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Mea Culpa écologique d’un branl*ur parisien

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Mea Culpa cover
©Crédit Photographie : Unsplash
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Mieux vaut tard que jamais pour faire son Mea Culpa. Comme l’a écrit ce bon vieux Charles, ‘Le problème avec le monde, c’est que les gens intelligents sont pleins de doutes tandis que les plus stupides sont pleins de confiance‘. J’ai longtemps été dans ma petite bulle parisienne, où la qualité d’une personne se mesure en fonction de son salaire. Décidé de ne pas attendre ma mort pour les bienfaits de la contrition, je prends un peu d’avance sur mon Mea Culpa.

Qu’est-ce qu’un branleur parisien ?

Le branleur parisien est une espèce assez rare sur terre. Vous le reconnaîtrez facilement dans la rue, avec ses Airpods, sa petite mèche dans le vent, et son légendaire air hautain, capable d’énerver un moine tibétain.

Parce qu’il est parisien, il travaille soit dans un groupe qui dirige le monde, soit dans une start-up. Il est au minimum CEO, voire Facilitateur agiliste / Dream Maker. Le stress du boulot? Il l’évacue facilement, en se réveillant avec PetitBambou, avec qui il retrouve la paix intérieure.

Allez petit nuage d’été, on ferme le sternum, et on ouvre bien grand les chakras

Le branleur parisien, c’est celui qui va en week-end en Normandie, dans sa résidence secondaire. Il y va en train, car il aime partager des moments de fraternité. Non je déconne. Il prend sa voiture, seul, ou parfois accompagné de ses amis Marie Églantine et Pierre Edouard, qui veulent eux aussi voir si les gens parlent français en dehors du périph.

Surtout, le parisien se croit supérieur à tout le monde. Il méprise le banlieusard, peut-être avec le même niveau de mépris que pour un provincial. Les seuls endroits qu’il respecte en France sont Courch’ (pour le ski) et Ajaccio pour se baigner l’été.

Mea culpa et remise en question

De mon côté, la bulle parisienne a perduré quelques années avant d’être percée. J’ai eu la chance d’avoir un électrochoc à 25 ans… Puis quelques idiots se baladant avec des kalashnikovs un soir d’automne m’ont aidé à me forcer à trouver un sens à ma vie. Finalement, je vous dois quelque chose : une prise de conscience, une recherche d’éthique constante, et un refus du bullshit de plus en plus marqué.

Surtout, je me suis rendu compte de quelque chose : mais qui es-tu, petit branleur ? Faire des power points, des stats sur excel, c’est ça la vie? T’es capable d’animer une formation sur le trading haute fréquence, mais t’es pas foutu de savoir si un fruit est de saison ?? Soyons honnêtes : je ne sais rien faire de mes mains. Lâchez-moi en forêt, je ne tiens pas 24H. Même les sangliers se foutraient de ma gueule.

Méconnaissance, voire mépris des agriculteurs

Je crois que le pire, c’est de partir tellement loin dans les idées, dans la fumisterie au travail, qu’on en oublie les fondamentaux : ce que l’on mange dans nos assiettes. Et ce que nous mangeons, nous le devons en grande partie à nos agriculteurs. Pendant que j’ai les fesses au chaud derrière un ordinateur 8h par jour, certains agriculteurs subissent le froid, la canicule, tout cela sans un jour de repos et pour gagner 10 fois moins.

Je me rappelle avoir demandé avec étonnement en plein cours de finance ‘pourquoi l’agriculteur ne prenait pas un future pour se hedger, au lieu de se plaindre‘. En français, cela veut dire acheter un contrat financier pour se protéger contre les aléas du prix futur de sa récolte, en étant sûr de vendre sa récolte à un prix donné, une date donnée. Bah ouais Michel, pourquoi, en plus de te lever à 5h pour travailler 16h par jour et gagner un salaire qui très souvent n’atteint même pas le RSA, t’es pas expert sur le marché des matières premières ? Putain, ça me dépasse ça.

Rappel sur l’autosuffisance… Alimentaire

La prof avait eu un léger rictus. Moi, en y repensant, j’ai envie de me taper la tête contre le mur. Petit rappel : en France, 1 Français sur 100 produit la nourriture des 99 autres. S’il y en a un qui doit bien le respect à l’agriculteur, c’est le consultant innovation fraîcheur de vivre.

Oh Putaing, là-bas, j’aperçois un connard parisien avec des Airpods !

On prend pour acquis le fait de manger chaque jour, ce que l’on veut, quand on veut. On commence même à pleurnicher quand UberEATS est en retard. Tout cela, c’est naturel ! Nous sommes complètement à la ramasse sur ces questions d’autonomie alimentaire.

Il n’est jamais trop tard pour se poser les bonnes questions. Notre système alimentaire est-il à l’abri de perturbations majeures ? J’ai entendu et lu à plusieurs reprises que l’autonomie alimentaire de la ville de Paris était 72H. En 1800, Paris était autosuffisant alimentairement. Personne s’inquiète les gars ? Que se passe-t-il si les 30000 semi-remorques qui traversent chaque jour notre pays pour nous alimenter se prennent quelques jours de congés ?

Chaque département exporte la quasi-totalité de sa production agricole et importe la quasi-totalité de sa nourriture. Autonomie, 0. Comme les powerpoints ne se mangent pas, je ne suis pas très rassuré.

Intérêt sociétal du travail

Avant de creuser le sujet du travail et de son impact sur le climat dans un prochain article, j’aimerais partager un sentiment. Toujours dans l’optique de se remettre en question, j’aime poser la question de l’intérêt sociétal d’un travail. Qu’est ce que mon travail apporte concrètement à la société ? Mon travail apporte-t-il plus qu’un.e infirmièr.e par exemple ?

Ainsi, j’ai en tête (vaste sujet) d’indexer le salaire d’un travail sur son utilité. Vous imaginez bien que le consultant d’un big four qui fait des powerpoints toute la journée, il repasse au SMIC, pour commencer. L’agriculteur, qui nourrit des milliers de bouches, il voit en revanche son salaire augmenter. Je vous laisse deviner ce que je pense de l’influenceuse sortie tout droit de la télé-réalité qui vit à Dubaï

Faites l’exercice, interrogez votre entourage, vous verrez que les débats sont en général passionnants. Gardez bien en tête que si votre activité nuit à la planète, vous devez la remettre en question. Si votre travail flingue la planète, vous devez vous demander (moi le premier) si vous ne devriez pas changer, ou tout faire pour le changer de l’intérieur. C’est ce que je m’efforce de faire, quitte à passer pour un écologiste extrémiste depuis un bon moment au bureau.

Mea Culpa, le mot de la fin

‘Si vous vous êtes mal comporté, repentez-vous, faites amende honorable et promettez de mieux vous comporter la fois prochaine. Ne ressassez pas vos erreurs. Se traîner dans la boue n’a jamais été le meilleur moyen de se nettoyer’.  – Aldous Huxley avait vu juste, je me sens égoïstement mieux, après cette séance de flagellation.

Avant toute chose, le message derrière ce Mea Culpa, c’est l’humilité. Il va falloir redescendre de notre piedéstal, dégonfler le melon, et se rappeler que nous ne sommes que de passage sur notre belle planète. Avoir un peu plus de respect pour les gens qui nous nourrissent, pour les personnes qui nous permettent de jouer de la flûte toute la journée dans un bureau climatisé. Je crois que des stages NATURE feraient du bien au plus grand nombre. Se rapprocher de la nature, des champs, de la forêt, comprendre ce qu’est la biodiversité, qu’on flingue encore plus vite que le reste.

Bertrand Russell disait ‘Le problème en ce bas monde est que les imbéciles sont sûrs d’eux et fiers comme des coqs de basse cour, alors que les gens intelligents sont emplis de doute.‘ Alors je ne sais pas trop où me situer, car je suis fier comme un coq d’être empli de doutes.

POUR ALLER PLUS LOIN

Envie de creuser le sujet ? Cet article pourrait vous intéresser !

18 Responses

  1. Sur la question de l’utilisation des futures, les agriculteurs considèrent régulièrement la possibilité de se couvrir sur le MATIF.
    Toutefois, les frais d’achat (Marges des intermédiaires) sont très élevés pour ces particuliers et ne rendent pas toujours très intéressantes ces stratégies de couverture.

  2. Vous m’avez fait bien rire avec cet article… Moi aussi les sangliers se foutraient de ma gueule et j’ai toujours un peu de mal à distinguer les potirons/courgettes/navets/citrouille/choux

    Faut vraiment que je me mette au travail !

    A bientôt sur ce blog

  3. C’est une très bonne chose d’avoir pris conscience de tout ce qui existe en dehors des villes.
    Pour autant, est-ce que ce mea-culpa suffit à se repentir de votre “vie d’avant”?
    Où étiez vous en 2009 lors de la grève du lait ? crise qui n’est toujours pas désamorcée faute de soutien de la population aux paysans.
    Où étiez-vous, 1 mois avant le début des gilets jaunes,lorsque les paysans avaient commencé à bloquer les raffineries pour protester contre la hausse des prix des carburants ? Et ensuite venir réclamer les tracteurs et remorques pour bloquer les routes …

    La vraie question à se poser après ce mea-culpa est : qu’est-ce que je fais à mon échelle pour l’agriculture française ? Pour garantir à mon pays l’indépendance alimentaire,la force industrielle? On a laissé partir l’industrie textile et maintenant on a perdu le savoir-faire pour la laine par exemple. des entreprises relancent la laine française mais sont obligées de faire réaliser le lavage en Belgique et en Italie (de mémoire) faute de connaissances, alors qu’on savait le faire avant !
    Vous parlez du bio mais le bio ne sauvera pas le monde. Toutes les maladies et plantes toxiques qu’on ne saura pas éliminer sans traitement seront un risque pour notre santé.
    Rien qu’en Europe,on n’a pas les mêmes exigences sur le bio. La France importe du bio d’Espagne qui est traité avec certains produits interdits en France depuis les années 80! Et c’est pourtant étiqueté “bio” en France !
    Le chemin est encore long et la seule chose qui sauvera la France dans son ensemble c’est le consommer local, seule garantie de production et seule solution pour rémunérer correctement les paysans, pour réduire la taille des fermes et multiplier leur nombre

  4. J’ai la chance d’être petite-fille et nièce d’agriculteurs, fille et nièce de très bon jardiniers de potagers et pratique aussi tout en habitant une grande ville (composteur compris !). Je suis très respectueuse et en connais le prix de celles et ceux qui travaillent la terre.
    Pour la question de l’utilité de nos activités professionnelles, je vous recommande le livre “L’entreprise altruiste” très inspirant a l’aube d’une nouvelle rentrée…

  5. Merci pour cet article plein d’humour et de vérité. Une prise de conscience qui a été la mienne, il y a 1 an et demi et qui m’a fait lâcher mon poste de directrice RSE d’un grand groupe, pour lancer mon association sur le thème du retour à la terre, http://www.backtoearth.fr. ne suis pas une branleuse parisienne, mais lyonnaise ! mais c’est tout comme 😉 je vous invite à découvrir notre chaîne youtube qui valorise tout un tas d’initiative sur le thème du retour à la terre. https://www.youtube.com/channel/UC8ozVOjJ5cvmkmsrnL9wQeQ?view_as=subscriber
    encore merci pour cet article que je vais relayer !!

  6. Nous vivons effectivement dans une société où l’éthique est supplantée par la recherche égoïste d’un plus grand pouvoir, prestige ou confort.
    Bertrand Russell s’écrit avec deux L.

  7. Nouveau sur le blog (arrivé via un com d’une vidéo du Shift Project) et MERCI ! L’article est excellent, un concentré de bon sens et d’intelligence !

    1. Merci Thierry pour votre retour. Je suis depuis 5h non stop en train de lire sur votre beau métier, j’en ai pour l’année je crois !

  8. stage nature c’est encore un truc de branleur.
    par contre ramener la nature dans les villes, ca c’est disruptif 😉

    1. Bonjour Antoine, merci pour le lien ! Pourquoi estimez-vous que Laval est un bon endroit pour ce genre de projet ? Avez-vous fait une étude d’impact en cas de sécheresse, ou manque d’approvisionnement ? Si vous avez un document plus complet, je serais ravi de le lire. N’hésitez pas à me joindre sur les réseaux sociaux ou par email : bonpoteofficiel@gmail.com

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Auteur
Thomas Wagner
Prendra sa retraite quand le réchauffement climatique sera de l’histoire ancienne

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  1. Sur la question de l’utilisation des futures, les agriculteurs considèrent régulièrement la possibilité de se couvrir sur le MATIF.
    Toutefois, les frais d’achat (Marges des intermédiaires) sont très élevés pour ces particuliers et ne rendent pas toujours très intéressantes ces stratégies de couverture.

  2. Vous m’avez fait bien rire avec cet article… Moi aussi les sangliers se foutraient de ma gueule et j’ai toujours un peu de mal à distinguer les potirons/courgettes/navets/citrouille/choux

    Faut vraiment que je me mette au travail !

    A bientôt sur ce blog

  3. C’est une très bonne chose d’avoir pris conscience de tout ce qui existe en dehors des villes.
    Pour autant, est-ce que ce mea-culpa suffit à se repentir de votre “vie d’avant”?
    Où étiez vous en 2009 lors de la grève du lait ? crise qui n’est toujours pas désamorcée faute de soutien de la population aux paysans.
    Où étiez-vous, 1 mois avant le début des gilets jaunes,lorsque les paysans avaient commencé à bloquer les raffineries pour protester contre la hausse des prix des carburants ? Et ensuite venir réclamer les tracteurs et remorques pour bloquer les routes …

    La vraie question à se poser après ce mea-culpa est : qu’est-ce que je fais à mon échelle pour l’agriculture française ? Pour garantir à mon pays l’indépendance alimentaire,la force industrielle? On a laissé partir l’industrie textile et maintenant on a perdu le savoir-faire pour la laine par exemple. des entreprises relancent la laine française mais sont obligées de faire réaliser le lavage en Belgique et en Italie (de mémoire) faute de connaissances, alors qu’on savait le faire avant !
    Vous parlez du bio mais le bio ne sauvera pas le monde. Toutes les maladies et plantes toxiques qu’on ne saura pas éliminer sans traitement seront un risque pour notre santé.
    Rien qu’en Europe,on n’a pas les mêmes exigences sur le bio. La France importe du bio d’Espagne qui est traité avec certains produits interdits en France depuis les années 80! Et c’est pourtant étiqueté “bio” en France !
    Le chemin est encore long et la seule chose qui sauvera la France dans son ensemble c’est le consommer local, seule garantie de production et seule solution pour rémunérer correctement les paysans, pour réduire la taille des fermes et multiplier leur nombre

  4. J’ai la chance d’être petite-fille et nièce d’agriculteurs, fille et nièce de très bon jardiniers de potagers et pratique aussi tout en habitant une grande ville (composteur compris !). Je suis très respectueuse et en connais le prix de celles et ceux qui travaillent la terre.
    Pour la question de l’utilité de nos activités professionnelles, je vous recommande le livre “L’entreprise altruiste” très inspirant a l’aube d’une nouvelle rentrée…

  5. Merci pour cet article plein d’humour et de vérité. Une prise de conscience qui a été la mienne, il y a 1 an et demi et qui m’a fait lâcher mon poste de directrice RSE d’un grand groupe, pour lancer mon association sur le thème du retour à la terre, http://www.backtoearth.fr. ne suis pas une branleuse parisienne, mais lyonnaise ! mais c’est tout comme 😉 je vous invite à découvrir notre chaîne youtube qui valorise tout un tas d’initiative sur le thème du retour à la terre. https://www.youtube.com/channel/UC8ozVOjJ5cvmkmsrnL9wQeQ?view_as=subscriber
    encore merci pour cet article que je vais relayer !!

  6. Nous vivons effectivement dans une société où l’éthique est supplantée par la recherche égoïste d’un plus grand pouvoir, prestige ou confort.
    Bertrand Russell s’écrit avec deux L.

  7. Nouveau sur le blog (arrivé via un com d’une vidéo du Shift Project) et MERCI ! L’article est excellent, un concentré de bon sens et d’intelligence !

    1. Merci Thierry pour votre retour. Je suis depuis 5h non stop en train de lire sur votre beau métier, j’en ai pour l’année je crois !

  8. stage nature c’est encore un truc de branleur.
    par contre ramener la nature dans les villes, ca c’est disruptif 😉

    1. Bonjour Antoine, merci pour le lien ! Pourquoi estimez-vous que Laval est un bon endroit pour ce genre de projet ? Avez-vous fait une étude d’impact en cas de sécheresse, ou manque d’approvisionnement ? Si vous avez un document plus complet, je serais ravi de le lire. N’hésitez pas à me joindre sur les réseaux sociaux ou par email : bonpoteofficiel@gmail.com

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