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Ce que les ours polaires nous apprennent des climato-dénialistes

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ours polaire
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L’ours polaire est omniprésent dans la presse depuis bientôt 50 ans lorsque l’on parle du réchauffement climatique. Utilisé comme symbole à la fois par les écologistes… et les climato-dénialistes. Nous souhaitions absolument en savoir plus sur cet animal et sur les fantasmes qu’ils génèrent.

Rodolphe Meyer (Le Réveilleur) a ainsi réalisé une analyse complète de l’état des connaissances scientifiques et de la communication autour des ours polaires, épaulée par Aude Lalis de l’ISYEB du Muséum National d’Histoire Naturelle.

L’ours polaire, un mammifère marin

Nul besoin de présenter l’ours polaire, ce super prédateur vivant dans les contrées glacées de l’Arctique. Son nom latin, Ursus Maritimus (« ours marin ») trahit sa spécificité : contrairement à tous les autres ours, il est inféodé à la banquise, est capable de nager des distances importantes et dépend principalement des ressources  de l’océan pour se nourrir. Il est à ce titre considéré comme un mammifère marin !

Le cycle de vie (et le régime alimentaire) de l’ours polaire est complètement dépendant de celui de la banquise. En été et à l’automne, il n’y a pas de banquise. Ces saisons correspondent à une période de jeûne chez l’ours polaire. En hiver, l’ours polaire n’hiberne pas : il se déplace sur la banquise à la recherche de nourriture rare. C’est donc une période où il mange peu.

En revanche, le printemps et le début de l’été sont des périodes d’alimentation intense en raison de la naissance des bébés phoques en grand nombre qu’il chasse sur la banquise. Cette période passée sur la banquise à chasser est primordiale pour l’ours afin qu’il constitue ses réserves de graisse pour le reste de l’année.

Comment évolue la banquise

La banquise est une couche de glace salée flottant à la surface de la mer qui se forme aux deux pôles de la planète. C’est un phénomène naturel qui apparaît quand l’océan se refroidit, et que sa température de surface atteint –1,8°C. Les premiers cristaux de glace se forment alors en surface et constituent une couche de glace.  

Il y a 2 types de banquises : la banquise saisonnière (appelée aussi banquise annuelle ou hivernale) qui a moins d’un an, se forme en fin d’été quand le froid polaire s’installe et perdure durant l’hiver polaire. Au cœur de l’hiver, l’épaisseur des glaces peut atteindre 1 à 2 mètres, sans compter la neige qui s’y accumule. Sous l’effet des vents, des courants et des marées, la banquise se fragmente et se reforme sans cesse. L’autre type de banquise est la banquise pérenne (3 à 4 mètres d’épaisseur) qui est vieille de plusieurs années, car elle persiste après la fonte estivale.

L’étendue totale de la banquise arctique présente au mois de septembre s’est fortement réduite ces quarante dernières années,  passant de 8 millions à 4 millions de km², une réduction correspondant à peu près à six fois la taille de la France. Le mois de septembre correspond au minimum annuel d’extension de la banquise arctique.

Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique pour les ours polaires ?

Cette baisse se poursuivra avec l’augmentation des températures. Une étude publiée en 2020 montre, par exemple, que la banquise pérenne pourrait avoir intégralement fondu dès les années 2030-2040 lors de son minimum estival.

La réduction de surface de la banquise pérenne remet sérieusement en cause la capacité des ours polaires à pouvoir se déplacer et s’alimenter au printemps. C’est, sans grande surprise, ce que montre une étude parue en 2020 dans Nature Climate Change. Des chercheurs y montrent que la réduction de l’ensemble de la banquise arctique va fortement réduire les populations d’ours polaires et mettre en danger la survie de l’espèce d’ici la fin du siècle.

Les ours polaires sont parfaitement adaptés à leur milieu de vie particulier et ne survivraient pas à la disparition de la banquise. Un élément parmi d’autres allant dans ce sens: les populations d’ours qui vivaient autour de la mer Baltique pendant la dernière période glaciaire ne se sont pas adaptées à la vie terrestre quand le climat s’est réchauffé, ils ont disparu de la région avec la disparition des banquises.

L’ours polaire, un bon symbole ?

Cela ne vous aura pas échappé, l’ours polaire est devenu un symbole de la lutte contre le changement climatique qui suscite la sympathie du grand public. Mais, il ne faut pas réduire le changement climatique à l’ours polaire…

source: http://img.timeinc.net/time/magazine/archive/covers/2006/1101060403_400.jpg (3 avril 2006)

La disparition progressive de la banquise touche tout l’écosystème arctique dont les communautés humaines vivant dans ces régions qui sont affectées dans leurs rythmes de vie, leurs traditions et leur santé.

Au niveau global, l’ours polaire est loin d’être la seule espèce fortement affectée par le changement climatique et le mettre systématiquement en avant, c’est prendre un arbre pour cacher la forêt.

L’ours polaire, l’arbre qui cache la forêt ?

Surtout, il ne faudrait pas oublier que le changement climatique va avoir des impacts importants sur les sociétés humaines dans de nombreuses régions du Monde. Remplacer les unes de journaux montrant des ours polaires par des unes montrant la détérioration des conditions de vie induites par le changement climatique permettrait une meilleure compréhension des enjeux  et stimulerait peut-être davantage l’action…

Mais… l’utilisation de ce symbole reste défendable: les populations d’ours polaires sont directement menacées par le changement climatique qui réduit le seul environnement pour lequel ils sont adaptés.

Et c’est là que les climato-dénialistes entrent en jeu puisque l’ours polaire n’échappe pas à leurs tentatives de dénigrement systématique de ce que dit la science. 

Les ours polaires prospéreraient ?

On tombe souvent sur l’idée suivante: les populations d’ours polaires se porteraient mieux qu’il y a 50 ans. La bonne santé des populations serait la preuve que l’on en fait trop sur la question du changement climatique (voire que ce changement climatique n’existe pas ou n’est pas un problème). La stratégie étant d’attaquer un symbole pour faire tomber le problème qu’il symbolise.

L’estimation actuelle est, d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) dans un rapport de 2017, de 26 000 ours (22 000 – 31 000). En 2014, l’IUCN avait avancé le chiffre de 22 000 ours. Il y a donc bien eu une augmentation de l’estimation de la population mondiale d’ours polaires entre 2014 et 2017. Cependant, cette augmentation est surtout la conséquence des efforts de recherche supplémentaires portés sur l’espèce ; il y a plus de moyens pour les compter.

Et donc, quand on cherche (et qu’on compte), on trouve. Un article scientifique arrive à des estimations de population similaires en modélisant les populations d’ours en fonction de la disponibilité de leurs proies.

Toujours un peu plus compliqué que cela…

De plus, ce chiffre global, biologiquement, ne signifie pas grand-chose. Les ours polaires sont répartis en plusieurs sous-populations. Chaque sous-population a sa propre dynamique démographique et les effets du changement climatique ne se font pas sentir de la même façon sur chacune d’elles. Il est important de regarder à l’échelle des sous-populations, car certaines se portent bien, d’autres sont fortement en danger, et quelques-unes ne sont pas encore documentées. Il est intéressant de noter le cas de la sous-population de la mer des Tchouktches dont on ne connaissait pas les effectifs jusqu’à maintenant. Elle a été étudiée et estimée en 2018. Résultat : plus de 3000 individus sont à ajouter aux  26 000 estimés en 2017 par l’IUCN

Si les estimations des populations sont en hausse sur les dernières années, il est difficile d’avoir une vision à plus long terme parce que les estimations les plus anciennes sont très incertaines. Méfiez-vous des discours qui construisent leur argumentation sur des estimations de populations datant des années 1960 ou 1970…

L’autre niveau de réflexion qu’il faut mener est à l’échelle du devenir de l’ours. Ce n’est pas parce que la population mondiale ‘serait’ en augmentation que son avenir ne serait pas menacé. C’est la réduction de la banquise qui met en question la survie de l’ours polaire. Il est primordial pour l’ours polaire d’avoir de la banquise (épaisse) en hiver pour se déplacer, et au printemps pour se nourrir. L’état actuel des populations ne change pas le fait que la survie de l’ours polaire dépend de l’existence du milieu pour lequel il est adapté.

Le sujet des ours polaires est un excellent cas d’école pour étudier la désinformation des climato-dénialistes, porteurs d’une idéologie qui ne peut exister que dans le déni des éléments scientifiques avancés.

Les ours polaires, cas d’école du climato-dénialisme

Des scientifiques, spécialistes des ours polaires se sont regroupés pour proposer une réponse commune à la désinformation (pour les anglophones, c’est un must-read). L’existence de cette étude en dit déjà long sur l’ampleur de la désinformation et la lassitude des spécialistes ! Il est rare que les scientifiques d’un domaine choisissent d’étudier la désinformation dont ils sont victimes plutôt que de produire des connaissances nouvelles sur leur sujet d’expertise.

Les chercheurs ont identifié 90 sites internet qui parlaient de la banquise arctique et des ours polaires. La moitié de ces sites expliquait les éléments scientifiques que j’ai présentés jusque-là. L’autre moitié proposait une vision diamétralement opposée. Quand on regarde les idées développées sur les sites climato-dénialistes par rapport à ceux qui se basent sur la littérature scientifique existante, la différence est flagrante.

Les analyses des auteurs montrent qu’il y a deux mondes parallèles: le monde des publications scientifiques revues par les pairs et des sites internet qui relaient ces connaissances. Et un autre monde qui produit une désinformation sans aucun rapport avec les éléments scientifiques disponibles. Entre les deux, il y a une poignée de papiers scientifiques controversés.

Source: https://academic.oup.com/bioscience/article/68/4/281/4644513

Sur cette figure on voit une analyse servant à identifier la position relative des sites internet et des papiers scientifiques en fonction des idées qu’ils véhiculent. Les articles scientifiques, en vert, expliquent que l’ours polaire est menacé par la disparition de son milieu, la banquise, qui recule. Des sites internet de vulgarisation, en bleu, rendent bien ce consensus scientifique.

Une minorité d’articles scientifiques, en rouge, développe l’idée que les ours polaires pourraient s’adapter. Enfin, les sites climato-dénialistes, en jaune, développent des idées différentes: les ours polaires ne sont pas menacés, la banquise varie naturellement, la banquise est stable dans le temps ou recule lentement et Susan Crockford est souvent citée (nous y reviendrons).

Susan Crockford, la référence… des climatosceptiques

Les sites climato-dénialistes ne rendent pas compte des connaissances scientifiques disponibles et ignorent simplement la littérature scientifique sur le sujet. L’analyse a le mérite d’être claire ! Mais, les chercheurs ne se sont pas arrêtés là : ils ont essayé de comprendre comment et par qui cette désinformation était produite.

80% des sites climato-dénialistes citaient Susan Crockford. D’après l’article de 2018, Susan Crockford n’a jamais conduit de recherches originales, n’a jamais publié d’articles scientifiques dans des revues à comité de lecture et s’oppose systématiquement au consensus scientifique sur le sujet. Elle n’a donc rien d’une experte de la question.

Pourtant, elle a été adoubée “experte” par la constellation de sites climato-dénialistes parce que ça permet de produire un discours alternatif et d’apporter du crédit à des propositions qui ne coïncident pas avec les éléments scientifiques disponibles. Evidemment, ce n’est possible qu’en ignorant les scientifiques, vrais experts de la question.

Il est souvent difficile de connaître les sources de financement de ces sites. Mais, Susan Crockford a reçu directement de l’argent du Heartland Institute, un organisme à but non lucratif qui s’oppose à la lutte contre le changement climatique mais également à la lutte contre le tabac ou, encore, fait la promotion de la fracturation hydraulique.

Conclusion : l’ours polaire n’est pas fan du réchauffement climatique

Les éléments scientifiques publiés amènent tous à la conclusion suivante: les ours polaires dépendent de la banquise pour leur survie. Cette banquise rétrécit d’année en année, ce qui va affecter les populations d’ours et potentiellement (si on continue d’émettre de grandes quantités de gaz à effet de serre) faire disparaître cette espèce à plus ou moins long terme. 

Les climato-dénialistes attaquent ces éléments scientifiques mais sans parvenir eux-mêmes à publier des contres-éléments dans les revues à comité de lecture. Parallèlement, ils refusent que ces éléments scientifiques soient connus du grand public. Ils produisent donc de la désinformation sous forme de sites internet, de livres et d’interviews. Leur but n’est pas de convaincre les experts de ces questions, il n’ont pas les éléments scientifiques pour le faire ! Leur but est de tromper le public par idéologie ou par intérêt. Grâce au travail des chercheurs, le sujet des ours polaires permet de comprendre comment la désinformation sur le climat fonctionne !

Par conséquent, ne soyons pas trop dur avec notre oncle climato-sceptique en repas de famille… Il est avant tout victime d’une désinformation bien organisée, bien financée et omniprésente sur internet. Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans tout ça ! Pour progresser sur ces questions, il faut donner la parole et la lumière à des scientifiques experts et reconnus, pour présenter de manière pédagogique des éléments scientifiques afin de lutter contre la désinformation générale.

BONUS : retrouvez l’article en infographie sur le site du CNRS !

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24 Responses

  1. Bonjour,
    Merci pour cet intéressant article.
    Est-il possible d’avoir une explication des variables en abscisse et ordonnée (PC1 et PC2) du graphique qui présente les publications scientifiques et blogs ?

    1. Bonjour,
      Question complexe ! En fait, c’est une analyse statistique qu’on appelle “analyse en composantes principales” https://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_en_composantes_principales
      Donc les axes sont une composition des variables utilisées par les auteurs. Dans l’article, sous la figure, on voit la précision suivante: “The first PCA axis clearly shows the consensus gap, with fully separated positions for the scientific literature and blogs that deny problems with Arctic ice or polar bears. Science-based blogs, on the other hand, take positions that completely overlap with the peer-reviewed literature. Note that even the small number of more “controversial” scientific papers still exhibit less extreme positions on the first axis than those expressed in the majority of denial blogs. The second PCA axis represents a much smaller amount of variation that appears to represent the presumed adaptive potential of the bears.”
      En espérant que ça aide !

      1. Bonjour,
        Merci pour ta réponse !
        Effectivement en regardant l’article Wikipédia je me dis que j’ai probablement déjà entendu parler de ça pendant mes études. ^^
        C’est un peu plus clair, merci. 🙂

  2. Cher Rodolphe,
    Ce commentaire est bien long, je te prie de m’en excuser, mais il m’apparaît nécessaire d’apporter un éclairage quelque peu différent sur ce sujet très emblématique et controversé de l’ours polaire. Et ça ne peut pas se faire en 5 lignes.
    Il se trouve que j’ai fait le même travail que toi il y a un peu plus d’un an, avec moi aussi très peu de compétences scientifiques sur le sujet (je suis physicien, pas biologiste) mais, j’ose espérer, avec un peu de sens critique. C’est l’article de Théo Mercadier dans le Monde qui m’a mis sur la piste. J’avais déjà trouvé son titre un peu étrange (“Non, le nombre d’ours polaires n’est pas en augmentation”), et plus encore la façon dont il abordait le sujet. Car la vraie question scientifique, à mon sens, était de savoir si ce nombre était bien en recul, comme l’affirmaient les médias de façon unanime depuis une vingtaine d’années.
    Alors je suis allé vérifier ce qu’en disaient les uns et les autres.
    Tout d’abord, peut-être n’ai-je pas assez cherché, mais je n’ai pas trouvé un seul site “climato-dénialiste” (comme tu les appelles) ou “négationniste” (comme les appelle Mercadier) qui aurait utilisé cet argument pour remettre en cause le réchauffement climatique proprement dit. Et s’il s’en trouve quelques uns, ce serait évidemment stupide de leur part. Tout aussi stupide, mais pas plus, que de vouloir “prouver” le réchauffement climatique en montrant de pauvres ours polaires en perdition sur des plaques de glace, comme l’on fait tant de sites, tant de journaux, tant de documentaires, et même une revue scientifique de prestige, qui s’est ensuite rétractée en disant que son comité éditorial avait été abusé par un photomontage (tu sais sûrement de quoi je parle).
    Car pour prouver le réchauffement climatique, nul besoin d’ours polaires: les thermomètres suffisent, et les satellites, qui montrent bien que la banquise régresse, ce que plus personne ne conteste aujourd’hui, me semble-t-il (du moins pour la banquise arctique).
    Or, justement, si l’ours polaire a été érigé en emblème de la cause climatique il y a une trentaine d’années, c’est précisément par des scientifiques qui ont alerté, à juste titre, sur la vulnérabilité probable de l’espèce en cas de régression de la banquise, son territoire de chasse favori. C’est au milieu des années 70 que fut créé le PBSG (Polar Bear Specialists Group), missionné par le Comité de Surveillance des Espèces de l’UICN pour étudier la question. Ce groupe constitué de biologistes des pays arctiques a mené des études sur le terrain pour surveiller les 19 sous-populations, ainsi que des simulations informatiques pour essayer de prédire l’évolution de leurs effectifs dans divers scénarios de régression de la banquise. Leur principale hypothèse de travail, parfaitement logique, était qu’avec moins de surface de banquise et une fonte printanière plus précoce, les ours auraient plus de difficultés et moins de temps pour chasser les phoques, leurs proies favorites.
    Les prévisions des modèles biologiques étaient alarmantes, et comme la banquise a effectivement commencé à régresser (même plus vite que ne le prévoyaient les modèles climatiques, nous dit-on), on devait s’attendre au pire. C’est ce qu’ont répété les médias pendant plus de vingt ans, relayant en cela les déclarations des biologistes du PBSG.
    Qu’en est-il aujourd’hui? Nous devrions avoir suffisamment de recul et d’éléments pour juger si l’hypothèse de travail du PBSG est confirmée ou non par les faits. Puisque la banquise estivale a fortement régressé depuis 40 ans, il doit être possible d’évaluer l’impact de cette régression sur les populations d’ours, et ce de manière directe (par recensements successifs) ou indirecte (en évaluant les tendances de la mortalité et de la natalité), et de comparer ensuite ces résultats ou ces estimations aux prévisions effectuées précédemment par les modèles.
    Sans même faire appel aux travaux de Susan Crockford ou de Mitchell Taylor (qu’apparemment tu juges irrecevables), il suffit de se référer aux données du PBSG lui-même. C’est ce que j’ai fait, c’est aussi ce que tu as fait très certainement, et peut-être aussi Mercadier avant nous (mais de manière probablement superficielle et quelque peu partiale). Je n’ai pas trouvé de rapports synthétiques du PBSG antérieurs à 2010, mais en consultant ceux de 2010 à 2019, j’ai retenu deux choses essentielles :
    1) il y a de moins en moins de sous-populations d’ours polaires déclarées “en déclin probable”, et toujours aucune déclarée “en déclin très probable” (*);
    2) les données sont insuffisantes pour déterminer si la population totale est en déclin ou en augmentation (ce qu’avait d’ailleurs implicitement reconnu Mercadier dans son article et que tu sembles aussi admettre).
    Sachant cela, un chercheur prudent et sans arrière-pensée se bornerait à dire que l’hypothèse de travail n’est, pour l’instant, pas confirmée par les observations. Ce n’est pourtant pas du tout ce que dit Ian Stirling, qui fut président du PBSG de 1981 à 1985 et qui en est aujourd’hui le principal porte-parole outre Atlantique. Voir par exemple cette interview :
    https://journalmetro.com/monde/1096110/ours-%E2%80%A8polaires%E2%80%A8-en-danger/
    J’y remarque que, dès le début, Stirling confond preuve et illustration, et ne fait ensuite qu’énoncer des paralogismes, ce qui me paraît un peu étrange de la part d’un scientifique. Mais bon, je le répète, je suis physicien, pas biologiste… Je te laisse en juger, et j’espère que tu conviendras que cette interview n’apporte aucun résultat scientifique tangible, ce qui serait pourtant la moindre des choses. (Sinon, pourquoi accorder une interview quand on est chercheur? Pour moi, elle révèle assez clairement ce que représente Ursus Maritimus pour Stirling: non plus un sujet d’étude objectif, mais un emblème de propagande dépassant largement le cadre de ses travaux. Mais je ne voudrais pas me montrer moi-même trop partial, donc fin de la parenthèse et retour aux données scientifiques disponibles.)
    En allant plus loin dans l’analyse, j’ai constaté que le tableau de statut publié par le PBSG (**) ne montrait aucune corrélation entre la régression de la banquise estivale dans les diverses régions arctiques et un éventuel déclin des sous-populations correspondantes. Parmi les cinq zones arctiques qui ont subi les pertes de banquise les plus marquées depuis 1979 (en termes de superficie) et pour lesquelles on a des données suffisantes (Chukchi, Beaufort S., Kara, Hudson O., détroit de Davis), deux seulement abritent des sous-populations déclarées “en déclin probable”; dans les trois autres, elles sont déclarées “probablement stables”. Quant aux deux autres des quatre sous-populations déclarées en déclin probable, elles vivent justement dans des régions parmi les moins touchées par la perte de glace (Beaufort N. et Hudson S.). Tout ceci indique assez clairement que la régression de la banquise au cours des 40 dernières années n’a pas eu d’impact significatif sur la survie des ours polaires.
    Bref, l’hypothèse de travail est bien loin d’être validée. Stirling le savait sûrement en 2017, et c’est cela qu’il aurait dû dire, pas le contraire… et il aurait pu aussi se demander pourquoi les modèles informatiques de ses collègues avaient foiré.
    Je suis étonné que tu sois passé à côté de ça, toi, le fact-checker… Penses-tu vraiment que la Science fonctionne encore comme elle le devrait, sur ce sujet et sur d’autres? Tu ne sembles pas beaucoup t’émouvoir de ce que toute la communication officielle sur les ours polaires ait été littéralement confisquée par le PBSG, groupe académique très fermé (sauf aux médias), limité à 35 membres, qui ne sont pas admis par adhésion libre ou par cooptation comme il est d’usage dans les Sociétés Savantes, mais nommés et révoqués par le Président. C’est ainsi que certains membres en ont été virés (tel Mitchell Tayor en 2009) parce qu’ils refusaient de propager le dogme selon lequel l’espèce serait en déclin ou en grand danger à cause du RCA. Le PBSG n’est donc pas un modèle de démocratie, ni de rigueur scientifique d’après ce qu’en dit Taylor (mais peut-être est-il devenu partial après son éviction, me diras-tu); en tout cas ce groupe n’est pas du tout représentatif de l’ensemble de la communauté scientifique travaillant sur l’ours polaire. Il serait d’ailleurs intéressant de demander à Susan Crockford ou à Mitchell Taylor combien leur ont été adressé de manuscrits à référer par les revues spécialisées ces dix dernières années… Je fais le pari qu’on les compterait sur les doigts d’une main de Django Reinhardt.
    Quant à l’article de Théo Mercadier, il fournit quant à lui un remarquable exemple de prétendu “fact-checking” délibérément orienté. L’article aurait pu aussi bien s’intituler « Non, les ours polaires ne sont pas en déclin », ou de façon plus neutre, « Quel est finalement le statut des ours polaires? ». Car en l’occurrence Théo oublie un petit détail : ce sont bien des scientifiques quelque peu imprudents qui, à l’origine, ont allumé la mèche, en affirmant hâtivement, sans autre preuve que des simulations informatiques, que la régression de la banquise allait nécessairement conduire à un déclin rapide des ours polaires et à leur extinction certaine. Peut-être Théo est-il trop jeune pour s’en souvenir.
    Si vous autres fact-checkers, youtubeurs ou journalistes, vous faisiez votre travail en toute impartialité, dans les deux sens, c’est-à-dire à charge et à décharge quand il y a controverse, il y aurait certainement moins de clivages politiques autour de ces questions. Et vous ne devriez pas vous offusquer que d’autres (ceux que vous appelez dénialistes ou négationnistes) fassent le boulot à votre place.
    Pour finir, mon cher Rodolphe, je dois te dire que j’ai suivi ta chaîne YouTube à ses débuts, et je trouvais que tu faisais un travail sérieux et documenté pour contrer des arguments fallacieux ou partiaux. De la bonne zététique, que je recommandais à mes étudiants.
    Puis j’ai remarqué qu’il t’arrivait parfois de te montrer partial, ne présentant qu’une face de la réalité, reprenant toi-même des arguments quelque peu contestables, ou passant délibérément sous silence de bons arguments quand ils n’allaient pas dans le sens de ce que tu voulais démontrer.
    Et voilà que tu adoptes maintenant une posture d’inquisiteur, instruisant systématiquement à charge, à sens unique, non plus pour contrer des arguments pseudo-scientifiques d’où qu’ils viennent, mais pour dénigrer des personnes, les caricaturer, mettre en doute leurs compétences ou leur probité. Cela me déçoit. J’espère que tu vas te ressaisir et revenir à une analyse critique fondée sur les seuls arguments scientifiques.
    Cordialement,

    Vincent

    (*): Dans son rapport de 2010 le PBSG comptait 8 sous-populations d’ours polaires en déclin probable sur les 19 existantes. Dans le rapport de 2013, ce nombre passe à 4, confirmé en 2019. Cinq autres sous-populations sont déclarées stables ou probablement stables, une en augmentation probable, une en augmentation très probable; les 8 autres portent la mention “données insuffisantes”.

    (**): http://pbsg.npolar.no/export/sites/pbsg/en/docs/2019-PBSG-StatusTable.pdf. Ce tableau de statut a été mis à jour par le PBSG depuis 2017 mais il est probable que Stirling savait depuis longtemps que la corrélation régression de la banquise / déclin des sous-populations était très douteuse. A tout le moins, la mise à jour de ce tableau (fin 2019 je crois) aurait dû être accompagnée d’un communiqué de presse pour signaler cette non corrélation et inciter les journalistes à plus de prudence dans leurs affirmations. On peut aussi se demander si le PBSG se serait montré aussi discret dans le cas contraire où la corrélation tant attendue aurait été clairement établie.

    1. Bonjour,

      J’ai pris une bonne heure pour chercher des éléments que je pense pertinent pour vous répondre, j’espère que vous prendrez le temps de lire ce commentaire à tête reposée.

      Il y a beaucoup de points avec lesquels je ne suis pas d’accord avec vous mais ce serait long alors je vais me concentrer sur l’idée principale, celle qui nous intéresse ici.

      Vous partez du principe que l’hypothèse suivante “Leur principale hypothèse de travail, parfaitement logique, était qu’avec moins de surface de banquise et une fonte printanière plus précoce, les ours auraient plus de difficultés et moins de temps pour chasser les phoques, leurs proies favorites.” n’est pas confirmée par les observations.

      Si c’était le cas, il y aurait plusieurs manières de résoudre cet apparent paradoxe. Peut-être que le retrait de la banquise n’est pas encore assez important pour que l’effet sur les populations soit détectable… Ou peut-être qu’il y a d’autres facteurs qui compliquent l’analyse (réduction de la chasse qui compenserait cet effet par exemple, une sous-population peut alors augmenter ou rester stable malgré une pression supplémentaire du changement climatique). Autrement dit, même avec les éléments en votre possession, votre conclusion (rejet de l’hypothèse) peut être critiquée. Vous noterez d’ailleurs que je ne dis pas que la population d’ours polaires est en déclin mais que le recul de la banquise va appliquer une pression de plus en plus importante sur les populations d’ours et les réduire à l’avenir (en faisant l’hypothèse que la banquise Arctique continue à se réduire, ce qui me paraît très probable).

      Mais, je conteste l’idée que les éléments disponibles iraient contre l’hypothèse que vous présentez. Par exemple, on voit que les populations d’ours polaires sont obligées de s’adapter à l’évolution de la banquise Arctique en changeant leur zone de chasse (en migrant vers les zones où il y a encore de la banquise). Par exemple “Between the 1990s and 2000s, there was a significant shift northward during the on‐ice seasons (2.6° shift in winter median latitude, 1.1° shift in spring median latitude) and a significant range contraction in the ice‐free summers.” (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.3809). Ce qui est évidemment de plus en plus difficile au fur et à mesure que la banquise se réduit. Cette stratégie ne peut pas survivre à la banquise. Cet élément vient plutôt appuyer l’hypothèse avancée par la communauté scientifique.

      Les études montrent également que la perte de banquise a un coût énergétique important pour les ours polaires et les narvals: “In assessing how sea ice loss may differentially affect polar bears that hunt on the ice surface and narwhals that hunt at extreme depths below, we found that major ice loss translated into elevated locomotor costs that range from 3- to 4-fold greater than expected for both species.” https://jeb.biologists.org/content/224/Suppl_1/jeb228049.abstract (2021). (ce qui vient plutôt appuyer l’hypothèse avancée par la communauté scientifique).

      Il y a également des études qui s’intéressent directement à l’effet de la réduction de banquise sur des sous populations (https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/15-1256 et https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/14-1129.1 par exemple mais la littérature est abondante, si vous cherchez vous trouverez des études plus récentes). (ce qui vient plutôt appuyer l’hypothèse avancée par la communauté scientifique).

      Est-ce que ces éléments changent quoi que ce soit à votre façon de voir ce sujet ?

      J’ai également un peu de mal à comprendre votre position. On est d’accord qu’on ne peut pas affirmer que la population d’ours est globalement en déclin aujourd’hui. Mais, ce n’est pas ce que j’ai dit ? En quoi les éléments que vous avancez remettent en cause le consensus scientifique (que l’ours dépend de la banquise et que sa disparition met en danger la survie de l’ours) ? Est-ce que vous ne devriez pas vous intéresser au métabolisme de l’ours et à la dépendance à son milieu pour répondre à cette question ? Essayez par exemple de montrer que l’ours peut se passer de la banquise pour chasser.

      Je ne vois pas vraiment ce que vous apportez qui remette en cause ce que j’écris. Si vous maintenez un désaccord, essayez de pointer du doigt ce que vous pensez faux dans ce que j’ai écrit.

      Merci,
      Rodolphe.

      1. Merci Rodolphe pour votre réponse.
        Je crains que nous ayons un peu de mal à nous mettre d’accord. Je vous cite:
        “Peut-être que le retrait de la banquise n’est pas encore assez important pour que l’effet sur les populations soit détectable… Ou peut-être qu’il y a d’autres facteurs qui compliquent l’analyse (réduction de la chasse qui compenserait cet effet par exemple, une sous-population peut alors augmenter ou rester stable malgré une pression supplémentaire du changement climatique).”
        Autrement dit:
        Si certaines sous-populations prospèrent malgré le réchauffement climatique, ce serait parce qu’elles sont moins chassées… Et inversement, si on les avait davantage chassées, alors elles auraient sûrement régressé… à cause du changement climatique???
        Vous l’avez trouvé où , ce raisonnement magique? Pendant vos insomnies, ou dans un article scientifique référé par les pairs?
        Parce que là, on est dans de la Science de très, très haut niveau… Chapeau!
        Réglons déjà ce point, et peut-être ensuite on verra le reste.
        Cordialement,
        Vincent

        1. Re,
          Je ne comprends pas votre réponse.
          Vous dites: “Autrement dit: Si certaines sous-populations prospèrent malgré le réchauffement climatique, ce serait parce qu’elles sont moins chassées… Et inversement, si on les avait davantage chassées, alors elles auraient sûrement régressé… à cause du changement climatique???” Comment vous pouvez conclure ça de ce que j’ai écrit ? Franchement, je ne vois pas. SI une population se réduit à cause de la chasse… elle se réduit à cause de la chasse.
          Je souligne juste le caractère multifactoriel de l’évolution des populations. On est d’accord qu’on peut réduire une population en lui tirant directement dessus ? Donc si on réduit la pression de la chasse une population peut augmenter ? Et qu’elle peut augmenter même si d’autres pressions (pollution, changement climatique) augmentent ? (il suffit que la réduction de pression venant de la chasse soit moindre que l’augmentation des autres pressions).
          Où est-ce que vous coincez dans ce raisonnement ? Pour attribuer une évolution à une cause, vous ne pouvez pas vous contenter de postuler une cause unique et de lui attribuer toute l’évolution. Vous devez étudier les différentes causes ou justifier votre attribution par des éléments tangibles. Je ne comprends pas ce message de réponse, peut-être avez-vous mal lu le passage que vous recopiez ?
          Pour reprendre mon message initiale, si vous aviez compris ce qui était écrit, vous auriez dû mettre “Autrement dit, on ne peut pas conclure à partir de l’évolution des sous-populations que le changement climatique a un impact négatif ou positif en ne regardant que l’évolution des sous-populations”. Point que je maintiens. On pourrait conclure si on connaissait l’évolution des populations, des différents facteurs en jeu et de leurs influences respectives… Et on ne peut pas non plus conclure sur l’avenir (par exemple en cas de disparition totale de la banquise) à partir de l’observation des tendances actuelles. Est-ce que vous soutenez l’inverse ?

          De toute façon, c’était plus pour l’esprit critique dont vous vous revendiquez… le cœur du problème n’est pas là.

          Vous partez du principe que la communauté scientifique fait l’hypothèse que le changement climatique devrait déjà avoir un effet significatif sur les populations d’ours et que cette hypothèse est invalidée par les observations. Sauf que la communauté scientifique ne dit pas que les populations d’ours polaires sont déjà en train de se réduire ? (La preuve… elle produit des éléments scientifiques qui démontrent l’inverse).
          L’impact à venir n’est même pas une hypothèse, c’est une proposition qui se base sur les éléments scientifiques dont nous disposons par ailleurs (métabolisme de l’ours polaires, le fait qu’ils dépendent de la banquise pour se nourrir, que les proies qu’il peut prendre à terre ne lui fournissent pas assez d’énergie, qu’il doit de plus en plus se déplacer au fur et à mesure que le milieu se réduit, que la banquise se réduit et continuera de le faire… etc). Je vous ai fourni des éléments scientifiques pour essayer de vous faire comprendre les éléments sous-jacents du raisonnement “la disparition progressive de la banquise met en danger l’ours polaire”. Je ne pense pas que vous ayez lu ces études.
          Je comprends difficilement le message initial (qui contient des gaps logiques importants pour quelqu’un se revendiquant d’une démarche logique/critique) et je ne comprends vraiment rien à cette réponse. Evidemment, le ton, les insinuations… etc n’aident pas vraiment à la discussion.
          Bonne journée,
          Rodolphe.

          1. Rodolphe,
            Je n’insinue rien, je constate simplement que votre adoptez une posture accusatrice qui n’a plus rien à voir avec le débat scientifique, et j’essaie de vous faire comprendre que vous vous trompez ici de terrain, de méthode et d’arguments pour votre croisade contre ceux que vous appelez les climato-dénialistes.
            Reprenons au début: vous publiez un billet qui essaie de démontrer que l’ours polaire est bel et bien menacé par le réchauffement climatique, quoi qu’en disent certains.
            Je vous fais ensuite remarquer que, sur la base des données disponibles, c’est loin d’être démontré: 40% de régression de la banquise en 40 ans, ce n’est pas rien et ça donne pas mal de recul (environ 3 générations d’ours)… et pourtant toujours aucun signal tangible sur les populations. J’ajoute qu’il existe même des régions où la banquise a régressé plus que la moyenne et où les ours ont malgré tout prospéré, ce qui vous avait semble-t-il échappé. Je suggère donc qu’Il y aurait, peut-être, un petit bug dans le “modèle”… Mais non, pour vous apparemment tout est normal. Vous invoquez même dans votre réponse la réduction de la chasse comme un biais qui aurait annulé, voire renversé, le signal négatif qu’on aurait dû observer. C’est quand même un peu gonflé!
            Nous sommes évidemment d’accord que nombre de phénomènes (pour ne pas dire tous) sont multifactoriels. Ai-je écrit le contraire? Mais admettrez-vous, nom d’un ours, qu’il est illogique, sinon malhonnête intellectuellement, d’invoquer une cause quand on prétend observer une tendance (en l’occurrence imaginaire), et une autre cause si par malheur on observe la tendance inverse? C’est tout ce que j’ai voulu dire, ça me paraissait clair et je pense que vous l’avez très bien compris.
            Vous me dictez ensuite ce que, selon vous, j’aurais dû écrire (merci): “[…] on ne peut pas conclure à partir de l’évolution des sous-populations que le changement climatique a un impact négatif ou positif en ne regardant que l’évolution des sous-populations […]”
            Que voulez-vous dire? Impact sur quoi? Sur l’évolution des sous-populations? Pour savoir si A (cause possible) a un impact sur B (effet observé), il ne faudrait donc plus regarder B, mais d’autres effets possibles de A??? J’ai un peu de mal à vous suivre…
            En l’occurrence, des scientifiques ont conjecturé que A (le RCA) devait avoir nécessairement un effet B (déclin des populations d’ours); pourquoi pas, c’est une hypothèse a priori légitime, même si elle apparaît a posteriori comme très opportuniste compte tenu du battage médiatique orchestré autour de cette affirmation qu’on nous a toujours servi comme une pétition de principe et non comme une hypothèse à vérifier, mais passons). Si au bout d’un certain temps l’effet attendu n’est toujours pas observé, ne pensez-vous pas que les chercheurs devraient commencer à se poser des questions sur la validité de leur hypothèse? Apparemment ils ne font pas (cf l’interview édifiante de Ian Stirling que je vous avais mise en lien), et vous non plus. Vous me dites en substance: attendez, c’est trop tôt pour conclure, la confirmation viendra plus tard, on ne sait pas quand, mais elle viendra… Permettez-moi de ne pas vous suivre car je crains qu’on quitte là le champ de la Science rationnelle, hypothético-déductive et réfutable par l’observation, pour passer dans celui de la science purement spéculative, que pour ma part je me refuse à écrire avec une majuscule, et qui, après avoir envahi les disciplines sociales, pousse maintenant ses pions dans les autres. Il semble que vous n’y voyiez aucun inconvénient, mais pour ma part, j’y vois un grand danger, et je pense que Bachelard et Popper doivent se retourner dans leur tombe.
            Cordialement
            Vincent

          2. Vu qu’on ne progresse pas, je vais me contenter de copier-coller une partie de mon dernier commentaire:
            Vous partez du principe que la communauté scientifique fait l’hypothèse que le changement climatique devrait déjà avoir un effet significatif sur les populations d’ours et que cette hypothèse est invalidée par les observations. Sauf que la communauté scientifique ne dit pas que les populations d’ours polaires sont déjà en train de se réduire ? (La preuve… elle produit des éléments scientifiques qui démontrent l’inverse).
            L’impact à venir n’est même pas une hypothèse, c’est une proposition qui se base sur les éléments scientifiques dont nous disposons par ailleurs (métabolisme de l’ours polaires, le fait qu’ils dépendent de la banquise pour se nourrir, que les proies qu’il peut prendre à terre ne lui fournissent pas assez d’énergie, qu’il doit de plus en plus se déplacer au fur et à mesure que le milieu se réduit, que la banquise se réduit et continuera de le faire… etc). Je vous ai fourni des éléments scientifiques pour essayer de vous faire comprendre les éléments sous-jacents du raisonnement “la disparition progressive de la banquise met en danger l’ours polaire”. Je ne pense pas que vous ayez lu ces études.
            Bon, je crois qu’on tourne en rond alors je vous souhaite une bonne continuation,
            Rodolphe

          3. Si, je crois qu’on a un peu progressé. Je ne dis pas que les spécialistes font du mauvais travail (leurs études sur le terrain sont sûrement très utiles), je dis qu’ils ne délivrent pas le bon message.
            Pourrions-nous au moins nous mettre d’accord sur l’énoncé suivant:
            “Le recul considérable de la banquise ces 40 dernières années n’a pas eu d’impact significatif sur les populations d’ours polaires, sauf peut-être dans quelques régions (2 ou 3?) où les déclins probables, s’ils se confirment, ne seraient pas imputables à d’autres causes (chasse, épidémies…)” ?
            Cette conclusion prudente est, me semble-t-il, celle à laquelle les spécialistes auraient dû aboutir. Mais ce n’est pas du tout ce qu’ils nous disent. Au lieu de se baser sur les observations et d’en tirer les conclusions qui s’imposent, ils continuent à prédire l’extinction de l’espèce pour 2080 ou 2100, sur la foi de modèles qui sont loin d’avoir fait leurs preuves, c’est le moins qu’on puisse dire. Je maintiens qu’en faisant cela ils se livrent à de la pure spéculation. Pire, en ne communiquant que sur ces prédictions douteuses et sur les seules données négatives, ils trompent le public par omission. Avez-vous remarqué qu’un déclin local est immédiatement signalé, médiatisé et mis d’emblée sur le compte du RCA, alors que les augmentations sont passées sous silence? Avez-vous déjà vu une dépêche AFP ou un communiqué de presse disant que les sous-populations X et Y étaient en hausse? Les journalistes adorent les mauvaises nouvelles, mais si on ne leur donne pas les bonnes quand il y en a, on fait de la mésinformation, qui est la petite sœur de la désinformation.
            Et vous de votre côté ce sont Susan Crockford et les sites “climato-dénialistes” que vous mettez sur le banc des accusés. C’est un comble ! Car en l’occurrence, sur ce point précis, ils font plutôt de la réinformation. Si vous avez à cœur de réinformer le public quand des sots racontent des sottises, vous devriez aussi défendre ceux qui rétablissent la vérité sur ce sujet, au lieu de les mettre dans le même sac que les dénialistes (je veux dire les complotistes qui prétendent que les mesures de température sont truquées ou que l’effet de serre est une invention).
            Je vous accorde toutefois que les chercheurs n’avaient pas annoncé un déclin immédiat, du moins pas dans leurs abstracts ou leurs communiqués de presse. Au temps pour moi, un point pour vous ! Mais d’après ce que j’ai lu (corrigerez-moi si je me trompe), certains modèles annonçaient bien un déclin linéaire des populations en fonction de la perte de glace, tandis que d’autres modèles prévoyaient un effet de seuil en deçà d’une certaine superficie critique de banquise. Il paraît clair aujourd’hui que les modèles linéaires sont dans les choux puisque les populations n’ont pas sensiblement décliné malgré la perte considérable de glace sur ces 40 dernières années. En ce qui concerne les modèles à seuil, pour pouvoir les confronter aux observations il faudrait aller chercher dans le corps des articles anciens quelles étaient les valeurs annoncées pour les surfaces critiques (ce que je n’ai pas fait): si les seuils ont été franchis, alors ces modèles aussi sont dans les choux… mais ça reste à vérifier.
            Cordialement

          4. Bonjour,
            Quand je parle de la désinformation, je me base beaucoup sur ce papier https://academic.oup.com/bioscience/article/68/4/281/4644513. Ne croyez pas que c’est un jugement subjectif que j’aurais élaboré tout seul dans un coin.
            Vous dites “Au lieu de se baser sur les observations et d’en tirer les conclusions qui s’imposent, ils continuent à prédire l’extinction de l’espèce pour 2080 ou 2100, sur la foi de modèles qui sont loin d’avoir fait leurs preuves, c’est le moins qu’on puisse dire. Je maintiens qu’en faisant cela ils se livrent à de la pure spéculation.”
            Or je ne crois pas que ça fonctionne ainsi. L’évaluation du risque que représente le changement climatique pour l’ours polaire ne repose pas exclusivement sur des modèles mais est une conséquence des observations. Si on voit qu’un animal est incapable de se nourrir en dehors de son milieu (la banquise), il est raisonnable de postuler qu’il disparaîtra avec celui-ci.
            En fait c’est la conséquence d’une approche scientifique qui tient plus du bayésianisme que de Popper. Appliquer le critère de réfutabilité à cet exemple a une utilité limitée. Si la proposition est “l’ours polaire ne peut pas survivre à la disparition de la banquise”, je dois attendre la disparition totale de la banquise pour conclure… (et si la proposition est vraie, on a raison mais on ne peut plus faire grand chose pour l’ours polaire). Une approche bayésienne serait plutôt, compte tenu des éléments disponibles (physiologie des ours polaires, évolution de ses déplacements, dépendance de sa nutrition à la présence de banquise au printemps… etc), il est très probable qu’ils disparaissent en cas de retrait important de la banquise. Et si les éléments scientifiques qui permettent de supporter ce “jugement bayésien” vous intéresse, j’en avais mis quelques uns dans ma première réponse.
            Si vous n’êtes pas familier avec cette approche de la méthode scientifique (le bayésianisme) je vous recommande le livre d’un collègue vulgarisateur: La Formule du Savoir (Lê Nguyên Hoang). Il y a aussi des vidéos intéressantes sur le sujet (Science4All, Hygiène Mentale… etc). Personnellement ces ressources m’ont permis de pallier un enseignement largement insuffisant dans ma scolarité sur les questions d’épistémologie, esprit critique… etc.
            Bonne journée,
            Rodolphe.

          5. Bonjour

            désolé de découvrir ce fil est la discussion intéressante (pour une fois) un peu tard, mais je voudrais apporter mon soutien à Vincent dont je partage l’avis, ainsi que sur d’autres discours sur le CC qui distordent systématiquement les prévisions dans un sens catastrophiste. Je suis d’accord que Rodolphe ne joue pas le rôle d’analyste objectifs des biais mais participe lui même à ces biais. L’article qu’il cite https://academic.oup.com/bioscience/article/68/4/281/4644513 n’a rien d’un article objectif : il accuse les climatosceptiques d’avoir fait de l’ours blanc une “icone du déni” alors que c’est bien au contraire les mouvements écolos qui en ont fait une icone du RCA, et c’est juste pour rectifier des représentations erronées que des “climatosceptiques” se sont exprimés.. Et il est tout à fait exact de dire que les prévisions du déclin de l’ours blanc AURAIENT DEJA DU se produire vu le rythme de fonte de la banquise plus rapide que celui anticipé dans les années 2000 (qui a cependant ralenti depuis, là encore contrairement aux prévisions catastrophistes d’une disparition entre 2010 et 2020), et que de déclin ne s’est pas produit : les modèles de disparition et de sensibilité à la fonte de la banquise ont bel et bien été invalidés, quoi que Rodolphe en dise.

          6. Merci Archi3 pour votre commentaire. N’en déplaise à Rodolphe, il paraît évident que l’ours polaire comme emblème du péril climatique a pris du plomb dans la fourrure, non pas à cause d’une prétendue désinformation orchestrée par un vaste complot climato-dénialiste ayant à sa tête Suzan Crockford, mais tout simplement parce que l’espèce fait preuve d’un résilience insoupçonnée face à la perte de banquise. Même Rémi Marion le reconnaît… mais son avis n’a sans doute pas plus de poids que celui de Suzan Crockford puisqu’il n’a pas de publis dans des revues à comité de lecture!
            Pour répondre à la dernière intervention de Rodolphe (ci-dessus), je ne crois pas que l’approche bayésienne soit d’un très grand secours pour faire des prédictions fiables dans ce domaine. Et à supposer qu’elle soit pertinente, elle ne dédouane en aucun cas les prévisionnistes de la nécessité de soumettre leurs projections à l’épreuve des faits. En l’occurrence, cela consisterait à décrire comment (d’après leurs modèles) les 19 sous-populations d’ours polaires vont évoluer dans les 10, 15 ou 20 prochaines années, en fonction de diverses hypothèses (par exemple si la perte de banquise se poursuit au rythme actuel, ou si elle se stabilise ici ou là). Au lieu de ça, le PBSG se contente de projections à 60 ou 80 ans, qui n’ont aucun sens en elles-mêmes puisque invérifiables, mais qui sont les seules que retiendront les journalistes et le public.
            Et enfin, pour laisser une petite chance à l’approche bayésienne dans le présent contexte, j’aimerais bien savoir comment font les spécialistes pour intégrer dans leurs calculs bayésiens les stratégies d’adaptation du vivant (tant comportementales que physiologiques), et comment ils expliquent le fait que l’espèce Ursus Maritimus a déjà subi, sans trop de dommages, une déglaciation beaucoup plus sévère que celle de notre époque, puisque l’inlandsis groenlandais a, nous dit-on, perdu plus de la moitié de sa masse actuelle, il y a quelque 120.000 ans.

  3. excellent et très utile article ! Pour compléter, Arte diffuse jusqu’au 23/04/2021, un bon documentaire “La fabrique de l’ignorance” qui explique notamment les manipulations exercées par les climato-sceptiques (mais pas seulement eux). Le documentaire évoque également le heartland institute et ses activités de lobbying à temps plein !
    https://www.arte.tv/fr/videos/091148-000-A/la-fabrique-de-l-ignorance/?fbclid=IwAR2a-leC-2Ofxq57wkDw7ZJeoQEmozlz_Kd4VvfzN6dqgRuGekmbBG413IU

  4. On parle du Heartland Institue dans “la fabrique de l’ignorance” qui est passée sur Arte récemment (et qui est toujours disponible en replay). Ce documentarie explique bien comment se fabrique le doute pour empêcher les changements nécessaires (concernant le tabac et le changement climatique notamment).

  5. Bravo pour cet article clair et percutant ( comme toujours !), il montre bien le gouffre de la désinformation qui se retrouve dans tous les autres domaines de controverse, en particulier actuellement celle sur la gravité du Covid : quand une personne ne se renseigne qu’auprès de sites conspirationistes ou personnalités non scientifiques, elle croit de bonne foi en des abherrations …

  6. Bonjour Bon Pote!
    Vous avez vu le reportage d’Arte “la fabrique de l’ignorance”? Votre article m’y a fait immédiatement penser. On vit une période obscure quand même …

  7. Attention, la banquise n’est pas constituée de « glace salée » : elle provient bien d’eau de mer, mais le sel est expulsé dans l’eau sous-jacente lors du processus.
    Inutile de se faire tacler par des climato-dénialistes en raison d’une coquille…

        1. Ben en fait c’est un peu plus compliqué : La banquise ou “glace de mer” est l’eau de mer qui a gelé, formant une imbrication de cristaux de glace d’eau douce et de gouttelettes d’eau très salée. Ces dernières migrent vers le bas et retournent en mer. En vieillissant, la banquise s’adoucit, d’où le dicton anglais : “seule la glace de mer de trois ans est bonne pour le thé !”. (source https://www.lumni.fr/article/la-banquise)

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Sommaire
Auteur
Thomas Wagner
Prendra sa retraite quand le réchauffement climatique sera de l’histoire ancienne

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24 Responses

  1. Bonjour,
    Merci pour cet intéressant article.
    Est-il possible d’avoir une explication des variables en abscisse et ordonnée (PC1 et PC2) du graphique qui présente les publications scientifiques et blogs ?

    1. Bonjour,
      Question complexe ! En fait, c’est une analyse statistique qu’on appelle “analyse en composantes principales” https://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_en_composantes_principales
      Donc les axes sont une composition des variables utilisées par les auteurs. Dans l’article, sous la figure, on voit la précision suivante: “The first PCA axis clearly shows the consensus gap, with fully separated positions for the scientific literature and blogs that deny problems with Arctic ice or polar bears. Science-based blogs, on the other hand, take positions that completely overlap with the peer-reviewed literature. Note that even the small number of more “controversial” scientific papers still exhibit less extreme positions on the first axis than those expressed in the majority of denial blogs. The second PCA axis represents a much smaller amount of variation that appears to represent the presumed adaptive potential of the bears.”
      En espérant que ça aide !

      1. Bonjour,
        Merci pour ta réponse !
        Effectivement en regardant l’article Wikipédia je me dis que j’ai probablement déjà entendu parler de ça pendant mes études. ^^
        C’est un peu plus clair, merci. 🙂

  2. Cher Rodolphe,
    Ce commentaire est bien long, je te prie de m’en excuser, mais il m’apparaît nécessaire d’apporter un éclairage quelque peu différent sur ce sujet très emblématique et controversé de l’ours polaire. Et ça ne peut pas se faire en 5 lignes.
    Il se trouve que j’ai fait le même travail que toi il y a un peu plus d’un an, avec moi aussi très peu de compétences scientifiques sur le sujet (je suis physicien, pas biologiste) mais, j’ose espérer, avec un peu de sens critique. C’est l’article de Théo Mercadier dans le Monde qui m’a mis sur la piste. J’avais déjà trouvé son titre un peu étrange (“Non, le nombre d’ours polaires n’est pas en augmentation”), et plus encore la façon dont il abordait le sujet. Car la vraie question scientifique, à mon sens, était de savoir si ce nombre était bien en recul, comme l’affirmaient les médias de façon unanime depuis une vingtaine d’années.
    Alors je suis allé vérifier ce qu’en disaient les uns et les autres.
    Tout d’abord, peut-être n’ai-je pas assez cherché, mais je n’ai pas trouvé un seul site “climato-dénialiste” (comme tu les appelles) ou “négationniste” (comme les appelle Mercadier) qui aurait utilisé cet argument pour remettre en cause le réchauffement climatique proprement dit. Et s’il s’en trouve quelques uns, ce serait évidemment stupide de leur part. Tout aussi stupide, mais pas plus, que de vouloir “prouver” le réchauffement climatique en montrant de pauvres ours polaires en perdition sur des plaques de glace, comme l’on fait tant de sites, tant de journaux, tant de documentaires, et même une revue scientifique de prestige, qui s’est ensuite rétractée en disant que son comité éditorial avait été abusé par un photomontage (tu sais sûrement de quoi je parle).
    Car pour prouver le réchauffement climatique, nul besoin d’ours polaires: les thermomètres suffisent, et les satellites, qui montrent bien que la banquise régresse, ce que plus personne ne conteste aujourd’hui, me semble-t-il (du moins pour la banquise arctique).
    Or, justement, si l’ours polaire a été érigé en emblème de la cause climatique il y a une trentaine d’années, c’est précisément par des scientifiques qui ont alerté, à juste titre, sur la vulnérabilité probable de l’espèce en cas de régression de la banquise, son territoire de chasse favori. C’est au milieu des années 70 que fut créé le PBSG (Polar Bear Specialists Group), missionné par le Comité de Surveillance des Espèces de l’UICN pour étudier la question. Ce groupe constitué de biologistes des pays arctiques a mené des études sur le terrain pour surveiller les 19 sous-populations, ainsi que des simulations informatiques pour essayer de prédire l’évolution de leurs effectifs dans divers scénarios de régression de la banquise. Leur principale hypothèse de travail, parfaitement logique, était qu’avec moins de surface de banquise et une fonte printanière plus précoce, les ours auraient plus de difficultés et moins de temps pour chasser les phoques, leurs proies favorites.
    Les prévisions des modèles biologiques étaient alarmantes, et comme la banquise a effectivement commencé à régresser (même plus vite que ne le prévoyaient les modèles climatiques, nous dit-on), on devait s’attendre au pire. C’est ce qu’ont répété les médias pendant plus de vingt ans, relayant en cela les déclarations des biologistes du PBSG.
    Qu’en est-il aujourd’hui? Nous devrions avoir suffisamment de recul et d’éléments pour juger si l’hypothèse de travail du PBSG est confirmée ou non par les faits. Puisque la banquise estivale a fortement régressé depuis 40 ans, il doit être possible d’évaluer l’impact de cette régression sur les populations d’ours, et ce de manière directe (par recensements successifs) ou indirecte (en évaluant les tendances de la mortalité et de la natalité), et de comparer ensuite ces résultats ou ces estimations aux prévisions effectuées précédemment par les modèles.
    Sans même faire appel aux travaux de Susan Crockford ou de Mitchell Taylor (qu’apparemment tu juges irrecevables), il suffit de se référer aux données du PBSG lui-même. C’est ce que j’ai fait, c’est aussi ce que tu as fait très certainement, et peut-être aussi Mercadier avant nous (mais de manière probablement superficielle et quelque peu partiale). Je n’ai pas trouvé de rapports synthétiques du PBSG antérieurs à 2010, mais en consultant ceux de 2010 à 2019, j’ai retenu deux choses essentielles :
    1) il y a de moins en moins de sous-populations d’ours polaires déclarées “en déclin probable”, et toujours aucune déclarée “en déclin très probable” (*);
    2) les données sont insuffisantes pour déterminer si la population totale est en déclin ou en augmentation (ce qu’avait d’ailleurs implicitement reconnu Mercadier dans son article et que tu sembles aussi admettre).
    Sachant cela, un chercheur prudent et sans arrière-pensée se bornerait à dire que l’hypothèse de travail n’est, pour l’instant, pas confirmée par les observations. Ce n’est pourtant pas du tout ce que dit Ian Stirling, qui fut président du PBSG de 1981 à 1985 et qui en est aujourd’hui le principal porte-parole outre Atlantique. Voir par exemple cette interview :
    https://journalmetro.com/monde/1096110/ours-%E2%80%A8polaires%E2%80%A8-en-danger/
    J’y remarque que, dès le début, Stirling confond preuve et illustration, et ne fait ensuite qu’énoncer des paralogismes, ce qui me paraît un peu étrange de la part d’un scientifique. Mais bon, je le répète, je suis physicien, pas biologiste… Je te laisse en juger, et j’espère que tu conviendras que cette interview n’apporte aucun résultat scientifique tangible, ce qui serait pourtant la moindre des choses. (Sinon, pourquoi accorder une interview quand on est chercheur? Pour moi, elle révèle assez clairement ce que représente Ursus Maritimus pour Stirling: non plus un sujet d’étude objectif, mais un emblème de propagande dépassant largement le cadre de ses travaux. Mais je ne voudrais pas me montrer moi-même trop partial, donc fin de la parenthèse et retour aux données scientifiques disponibles.)
    En allant plus loin dans l’analyse, j’ai constaté que le tableau de statut publié par le PBSG (**) ne montrait aucune corrélation entre la régression de la banquise estivale dans les diverses régions arctiques et un éventuel déclin des sous-populations correspondantes. Parmi les cinq zones arctiques qui ont subi les pertes de banquise les plus marquées depuis 1979 (en termes de superficie) et pour lesquelles on a des données suffisantes (Chukchi, Beaufort S., Kara, Hudson O., détroit de Davis), deux seulement abritent des sous-populations déclarées “en déclin probable”; dans les trois autres, elles sont déclarées “probablement stables”. Quant aux deux autres des quatre sous-populations déclarées en déclin probable, elles vivent justement dans des régions parmi les moins touchées par la perte de glace (Beaufort N. et Hudson S.). Tout ceci indique assez clairement que la régression de la banquise au cours des 40 dernières années n’a pas eu d’impact significatif sur la survie des ours polaires.
    Bref, l’hypothèse de travail est bien loin d’être validée. Stirling le savait sûrement en 2017, et c’est cela qu’il aurait dû dire, pas le contraire… et il aurait pu aussi se demander pourquoi les modèles informatiques de ses collègues avaient foiré.
    Je suis étonné que tu sois passé à côté de ça, toi, le fact-checker… Penses-tu vraiment que la Science fonctionne encore comme elle le devrait, sur ce sujet et sur d’autres? Tu ne sembles pas beaucoup t’émouvoir de ce que toute la communication officielle sur les ours polaires ait été littéralement confisquée par le PBSG, groupe académique très fermé (sauf aux médias), limité à 35 membres, qui ne sont pas admis par adhésion libre ou par cooptation comme il est d’usage dans les Sociétés Savantes, mais nommés et révoqués par le Président. C’est ainsi que certains membres en ont été virés (tel Mitchell Tayor en 2009) parce qu’ils refusaient de propager le dogme selon lequel l’espèce serait en déclin ou en grand danger à cause du RCA. Le PBSG n’est donc pas un modèle de démocratie, ni de rigueur scientifique d’après ce qu’en dit Taylor (mais peut-être est-il devenu partial après son éviction, me diras-tu); en tout cas ce groupe n’est pas du tout représentatif de l’ensemble de la communauté scientifique travaillant sur l’ours polaire. Il serait d’ailleurs intéressant de demander à Susan Crockford ou à Mitchell Taylor combien leur ont été adressé de manuscrits à référer par les revues spécialisées ces dix dernières années… Je fais le pari qu’on les compterait sur les doigts d’une main de Django Reinhardt.
    Quant à l’article de Théo Mercadier, il fournit quant à lui un remarquable exemple de prétendu “fact-checking” délibérément orienté. L’article aurait pu aussi bien s’intituler « Non, les ours polaires ne sont pas en déclin », ou de façon plus neutre, « Quel est finalement le statut des ours polaires? ». Car en l’occurrence Théo oublie un petit détail : ce sont bien des scientifiques quelque peu imprudents qui, à l’origine, ont allumé la mèche, en affirmant hâtivement, sans autre preuve que des simulations informatiques, que la régression de la banquise allait nécessairement conduire à un déclin rapide des ours polaires et à leur extinction certaine. Peut-être Théo est-il trop jeune pour s’en souvenir.
    Si vous autres fact-checkers, youtubeurs ou journalistes, vous faisiez votre travail en toute impartialité, dans les deux sens, c’est-à-dire à charge et à décharge quand il y a controverse, il y aurait certainement moins de clivages politiques autour de ces questions. Et vous ne devriez pas vous offusquer que d’autres (ceux que vous appelez dénialistes ou négationnistes) fassent le boulot à votre place.
    Pour finir, mon cher Rodolphe, je dois te dire que j’ai suivi ta chaîne YouTube à ses débuts, et je trouvais que tu faisais un travail sérieux et documenté pour contrer des arguments fallacieux ou partiaux. De la bonne zététique, que je recommandais à mes étudiants.
    Puis j’ai remarqué qu’il t’arrivait parfois de te montrer partial, ne présentant qu’une face de la réalité, reprenant toi-même des arguments quelque peu contestables, ou passant délibérément sous silence de bons arguments quand ils n’allaient pas dans le sens de ce que tu voulais démontrer.
    Et voilà que tu adoptes maintenant une posture d’inquisiteur, instruisant systématiquement à charge, à sens unique, non plus pour contrer des arguments pseudo-scientifiques d’où qu’ils viennent, mais pour dénigrer des personnes, les caricaturer, mettre en doute leurs compétences ou leur probité. Cela me déçoit. J’espère que tu vas te ressaisir et revenir à une analyse critique fondée sur les seuls arguments scientifiques.
    Cordialement,

    Vincent

    (*): Dans son rapport de 2010 le PBSG comptait 8 sous-populations d’ours polaires en déclin probable sur les 19 existantes. Dans le rapport de 2013, ce nombre passe à 4, confirmé en 2019. Cinq autres sous-populations sont déclarées stables ou probablement stables, une en augmentation probable, une en augmentation très probable; les 8 autres portent la mention “données insuffisantes”.

    (**): http://pbsg.npolar.no/export/sites/pbsg/en/docs/2019-PBSG-StatusTable.pdf. Ce tableau de statut a été mis à jour par le PBSG depuis 2017 mais il est probable que Stirling savait depuis longtemps que la corrélation régression de la banquise / déclin des sous-populations était très douteuse. A tout le moins, la mise à jour de ce tableau (fin 2019 je crois) aurait dû être accompagnée d’un communiqué de presse pour signaler cette non corrélation et inciter les journalistes à plus de prudence dans leurs affirmations. On peut aussi se demander si le PBSG se serait montré aussi discret dans le cas contraire où la corrélation tant attendue aurait été clairement établie.

    1. Bonjour,

      J’ai pris une bonne heure pour chercher des éléments que je pense pertinent pour vous répondre, j’espère que vous prendrez le temps de lire ce commentaire à tête reposée.

      Il y a beaucoup de points avec lesquels je ne suis pas d’accord avec vous mais ce serait long alors je vais me concentrer sur l’idée principale, celle qui nous intéresse ici.

      Vous partez du principe que l’hypothèse suivante “Leur principale hypothèse de travail, parfaitement logique, était qu’avec moins de surface de banquise et une fonte printanière plus précoce, les ours auraient plus de difficultés et moins de temps pour chasser les phoques, leurs proies favorites.” n’est pas confirmée par les observations.

      Si c’était le cas, il y aurait plusieurs manières de résoudre cet apparent paradoxe. Peut-être que le retrait de la banquise n’est pas encore assez important pour que l’effet sur les populations soit détectable… Ou peut-être qu’il y a d’autres facteurs qui compliquent l’analyse (réduction de la chasse qui compenserait cet effet par exemple, une sous-population peut alors augmenter ou rester stable malgré une pression supplémentaire du changement climatique). Autrement dit, même avec les éléments en votre possession, votre conclusion (rejet de l’hypothèse) peut être critiquée. Vous noterez d’ailleurs que je ne dis pas que la population d’ours polaires est en déclin mais que le recul de la banquise va appliquer une pression de plus en plus importante sur les populations d’ours et les réduire à l’avenir (en faisant l’hypothèse que la banquise Arctique continue à se réduire, ce qui me paraît très probable).

      Mais, je conteste l’idée que les éléments disponibles iraient contre l’hypothèse que vous présentez. Par exemple, on voit que les populations d’ours polaires sont obligées de s’adapter à l’évolution de la banquise Arctique en changeant leur zone de chasse (en migrant vers les zones où il y a encore de la banquise). Par exemple “Between the 1990s and 2000s, there was a significant shift northward during the on‐ice seasons (2.6° shift in winter median latitude, 1.1° shift in spring median latitude) and a significant range contraction in the ice‐free summers.” (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.3809). Ce qui est évidemment de plus en plus difficile au fur et à mesure que la banquise se réduit. Cette stratégie ne peut pas survivre à la banquise. Cet élément vient plutôt appuyer l’hypothèse avancée par la communauté scientifique.

      Les études montrent également que la perte de banquise a un coût énergétique important pour les ours polaires et les narvals: “In assessing how sea ice loss may differentially affect polar bears that hunt on the ice surface and narwhals that hunt at extreme depths below, we found that major ice loss translated into elevated locomotor costs that range from 3- to 4-fold greater than expected for both species.” https://jeb.biologists.org/content/224/Suppl_1/jeb228049.abstract (2021). (ce qui vient plutôt appuyer l’hypothèse avancée par la communauté scientifique).

      Il y a également des études qui s’intéressent directement à l’effet de la réduction de banquise sur des sous populations (https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/15-1256 et https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/14-1129.1 par exemple mais la littérature est abondante, si vous cherchez vous trouverez des études plus récentes). (ce qui vient plutôt appuyer l’hypothèse avancée par la communauté scientifique).

      Est-ce que ces éléments changent quoi que ce soit à votre façon de voir ce sujet ?

      J’ai également un peu de mal à comprendre votre position. On est d’accord qu’on ne peut pas affirmer que la population d’ours est globalement en déclin aujourd’hui. Mais, ce n’est pas ce que j’ai dit ? En quoi les éléments que vous avancez remettent en cause le consensus scientifique (que l’ours dépend de la banquise et que sa disparition met en danger la survie de l’ours) ? Est-ce que vous ne devriez pas vous intéresser au métabolisme de l’ours et à la dépendance à son milieu pour répondre à cette question ? Essayez par exemple de montrer que l’ours peut se passer de la banquise pour chasser.

      Je ne vois pas vraiment ce que vous apportez qui remette en cause ce que j’écris. Si vous maintenez un désaccord, essayez de pointer du doigt ce que vous pensez faux dans ce que j’ai écrit.

      Merci,
      Rodolphe.

      1. Merci Rodolphe pour votre réponse.
        Je crains que nous ayons un peu de mal à nous mettre d’accord. Je vous cite:
        “Peut-être que le retrait de la banquise n’est pas encore assez important pour que l’effet sur les populations soit détectable… Ou peut-être qu’il y a d’autres facteurs qui compliquent l’analyse (réduction de la chasse qui compenserait cet effet par exemple, une sous-population peut alors augmenter ou rester stable malgré une pression supplémentaire du changement climatique).”
        Autrement dit:
        Si certaines sous-populations prospèrent malgré le réchauffement climatique, ce serait parce qu’elles sont moins chassées… Et inversement, si on les avait davantage chassées, alors elles auraient sûrement régressé… à cause du changement climatique???
        Vous l’avez trouvé où , ce raisonnement magique? Pendant vos insomnies, ou dans un article scientifique référé par les pairs?
        Parce que là, on est dans de la Science de très, très haut niveau… Chapeau!
        Réglons déjà ce point, et peut-être ensuite on verra le reste.
        Cordialement,
        Vincent

        1. Re,
          Je ne comprends pas votre réponse.
          Vous dites: “Autrement dit: Si certaines sous-populations prospèrent malgré le réchauffement climatique, ce serait parce qu’elles sont moins chassées… Et inversement, si on les avait davantage chassées, alors elles auraient sûrement régressé… à cause du changement climatique???” Comment vous pouvez conclure ça de ce que j’ai écrit ? Franchement, je ne vois pas. SI une population se réduit à cause de la chasse… elle se réduit à cause de la chasse.
          Je souligne juste le caractère multifactoriel de l’évolution des populations. On est d’accord qu’on peut réduire une population en lui tirant directement dessus ? Donc si on réduit la pression de la chasse une population peut augmenter ? Et qu’elle peut augmenter même si d’autres pressions (pollution, changement climatique) augmentent ? (il suffit que la réduction de pression venant de la chasse soit moindre que l’augmentation des autres pressions).
          Où est-ce que vous coincez dans ce raisonnement ? Pour attribuer une évolution à une cause, vous ne pouvez pas vous contenter de postuler une cause unique et de lui attribuer toute l’évolution. Vous devez étudier les différentes causes ou justifier votre attribution par des éléments tangibles. Je ne comprends pas ce message de réponse, peut-être avez-vous mal lu le passage que vous recopiez ?
          Pour reprendre mon message initiale, si vous aviez compris ce qui était écrit, vous auriez dû mettre “Autrement dit, on ne peut pas conclure à partir de l’évolution des sous-populations que le changement climatique a un impact négatif ou positif en ne regardant que l’évolution des sous-populations”. Point que je maintiens. On pourrait conclure si on connaissait l’évolution des populations, des différents facteurs en jeu et de leurs influences respectives… Et on ne peut pas non plus conclure sur l’avenir (par exemple en cas de disparition totale de la banquise) à partir de l’observation des tendances actuelles. Est-ce que vous soutenez l’inverse ?

          De toute façon, c’était plus pour l’esprit critique dont vous vous revendiquez… le cœur du problème n’est pas là.

          Vous partez du principe que la communauté scientifique fait l’hypothèse que le changement climatique devrait déjà avoir un effet significatif sur les populations d’ours et que cette hypothèse est invalidée par les observations. Sauf que la communauté scientifique ne dit pas que les populations d’ours polaires sont déjà en train de se réduire ? (La preuve… elle produit des éléments scientifiques qui démontrent l’inverse).
          L’impact à venir n’est même pas une hypothèse, c’est une proposition qui se base sur les éléments scientifiques dont nous disposons par ailleurs (métabolisme de l’ours polaires, le fait qu’ils dépendent de la banquise pour se nourrir, que les proies qu’il peut prendre à terre ne lui fournissent pas assez d’énergie, qu’il doit de plus en plus se déplacer au fur et à mesure que le milieu se réduit, que la banquise se réduit et continuera de le faire… etc). Je vous ai fourni des éléments scientifiques pour essayer de vous faire comprendre les éléments sous-jacents du raisonnement “la disparition progressive de la banquise met en danger l’ours polaire”. Je ne pense pas que vous ayez lu ces études.
          Je comprends difficilement le message initial (qui contient des gaps logiques importants pour quelqu’un se revendiquant d’une démarche logique/critique) et je ne comprends vraiment rien à cette réponse. Evidemment, le ton, les insinuations… etc n’aident pas vraiment à la discussion.
          Bonne journée,
          Rodolphe.

          1. Rodolphe,
            Je n’insinue rien, je constate simplement que votre adoptez une posture accusatrice qui n’a plus rien à voir avec le débat scientifique, et j’essaie de vous faire comprendre que vous vous trompez ici de terrain, de méthode et d’arguments pour votre croisade contre ceux que vous appelez les climato-dénialistes.
            Reprenons au début: vous publiez un billet qui essaie de démontrer que l’ours polaire est bel et bien menacé par le réchauffement climatique, quoi qu’en disent certains.
            Je vous fais ensuite remarquer que, sur la base des données disponibles, c’est loin d’être démontré: 40% de régression de la banquise en 40 ans, ce n’est pas rien et ça donne pas mal de recul (environ 3 générations d’ours)… et pourtant toujours aucun signal tangible sur les populations. J’ajoute qu’il existe même des régions où la banquise a régressé plus que la moyenne et où les ours ont malgré tout prospéré, ce qui vous avait semble-t-il échappé. Je suggère donc qu’Il y aurait, peut-être, un petit bug dans le “modèle”… Mais non, pour vous apparemment tout est normal. Vous invoquez même dans votre réponse la réduction de la chasse comme un biais qui aurait annulé, voire renversé, le signal négatif qu’on aurait dû observer. C’est quand même un peu gonflé!
            Nous sommes évidemment d’accord que nombre de phénomènes (pour ne pas dire tous) sont multifactoriels. Ai-je écrit le contraire? Mais admettrez-vous, nom d’un ours, qu’il est illogique, sinon malhonnête intellectuellement, d’invoquer une cause quand on prétend observer une tendance (en l’occurrence imaginaire), et une autre cause si par malheur on observe la tendance inverse? C’est tout ce que j’ai voulu dire, ça me paraissait clair et je pense que vous l’avez très bien compris.
            Vous me dictez ensuite ce que, selon vous, j’aurais dû écrire (merci): “[…] on ne peut pas conclure à partir de l’évolution des sous-populations que le changement climatique a un impact négatif ou positif en ne regardant que l’évolution des sous-populations […]”
            Que voulez-vous dire? Impact sur quoi? Sur l’évolution des sous-populations? Pour savoir si A (cause possible) a un impact sur B (effet observé), il ne faudrait donc plus regarder B, mais d’autres effets possibles de A??? J’ai un peu de mal à vous suivre…
            En l’occurrence, des scientifiques ont conjecturé que A (le RCA) devait avoir nécessairement un effet B (déclin des populations d’ours); pourquoi pas, c’est une hypothèse a priori légitime, même si elle apparaît a posteriori comme très opportuniste compte tenu du battage médiatique orchestré autour de cette affirmation qu’on nous a toujours servi comme une pétition de principe et non comme une hypothèse à vérifier, mais passons). Si au bout d’un certain temps l’effet attendu n’est toujours pas observé, ne pensez-vous pas que les chercheurs devraient commencer à se poser des questions sur la validité de leur hypothèse? Apparemment ils ne font pas (cf l’interview édifiante de Ian Stirling que je vous avais mise en lien), et vous non plus. Vous me dites en substance: attendez, c’est trop tôt pour conclure, la confirmation viendra plus tard, on ne sait pas quand, mais elle viendra… Permettez-moi de ne pas vous suivre car je crains qu’on quitte là le champ de la Science rationnelle, hypothético-déductive et réfutable par l’observation, pour passer dans celui de la science purement spéculative, que pour ma part je me refuse à écrire avec une majuscule, et qui, après avoir envahi les disciplines sociales, pousse maintenant ses pions dans les autres. Il semble que vous n’y voyiez aucun inconvénient, mais pour ma part, j’y vois un grand danger, et je pense que Bachelard et Popper doivent se retourner dans leur tombe.
            Cordialement
            Vincent

          2. Vu qu’on ne progresse pas, je vais me contenter de copier-coller une partie de mon dernier commentaire:
            Vous partez du principe que la communauté scientifique fait l’hypothèse que le changement climatique devrait déjà avoir un effet significatif sur les populations d’ours et que cette hypothèse est invalidée par les observations. Sauf que la communauté scientifique ne dit pas que les populations d’ours polaires sont déjà en train de se réduire ? (La preuve… elle produit des éléments scientifiques qui démontrent l’inverse).
            L’impact à venir n’est même pas une hypothèse, c’est une proposition qui se base sur les éléments scientifiques dont nous disposons par ailleurs (métabolisme de l’ours polaires, le fait qu’ils dépendent de la banquise pour se nourrir, que les proies qu’il peut prendre à terre ne lui fournissent pas assez d’énergie, qu’il doit de plus en plus se déplacer au fur et à mesure que le milieu se réduit, que la banquise se réduit et continuera de le faire… etc). Je vous ai fourni des éléments scientifiques pour essayer de vous faire comprendre les éléments sous-jacents du raisonnement “la disparition progressive de la banquise met en danger l’ours polaire”. Je ne pense pas que vous ayez lu ces études.
            Bon, je crois qu’on tourne en rond alors je vous souhaite une bonne continuation,
            Rodolphe

          3. Si, je crois qu’on a un peu progressé. Je ne dis pas que les spécialistes font du mauvais travail (leurs études sur le terrain sont sûrement très utiles), je dis qu’ils ne délivrent pas le bon message.
            Pourrions-nous au moins nous mettre d’accord sur l’énoncé suivant:
            “Le recul considérable de la banquise ces 40 dernières années n’a pas eu d’impact significatif sur les populations d’ours polaires, sauf peut-être dans quelques régions (2 ou 3?) où les déclins probables, s’ils se confirment, ne seraient pas imputables à d’autres causes (chasse, épidémies…)” ?
            Cette conclusion prudente est, me semble-t-il, celle à laquelle les spécialistes auraient dû aboutir. Mais ce n’est pas du tout ce qu’ils nous disent. Au lieu de se baser sur les observations et d’en tirer les conclusions qui s’imposent, ils continuent à prédire l’extinction de l’espèce pour 2080 ou 2100, sur la foi de modèles qui sont loin d’avoir fait leurs preuves, c’est le moins qu’on puisse dire. Je maintiens qu’en faisant cela ils se livrent à de la pure spéculation. Pire, en ne communiquant que sur ces prédictions douteuses et sur les seules données négatives, ils trompent le public par omission. Avez-vous remarqué qu’un déclin local est immédiatement signalé, médiatisé et mis d’emblée sur le compte du RCA, alors que les augmentations sont passées sous silence? Avez-vous déjà vu une dépêche AFP ou un communiqué de presse disant que les sous-populations X et Y étaient en hausse? Les journalistes adorent les mauvaises nouvelles, mais si on ne leur donne pas les bonnes quand il y en a, on fait de la mésinformation, qui est la petite sœur de la désinformation.
            Et vous de votre côté ce sont Susan Crockford et les sites “climato-dénialistes” que vous mettez sur le banc des accusés. C’est un comble ! Car en l’occurrence, sur ce point précis, ils font plutôt de la réinformation. Si vous avez à cœur de réinformer le public quand des sots racontent des sottises, vous devriez aussi défendre ceux qui rétablissent la vérité sur ce sujet, au lieu de les mettre dans le même sac que les dénialistes (je veux dire les complotistes qui prétendent que les mesures de température sont truquées ou que l’effet de serre est une invention).
            Je vous accorde toutefois que les chercheurs n’avaient pas annoncé un déclin immédiat, du moins pas dans leurs abstracts ou leurs communiqués de presse. Au temps pour moi, un point pour vous ! Mais d’après ce que j’ai lu (corrigerez-moi si je me trompe), certains modèles annonçaient bien un déclin linéaire des populations en fonction de la perte de glace, tandis que d’autres modèles prévoyaient un effet de seuil en deçà d’une certaine superficie critique de banquise. Il paraît clair aujourd’hui que les modèles linéaires sont dans les choux puisque les populations n’ont pas sensiblement décliné malgré la perte considérable de glace sur ces 40 dernières années. En ce qui concerne les modèles à seuil, pour pouvoir les confronter aux observations il faudrait aller chercher dans le corps des articles anciens quelles étaient les valeurs annoncées pour les surfaces critiques (ce que je n’ai pas fait): si les seuils ont été franchis, alors ces modèles aussi sont dans les choux… mais ça reste à vérifier.
            Cordialement

          4. Bonjour,
            Quand je parle de la désinformation, je me base beaucoup sur ce papier https://academic.oup.com/bioscience/article/68/4/281/4644513. Ne croyez pas que c’est un jugement subjectif que j’aurais élaboré tout seul dans un coin.
            Vous dites “Au lieu de se baser sur les observations et d’en tirer les conclusions qui s’imposent, ils continuent à prédire l’extinction de l’espèce pour 2080 ou 2100, sur la foi de modèles qui sont loin d’avoir fait leurs preuves, c’est le moins qu’on puisse dire. Je maintiens qu’en faisant cela ils se livrent à de la pure spéculation.”
            Or je ne crois pas que ça fonctionne ainsi. L’évaluation du risque que représente le changement climatique pour l’ours polaire ne repose pas exclusivement sur des modèles mais est une conséquence des observations. Si on voit qu’un animal est incapable de se nourrir en dehors de son milieu (la banquise), il est raisonnable de postuler qu’il disparaîtra avec celui-ci.
            En fait c’est la conséquence d’une approche scientifique qui tient plus du bayésianisme que de Popper. Appliquer le critère de réfutabilité à cet exemple a une utilité limitée. Si la proposition est “l’ours polaire ne peut pas survivre à la disparition de la banquise”, je dois attendre la disparition totale de la banquise pour conclure… (et si la proposition est vraie, on a raison mais on ne peut plus faire grand chose pour l’ours polaire). Une approche bayésienne serait plutôt, compte tenu des éléments disponibles (physiologie des ours polaires, évolution de ses déplacements, dépendance de sa nutrition à la présence de banquise au printemps… etc), il est très probable qu’ils disparaissent en cas de retrait important de la banquise. Et si les éléments scientifiques qui permettent de supporter ce “jugement bayésien” vous intéresse, j’en avais mis quelques uns dans ma première réponse.
            Si vous n’êtes pas familier avec cette approche de la méthode scientifique (le bayésianisme) je vous recommande le livre d’un collègue vulgarisateur: La Formule du Savoir (Lê Nguyên Hoang). Il y a aussi des vidéos intéressantes sur le sujet (Science4All, Hygiène Mentale… etc). Personnellement ces ressources m’ont permis de pallier un enseignement largement insuffisant dans ma scolarité sur les questions d’épistémologie, esprit critique… etc.
            Bonne journée,
            Rodolphe.

          5. Bonjour

            désolé de découvrir ce fil est la discussion intéressante (pour une fois) un peu tard, mais je voudrais apporter mon soutien à Vincent dont je partage l’avis, ainsi que sur d’autres discours sur le CC qui distordent systématiquement les prévisions dans un sens catastrophiste. Je suis d’accord que Rodolphe ne joue pas le rôle d’analyste objectifs des biais mais participe lui même à ces biais. L’article qu’il cite https://academic.oup.com/bioscience/article/68/4/281/4644513 n’a rien d’un article objectif : il accuse les climatosceptiques d’avoir fait de l’ours blanc une “icone du déni” alors que c’est bien au contraire les mouvements écolos qui en ont fait une icone du RCA, et c’est juste pour rectifier des représentations erronées que des “climatosceptiques” se sont exprimés.. Et il est tout à fait exact de dire que les prévisions du déclin de l’ours blanc AURAIENT DEJA DU se produire vu le rythme de fonte de la banquise plus rapide que celui anticipé dans les années 2000 (qui a cependant ralenti depuis, là encore contrairement aux prévisions catastrophistes d’une disparition entre 2010 et 2020), et que de déclin ne s’est pas produit : les modèles de disparition et de sensibilité à la fonte de la banquise ont bel et bien été invalidés, quoi que Rodolphe en dise.

          6. Merci Archi3 pour votre commentaire. N’en déplaise à Rodolphe, il paraît évident que l’ours polaire comme emblème du péril climatique a pris du plomb dans la fourrure, non pas à cause d’une prétendue désinformation orchestrée par un vaste complot climato-dénialiste ayant à sa tête Suzan Crockford, mais tout simplement parce que l’espèce fait preuve d’un résilience insoupçonnée face à la perte de banquise. Même Rémi Marion le reconnaît… mais son avis n’a sans doute pas plus de poids que celui de Suzan Crockford puisqu’il n’a pas de publis dans des revues à comité de lecture!
            Pour répondre à la dernière intervention de Rodolphe (ci-dessus), je ne crois pas que l’approche bayésienne soit d’un très grand secours pour faire des prédictions fiables dans ce domaine. Et à supposer qu’elle soit pertinente, elle ne dédouane en aucun cas les prévisionnistes de la nécessité de soumettre leurs projections à l’épreuve des faits. En l’occurrence, cela consisterait à décrire comment (d’après leurs modèles) les 19 sous-populations d’ours polaires vont évoluer dans les 10, 15 ou 20 prochaines années, en fonction de diverses hypothèses (par exemple si la perte de banquise se poursuit au rythme actuel, ou si elle se stabilise ici ou là). Au lieu de ça, le PBSG se contente de projections à 60 ou 80 ans, qui n’ont aucun sens en elles-mêmes puisque invérifiables, mais qui sont les seules que retiendront les journalistes et le public.
            Et enfin, pour laisser une petite chance à l’approche bayésienne dans le présent contexte, j’aimerais bien savoir comment font les spécialistes pour intégrer dans leurs calculs bayésiens les stratégies d’adaptation du vivant (tant comportementales que physiologiques), et comment ils expliquent le fait que l’espèce Ursus Maritimus a déjà subi, sans trop de dommages, une déglaciation beaucoup plus sévère que celle de notre époque, puisque l’inlandsis groenlandais a, nous dit-on, perdu plus de la moitié de sa masse actuelle, il y a quelque 120.000 ans.

  3. excellent et très utile article ! Pour compléter, Arte diffuse jusqu’au 23/04/2021, un bon documentaire “La fabrique de l’ignorance” qui explique notamment les manipulations exercées par les climato-sceptiques (mais pas seulement eux). Le documentaire évoque également le heartland institute et ses activités de lobbying à temps plein !
    https://www.arte.tv/fr/videos/091148-000-A/la-fabrique-de-l-ignorance/?fbclid=IwAR2a-leC-2Ofxq57wkDw7ZJeoQEmozlz_Kd4VvfzN6dqgRuGekmbBG413IU

  4. On parle du Heartland Institue dans “la fabrique de l’ignorance” qui est passée sur Arte récemment (et qui est toujours disponible en replay). Ce documentarie explique bien comment se fabrique le doute pour empêcher les changements nécessaires (concernant le tabac et le changement climatique notamment).

  5. Bravo pour cet article clair et percutant ( comme toujours !), il montre bien le gouffre de la désinformation qui se retrouve dans tous les autres domaines de controverse, en particulier actuellement celle sur la gravité du Covid : quand une personne ne se renseigne qu’auprès de sites conspirationistes ou personnalités non scientifiques, elle croit de bonne foi en des abherrations …

  6. Bonjour Bon Pote!
    Vous avez vu le reportage d’Arte “la fabrique de l’ignorance”? Votre article m’y a fait immédiatement penser. On vit une période obscure quand même …

  7. Attention, la banquise n’est pas constituée de « glace salée » : elle provient bien d’eau de mer, mais le sel est expulsé dans l’eau sous-jacente lors du processus.
    Inutile de se faire tacler par des climato-dénialistes en raison d’une coquille…

        1. Ben en fait c’est un peu plus compliqué : La banquise ou “glace de mer” est l’eau de mer qui a gelé, formant une imbrication de cristaux de glace d’eau douce et de gouttelettes d’eau très salée. Ces dernières migrent vers le bas et retournent en mer. En vieillissant, la banquise s’adoucit, d’où le dicton anglais : “seule la glace de mer de trois ans est bonne pour le thé !”. (source https://www.lumni.fr/article/la-banquise)

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