvent exprimé dans la presse par son petit frère, l’effet rebond. Le principe est sensiblement le même. Voici une définition donnée par F. Schneider, 2003 : « augmentation de consommation liée à la réduction des limites à l’utilisation d’une technologie, ces limites pouvant être monétaires, temporelles, sociales, physiques, liées à l’effort, au danger, à l’organisation…»

Prenons l’exemple d’une voiture. Elle utilisait 17 litres au 100, et utilise désormais 10 litres au 100. Cela va coûter moins cher de parcourir la même distance, et demander moins de litres d’essence. En revanche, fort de son économie, le conducteur aura tendance à plus conduire et à rallonger les distances parcourues, créant ainsi un effet rebond dans la demande d’essence.

Illustration de l'effet rebond et de la consommation d'énergie finale
Source : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221462962100075X

Il y a bien une différence entre le paradoxe de Jevons et l’effet rebond : le paradoxe de Jevons est vrai quand l’effet rebond est supérieur à 100%, dépassant ainsi l’efficacité énergétique des gains. Blake Alcott.

PS2 : dans son ouvrage, Jevons ne parle pas une seule fois d’effet rebond. Son propos diffère légèrement : « tout ce qui conduit à augmenter l’efficacité du charbon et à diminuer le coût de son usage, a directement tendance à augmenter la valeur du moteur à vapeur et à élargir le champ de son utilisation. »

Effet rebond direct et indirect

Comment distinguer l’effet rebond direct du rebond indirect ?

Prenons l’exemple de notre ami qui surfe sur internet : le fait de passer de sa connexion de 1 à 10 MO/download fera qu’il passera 10 fois moins de temps à télécharger sa chanson d’Aya Nakamura. En revanche, le temps gagné sera réinvesti dans la même activité : au lieu de télécharger une chanson, il en téléchargera 10. Résultat : même consommation énergétique, même émissions de GES (et 10 fois plus de pollution auditive, parce qu’Aya Nakamura…).

Les effets indirects sont beaucoup plus difficiles à calculer et à estimer. Imaginons qu’un fournisseur internet innove et trouve le moyen de vous vendre un forfait internet non plus à 30€/mois, mais à 10€. Ces 20€ économisés seront très certainement réinvestis ailleurs. Vous le voyez venir, le Michou qui a économisé 300€ d’internet, et qui va pouvoir se payer un aller-retour Paris-Valence pour le week-end ?

Voici un autre exemple avec une voiture plus économe en carburant illustré dans la figure ci-dessous, avec des exemples de voies directes et indirectes qui peuvent conduire à une augmentation de la consommation d’énergie :

illustration de l'effet rebond direct et l'effet rebond indirect via l'utilisation d'une voiture. Si une voiture est plus économe, il est alors possible de plus l'utiliser, ou d'utiliser les gains d'énergies (et d'argent) ailleurs
Source : https://www.energysufficiency.org/static/media/uploads/site-8/library/papers/sufficiency-rebound-final_formatted_181118.pdf

Les points clefs à retenir sur l’effet rebond :

  • l’effet rebond est multifactoriel et des mesures prises dans un pays (ou une innovation technologique) n’auront pas forcément les mêmes effets et conséquences dans un autre.
  • Le concept est simple à comprendre, beaucoup plus dur à démontrer avec des chiffres, surtout quand les effets sont indirects. Brockway et Sorrell, dans leur papier de mai 2021 “Energy efficiency and economy-wide rebound effects“, estiment que l’effet rebond peut tout de même potentiellement représenter plus de 50% de l’amélioration énergétique.
  • Ces effets rebonds ne sont pas suffisamment pris en compte dans les modèles énergétiques et climatiques mondiaux utilisés par des organisations telles que le GIEC et l’AIE, ce qui signifie qu’ils peuvent sous-estimer la croissance future de la demande énergétique mondiale (rappel : le GIEC n’a pas ses propres modèles).
  • Certains économistes jouent d’ailleurs sur cela : ‘oh ce n’est pas dans un modèle mathématique, c’est pas chiffré, donc ça n’existe pas !”. Cela fait bien sûr écho au discours numéro 8 de l’inaction climatique. C’est pourtant désormais le cas, avec des méta-analyses comprenant des modèles différents. Si vous souhaitez creuser des cas plus spécifiques c’est ici, ici, ou ici.
  • Son aspect politique n’est jamais abordé. Il accompagne systématiquement les économies qui ont pour but premier la croissance du PIB, et la communication sur ce dernier est volontairement occultée.

Efficacité énergétique : Postulat de Khazzoom- Brookes

Comme le paradoxe de Jevons, le postulat de Khazzoom-Brookes est une déduction contre-intuitive à propos de l’efficacité. Quand les individus changent de comportement et commencent à utiliser des méthodes et appareils qui sont plus efficaces énergétiquement, il y a des cas où la consommation énergétique augmente vraiment au niveau macro-économique.

Une meilleure efficacité énergétique peut augmenter la consommation d’énergie de trois manières :

  • Premièrement, une meilleure efficacité rend l’utilisation de l’énergie relativement meilleur marché.
  • Deuxièmement, une meilleure efficacité induit une augmentation de la croissance.
  • Troisièmement, une meilleure efficacité dans un « goulet d’étrangement » multiplie l’utilisation de toutes les technologies, produits et services qui étaient limités.

Les travaux de Khaazoom et Brookes commencèrent après les crises pétrolières de l’OPEP en 1973 et 1979, lorsque la demande pour des automobiles à plus faible consommation commença à augmenter. Bien qu’une meilleure efficacité énergétique par véhicule fut obtenue, la consommation globale continua à augmenter. Certains économistes adorent dire qu’il n’y a aucune causalité entre dépense d’énergies fossiles et taux de croissance du PIB, mais nous pouvons tout de même avoir quelques doutes :

Pour en savoir plus sur le postulat Khazzoom-Brookes, cette vidéo avec le chercheur français Flipo est très intéressante.

Illusion de la Backstop technology

Enfin, un dernier point sur un élément de langage qui fait encore bien trop partie du vocabulaire du déni face au changement climatique. Beaucoup de personnes pensent encore que nous allons découvrir une technologie parfaitement propre, qui nous permettra d’avoir une énergie illimitée, et de continuer notre train de vie (écocide). Cette technologie propre, c’est ce que Nordhaus appelle la backstop technology. Cette fameuse technologie salvatrice qui va tous nous sauver.

J’ai une mauvaise nouvelle pour vous : nous n’avons pas l’ombre d’une trouvaille de ce côté-là. Si un ami vous dit que la fusion nucléaire c’est pour demain… Visiblement, les plus optimistes tablent sur des débuts d’expérimentation début 2040. Donc cela sera fonctionnel en… 2050 ? En attendant, nous sommes en 2020, et les scientifiques ne savent toujours quels matériaux vont permettre de contenir la fusion sur le long terme.

Le paradoxe de Jevons et l’effet rebond enseignés à l’école ?

Au même titre que d’autres ouvrages, comme The Limits to Growth, ou encore De la démocratie en Amérique, je ne peux que vous recommander de lire ‘The Coal question’ de Jevons. Son livre est bien plus que les 5 phrases auxquelles on se réfère lorsque l’on parle du paradoxe de Jevons. Il y évoque la souveraineté énergétique, les vagues migratoires de population dues à l’énergie, la consommation et la fin de l’abondance énergétique. Ces questions sont plus que jamais d’actualité.

J’insiste à nouveau sur la nécessité de repenser notre consommation, et d’avoir en tête le paradoxe de Jevons lorsqu’une personne vous parlera d’efficacité énergétique. l’idée n’est pas de remettre en cause l’importance de l’amélioration de l’efficacité énergétique, car elle peut apporter de multiples avantages économiques en plus des économies d’énergie réelles.

Cependant, pour toutes les limites soulignées ci-dessous, nous pouvons tout à fait être préoccupés par le fait que l’effet rebond (et/ou le paradoxe de Jevons) soit trop souvent occulté.

J’ai eu le plaisir de débattre avec des ingénieurs du secteur automobile, de l’aviation, et ils ne connaissaient pas ce paradoxe. C’est à la fois triste, mais aussi une bonne nouvelle ! Je souhaite que chaque ingénieur, chaque créateur ait en tête les conséquences sociales et environnementales que peut avoir son travail, et rectifie le tir, pendant qu’il est encore temps.

POUR ALLER PLUS LOIN

Envie de creuser le sujet ? Cet article pourrait vous intéresser !

14 Responses

  1. Félicitation pour les articles, c’est du travail de pro.
    J’ai cependant une interrogation sur le paradoxe de Jevons et l’effet rebond.
    Nous savons tous qu’il faut améliorer par exemple l’efficacité énergétique des bâtiments qui sont pour la majorité des passoires thermiques.
    Hors en applicant les 2 “théorèmes” de l’article ça laisse à penser que c’est inutile car si l’économie financière de l’économie d’énergie est gaspillée en d’autres usages carbonés, on aura usé de ressources pour surisolé pour rien.
    Dans mon cas personnel, je réalise une maison autonome en énergie et passive (réel passif sans chauffage), l’économie que je vais accumuler je vais la réorienter pour réduire ma dépendance énergétique et donc ma consommation de C02.
    La “martingale” pour sortir du paradoxe de Jevons et de l’effet rebond est en réalité l’éducation et la prise de conscience des 2 effets, sinon à quoi bon tirer sur le frein à main si on appui sur l’accélérateur… On oublie tous quelle chance nous avons d’avoir de la lumière, de l’eau courante, de l’eau chaude, un logis confortable, comprendre comment tout ceci est possible est je pense une bonne piste d’amorçage vers une prise de conscience collective et générale.

  2. Pas étonnant que l’impact de l’effet rebond soit négligé dans les projections du GIEC, de l’AIE, de la SNBC & Co. Il faut poser la simplification que tout le monde consommera en MWh fixe. Sans cette hypothèse de sobriété (i) dans le scénario où notre mix énergétique reste partiellement carboné, aucun des modèles d’émissions de GHG n’est fiable, (ii) dans un scénario où notre mix énergétique est 100% décarboné, impossible de prévoir la gravité des menaces identifiées sur l’électrification. En cherchant bien on trouverait d’autres dynamiques de consommation qui ne sont pas reflétées dans ces modèles (même si on admet que tout le monde commence à consommer “vert”: quid d’un effet “marché noir du carbone”? d’une “sur-consommation des produits bas-carbone”?. Blague à part, si on admet que c’est compliqué d’espérer que tout le monde se comportera de façon éthique: qui saura faire une analyse des risques liés aux dynamiques de consommation qui n’ont pas encore été prises en compte dans nos projections? challenge accepted?)

    PS: ici j’ai fait un Ctrl+F “sobriété” dans le PDF de la SNBC et j’ai trouvé 19 occurrences, toutes qualitatives “Sobriété énergétique : réduction de la consommation d’énergie par des changements d’ordre comportemental”. Je suis d’accord avec eux, c’est une question d’ordre culturel, mais enfin on sent que c’est chaud de demander ça aux gens.

    Une fois cette hypothèse levée (comme tu le dis bien dans ta réponse à l’Excuse 3, on ne peut pas faire confiance qu’aux individus), il me semble raisonnable de dire que cet effet rebond ne sera pas non plus bridé par les entreprises. Dans un univers où nous continuons à cultiver l’efficacité énergétique comme une solution (ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, sauf si j’ai mal compris l’essence de ton article?) le seul levier d’action qu’il reste, c’est un levier réglementaire. Il faudrait déduire de ces modèles une enveloppe de consommation par habitant au cours de sa vie (comme a tenté de le faire Jancovici, de mémoire, à la louche, dans ses cours aux mines – ça donnait quelque chose comme un aller-retour en avion à NYC par personne et par vie), en fonction du mix et de l’efficacité énergétique. On s’embarque donc sur des questions hautement anti-démocratiques sur l’allocation de ces enveloppes, et surtout la légitimité d’un tel cadre régulatoire (et on retombe sur ton Excuse 2*).

    A moins de tomber dans une dictature écologique, c’est donc bien un combat démocratique qui s’engage, entre une population de CSP+ “éclairée” plébiscitant des mesures d’incitation à la sobriété économique, pourtant responsable de la majorité des émissions si l’on en croit ton graphique (Excuse 12), et le reste de la population. C’est aussi un véritable challenge géopolitique puisque nous devons convaincre nos consommateurs de lutter contre des émissions de GHG qui ont été exportées avec la désindustrialisation (Excuse 4**). “Good fucking luck !”. Encore heureux que tu soulignes que nous avons le temps dans ton article sur l’inertie climatique, car c’est précisément de cela dont nous avons besoin. J’aimerais bien voir des analyses plus ciblées sur ce paradoxe de la démocratie que la crise climatique met en lumière: en fin de compte, face à une menace échappant à notre perception directe (eg. la faim, le froid, la maladie) on dirait que ce n’est pas le système permettant le meilleur équilibre des intérêts individuels.

    *Si je peux me permettre concernant ton Excuse 2. C’est vrai que l’espèce humaine n’est pas fondamentalement destructrice, comme toute espèce animale, mais le challenge ici c’est de solliciter, plus qu’un instinct de survie collectif, l’occurrence de la pensée, puisque nous ne pouvons pas percevoir l’impact du changement climatique. Je ne vois pas dans notre histoire d’exemple où l’on a pu sensibiliser des gens à un problème qui n’était pas vraiment le leur. Du coup, merci pour ton initiative.

    **Concernant ton Excuse 4, le whataboutisme. Vrai, l’emprunte carbone de chacun doit être lue en regard des importations de CO2 liées à sa consommation. Faux, en revanche, que ce problème peut se gérer à l’échelle individuelle, notamment sur la question touchy de la production asiatique destinée pour [moitié? 30%? Je ne retrouve plus le chiffre] au commerce extérieur. Encore une fois c’est un cadre réglementaire (comme les taxes carbones sur l’acier qui sont à l’étude) qu’il nous faut, et le problème est le même (quel lobby défendra un appareil productif plus cher à la commission??), mâtiné d’un réel enjeu géopolitique (pour la production que nous n’arrivons pas à relocaliser, je doute que “l’exemplarité” des pays autrefois qualifiés “d’industrialisés” soit un réel moteur pour les pays émergeants autrefois qualifiés “d’ateliers du monde”). J’aimerais bien voir, aussi, des analyses claires sur la meilleure façon de traiter ce risque.

  3. Très bon article qui vulgarise bien le concept de l’effet rebond.
    Je précise que ce n’est pas la seule limite au mythe de l’efficacité énergétique: je vois souvent des objectifs ou target d’efficacité énergétique en contradiction même avec les lois de la physique.
    Pour donner un exemple très bête, si on brûle 1 MWh de gaz naturel, on ne pourra JAMAIS obtenir 1.5 MWh d’électricité en le brûlant, même avec toute la technologie du monde, c’est évident. Le point intéressant est que la réglementation européenne, prenons l’industrie par exemple, prévoit souvent une amélioration progressive de l’efficacité énergétique dans le temps (exemple -2%/an) qui va au delà de ce qui est possible physiquement. Cela permet de conserver sur le papier une croissance de l’activité et de diminuer la consommation associée.
    A noter que ce n’est pas forcément un aveuglement volontaire mais souvent une méconnaissance technique des décideurs sur le sujet.

  4. Est-il pour autant vain d’essayer d’améliorer les rendement de l’ensemble des systèmes qui consomment de l’énergie, et les transports en particulier ? Si j’ai bien compris, le paradoxe de Jevons s’explique surtout par le coût de l’énergie et la loi de l’offre et de la demande. Si on casse la cette loi, par exemple au travers de certaines régulations, ne devient-il pas intéressant d’avoir sous la main des technologie plus efficaces ?
    Si les régulations freinent l’élasticité prix-volume, alors on devrait pouvoir espérer que l’amélioration des rendements permettent de baisser la consommation totale d’énergie.
    Je suis bien d’accord en revanche qu’il faut lutter contre la croyance que l’efficacité énergétique seule nous sauvera. Mais vu l’urgence du problème, est-ce qu’il ne faut pas actionner tous les leviers en même temps ?

    1. Hello Hugo,

      Je te confirme que nous aurons besoin d’actionner tous les leviers ! La régulation pour commencer. Nous aurons besoin d’innovations technologiques également, sans aucun doute. J’appuye surtout sur la sobriété car la plupart des gens n’ont toujours pas compris que c’était une nécessité (cf nos politiques et de nombreuses personnes que j’interpelle sur twitter).

    2. Dans un systeme croissantiste, l’efficacite se retrouve en effet au service de la croissance, c’est d’ailleurs un peu sa raison d’etre. On cherche l’effet rebond pour produire de la croissance economique.

      L’efficacite peut etre benefique quand dans un cadre de raisonnement par budget. Dans ce cas, avec un budget fixe, l’efficacite permet soit de rendre plus de service a empreinte globale egale (le budget de depart) soit pour le meme service de diminuer le budget.

  5. Très intéressant, merci à vous Bon Pote.

    Sur la forme cependant, je me permets de vous déconseiller vigoureusement les commentaires qui visent, à la louche, une certaine population, ce qui n’apporte pas grand chose à votre explication (de l’humour ?) mais donne un arrière-goût amer à la lecture.

    Ce n’est peut-être pas très conscient – et peu importe vos intentions en la matière, il ne s’agit pas de juger votre âme – mais en choisissant d’illustrer un comportement que vous condamnez, puis en dépréciant la qualité de ce qu’elle produit, la chanteuse Aya Nakamura ; ou encore en dessinant le profil stupidement coupable d’un certain “Michou qui fait son voyage à Marrakech pour 300 euros d’économisés” ; vous laissez selon moi paraître un mépris de classe, d’âge, si ce n’est pire – vous êtes seul à le savoir – au lieu d’un point de vue sociologique qui serait à la hauteur de vos sources en matière d’énergie, d’économie et d’écologie.

    Rendez donc service à votre travail d’information et de synthèse, à votre militantisme, et adressez-vous à toutes et tous, ne faites pas l’erreur de laisser des lecteurs sur le chemin pour avoir cédé à une facilité, et de considérer par défaut que votre cause n’intéresse qu’une certaine élite culturelle. C’est un terrain très glissant qu’il vaut peut-être mieux laisser à la section “humour”, qui a au moins le mérite d’être claire (nous n’avons pas du tout le même, ce qui ne m’empêche pas d’apprécier le restant de votre travail).

    En espérant sincèrement avoir eu votre oreille, à vous relire.

    1. Votre commentaire est pertinent et vous avez très certainement raison. j’ajuste mes textes petits à petits, apprends de mes erreurs.
      Si vous lisez d’autres textes vous vous rendrez bien compte que je n’ai absolument pas l’idée de faire du mépris de classe, j’ai plus l’habitude de faire l’auto flagellation, préférant me tapant dessus que sur les autres.
      Pour l’humour, cela est toujours subjectif, et je ne pourrai plaire à tout le monde. J’ai cependant l’intime conviction que l’humour aidera à faire passer certains messages, surtout sur le climat, sujet difficile où j’essaye d’apporter de la légèreté. Au plaisir d’échanger !

      1. J’ai eu la même réaction à la lecture du passage sur Aya Nakamura. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un clin d’œil complice à celleux qui n’aiment pas sa musique mais comme c’est une cible un peu facile ça dessert franchement le propos en laissant effectivement transparaître un certain mépris. C’est dommage car l’article (et le sujet) est intéressant !

  6. C’est l’évidence même,
    Plus c’est disponible, plus on prend, plus on est nombreux, plus il en faut jusqu’à qu’on ne se rende plus compte que ce n’est pas un dû et que de le prendre n’est pas nécessairement un droit inaliénable.
    Personnellement, il y a longtemps que je suis tombée sur le constat “seul l’abus tue”

    bel article 🙂

  7. Pour la fusion je serai ravi de clarifier 2-3 points- etant chercheur dans le domaine et un des experts dans le domaine des matériaux

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Auteur
Thomas Wagner
Prendra sa retraite quand le réchauffement climatique sera de l’histoire ancienne

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  1. Félicitation pour les articles, c’est du travail de pro.
    J’ai cependant une interrogation sur le paradoxe de Jevons et l’effet rebond.
    Nous savons tous qu’il faut améliorer par exemple l’efficacité énergétique des bâtiments qui sont pour la majorité des passoires thermiques.
    Hors en applicant les 2 “théorèmes” de l’article ça laisse à penser que c’est inutile car si l’économie financière de l’économie d’énergie est gaspillée en d’autres usages carbonés, on aura usé de ressources pour surisolé pour rien.
    Dans mon cas personnel, je réalise une maison autonome en énergie et passive (réel passif sans chauffage), l’économie que je vais accumuler je vais la réorienter pour réduire ma dépendance énergétique et donc ma consommation de C02.
    La “martingale” pour sortir du paradoxe de Jevons et de l’effet rebond est en réalité l’éducation et la prise de conscience des 2 effets, sinon à quoi bon tirer sur le frein à main si on appui sur l’accélérateur… On oublie tous quelle chance nous avons d’avoir de la lumière, de l’eau courante, de l’eau chaude, un logis confortable, comprendre comment tout ceci est possible est je pense une bonne piste d’amorçage vers une prise de conscience collective et générale.

  2. Pas étonnant que l’impact de l’effet rebond soit négligé dans les projections du GIEC, de l’AIE, de la SNBC & Co. Il faut poser la simplification que tout le monde consommera en MWh fixe. Sans cette hypothèse de sobriété (i) dans le scénario où notre mix énergétique reste partiellement carboné, aucun des modèles d’émissions de GHG n’est fiable, (ii) dans un scénario où notre mix énergétique est 100% décarboné, impossible de prévoir la gravité des menaces identifiées sur l’électrification. En cherchant bien on trouverait d’autres dynamiques de consommation qui ne sont pas reflétées dans ces modèles (même si on admet que tout le monde commence à consommer “vert”: quid d’un effet “marché noir du carbone”? d’une “sur-consommation des produits bas-carbone”?. Blague à part, si on admet que c’est compliqué d’espérer que tout le monde se comportera de façon éthique: qui saura faire une analyse des risques liés aux dynamiques de consommation qui n’ont pas encore été prises en compte dans nos projections? challenge accepted?)

    PS: ici j’ai fait un Ctrl+F “sobriété” dans le PDF de la SNBC et j’ai trouvé 19 occurrences, toutes qualitatives “Sobriété énergétique : réduction de la consommation d’énergie par des changements d’ordre comportemental”. Je suis d’accord avec eux, c’est une question d’ordre culturel, mais enfin on sent que c’est chaud de demander ça aux gens.

    Une fois cette hypothèse levée (comme tu le dis bien dans ta réponse à l’Excuse 3, on ne peut pas faire confiance qu’aux individus), il me semble raisonnable de dire que cet effet rebond ne sera pas non plus bridé par les entreprises. Dans un univers où nous continuons à cultiver l’efficacité énergétique comme une solution (ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, sauf si j’ai mal compris l’essence de ton article?) le seul levier d’action qu’il reste, c’est un levier réglementaire. Il faudrait déduire de ces modèles une enveloppe de consommation par habitant au cours de sa vie (comme a tenté de le faire Jancovici, de mémoire, à la louche, dans ses cours aux mines – ça donnait quelque chose comme un aller-retour en avion à NYC par personne et par vie), en fonction du mix et de l’efficacité énergétique. On s’embarque donc sur des questions hautement anti-démocratiques sur l’allocation de ces enveloppes, et surtout la légitimité d’un tel cadre régulatoire (et on retombe sur ton Excuse 2*).

    A moins de tomber dans une dictature écologique, c’est donc bien un combat démocratique qui s’engage, entre une population de CSP+ “éclairée” plébiscitant des mesures d’incitation à la sobriété économique, pourtant responsable de la majorité des émissions si l’on en croit ton graphique (Excuse 12), et le reste de la population. C’est aussi un véritable challenge géopolitique puisque nous devons convaincre nos consommateurs de lutter contre des émissions de GHG qui ont été exportées avec la désindustrialisation (Excuse 4**). “Good fucking luck !”. Encore heureux que tu soulignes que nous avons le temps dans ton article sur l’inertie climatique, car c’est précisément de cela dont nous avons besoin. J’aimerais bien voir des analyses plus ciblées sur ce paradoxe de la démocratie que la crise climatique met en lumière: en fin de compte, face à une menace échappant à notre perception directe (eg. la faim, le froid, la maladie) on dirait que ce n’est pas le système permettant le meilleur équilibre des intérêts individuels.

    *Si je peux me permettre concernant ton Excuse 2. C’est vrai que l’espèce humaine n’est pas fondamentalement destructrice, comme toute espèce animale, mais le challenge ici c’est de solliciter, plus qu’un instinct de survie collectif, l’occurrence de la pensée, puisque nous ne pouvons pas percevoir l’impact du changement climatique. Je ne vois pas dans notre histoire d’exemple où l’on a pu sensibiliser des gens à un problème qui n’était pas vraiment le leur. Du coup, merci pour ton initiative.

    **Concernant ton Excuse 4, le whataboutisme. Vrai, l’emprunte carbone de chacun doit être lue en regard des importations de CO2 liées à sa consommation. Faux, en revanche, que ce problème peut se gérer à l’échelle individuelle, notamment sur la question touchy de la production asiatique destinée pour [moitié? 30%? Je ne retrouve plus le chiffre] au commerce extérieur. Encore une fois c’est un cadre réglementaire (comme les taxes carbones sur l’acier qui sont à l’étude) qu’il nous faut, et le problème est le même (quel lobby défendra un appareil productif plus cher à la commission??), mâtiné d’un réel enjeu géopolitique (pour la production que nous n’arrivons pas à relocaliser, je doute que “l’exemplarité” des pays autrefois qualifiés “d’industrialisés” soit un réel moteur pour les pays émergeants autrefois qualifiés “d’ateliers du monde”). J’aimerais bien voir, aussi, des analyses claires sur la meilleure façon de traiter ce risque.

  3. Très bon article qui vulgarise bien le concept de l’effet rebond.
    Je précise que ce n’est pas la seule limite au mythe de l’efficacité énergétique: je vois souvent des objectifs ou target d’efficacité énergétique en contradiction même avec les lois de la physique.
    Pour donner un exemple très bête, si on brûle 1 MWh de gaz naturel, on ne pourra JAMAIS obtenir 1.5 MWh d’électricité en le brûlant, même avec toute la technologie du monde, c’est évident. Le point intéressant est que la réglementation européenne, prenons l’industrie par exemple, prévoit souvent une amélioration progressive de l’efficacité énergétique dans le temps (exemple -2%/an) qui va au delà de ce qui est possible physiquement. Cela permet de conserver sur le papier une croissance de l’activité et de diminuer la consommation associée.
    A noter que ce n’est pas forcément un aveuglement volontaire mais souvent une méconnaissance technique des décideurs sur le sujet.

  4. Est-il pour autant vain d’essayer d’améliorer les rendement de l’ensemble des systèmes qui consomment de l’énergie, et les transports en particulier ? Si j’ai bien compris, le paradoxe de Jevons s’explique surtout par le coût de l’énergie et la loi de l’offre et de la demande. Si on casse la cette loi, par exemple au travers de certaines régulations, ne devient-il pas intéressant d’avoir sous la main des technologie plus efficaces ?
    Si les régulations freinent l’élasticité prix-volume, alors on devrait pouvoir espérer que l’amélioration des rendements permettent de baisser la consommation totale d’énergie.
    Je suis bien d’accord en revanche qu’il faut lutter contre la croyance que l’efficacité énergétique seule nous sauvera. Mais vu l’urgence du problème, est-ce qu’il ne faut pas actionner tous les leviers en même temps ?

    1. Hello Hugo,

      Je te confirme que nous aurons besoin d’actionner tous les leviers ! La régulation pour commencer. Nous aurons besoin d’innovations technologiques également, sans aucun doute. J’appuye surtout sur la sobriété car la plupart des gens n’ont toujours pas compris que c’était une nécessité (cf nos politiques et de nombreuses personnes que j’interpelle sur twitter).

    2. Dans un systeme croissantiste, l’efficacite se retrouve en effet au service de la croissance, c’est d’ailleurs un peu sa raison d’etre. On cherche l’effet rebond pour produire de la croissance economique.

      L’efficacite peut etre benefique quand dans un cadre de raisonnement par budget. Dans ce cas, avec un budget fixe, l’efficacite permet soit de rendre plus de service a empreinte globale egale (le budget de depart) soit pour le meme service de diminuer le budget.

  5. Très intéressant, merci à vous Bon Pote.

    Sur la forme cependant, je me permets de vous déconseiller vigoureusement les commentaires qui visent, à la louche, une certaine population, ce qui n’apporte pas grand chose à votre explication (de l’humour ?) mais donne un arrière-goût amer à la lecture.

    Ce n’est peut-être pas très conscient – et peu importe vos intentions en la matière, il ne s’agit pas de juger votre âme – mais en choisissant d’illustrer un comportement que vous condamnez, puis en dépréciant la qualité de ce qu’elle produit, la chanteuse Aya Nakamura ; ou encore en dessinant le profil stupidement coupable d’un certain “Michou qui fait son voyage à Marrakech pour 300 euros d’économisés” ; vous laissez selon moi paraître un mépris de classe, d’âge, si ce n’est pire – vous êtes seul à le savoir – au lieu d’un point de vue sociologique qui serait à la hauteur de vos sources en matière d’énergie, d’économie et d’écologie.

    Rendez donc service à votre travail d’information et de synthèse, à votre militantisme, et adressez-vous à toutes et tous, ne faites pas l’erreur de laisser des lecteurs sur le chemin pour avoir cédé à une facilité, et de considérer par défaut que votre cause n’intéresse qu’une certaine élite culturelle. C’est un terrain très glissant qu’il vaut peut-être mieux laisser à la section “humour”, qui a au moins le mérite d’être claire (nous n’avons pas du tout le même, ce qui ne m’empêche pas d’apprécier le restant de votre travail).

    En espérant sincèrement avoir eu votre oreille, à vous relire.

    1. Votre commentaire est pertinent et vous avez très certainement raison. j’ajuste mes textes petits à petits, apprends de mes erreurs.
      Si vous lisez d’autres textes vous vous rendrez bien compte que je n’ai absolument pas l’idée de faire du mépris de classe, j’ai plus l’habitude de faire l’auto flagellation, préférant me tapant dessus que sur les autres.
      Pour l’humour, cela est toujours subjectif, et je ne pourrai plaire à tout le monde. J’ai cependant l’intime conviction que l’humour aidera à faire passer certains messages, surtout sur le climat, sujet difficile où j’essaye d’apporter de la légèreté. Au plaisir d’échanger !

      1. J’ai eu la même réaction à la lecture du passage sur Aya Nakamura. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un clin d’œil complice à celleux qui n’aiment pas sa musique mais comme c’est une cible un peu facile ça dessert franchement le propos en laissant effectivement transparaître un certain mépris. C’est dommage car l’article (et le sujet) est intéressant !

  6. C’est l’évidence même,
    Plus c’est disponible, plus on prend, plus on est nombreux, plus il en faut jusqu’à qu’on ne se rende plus compte que ce n’est pas un dû et que de le prendre n’est pas nécessairement un droit inaliénable.
    Personnellement, il y a longtemps que je suis tombée sur le constat “seul l’abus tue”

    bel article 🙂

  7. Pour la fusion je serai ravi de clarifier 2-3 points- etant chercheur dans le domaine et un des experts dans le domaine des matériaux

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